M. Bernard Delcros. Le rapporteur spécial Charles Guené l’a rappelé, le débat porte non sur le montant global de la DSR, mais sur la répartition des fractions « péréquation » et « cible », la fraction « bourg-centre », précédemment évoquée, n’étant pas du tout concernée.
Actuellement, la répartition de ces deux fractions repose sur quatre critères, dont la longueur de voirie, qui est loin d’être prépondérante puisqu’elle ne représente que 30 %, c’est-à-dire moins d’un tiers.
Ce qui est proposé dans ce projet de budget consiste à supprimer ce critère et à le remplacer par un critère composite, reposant sur la densité et la superficie des communes, pondérées de la population.
Or le système actuel intègre déjà, à côté de la longueur de la voirie, le critère de la population : renforcer ce critère dans la répartition de la DSR procède, me semble-t-il, d’une méconnaissance de la réalité des territoires. La longueur de la voirie fait partie des caractéristiques essentielles des communes, elle représente un poids important dans leurs charges générales.
Dans les communes rurales ayant une très faible densité de population, il y a souvent beaucoup de superficie et de longueur de voirie. Ce sujet a été évoqué ce matin, quand nous avons examiné un amendement tendant à créer un fonds spécifique pour la voirie. C’est un sujet important et les petites communes ont beaucoup de mal à assumer les coûts d’entretien et de rénovation de leur voirie.
Je défends donc l’idée selon laquelle maintenir le critère de la longueur de la voirie, à hauteur de 30 % seulement, je le rappelle, est le minimum que l’on puisse faire pour tenir compte de la réalité vécue par les communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Christian Bilhac et Franck Menonville applaudissent également.)
M. André Reichardt. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° II-472 rectifié bis.
M. Patrice Joly. Mes propos iront dans le sens de l’intervention de Bernard Delcros.
Intégrer un critère de densité, donc de population, revient forcément à favoriser les communes les plus denses, donc les plus urbaines ; c’est une évidence.
Du reste, les simulations le démontrent puisque, globalement, les communes de moins de 1 000 habitants sont perdantes, en particulier les communes de 500 à 1 000 habitants, qui perdent à la fois de la fraction « cible » et de la fraction « péréquation ». Quant aux communes de moins de 500 habitants, ce qu’elles perdent en fraction « péréquation » est à peine compensé par ce qu’elles gagnent en fraction « cible ».
Ainsi, il y a une perte globale, liée au fait que l’on ne prend pas en compte les charges liées à la superficie, que le critère de la longueur de voirie, qui correspond à de réelles charges, permettait d’appréhender. Cela va à l’encontre des objectifs de la DSR, qui étaient de renforcer la péréquation, de permettre aux collectivités de disposer des moyens nécessaires pour faire face à leurs charges et de garantir que la population est traitée équitablement.
Les échanges que nous avons eus ce matin démontrent qu’il existe un réel besoin de réforme de ces dotations et de rénovation d’un certain nombre de critères, afin d’avoir un système non seulement équitable mais également lisible, car on commence à s’y perdre.
En outre, les simulations présentées indiquent que les collectivités de moins de 1 000 habitants perdraient à l’instauration du nouveau système, mais elles sous-estiment la perte subie, parce qu’elles prennent en compte l’accroissement global, en 2023, de la DSR. En général, quand on fait des simulations, on les fait à périmètre constant…
Cela dit, malgré ce choix de présentation, les collectivités de moins de 1 000 habitants perdent tout de même de la DSR.
D’où cet amendement de suppression de l’alinéa 13 de l’article 45.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° II-475 rectifié ter.
M. Rémy Pointereau. Il s’agit de réparer une erreur que le CFL a commise quand il a conçu le nouveau mode de calcul de la DSR, en supprimant le critère de la longueur de voirie.
Ce comité a en effet adopté, à l’unanimité, semble-t-il, mais sans les maires ruraux,…
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Ils étaient invités, mais ils ne sont pas venus !
M. Rémy Pointereau. … la suppression du critère de la longueur de voirie, que les maires ruraux souhaitent conserver, car toutes les communes n’ont pas transféré la gestion de leur voirie aux intercommunalités. Bien souvent, en effet, la voirie représente le principal poste d’investissement des budgets de nos communes rurales.
Il a été évoqué le critère de la superficie. Pour ma part, je connais des communes étendues, mais qui sont uniquement traversées par des routes départementales, donc qui n’ont pas à prendre en charge d’importants travaux de voirie ; j’en connais également qui sont moins vastes, mais qui ont 25 ou 30 kilomètres de voirie à entretenir. La DSR est précisément un moyen de financer une part de la gestion de la voirie.
Je souhaite donc que l’on supprime l’alinéa 13 de cet article, afin de rétablir le critère de la longueur de la voirie.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° II-724 rectifié bis.
M. Christian Bilhac. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les orateurs précédents.
Néanmoins, quelque chose me surprend : cette dotation a vocation à compenser des charges, non à accroître les recettes. Or la superficie d’une commune est, via le foncier, source de recettes !
Quelles sont les trois principales charges d’une commune rurale ?
La première est le patrimoine : souvent, ces communes sont issues de la fusion d’anciennes paroisses et comptent 5, 6 voire 7 ou 8 chapelles ou églises, et 4, 5 ou 6 cimetières à entretenir. La deuxième charge est l’eau et l’assainissement, avec 7, 8, voire 10 captages et des traitements d’épuration, même si ce domaine a vocation à être pris en charge par les intercommunalités. Et le troisième poste important des communes rurales réside dans la voirie, critère que l’on entend supprimer par ce texte.
Monsieur le rapporteur spécial, nous avons siégé côte à côte au Comité des finances locales. Je connais bien et je respecte cette institution, mais je rappelle que, sur 32 membres, il n’y a que 2 représentants des communes de moins de 2 000 habitants…
M. André Reichardt. Absolument !
Mme la présidente. L’amendement n° II-74 rectifié, présenté par Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2334-22 – La dotation de solidarité rurale est attribuée à chaque commune selon les modalités de calcul suivantes :
« DGFPFI = POPDGF x {1 + (PFI – Pfi) / PFI)} x VP
« Le PFI désigne ici le potentiel financier global.
« Le Pfi désigne ici le potentiel financier de la commune.
« VP désigne ici la valeur du point.
« Pour 20 % de son montant, proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal, la dotation est calculée comme suit :
« DGFSurf = SURF x {2 + LOG (POP/500)}
« SURF désigne ici la superficie de la commune.
« POP désigne ici le maximum de la population à retenir soit 500 habitants. » ;
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Les fractions « cible » et « péréquation » de la dotation forfaitaire des communes sont très importantes pour financer le fonctionnement des services de nos communes rurales, qui ont peu de revenus et des bases d’imposition faibles.
Le Comité des finances locales a proposé de supprimer le critère de la longueur de la voirie, qui déterminait le montant de ces fractions de DSR selon un coefficient de 30 %, et de le remplacer par un critère fondé sur la surface, la population et la densité de la commune, relativement à sa catégorie.
Cette proposition présente deux inconvénients majeurs ; on les a exposés, je n’y reviens pas.
Afin de corriger ces défauts, le présent amendement, élaboré en collaboration avec l’Association des maires ruraux de France, tend à proposer une nouvelle rédaction de l’article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales, en remplaçant la formule actuelle de calcul de la DSR, fondée sur trois critères.
La DSR serait ainsi répartie, en fonction d’un coefficient de 20 %, selon la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal. On évoque la charge de centralité, mais la charge de ruralité existe aussi, il faut la prendre en compte !
C’est pourquoi le présent amendement vise à rétablir, je l’ai indiqué, le critère de la longueur de voirie en le pondérant à 20 % du montant de la DSR. Le montant de cette dotation serait également déterminé, à hauteur de 20 %, en fonction de la part superficielle notée. En outre, toute référence à la densité serait supprimée et l’importance de la croissance de la population serait modérée. Enfin serait supprimée la troisième composante superficielle de la DSR, liée à l’écart entre le potentiel financier par hectare de la commune et le potentiel financier moyen par hectare des communes de moins de 10 000 habitants.
Mme la présidente. L’amendement n° II-634 rectifié, présenté par MM. Marie, Raynal, Féraud et Sueur, Mme Artigalas, MM. P. Joly, Redon-Sarrazy et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Leconte, Mme Lubin, M. J. Bigot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
5° L’article L. 2334-22 est ainsi modifié :
a) Aux 1°, 2° et 3°, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;
b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Pour 15 % de son montant, en fonction de l’écart entre la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de moins de 10 000 habitants. » ;
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Le présent amendement vise à intégrer un critère fondé sur le taux de logements sociaux dans le calcul de la fraction « péréquation » de la DSR, en cohérence avec l’amendement n° II-633, qui, lui, portera sur la fraction « bourg-centre ».
Notre pays connaît un important déficit de logements sociaux et la crise économique et sociale engendrée par l’épidémie de covid-19 entraînera un besoin plus important de logements abordables pour nos concitoyens. Par conséquent, il paraît pertinent de récompenser les communes rurales qui prennent leur part de la solidarité nationale en accueillant de tels logements.
Ce critère, fondé sur le taux de logements sociaux au regard du taux moyen de logements sociaux des communes de moins de 10 000 habitants, serait pondéré à 15 % et ce coefficient pourrait être minoré ou majoré de cinq points, comme pour les autres critères.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. J’ai indiqué en préambule que je demanderais le retrait de tous ces amendements. Je souhaite simplement réagir à ce qui a été avancé à l’appui de leur présentation.
Il n’y a eu aucun coup de force du CFL, je tiens à le dire avec fermeté. Ce dossier a été présenté à plusieurs reprises et avec des simulations. En outre, je peux le dire car je siège à ce comité, les maires ruraux ont été invités ; simplement, ils n’ont pas souhaité répondre favorablement à cette invitation ; le CFL ne peut en être tenu pour responsable.
Sur le fond, le remplacement du critère de la longueur de voirie par d’autres critères est principalement lié au fait que les communes ayant transféré la gestion de leur voirie, notamment au sein des métropoles, sont pénalisées par le système actuel. Il fallait donc trouver une solution. Le critère qui y a été substitué, fondé sur la superficie et la densité, est bien plus adapté pour appréhender, non les charges de voirie, car il ne s’agit pas de cela, mais les charges de la ruralité…
Mme Françoise Gatel. Ah !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. La superficie, combinée avec la densité et pondérée par la population, permet de refléter au mieux cette notion de charge de ruralité. C’est pourquoi le CFL a retenu ce critère.
Du reste, les communes de montagne continuent de bénéficier d’une majoration, d’un facteur 2, de la superficie. (Mme Françoise Gatel s’exclame.)
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Et c’est normal, ce n’est pas un cadeau !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Mais il faut le rappeler.
Cela ne s’est donc pas fait à l’aveugle. Les simulations ont appréhendé toutes les dimensions du problème.
C’est la raison pour laquelle le système de répartition proposé nous paraît le plus adéquat.
Cela étant dit, nous le savons, nous touchons là un aspect symbolique. (Protestations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mmes Françoise Gatel et Anne-Catherine Loisier. Non !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Écoutez, mes chers collègues, si les charges de la ruralité se limitaient aux charges de la voirie, cela se saurait !
La question est de savoir si la voirie résume l’ensemble des charges de la ruralité. Une réforme globale de la fiscalité locale et de la dotation globale de fonctionnement s’imposerait, pour rendre cette dotation plus contemporaine. C’est là-dessus que nous devrions concentrer notre travail.
La réforme proposée est peut-être incomplète, mais il fallait reconcevoir le système.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vais sans doute revenir sur ce que vient de dire M. le rapporteur spécial, mais je vais synthétiser.
La réforme que nous proposons au travers du PLF fait suite, vous l’aurez compris, à une délibération du CFL. Le Gouvernement respecte la décision de cette instance.
Mmes Françoise Gatel et Anne-Catherine Loisier. Mais non, rien ne vous y oblige !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Par ailleurs, le critère de la longueur de voirie ne pouvait pas être maintenu : le transfert de la gestion de la voirie étant obligatoire pour 1 500 communes, il était indispensable de le remplacer.
Ensuite, le nouveau critère de « spatialité », qui reprend une notion défendue par les rapporteurs spéciaux Charles Guené et Claude Raynal, dont je salue le travail, me semble plus moderne. (Murmures sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC.) On peut tout à fait ne pas être d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs. Ainsi, à population équivalente, une commune dont la superficie est plus grande sera plus aidée.
Je rappelle pour finir que la DGF augmente de 200 millions d’euros au titre de la DSR et que 95 % des communes percevront en 2023 une DGF stable ou en hausse. Il fallait le faire cette année, en raison de la contrainte évoquée, qui empêchait le maintien du critère de la longueur de voirie.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous signale simplement que plusieurs d’entre vous ont d’ores et déjà indiqué qu’ils souhaitaient expliquer leur vote sur ces amendements. Or, pour l’instant, en une heure et dix minutes, nous n’avons examiné que dix amendements.
Aussi, j’invite chacun des orateurs à condenser son propos. Cela peut être de nature à nous éviter de siéger samedi…
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Je souhaite en premier lieu m’exprimer en tant que président de la commission des finances.
Mes chers collègues, ne nous affolons pas, nous savons que le thème des collectivités locales est très important pour la Haute Assemblée. Aussi, il faut prévoir dès à présent, je pense, de nous retrouver samedi matin pour achever tranquillement l’examen de cette mission.
Mme Cécile Cukierman. Une menace !
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Mais non, pas du tout ! Je sais être menaçant quand il le faut, mais, en l’occurrence, je pense qu’il n’y a aucune chance que nous ayons terminé l’examen de cette mission d’ici à vingt heures. Par conséquent, inutile d’essayer d’entrer à toute force dans un temps de toute façon trop contraint. Je sais la passion de tous pour ce sujet. Ce serait un miracle si la présidence parvenait à nous faire respecter le temps prévu. Pour ma part, je n’y crois pas beaucoup, donc préparons-nous à l’idée de siéger samedi prochain. Ce n’est, je le répète, nullement une menace ; nous aurons d’ailleurs beaucoup de plaisir à nous retrouver pour poursuivre notre débat. (Sourires.)
Du reste, je vous rassure, il ne sera pas question de demander une seconde délibération pour voter sur des articles déjà mis aux voix… (Nouveaux sourires.)
En second lieu, je veux réagir sur le fond du sujet en tant que rapporteur spécial.
L’étude de cette question a été largement anticipée, non pas par moi, mais par mon collègue Guené, qui m’a fait partager un certain nombre d’idées sur la spatialité.
Il me semble illusoire – nous en faisons là l’expérience en grandeur nature – de prétendre orienter le vote des uns et des autres sur cette question. Nous n’arriverons pas à convaincre le Sénat, qui semble unanime contre nous, de voter dans le sens de la commission ni à convaincre les auteurs de retirer leur amendement. Nous savons analyser des amendements et, quand ils émanent d’un très grand nombre de cosignataires, nous savons quelles conclusions en tirer. Mon intervention ne vise donc pas à convaincre.
Si je prends la parole, c’est pour rappeler que, chaque fois que l’on modifie le moindre bout d’un dispositif, tous ceux qui sont affectés par cette modification se signalent immédiatement pour demander le retour au statu quo ante. C’est un simple constat.
L’Association des maires ruraux de France, pour ne pas la nommer, a été conviée aux travaux du CFL ; elle a choisi de ne pas y prendre part et, maintenant, elle est mécontente de l’accord. C’est un autre constat, qu’il faut souligner. Il est difficile de fonctionner ainsi : si l’on ne peut pas avoir des débats préliminaires pour dégager des solutions, le processus est plus compliqué.
En tout état de cause, je vous le dis d’emblée, dès que le Sénat se sera prononcé sur cette réforme, vous serez contactés par les maires qui en auraient bénéficié : ils vous demanderont des comptes sur cette décision et ils vous reprocheront d’être revenus sur l’accord obtenu préalablement au sein du CFL. (Mme Anne-Catherine Loisier proteste.)
Bref, personne ne sortira gagnant de cette affaire.
La commission maintient donc son avis défavorable sur ces amendements, mais elle ne s’attardera pas pour savoir à quelle vitesse elle sera mise en minorité…
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Pour ma part, j’ai cosigné l’un de ces amendements et, je vous le dis tout de suite, je le voterai.
Ce qui m’inquiète, c’est ce qui motive les avis défavorables de la commission et du Gouvernement. Monsieur le rapporteur spécial, madame la ministre, vous avez justifié votre avis en arguant que c’était le CFL qui avait proposé ce nouveau dispositif.
M. André Reichardt. Vous me permettrez de considérer que les avis de ce comité ne sont pas parole d’évangile ; nous avons le droit de voter dans un sens différent, surtout lorsque l’on sait les raisons qui ont conduit à cette proposition de réforme. Il s’agit en effet, si j’ai bien compris, de corriger les distorsions liées au critère de la longueur de la voirie.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Pas seulement !
M. André Reichardt. Mais quelles sont ces distorsions ? Si j’ai bien compris les propos de M. le rapporteur spécial, ces distorsions toucheraient essentiellement les communes qui ont transféré la gestion de leur voirie à une métropole.
Permettez-moi donc de demander si tout cela est bien lié à la ruralité. Où sont les communes rurales ? (MM. Jean Bacci et Pierre Louault applaudissent.) Pourquoi ne tient-on pas davantage compte des communes rurales ? C’est pourtant bien l’objet de la DSR !
On nous a également indiqué que la DSR n’avait pas pour objectif de financer l’entretien de la voirie. Bien sûr, pas seulement ! Mais, quand on a présidé aux destinées d’une commune rurale, on sait à quel point la voirie est importante. Cela a déjà été souligné lors de nos débats de ce matin, au cours desquels Stéphane Sautarel a malheureusement retiré son amendement n° II-449 rectifié, qui visait à créer un fonds destiné aux travaux de voirie communale ; j’aurais voté pour cet amendement.
Cela étant dit, je le sais bien, quel que soit notre vote, ce texte fera ensuite l’objet d’un 49.3 à l’Assemblée nationale, il est donc inutile de discuter cent sept ans. Néanmoins, madame la ministre, il faut réfléchir au moyen de prendre en compte le critère de la longueur de la voirie, d’une façon ou d’une autre, que cela passe par un fonds spécial ou non. C’est fondamental ! Les communes rurales en ont besoin.
Aussi, indépendamment de notre vote, il faudra, madame la ministre, que vous fassiez droit à cette demande légitime des communes rurales de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. Jean Bacci. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. J’ai retiré avant la séance un amendement similaire aux amendements en discussion commune, afin de renforcer le poids de ceux-ci, ce qui m’a en outre permis de vous épargner une prise de parole de deux minutes, mais je soutiens bien évidemment la démarche des auteurs de ces amendements. J’espère que le débat permettra d’avancer sur ce sujet.
La voirie représente bel et bien un poste majeur de dépense pour ce qui concerne les charges de la ruralité, il est inutile de le rappeler. J’espère que l’amendement que j’ai retiré, avec force réserves, ce matin permettra d’engager une démarche constructive afin que nous puissions concevoir en 2023 une réponse adaptée, via la création d’un fonds spécifique consacré au financement de la voirie des communes rurales.
Tout ce qui touche à la spatialité présente un certain intérêt, mais me semble lié à une problématique plus de ressources que de charges. Ainsi, examiner la richesse à l’échelle spatiale afin de corriger certains écarts de charges sans lien avec l’importance de la population peut présenter un intérêt, mais, quand on veut corriger des écarts de charges, la voirie s’impose, en tant que deuxième ou troisième poste de charges d’une collectivité.
Je soutiens donc ces amendements. Il serait dommageable de revenir sur le critère de la longueur de la voirie, car cela entraînerait un transfert important de dotation aux dépens de la ruralité profonde, de l’hyper-ruralité, de la vraie ruralité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je veux vous rafraîchir la mémoire, mes chers collègues.
Nous sommes en août 2018 ; un pont s’écroule en Italie, entraînant plusieurs dizaines de morts.
À la suite de cet accident, à la fin du mois de septembre suivant, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat constitue une mission d’enquête sur les ouvrages d’art en France.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Jean-Pierre Corbisez. Certains d’entre nous ici présents en faisaient partie. Or quelles ont été les conséquences de cette mission ? On a mis les maires ruraux au pied du mur, en leur disant que les ouvrages d’art situés sur le territoire de leur commune relevaient de leur responsabilité. Nous sommes quelque peu responsables de cette situation, mes chers collègues.
Et maintenant, on retirerait le critère voirie de la DSR ? Mais on marche sur la tête ! (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je commencerai par une observation de forme : madame la ministre, j’ai cru vous entendre parler d’une « décision » du Comité des finances locales. Ce comité rend, je vous le rappelle, des avis. Les décisions se prennent ici. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Deuxième observation : on parle de ruralité, mais une des caractéristiques de la ruralité réside dans le rapport particulier qui existe entre le nombre d’habitants et le nombre de kilomètres de voirie des communes. Si vous supprimez le critère fondé sur la voirie, nous aurons du mal à nous entendre les uns les autres.
Enfin, troisième observation : les finances locales sont actuellement terriblement chamboulées. Croyez-vous donc vraiment que le moment soit bien choisi, même si cela peut vous paraître assez accessoire, pour conduire une réforme qui, quoique vous disiez le contraire, n’est pas une réforme technique ? M. le rapporteur spécial a parlé d’une réforme symbolique ; moi, je crois que le symbole a aussi son importance.
Ce n’est donc pas le moment de chambouler les critères de répartition de la DSR. Laissez les maires tranquilles, ils aspirent à respirer un peu. Réglementez un peu moins leur action et aidez-les un peu plus… (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Duplomb. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. Avant toute chose, je dois confesser quelque chose : Digoin n’est pas une commune rurale, donc je ne siège pas au conseil municipal d’une commune rurale.
En revanche, j’ai présidé la communauté de communes Le Grand Charolais. Lorsque nous avons élaboré notre pacte communautaire, nous avons immédiatement tenu à intégrer la voirie parmi les compétences communautaires, parce qu’il s’agit d’une compétence essentielle pour les communes, en particulier rurales.
Pour ma part, quand je repense, d’une part, à la discussion que nous avons eue ce matin à propos de l’amendement n° II-449 rectifié de notre collègue Sautarel, visant à créer un fonds spécial pour la voirie réservé aux communes de moins de 500 habitants, et, d’autre part, aux réflexions de ma communauté de communes, je peux comprendre les arguments des rapporteurs spéciaux en faveur d’une telle évolution.
C’est vrai, la voirie communale n’est pas forcément gérée par les communes, elle peut l’être par l’intercommunalité, et cela peut induire une certaine différence de traitement d’un territoire à l’autre. Je comprends donc tout à fait le raisonnement qui a pu conduire à cette proposition de réforme.
En revanche, permettez-moi de vous le dire, madame la ministre, après vous avoir félicitée de l’élargissement de vos compétences : si, lors de votre première journée au Sénat en tant que ministre des collectivités territoriales et de la ruralité, vous nous expliquez que s’occuper de la voirie des communes rurales n’est pas moderne, je ne suis pas sûr que vous remportiez un grand succès d’estime auprès des maires ruraux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)