M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Notre collègue soulève le sujet intéressant et ô combien important de la retraite agricole et des conjoints collaborateurs et aides familiaux ; il y aura, je crois, des discussions avec les partenaires sociaux à ce sujet. Il ne faut pas oublier ces personnes !
Cet amendement étant une demande de rapport, j’émettrai un avis défavorable.
Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau d’un certain nombre de mesures de solidarité lors de l’examen de la réforme des retraites, si elle arrive un jour…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Madame la sénatrice, vous demandez au Gouvernement un rapport étudiant les conditions d’un élargissement des mesures de revalorisation des pensions des agriculteurs. Le Gouvernement est extrêmement sensible à la situation des agriculteurs retraités, notamment ceux qui perçoivent les plus faibles retraites.
Les lois adoptées à l’unanimité du Parlement en juillet 2020 et décembre 2021, sous l’impulsion du président Chassaigne, ont contribué à revaloriser substantiellement la pension des retraités agricoles les plus fragiles. La pension des exploitants agricoles a été portée à 85 % du Smic net pour une carrière complète. Les conjointes collaboratrices ont bénéficié d’une revalorisation de pension mensuelle importante.
Au total, 338 600 personnes, soit 30 % des retraités de droit direct du régime des exploitants agricoles, ont bénéficié de l’une des deux mesures de revalorisation au moins, entraînant un gain moyen de 100 euros par mois.
Le sujet des minima de pensions fait l’objet de concertations particulières organisées par le ministre du travail avec les partenaires sociaux, dont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), dans le cadre de la future réforme des retraites. D’ailleurs, un cycle dédié à l’équité et à la justice sociale commencera la semaine du 14 novembre 2022.
Dans ce contexte, un rapport spécifique sur les pensions agricoles ne semble pas adapté. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, je souhaite avoir des précisions sur l’effectivité de la revalorisation des pensions agricoles, au titre de l’application de la loi Chassaigne, dont les bénéficiaires sont également des élus locaux, notamment des maires.
M. Philippe Mouiller. La lettre interministérielle adressée en mars dernier aux administrations concernées – l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et la Mutualité sociale agricole (MSA) – indique clairement que, s’agissant des élus locaux, il convient, à compter du 1er janvier 2022, de ne pas tenir compte, durant leur mandat, des droits en constitution à l’Ircantec. Les élus locaux peuvent ainsi conserver leur mandat local et voir leur pension agricole revalorisée. Malheureusement, sur le terrain, j’ai rencontré des élus qui n’en bénéficient toujours pas.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que tous les retraités concernés, y compris les élus, verront leur situation améliorée au plus vite ?
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je remercie ma collègue Cathy Apourceau-Poly d’avoir déposé cet amendement. C’est une demande de rapport, alors évidemment…
Il y a une véritable frustration parmi les retraités de l’agriculture et leurs conjoints collaborateurs : on a annoncé une revalorisation des retraites agricoles ; or ce n’est pas le cas ! C’est le seuil minimum qui a été revalorisé : un retraité de l’agriculture ne doit pas percevoir moins de 85 % du Smic.
Or, bien souvent, ceux qui étaient dans des situations très difficiles ont cumulé des emplois. Pourtant, s’ils arrivent à 85 % du Smic lorsque toutes leurs retraites sont soldées, leur retraite agricole n’est pas revalorisée ! Nombre d’agriculteurs nous ont fait part de leur incompréhension : pourquoi leur retraite agricole n’a-t-elle pas été augmentée alors que c’est ce qui avait été annoncé ? La présentation est donc ambiguë.
Il y a beaucoup de frustration dans les territoires. Il faut non seulement faire de la pédagogie, mais encore considérer que ce n’est pas parce que l’on est agriculteur que l’on doit toucher 85 % du Smic. Pourquoi ce taux ?
Dans la réforme des retraites, il faudra véritablement revoir la situation des retraités de l’agriculture et de leurs conjoints, mais également des commerçants et des artisans – ce ne sont pas les seuls, bien sûr…
Je le répète, ce qu’il s’est passé suscite beaucoup d’incompréhensions !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Madame la sénatrice, c’est une question sensible, sur laquelle nous serons particulièrement vigilants dans les concertations qui s’ouvrent.
Mon propos avait pour objet de montrer l’effet des précédentes mesures.
Monsieur Mouiller, cette mesure a bien été inscrite dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Les élus sont désormais inclus dans le dispositif. De plus, à l’article 44 ter de ce PLFSS, le dispositif est étendu aux élus des chambres agricoles. Nous essayons de couvrir l’ensemble du champ.
Monsieur le rapporteur Savary, en réponse à votre question précédente, je vous confirme que les retraités ayant bénéficié d’un départ à la retraite anticipé au titre du handicap n’ont pas accès au CDRCO, mais nous corrigerons cela dès que possible.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 801 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 237 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 37 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Une convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites composée de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, de l’État et des associations familiales et de retraités, ainsi que de personnalités choisies en raison de leur expérience et de leur compétence est chargée de proposer au Gouvernement la mise en œuvre de mesures tendant à :
1° Favoriser le maintien des seniors dans l’emploi, notamment par l’adaptation des dispositifs de retraite progressive et de cumul emploi-retraite ;
2° Garantir une juste prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues dans la définition des conditions d’ouverture et de calcul des droits à pension et d’accès aux minima de pension, ainsi que pour l’aménagement du temps de travail ;
3° Harmoniser les règles d’attribution des pensions de réversion et des majorations de pension pour enfants entre les régimes obligatoires de base ;
4° Assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
5° Rétablir l’équilibre financier de l’ensemble des régimes obligatoires de base à l’horizon 2033.
Les membres de cette convention ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés au fonctionnement de cette convention ne peuvent être pris en charge par une personne publique.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-17-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-quatre » et, à la fin, l’année : « 1955 » est remplacée par l’année : « 1967 » ;
b) Après les mots : « 1er janvier », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « 1967 et, pour ceux nés entre le 1er juillet 1963 et le 31 décembre 1966, de manière croissante à raison de trois mois par génération. » ;
c) Les 1° et 2° sont supprimés ;
2° L’article L. 161-17-3 est ainsi modifié :
a) Au 2°, l’année : « 1963 » est remplacée par l’année : « 1961 » ;
b) Au 3°, l’année : « 1964 » est remplacée par l’année : « 1962 » et l’année : « 1966 » est remplacée par l’année : « 1963 »
c) Au 4°, l’année : « 1967 » est remplacée par l’année : « 1964 » et l’année : « 1969 » est remplacée par l’année : « 1965 » ;
d) Au 5°, l’année : « 1970 » et l’année : « 1972 » sont remplacées par l’année : « 1966 » ;
e) Au 6°, l’année : « 1973 » est remplacée par l’année : « 1967 » ;
3° Au 1° de l’article L. 351-8, les mots : « prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de cinq années » sont remplacés par les mots : « de soixante-sept ans ».
III. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et le calendrier selon lesquels les régimes mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale convergent vers les paramètres définis au II du présent article avant le 1er janvier 2033.
IV. – Les II et III entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2024.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Mesures de soutien à l’emploi des seniors et de sauvegarde du système de retraites
La parole est à M. le rapporteur. (L’intérêt redouble sur l’ensemble des travées.)
M. Martin Lévrier. Défendu ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Du fait du vieillissement démographique à l’œuvre depuis le début du siècle, le nombre de départs à la retraite excède celui des entrées sur le marché du travail chaque année.
Dans ce contexte particulier, la France est appelée à procéder à des choix de société, notamment pour garantir la prise en charge de la dépendance et le financement des pensions de retraite.
Les partenaires sociaux sont aujourd’hui les mieux placés pour tracer de nouvelles perspectives s’agissant de la place des seniors dans notre société, à l’heure où l’allongement de la durée des carrières, à laquelle ont procédé les partenaires européens de la France au cours des dernières années, devient une nécessité impérieuse.
Face à l’urgence de la situation, cet amendement tend à instituer « une convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites », réunissant des représentants des partenaires sociaux, de l’État, des associations familiales, des associations de retraités, ainsi que des personnalités qualifiées – dont certaines, par exemple, issues du monde agricole.
Cette convention aurait la charge de proposer des mesures favorisant le maintien des seniors dans l’emploi ; garantissant la prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues dans la définition des conditions d’ouverture et de calcul des droits à pension et d’accès aux minima de pension, ainsi que pour l’aménagement du temps de travail ; harmonisant les règles d’attribution des pensions de réversion et des majorations de pension pour enfants entre les régimes obligatoires de base ; tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; permettant de ramener la branche vieillesse à l’équilibre sous dix ans.
Ces préconisations feraient alors l’objet d’un projet de loi ou de dispositions spécifiques en PLFSS pour 2024, et seraient débattues par le Parlement. Dans le cas où la convention n’aboutirait pas à un compromis, plusieurs mesures paramétriques seraient appliquées à compter du 1er janvier 2024, pour faire face à la dégradation du solde financier de la branche vieillesse et pour éviter ainsi aux générations futures de devoir travailler au-delà de 65 ans.
Ces mesures paramétriques seraient : le maintien de l’âge d’obtention automatique du taux plein à 67 ans, ce qui n’est pas inscrit dans la loi actuellement ; l’accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine de 2014, qui porte la durée d’assurance nécessaire pour l’obtention d’une pension à taux plein à 43 annuités à compter de la génération 1973 – nous proposons une application à partir de la génération 1967 ; le report progressif de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans à compter de la génération 1967 ; la convergence des régimes spéciaux vers ces paramètres avant 2033, selon des conditions et un calendrier fixés par décret en Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Avis favorable ! (Sourires.)
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Vous faites preuve, monsieur le rapporteur, d’une très grande cohérence d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’autre… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. C’est la marque du groupe Les Républicains !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. … en présentant cet amendement sur le recul de l’âge de départ à la retraite.
La discussion sur cette proposition intervient, cette année, dans un contexte très particulier, que nous avons déjà évoqué. À l’heure actuelle, mon collègue Olivier Dussopt est effectivement en pleine concertation sur les différents sujets mentionnés dans l’amendement.
Mme Sophie Primas. Six ans de concertation !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Nous nous rejoignons sur les objectifs et sur les thèmes que vous avancez : travailler plus longtemps pour assurer l’équilibre de notre système de retraite ; agir en faveur de l’emploi des seniors et de la justice sociale ; mieux prendre en compte les carrières longues et difficiles. Mais nous avons fait le choix de la concertation et d’un projet de loi en janvier, pas d’une mesure dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous ne pouvons préempter les décisions sans avoir conduit ces discussions. Nous voulons respecter l’engagement que nous avons pris avec les partenaires sociaux pour conduire les trois cycles de discussions, à savoir l’emploi des seniors et l’usure professionnelle, l’équité et la justice sociale, l’équilibre du système de retraite. Ce dernier cycle s’ouvrira, comme je l’ai indiqué précédemment, le 28 novembre prochain.
La Première ministre a également invité l’ensemble des groupes parlementaires à faire part de leurs propositions, dans le cadre d’un dialogue préalable au dépôt d’un projet de loi. En ce sens, elle a réuni avec Olivier Dussopt tous les présidents de groupe et ce dernier a poursuivi, cette semaine, l’ensemble de ces échanges.
N’anticipons pas les débats que nous aurons prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, laissons la place aux concertations préalables sans « cranter » dès maintenant des dispositions dans la loi.
Pour cette raison, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Nous sommes tous favorables, sur les travées de cette assemblée, à une réforme des retraites, même si nous n’avançons pas les mêmes solutions.
Mme Monique Lubin. Non !
M. Xavier Iacovelli. Nous ne sommes pas d’accord sur ce que doit être cette réforme, ma chère collègue, mais nous sommes bien tous favorables à une réforme.
Des consultations sont en cours, selon les trois cycles mentionnés par M. le ministre. Les partenaires sociaux sont tous présents – même la CGT revient à la table des discussions, c’est dire comme les choses avancent ! D’ailleurs, tous les groupes étaient présents cette semaine pour la restitution des travaux du premier cycle, tous sauf vous, mes chers collègues du groupe Les Républicains.
Mme Monique Lubin. Eh oui !
M. Xavier Iacovelli. Vous avez refusé de participer aux discussions permettant d’avancer sur un futur projet de loi.
Mme Sophie Primas. Cela fait six ans que vous faites des consultations !
M. Xavier Iacovelli. Cela fait six ans que votre groupe défend cet amendement « marronnier » !
Toutes les oppositions ont défendu l’élaboration d’un vrai texte de loi sur la réforme des retraites, sans passer par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans ces conditions, mes chers collègues, vous comprendrez que, même si nous sommes favorables à une réforme des retraites, nous ne pouvons pas soutenir le procédé consistant à déposer un tel amendement.
M. Gérard Longuet. L’amendement Wallon a bien fondé la IIIe République !
M. Xavier Iacovelli. C’est pourquoi le groupe RDPI ne votera pas cet amendement.
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas une surprise !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Bien sûr, c’est une réponse à laquelle nous nous attendions ! On nous dit que cela ne peut se faire au détour d’un amendement au PLFSS ; nous l’entendons.
En même temps, notre collègue René-Paul Savary démontre la constance de la majorité sénatoriale et son opiniâtreté pour défendre un projet cohérent avec la trajectoire qui nous est aujourd’hui présentée. Sur la branche vieillesse, le déficit est tellement important et connaît une telle croissance…
Mme Monique Lubin. Mais non !
Mme Élisabeth Doineau. … qu’il faudra bien prendre des mesures. Sans cela, les générations futures seront obligées de prendre leur retraite beaucoup plus tard.
Bien sûr, le Gouvernement a engagé des travaux. N’oublions pas qu’il y a déjà eu trois ans de travaux… Nous avons des éléments : il faut nous en inspirer !
Je tiens, pour ma part, à insister sur un principe, celui qui consiste à vraiment donner sa chance à la négociation entre toutes les parties prenantes. Ce que propose René-Paul Savary, c’est plus qu’une conférence, c’est une convention nationale. Elle aura le temps de travailler puisqu’un an sera donné aux partenaires sociaux pour arrêter des décisions sur des sujets tels que l’emploi des seniors, les retraites de réversion, les emplois dans lesquels les personnes atteignent l’âge de la retraite non sans difficulté, etc. Il y a un certain nombre de thèmes dont il faut absolument débattre.
Autre principe, il faut définir nous-mêmes les paramètres qui nous semblent les plus pertinents pour atteindre l’équilibre. Ces paramètres sont forcément financiers puisque nous débattons d’un PLFSS. Ils constituent, à la fois, une feuille de route pour les partenaires sociaux, donnant l’ampleur des mesures d’équilibre qu’il convient de négocier, et un cadre normatif ayant vocation à s’appliquer à compter de 2024, en cas d’échec.
Après quatre ans de rejet de cette proposition, et alors que les projections…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau. … font craindre de lourds déficits, il est temps d’agir !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. René-Paul Savary le sait, je suis d’accord avec lui sur le fond : il faut une réforme, et ceux qui le nient nient aussi la réalité, telle qu’elle est décrite dans tous les rapports, notamment celui du Conseil d’orientation des retraites (COR). Il faut réduire les inégalités, il faut réduire les déficits. Je rappelle à cet égard que ces déficits devraient avoisiner 12 milliards d’euros en 2026 et 2027, et atteindre en cumulé 180 milliards d’euros en 2035. Il est donc temps d’agir !
Je ne reviens pas sur la réduction des inégalités, tout a été dit. J’insisterai simplement sur la question du maintien des seniors en activité. En France, le taux d’emploi des 55-64 ans se situe à 56 %. Et nous sommes encore loin, en matière d’âge de sortie du marché du travail, de la moyenne de 66 ans enregistrée dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il y a donc un progrès à faire pour travailler un peu plus longtemps.
Il faut aussi que cette réforme soit acceptée socialement et politiquement. C’est un point essentiel, car, sans cela, nous courons le risque que l’on revienne dessus à la faveur d’un changement de majorité, ce que je ne souhaite pas.
J’ai participé – et je regrette l’absence de certains – au bilan d’étape dressé par M. Olivier Dussopt. C’était très intéressant. Des convergences existent, on le voit, pour réduire les inégalités.
Il reste effectivement à prendre des mesures « techniques ». Certaines solutions sont acceptables. De 62,5 ans, qui me semble être l’âge actuel de départ à la retraite, pourquoi ne pas chercher à atteindre les 63 ans, sans aller jusqu’à 64 ans ? Ce serait plus facile à mettre en œuvre et plus rapide. Pourquoi, aussi, ne pas accélérer la réforme Touraine ?
Il faut rester dans quelque chose d’acceptable. Pour ma part, je crois beaucoup…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … à l’acceptation et au paritarisme.
Pour toutes ces raisons, parce que l’amendement me semble aller un peu loin, je m’abstiendrai à titre personnel.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien qu’il y ait beaucoup de raisons de s’opposer à cet amendement, je m’en tiendrai à un seul point.
En France, en moyenne, il s’écoule deux ans entre la cessation d’activité et la retraite. L’écart est bien supérieur pour les ouvriers et les employés. À 61 ans, seulement 28 % d’entre eux sont encore en emploi. D’autres sont au chômage ; mais le Gouvernement et la droite ont veillé à ce qu’ils soient à l’avenir moins nombreux et y restent moins longtemps. D’autres, encore, sont en invalidité ; mais aucun progrès n’est à espérer dans ce domaine, car le patronat ne veut pas entendre parler de pénibilité physique ni d’usure psychique, et la France reste le mauvais élève en termes de sinistralité. D’autres, enfin, sont au revenu de solidarité active (RSA) ; mais leur sort sera réglé lors d’une prochaine réforme.
Parmi cette population qui n’est ni en emploi ni en retraite, une personne sur trois vit au-dessous du seuil de pauvreté. Grâce à vous, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, elle devra y rester deux ans de plus !
L’espérance de vie des hommes ouvriers étant inférieure de 6 ans à celle des cadres – cet écart étant bien supérieur quant à leur espérance de vie en bonne santé –, si le Sénat adopte cet amendement, il contribuera à écrire l’une des pages de notre histoire les plus inégalitaires sur le plan social.
Rien ne justifie l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite, en particulier tant que n’est pas sérieusement réduit l’écart entre cet âge et l’âge de l’exclusion de l’emploi, et ce d’autant que la durée du temps de vie à la retraite diminue déjà, que les gains d’espérance de vie ont été versés au travail par les réformes précédentes et qu’une grande partie des Français modestes n’arrivent plus à la retraite en bonne santé. En effet, si pour un quart des 10 % des Français les plus pauvres, on peut parler de « retraite des morts », c’est pour beaucoup d’entre eux la « retraite avec incapacité ».
Pour ces raisons, nous nous opposons à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Nous reconnaissons effectivement la constance de notre collègue René-Paul Savary, qui propose chaque année cet amendement et l’assortit, cette fois-ci, d’une demande de concertation élargie au travers d’une convention. Il s’agit là, je pense, de rendre la proposition un peu moins abrupte que d’habitude et de tenir compte du fait qu’il est, comme nous, un grand défenseur du paritarisme et qu’il pouvait tout de même sembler curieux d’adopter un tel amendement comme ça, à la va-vite, au cours de l’examen d’un PLFSS.
Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes sur le fond opposés à une telle proposition – cela ne surprendra personne ! Il faut se rendre à l’évidence, le Gouvernement a l’intention de reculer l’âge de départ à la retraite. Il y aura donc un débat – en tout cas nous l’espérons – et nous développerons nos arguments à cette occasion.
J’indiquerai néanmoins brièvement les raisons de notre opposition.
La réforme qui s’annonce sera d’une injustice incroyable. Elle visera à créer une entrée immédiate d’argent dans les caisses de retraite, en empêchant les personnes proches de l’âge de la retraite de valider leurs droits à la retraite. Cela touchera des personnes qui travaillent depuis longtemps et exercent les métiers les plus difficiles ; je ne m’étends pas sur le sujet, mes chers collègues, vous savez tout cela aussi bien que moi.
En outre, je ne peux vraiment pas laisser passer certains discours alarmistes. Le COR fait en effet état de déficits sur les cinq à six années à venir. Mais il faut lire son rapport : ses conclusions sont loin d’être aussi alarmistes que ce que l’on peut entendre ! Faire croire aux Français que, sans réforme dans les prochains mois, on mettrait en péril notre système de retraite, c’est leur raconter des histoires. La suite au prochain numéro ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Sur la forme, je tiens à louer la constance – parfois à géométrie variable – de notre rapporteur René-Paul Savary. Effectivement, tous les ans depuis cinq ans, il revient, par un amendement, sur le système de retraite.
En revanche, et cela m’amène au fond, il propose comme méthode de passer par une négociation, qui se trouve déjà engagée et à laquelle Les Républicains ont choisi de ne pas participer. Pourquoi demander quelque chose qui existe déjà ?
Je voudrais souligner un deuxième point, beaucoup plus important à mes yeux. Le PLFSS traite des paramètres d’équilibre financier. Or notre système de retraite n’est pas que cela ; sa vraie valeur, c’est sa logique intergénérationnelle, son caractère solidaire voulant que les actifs financent la retraite des retraités. Ce sont des sujets que l’on ne peut pas évoquer au travers d’un PLFSS.
Au cours des cinq dernières années, c’est une approche tout à fait différente que l’on a voulu mettre en place – ce qui n’a pas pu se faire, je le rappelle, à cause de la pandémie de covid-19 –, en ciblant les incroyables iniquités qui demeurent dans notre système de retraite, avec ses 42 caisses.
S’agissant du financement, le COR n’est certes pas aussi alarmiste que certains veulent le dire, mais il le devient si l’on se met à évoquer cette réduction des iniquités, les problèmes de réversion, l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de retraite, etc.
Donc, oui, il faut une réforme et, oui, il faut une concertation. Ce n’est certainement pas par amendement dans une discussion de PLFSS que nous pouvons traiter ce sujet. Bien évidemment, nous voterons contre.