Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’école inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle au lycée, partout et pour tous.
Cette belle ambition fait partie des priorités annoncées par le Président de la République pour le mandat en cours. Les accompagnants d’élèves en situation de handicap sont les pierres angulaires de la bonne intégration des élèves porteurs de handicap, raison d’être de l’école inclusive.
Pourtant, ces accompagnants vivent actuellement dans une situation de grande précarité. Cela n’est pas acceptable.
En moyenne, les AESH perçoivent un salaire moyen de 850 euros par mois, en deçà du seuil de pauvreté. Cette rémunération est évidemment insuffisante pour vivre décemment, et les oblige, parfois, à cumuler d’autres emplois à temps partiel. Le contexte inflationniste accentue la gravité de la situation et nous engage à agir.
Le 20 janvier 2022, la proposition de loi pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui a été votée en première lecture à l’Assemblée nationale. Jeudi dernier, le 1er décembre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également adopté le texte à l’unanimité. Je salue l’approche collégiale et transpartisane dont le Parlement a fait preuve.
L’article 1er ouvre la possibilité de recruter en contrat à durée indéterminée les AESH après trois ans d’exercice, c’est-à-dire à l’issue d’un seul contrat à durée déterminée. Par ce texte, nous déposons une première pierre pour l’amélioration des conditions de travail des accompagnants. Cette avancée est modeste, certes, mais elle va dans le bon sens.
Une contribution du Sénat à la loi visant à combattre le harcèlement scolaire a déjà permis de « CDIser » les assistants d’éducation à la suite de deux CDD.
Pourtant, certains chefs d’établissement refusent encore de mettre en pratique cette avancée sociale, comme le prouvent les remontées de terrain. Le vote de cette proposition de loi réaffirmera, je l’espère, ce dispositif pour endiguer la précarité dont souffrent les assistants d’éducation.
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une revalorisation salariale, mais aussi la création de 4 000 nouveaux postes d’AESH à la rentrée scolaire 2023. L’augmentation des effectifs est une bonne chose, tant les besoins sont en augmentation constante.
À ce jour, 44 % des élèves en situation de handicap ne bénéficient pas d’un accompagnement humain, pourtant essentiel pour les assister dans les pratiques quotidiennes, le travail scolaire et les activités relationnelles. Derrière ce taux abstrait, des milliers de jeunes sont privés de la présence d’un accompagnant à leurs côtés.
Pour autant, ces mesures ne peuvent nous satisfaire tant les enjeux sont immenses en matière d’amélioration des conditions de travail, de développement du recours aux temps plein et de rémunération. La grande disparité des situations observées en fonction des territoires nous interpelle, et souligne l’urgence de l’harmonisation des pratiques.
Enfin, la question de l’accès à la formation est essentielle, tant pour les AESH eux-mêmes que pour les jeunes en situation de handicap nécessitant un accompagnement spécifique.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. Il appelle à ne pas s’arrêter en si bon chemin. Cette proposition de loi doit marquer le lancement d’un débat d’ampleur sur l’accueil des enfants en situation de handicap à l’école. À ce titre, nous serons attentifs aux travaux prévus en amont de la Conférence nationale du handicap, annoncée pour le printemps 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE.)
M. Joël Guerriau. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. La situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap dans notre pays est un scandale absolu. Je le répète : absolu.
Plus de 130 000 femmes, la profession étant féminine à 93 %, exercent une mission indispensable auprès des enfants en situation de handicap. Sans leur travail, ces élèves ne pourraient pas suivre une scolarité comme les autres. Nous parlons donc ici de ce qui relève de l’essentiel, du non négociable, de quelque chose de vital pour notre pacte républicain.
Bien qu’elles œuvrent au service d’une politique indispensable, pour une école ouverte à toutes et tous, ces assistantes sont méprisées par l’État employeur. Comme bon nombre de travailleuses et de travailleurs essentiels, les AESH exercent leur mission dans des conditions indignes. Leur salaire moyen se situe autour de 800 ou 850 euros par mois, bien en dessous de tous les seuils de pauvreté, relatifs ou absolus.
Cette faible rémunération est en grande partie due à une incapacité systémique de ces femmes à travailler à temps plein. L’organisation du travail, notamment parce que les Pial recouvrent des aires trop importantes, ce qui les contraint ces personnels à une mobilité importante, ne permet pas d’atteindre les 35 heures. En moyenne, les AESH passent 24 heures par semaine auprès de leurs élèves. Le reste du temps, elles le passent sur les routes. Seulement 2 % des AESH sont à temps complet – 2 % !
Leur statut, ou plutôt l’absence de statut, est devenu un enjeu de premier ordre. Quelque 80 % des AESH accumulent les CDD, ce qui les plonge dans une grande précarité subie.
Si nous ajoutons à cela une faible formation, souvent une exclusion de l’équipe pédagogique et des incertitudes bureaucratiques pour savoir qui de l’État ou des collectivités doit prendre en charge les temps périscolaires, voilà réunies toutes les conditions pour saper, pour décourager, à petit feu, une profession tout entière.
Ce n’est pas du catastrophisme, car le système actuel des AESH nous montre de premiers signes d’effondrement. On compte dans notre pays deux fois plus d’enfants en situation de handicap ayant besoin d’une aide humaine que d’AESH. Dès lors, ces enfants se retrouvent bien souvent sans solution, à tel point que les familles qui le peuvent ont désormais recours à des AESH privés pour pallier les manques. Cette rupture d’égalité est insupportable, symptomatique de l’urgence de la situation.
Vient ensuite la question des AED. Si leur situation est moins critique que celle des AESH, elle doit aussi nous alerter.
Cette profession était pensée au départ comme une première immersion dans la communauté éducative pour des jeunes qui auraient vocation à se présenter ensuite aux concours de conseiller principal d’éducation (CPE) ou de professeur. Or, à l’heure actuelle, seuls 15 % des AED s’engagent dans cette voie ; moins d’un tiers sont des étudiants. Par conséquent, il s’agit de personnes pour qui être AED devient peu à peu le métier alors que la profession est tout aussi précaire que celle des AESH.
Voilà comment l’on traite à présent le personnel de l’éducation nationale. Dès lors, que faire ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’attaque à un premier problème : le statut. Certes, elle s’y attaque à la marge, mais ce n’est pas la faute de ses auteurs.
Revenons en décembre 2021 : le groupe socialiste, à l’Assemblée nationale, dépose un texte prévoyant le recrutement des AESH en CDI, avec un coefficient de pondération de 1,2 pour reconnaître le temps de préparation. Pour les AED, il est prévu une possibilité de recrutement en CDI, et une obligation de les recruter sous ce type de contrat au bout de six ans ; un taux d’encadrement minimal est également arrêté. Pour les AESH et AED, il est enfin prévu l’accès aux primes accordées aux agents travaillant dans les REP ainsi qu’aux primes REP+.
Le texte qui arrive aujourd’hui devant nous a été largement vidé de sa substance après son passage à l’Assemblée, la faute à une majorité présidentielle, très large à l’époque, qui trouvait que le texte allait trop loin.
Le texte actuel prévoit seulement que les AESH peuvent être recrutés en CDI dès la fin de leur premier contrat de trois ans, et que les AED peuvent être recrutés sous ce même type de contrat au bout de six ans. Toutes les dispositions relatives à l’encadrement et à la pondération sont supprimées. Comble de l’ironie au sujet des AED : l’article ne change strictement rien à la législation. Nous en venons simplement à espérer une confirmation du droit actuel par la ministre en séance… Drôle de façon de légiférer, ou plutôt de ne pas légiférer.
Oui, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte, car nous saluons chaque pas en avant, nous profitons de chaque avancée, si infime soit-elle, pour améliorer le sort des personnels de l’éducation. En revanche, nous regrettons très vivement les manœuvres politiques menées pour le vider de sa substance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial. Nous vivons dans un pays, la France, souvent tenté par la division, accoutumé à la polémique. Pourtant, un sujet fait consensus : le droit fondamental à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap.
Depuis la loi de 2005, adoptée sous l’impulsion de Jacques Chirac, la prise en compte du handicap, sa prise en charge et son accompagnement sont désormais des priorités nationales et des défis pour chacun et chacune d’entre nous.
Depuis 2013, le principe de l’inclusion scolaire pour tous les enfants, sans aucune distinction, figure à l’article 1er du code de l’éducation.
D’énormes progrès ont été faits depuis ces dates. Pourtant, nous sommes encore loin d’être arrivés au bout du chemin.
Cette proposition de loi, déposée sur l’initiative du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation a été adoptée la semaine dernière à l’unanimité par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sans aucune modification.
Elle ne constitue probablement pas une grande avancée, mais elle est un premier pas dans la bonne direction. Elle est aussi un message positif envoyé en direction des AESH, qui travaillent au quotidien dans des conditions difficiles à l’accompagnement des enfants en situation de handicap.
C’est pourquoi les élus du groupe Les Républicains et apparentés voteront en sa faveur, comme, je l’espère, l’ensemble des membres de notre assemblée.
Nous souhaitons aussi que ce texte soit voté conforme, afin qu’il puisse rapidement être mis en œuvre. En effet, la tentation de l’amender, que nous avons tous eue, à un moment ou à un autre, le condamnerait, en vérité, à se perdre dans une nouvelle navette parlementaire, à l’issue lointaine et incertaine.
Je remercie particulièrement notre collègue Marie-Pierre Monier, rapporteure de ce texte, pour le travail et les échanges qui ont été les nôtres lors des auditions auxquelles j’ai eu le plaisir de participer. Elles nous ont permis d’approfondir le sujet, en allant bien au-delà du texte qui nous rassemble aujourd’hui.
Par ailleurs, j’aurai l’honneur dans les prochaines semaines de prolonger ce travail au sein d’une mission spécifique que je mènerai au nom de la commission de la culture. Je remercie donc au passage le président Laurent Lafon et mon collègue Max Brisson pour leur confiance.
Notre pays compte actuellement 430 000 enfants scolarisés reconnus en situation de handicap. Ce chiffre a quadruplé durant les vingt dernières années. Ils représentent environ 3,5 % de l’ensemble des effectifs scolaires, soit, en moyenne, un enfant par classe.
Le ministère de l’éducation nationale emploie 130 000 AESH, faisant d’eux, après les enseignants, le deuxième métier le plus important relevant ce ministère. J’utilise le mot « métier » à dessein, car il est grand temps, justement, de faire de ces missions d’AESH un véritable métier.
Il est temps de passer d’une logique purement quantitative à une approche plus qualitative. Il est temps, madame la ministre, de mettre enfin de la justice, de l’ordre et de l’organisation dans l’accompagnement des enfants et des adolescents concernés.
N’oublions pas que, au cœur de ce débat, l’objectif visé est la réussite de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Pour cela, l’aide humaine est essentielle et nécessaire.
Néanmoins, elle ne doit pas être l’unique réponse pour garantir l’inclusivité de l’école. D’autres solutions et moyens supplémentaires sont nécessaires pour que l’environnement pédagogique permette cette inclusion scolaire : adapter le matériel pédagogique, les espaces d’enseignement, mais aussi la pédagogie elle-même, améliorer la formation des enseignants.
De plus, mon collègue Philippe Mouiller l’a rappelé, le lien avec le secteur médico-social est incontournable. Il constitue probablement une condition sine qua non de la réussite de cet accompagnement dans les années futures.
Au sujet de l’accompagnement humain, il n’est pas concevable de poursuivre dans la voie actuelle, avec un système complexe, flou, sans véritable cadre national pour le recrutement des agents ou l’affectation auprès des enfants. La différenciation est trop faible pour adapter les agents à l’accompagnement collectif ou individualisé nécessaire au suivi de chaque enfant.
Nous ne pouvons poursuivre avec un système qui s’appuie sur des agents désormais très nombreux, mais qui sont insuffisamment accompagnés pour se professionnaliser et être mieux formés. Ils se retrouvent, dans une énorme proportion, enfermés dans une situation de précarité indigne de l’État.
L’accélération de la « CDIsation » permettra de donner un peu plus de stabilité et d’accorder un début de reconnaissance. Il reste encore de nombreuses autres questions en suspens, particulièrement depuis que le Conseil d’État – à la demande du ministère de l’éducation nationale, rappelons-le – a scindé l’organisation du temps scolaire et du temps périscolaire entre l’État et les collectivités, revenant sur la règle, qui semblait acquise jusqu’ici, selon laquelle tout ce qui concourt à l’inclusion scolaire est de la compétence de l’État. Cette décision a été lourde de conséquences, pour les collectivités comme pour les AESH.
Du reste, j’ai appris ce matin fort opportunément par le ministre de l’éducation nationale qu’une circulaire allait, dans les tout prochains jours, être signée afin de permettre la prise en charge des AESH par un employeur unique ; ils bénéficieront ainsi d’un seul contrat. Plusieurs problèmes seront ainsi réglés.
Les collectivités attendent fortement cette décision. Nous étions nombreux à espérer cette avancée. Toutefois, il est nécessaire, à présent, de mettre sur le métier la réforme de la professionnalisation des AESH. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Toine Bourrat applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 917-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également être » sont remplacés par les mots : « sont également » ;
3° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret définit les conditions dans lesquelles, lorsque l’État conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant trois à six ans en qualité d’accompagnant des élèves en situation de handicap en vue de poursuivre ses missions, le contrat peut être à durée indéterminée. » ;
4° (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.
Mme Françoise Gatel. Je salue cette initiative : le sujet est important, et même essentiel. À cet égard, je remercie le président Laurent Lafon et Max Brisson, ainsi que Cédric Vial, d’avoir accepté cette mission qui vient d’être à l’instant évoquée.
Je reviens sur la réflexion menée à l’occasion de la discussion de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, au sujet de l’efficacité de l’action publique. De fait, le sujet dont nous parlons relève d’une chaîne de décisions dont la mise en œuvre est inopérante.
La décision d’accompagnement d’un enfant handicapé relève – je le rappelle – de la MDPH. Cette dernière la signifie à l’éducation nationale, qui, à tout moment de l’année, sollicite des crédits auprès de l’agence régionale de santé (ARS) compétente. Pourtant, les communes se retrouvent dans un vide sidéral, car elles ne disposent pas des ressources pour payer les AESH, pour des raisons diverses et variées.
Il faut améliorer l’organisation du système, professionnaliser et sécuriser tant ces assistants remarquables que les enseignants, afin de rendre la profession plus attractive. Ces mesures le permettent.
Toutefois, j’aimerais que l’on poursuive la réflexion en envisageant un transfert de compétences – sous réserve, naturellement, du volontariat et d’un transfert de moyens – aux seuls départements, à titre expérimental, afin de créer des services mutualisés mis à disposition de l’éducation nationale et des communes.
Chacun d’entre nous connaît la situation des communes éloignées des villes qui sont contraintes de trouver pour l’heure du déjeuner, c’est-à-dire une heure et demie, des AESH afin d’accompagner les enfants. Cela ne relève même pas du miracle, c’est simplement impossible !
Je vous remercie à nouveau, monsieur le président Lafon, d’avoir ouvert la réflexion ; nous creusons des pistes de notre côté. Nous continuerons en ce sens dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation que le président Larcher a réuni.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.
M. Daniel Salmon. Je salue également cette proposition de loi, mais je voudrais faire un pas de côté. Depuis des années, on constate une explosion du nombre de dossiers déposés sur le bureau des MDPH, mais aussi une explosion des cas de troubles du comportement et de l’apprentissage.
Les études s’empilent. Les responsabilités sont plurielles, mais deux responsables ressortent particulièrement parmi tous ceux que nous connaissons : d’une part, le temps passé devant les écrans, d’autre part, les perturbateurs endocriniens.
Si nous ne traitons pas de cette explosion des cas, nous ne nous en sortirons pas. Certes, nous cherchons actuellement à équilibrer le budget, car tout cela a un coût, mais je propose que les responsables de ces perturbations soient également les payeurs. Instaurons des taxes sur ces causes d’altération de la santé mentale de nos enfants.
La situation actuelle relève de la maltraitance envers les AESH, les AED, les enfants et les parents, laquelle est palpable. Il faut en sortir, et, pour cela, il va falloir un budget important, mais aussi traiter le problème à la source. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.
M. Philippe Mouiller. Je reviens brièvement sur le propos de M. Salmon. Sans m’attarder sur ses motivations, je relèverai seulement un détail : si, au cours de nos débats au Sénat, nous considérons le handicap comme la conséquence d’autre chose, une maladie, alors, dans ce cas, il faudra tout revoir et tout refaire !
Je tenais à le préciser. Le handicap peut résulter d’une maladie, mais il relève avant tout de situations données. L’inclusion, c’est l’intégration de cette différence et non pas celle d’une simple maladie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme de La Provôté, MM. Hingray, Kern, Laugier et Levi et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret précise les conditions dans lesquelles les accompagnants des élèves en situation de handicap, recrutés sur contrat à durée indéterminée, bénéficient d’une formation continue répondant aux objectifs fixés dans le cahier des charges national susmentionné.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. J’ai évoqué cet amendement d’appel, comme d’autres intervenants, au cours de la discussion générale.
Il tend à insister sur la formation, qu’elle soit initiale ou continue. À ce titre, nous avons constaté au cours de nos auditions, tout comme vous, madame la rapporteure, que certains départements sont exemplaires, quand d’autres mettent en œuvre une formation à géométrie très variable.
La « CDIsation » est importante ; c’est même un pas essentiel, nous l’avons tous reconnu, vers la reconnaissance de ce métier. Néanmoins, à long terme, nous ne pouvons concevoir cette « CDIsation » sans une formation solide, obligatoire et efficace, qu’elle soit initiale ou continue. La « CDIsation » ne fera pas tout en matière de reconnaissance de ce métier essentiel.
Monsieur le président Lafon, nous avons discuté en commission. Je connais la position de la rapporteure sur l’amendement. Nous partageons le même constat ; nous sommes tous d’accord pour faire le premier pas vers les AESH, mais il n’est pas suffisant.
Madame la ministre, j’attends de savoir ce que sera l’acte II : qu’allez-vous proposer à la suite de ce texte ? Comme le disait Céline Brulin au cours de la discussion générale, tous les amendements au projet de loi de finances qui apportaient des améliorations pour les AESH ont été balayés d’un revers de main. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure. À partir du moment où l’on « CDIse », il est vrai qu’une formation est nécessaire. Au cours de nos auditions, nous nous sommes rendu compte que, d’un département à l’autre, les formations mises en place n’étaient pas les mêmes ; je le confirme.
Néanmoins, cette nécessité de formation est déjà inscrite dans la loi. Le bénéfice d’actions de formation continue est formulé dans l’article L. 917-1 du code de l’éducation.
Le problème n’est pas tant l’absence de règles de niveau législatif que les difficultés qu’on rencontre pour les appliquer sur le terrain. Il revient aux services académiques de veiller à l’effectivité de l’accès des AESH à la formation continue, en particulier aux modules de formation spécifiques à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, prévus dans les plans académiques et départementaux de formation.
Cet amendement, madame la ministre, est pour ses auteurs l’occasion de mettre en garde sur la nécessité de garantir véritablement l’efficacité des formations.
Néanmoins, ma chère collègue, je vous demanderai le retrait de cet amendement. Le cas échéant, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous remercier de la richesse de notre débat, qui a montré que nous étions unanimes à considérer les AESH comme des personnels précieux.
Nous devons donc conforter leur statut – il doit leur permettre d’accomplir plus sereinement leurs missions – et renforcer l’attractivité de leur métier qui est si important pour que les enfants en situation de handicap accèdent à l’autonomie.
Je veux aussi vous confirmer que nous avons lancé la préparation de la conférence nationale du handicap et que des groupes de travail se réunissent, y compris au sein du ministère de l’éducation nationale, notamment pour amorcer le deuxième acte de l’école inclusive.
Des parlementaires participent à ces groupes de travail et je les encourage à vous transmettre des informations au sujet de nos réunions.
Nous sommes pleinement mobilisés pour rapprocher le médico-social de l’éducation nationale ; je crois que c’est un élément important pour nous faire avancer sur la voie de l’école inclusive.
Nous avons déjà bien avancé et nous pouvons nous réjouir du fait que 2,5 fois plus d’enfants en situation de handicap entrent aujourd’hui dans le secondaire, ce qui montre que les élèves qui entrent en primaire poursuivent leur scolarité. D’ailleurs, le nombre de ces enfants qui passent le brevet des collèges et le baccalauréat augmente de manière importante.
Par conséquent, il me semble que l’école inclusive est déjà une réussite, même si elle reste imparfaite et que nous devons poursuivre nos efforts inlassablement. Pour nous améliorer encore, nous devrons peut-être avoir une organisation différente.
Avant de répondre plus directement à Mme Billon, je le redis, nous sommes très mobilisés et nous avons besoin de vous pour faire progresser l’école inclusive.
En ce qui concerne la question de la formation soulevée par cet amendement, c’est évidemment un sujet essentiel tant pour les AESH que pour les enseignants et l’ensemble des agents qui travaillent dans les écoles, y compris les agents des collectivités locales. Chacun doit être sensibilisé au handicap et à la façon de se comporter avec ces enfants et de prendre en charge les différentes situations qui peuvent se présenter.
Les AESH bénéficient de soixante heures de formation au moment de leur prise de poste et le code de l’éducation prévoit qu’ils peuvent suivre des formations continues – Mme la rapporteure en a parlé.
Il est très important que ces agents soient formés – je pense à la formation initiale comme à la formation continue. L’accès à cette dernière doit être renforcé et effectif et celle-ci doit avoir lieu au bon moment. Nous aurions aussi intérêt à ce que certaines de ces formations se fassent en commun avec les enseignants pour améliorer l’intégration des AESH dans les équipes éducatives.
Vous le voyez, je partage les préoccupations qui ont été évoquées. Sachez que le ministère de l’éducation nationale travaille sur ce sujet.
Pour autant, je demande le retrait de cet amendement, parce que les mesures en vigueur permettent déjà de préparer les AESH à leur entrée dans le métier et de développer ensuite leurs compétences. Cela est clairement inscrit dans le code de l’éducation.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Le sujet de la formation est évidemment important ; nous en avons tous conscience.
Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur trois points et je souhaiterais que vous en fassiez part au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Tout d’abord, la formation des enseignants doit changer d’échelle, puisqu’en raison de la massification de l’inclusion ils seront tous confrontés à un moment ou à un autre à la présence d’enfants en situation de handicap.
Ensuite, alors que les collectivités locales sont elles-mêmes dans l’obligation d’embaucher du personnel pour accompagner ces enfants, les agents concernés des collectivités doivent eux aussi bénéficier de formations. Aujourd’hui, la fonction publique territoriale ne prévoit pas de statut pour ces agents – on les recrute en fait comme adjoints techniques ou adjoints d’animation – et il faut que les formations organisées par l’éducation nationale leur soient ouvertes. Certains rectorats le font, mais pas tous. Surtout, les élus et les agents ne reçoivent pas vraiment d’informations à ce sujet ; ils ne sont donc pas au courant.
Enfin, la formation à la prise de poste reste très variable selon les endroits et elle arrive souvent trop tardivement, puisqu’elle doit simplement être dispensée durant la première année.