M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, je crains que vous ne répondiez pas aux chefs d’établissement. Ceux-ci se sentent seuls. Ils veulent des consignes claires pour ne pas avoir à interpréter et à arbitrer. De grâce, ne les laissez pas seuls !
Votre collègue Gérald Darmanin parle d’une « offensive islamiste » qui vise les plus jeunes et qui passe aussi par l’école.
Monsieur le ministre, précisez le cadre, donnez des instructions aux chefs d’établissement et soutenez-les : il faut leur assurer que, désormais, toute violation de la loi sera sanctionnée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
restitution de restes humains à l’algérie
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question concerne plusieurs ministères, mais s’adresse d’abord à Mme la ministre de la culture, qui a la tutelle sur les collections publiques.
En juillet 2020, pour célébrer le cinquante-huitième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la France a restitué à Alger 24 crânes détenus au musée de l’Homme, supposés être ceux de chefs de la résistance tués pendant la conquête coloniale. Or une enquête du New York Times vient de révéler que la majorité de ces crânes seraient non identifiés ou d’origine incertaine.
Certains parlent d’imbroglio ou de procédure imparfaite, d’autres de scandale d’État. Il semble que le travail du comité d’experts scientifiques franco-algérien qui œuvrait depuis 2018 à l’identification des crânes, condamné à la plus stricte confidentialité, ait été écourté. Pourquoi ? Si nous ne contestons nullement sur le fond ce geste hautement symbolique de réconciliation, pourquoi a-t-il été dénaturé ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il formellement décidé seul d’une convention de dépôt, et non d’un acte législatif de restitution, tout en en revendiquant l’appellation ?
Madame la ministre, le Parlement, pourtant garant des collections nationales, a été totalement contourné dans cette affaire, et je le regrette. Nous sommes en droit d’obtenir des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Rachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de votre engagement de longue date sur ce sujet.
Cet enjeu me tient également à cœur. La politique de restitution consiste à regarder notre histoire en face et à nouer des relations de partenariat et d’amitié nouvelles avec d’autres pays et d’autres peuples. C’est un chemin subtil, respectueux, qui n’est celui ni du déni ni de la repentance, mais celui de la reconnaissance.
Les crânes algériens que vous mentionnez ont été déposés, et non restitués. Les autorités françaises et algériennes ont mis en place en décembre 2017 un comité mixte, qui était chargé d’identifier formellement ces restes humains dans les réserves du Muséum national d’histoire naturelle.
Un travail d’étude rigoureux a duré dix-huit mois. La commission est arrivée à la conclusion que 24 crânes sur 45 remplissaient toutes les conditions pour être restitués, et c’est sur cette base consensuelle et documentée qu’ils ont été remis sous la forme d’un dépôt à l’Algérie. Il n’a jamais été dit le contraire.
Je vous renvoie d’ailleurs au communiqué final du comité intergouvernemental de haut niveau, qui, dans son paragraphe 19, mentionne précisément des « restes humains présumés algériens conservés dans les collections publiques françaises ». Toutes les précautions nécessaires avaient donc été prises.
Au-delà de ce cas spécifique, dont nous aurons l’occasion de reparler, nous allons travailler ensemble à une loi-cadre fixant une doctrine, une méthode et des critères de restitution sur ce sujet des restes humains, mais aussi sur ceux des biens spoliés juifs – un cas très différent –, des biens pillés pendant la colonisation en Afrique ou de ceux qui ont été pris de façon illégale ou illégitime.
Je ne doute pas que nous aurons de riches débats lors de l’examen de ce projet de loi. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je me réjouis de ce travail partagé, enfin !
Le Sénat, comme vous le savez, a déjà engagé des travaux très importants en la matière. Pierre Ouzoulias, Max Brisson et moi-même, avec le soutien de notre président de commission Laurent Lafon, avons d’ores et déjà formulé des propositions.
Par ailleurs, un texte de loi a été voté à l’unanimité de notre assemblée en janvier dernier sur la question des restes humains dits « sensibles ». Si ce texte avait été définitivement voté, il aurait totalement résolu la question des restitutions de crânes à l’Algérie.
Au demeurant, il me semble malgré tout que vous défendez l’indéfendable, madame la ministre. J’ai là les conclusions de la commission chargée d’examiner les propositions de restitution de ces restes humains d’origine algérienne, qui s’est réunie le 25 juin 2020.
Elle alerte sur un risque de protestations en raison du caractère précipité et autoritaire de l’opération. Elle note aussi que les modalités imposées par l’urgence diplomatique interrompent le travail de mémoire réalisé par le comité d’experts. Elle souligne enfin que le ministère de la culture a été écarté de cette procédure, tout comme le Parlement.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il faut remettre de l’ordre dans ce sujet, pour souligner l’importance du bien-fondé de la réconciliation des mémoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Robert et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
urgences pédiatriques
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sont actuellement 6 500 soignants en pédiatrie qui ont signé une lettre ouverte au Président de la République, dans laquelle ils dénoncent les mises en danger quotidiennes des patients dans des services saturés.
En cause, l’épidémie de bronchiolite et des services hospitaliers très fragilisés, qui peinent à recruter et à garder du personnel, notamment paramédical. Pourtant, l’épidémie de bronchiolite est habituelle à l’automne, donc prévisible.
Monsieur le ministre, cette situation n’est malheureusement pas nouvelle. En 2019, déjà, faute de place en réanimation, des enfants ont dû être transférés hors de la région Île-de-France. Mais, aujourd’hui, ce problème se pose avec acuité sur l’ensemble du territoire. Des enfants sont régulièrement transférés d’un hôpital à l’autre, parfois même à plus de 200 kilomètres.
Comment en est-on arrivé là ?
Les capacités d’accueil des services se dégradent en raison de la fermeture de lits et du manque de personnel soignant.
On n’a pas assez de médecins libéraux, on restreint l’accès aux urgences et on ne fait plus appel aux kinésithérapeutes pour les bronchiolites. Pourtant, d’après une étude de la plateforme AquiRespi, l’offre de soins en kinésithérapie respiratoire permet de réduire de 13 % les consultations pédiatriques au CHU de Bordeaux le week-end.
C’est toujours le même constat : le Gouvernement n’a rien anticipé et gère la pénurie avec des rustines. Le déclenchement des plans blancs oblige à déprogrammer des interventions chirurgicales pour une simple épidémie de bronchiolite, sans qu’il y ait véritablement de perspective d’amélioration.
Vous avez annoncé le déblocage de 150 millions d’euros pour les services en tension à l’hôpital, notamment en pédiatrie. Pour autant, monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il enfin de mettre en œuvre des mesures structurelles, en revalorisant significativement la permanence des soins de nuit, du week-end et des jours fériés, en augmentant le nombre de pédiatres, en libéral et à l’hôpital, et en acceptant que les kinésithérapeutes puissent de nouveau intervenir pour lutter contre l’épidémie de bronchiolite, comme c’était le cas auparavant ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Lassarade, je vous remercie de revenir, au travers de votre question, aux problèmes liés à la bronchiolite et, plus largement, à la situation dans nos hôpitaux. Vous savez que ce problème me préoccupe particulièrement.
Je veux cependant apporter quelques précisions à ce que je viens d’entendre.
Non, on ne trie pas les enfants à l’entrée de l’hôpital. Les mots ont un sens, madame la sénatrice, et celui-ci ajoute artificiellement de l’inquiétude et de l’angoisse chez les parents. Pis, il peut inciter au renoncement aux soins, ce qui est dangereux.
Je le redis avec force, notre système de santé dans son ensemble prend en charge tous les enfants en situation de détresse, dans le cadre de parcours de soins identifiés pour répondre aux besoins. Je le répète, toutes les bronchiolites ne doivent pas aller à l’hôpital.
S’agissant de ce parcours, vous parlez de la place des kinésithérapeutes. Voilà plusieurs mois, la Haute Autorité de santé a relevé que certaines pratiques de kinésithérapie habituelles réalisées sur les bronchiolites étaient dangereuses et qu’il fallait y mettre fin. La place de ces professionnels est donc désormais beaucoup moins importante dans le traitement de cette pathologie précise.
Comment savoir où faire prendre en charge son enfant victime d’une crise de bronchiolite avec des difficultés respiratoires ? Je le redis aux parents, si vous ne savez pas et que vous n’avez pas de médecin traitant, composez le 15, pour appeler le Samu, le service d’aide médicale urgente. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Le Samu est saturé !
M. François Braun, ministre. Vous trouverez des professionnels compétents, qui pourront vous diriger vers le meilleur parcours de soins pour votre enfant. En effet, je le répète, ce n’est pas toujours l’hôpital ; c’est bien souvent le médecin traitant. Je vous invite à aller voir ces professionnels, que ce soit à Bordeaux ou à Créteil.
En ce qui concerne la problématique plus large de l’hôpital, je vous rejoins, madame la sénatrice. Nous avons des problèmes structurels qui ne sont malheureusement pas nouveaux.
L’un de mes engagements est justement de travailler sur les problèmes structurels globaux de l’hôpital, et pas uniquement sur la filière pédiatrique. C’est ce que porte le PLFSS pour l’année prochaine, dont nous aurons l’occasion, je pense, de discuter dans les semaines qui viennent. Je pourrai alors plus librement vous détailler l’ensemble des mesures destinées à restructurer notre système de santé et l’hôpital public. (M. François Patriat applaudit.)
dispositif des zones de revitalisation rurale
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Serge Mérillou. Madame la secrétaire d’État chargée de la ruralité, vous avez promis dans la presse, le 19 octobre dernier, de travailler main dans la main avec les élus ruraux.
Le même jour, l’Association des maires de France (AMF) publiait un rapport sur la nécessaire préservation du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR). Or, sur ce sujet, les élus attendent toujours une main tendue. Pour l’heure, pas de calendrier. Pourquoi tant d’opacité ? De la clarté, voilà ce qu’exige la ruralité ! Depuis 1995, les ZRR sont des vecteurs essentiels du développement et de l’attractivité de nos territoires. Leur fin annoncée, en décembre 2023, inquiète les élus.
Ce dispositif concerne aujourd’hui près de 14 000 communes et engage 320 millions d’euros, une somme dérisoire au vu des effets positifs observés sur les territoires : implantations d’entreprises, de médecins et d’acteurs économiques. Bref, il a pu contribuer à redonner vie à nombre de nos villages.
Les auteurs du rapport sénatorial d’avril 2022 et les ruraux saluent son efficacité. À l’instar de l’AMF, madame la secrétaire d’État, ils vous demandent de reconduire un dispositif réformé, en prenant en compte les évolutions des territoires, en concertation avec leurs élus.
Il nous faut notamment revenir à l’échelle des communes, instituer deux niveaux de classement, sans parler de toute une série d’autres mesures. Bref, le travail est prémâché. Emparez-vous-en ! Posons les fondations d’une nouvelle politique de dynamisation des zones rurales.
En ces temps troublés pour les collectivités locales, nous devons accompagner ces dernières, nous concerter avec elles et leur donner de la visibilité.
Aussi, madame la secrétaire d’État, quel dispositif entendez-vous mettre en place pour pallier la disparition des ZRR ? Quelle place auront les élus dans l’élaboration de ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ruralité.
Mme Dominique Faure, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Serge Mérillou, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont été créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, et je sais le rôle déterminant qu’a joué le Sénat dans l’adoption de ce texte.
Le législateur a souhaité prendre en compte les difficultés spécifiques liées au maintien de l’activité en milieu rural, et, de façon plus générale, soutenir des parties de notre territoire qui sont en déprise démographique ou économique. Pour atteindre ce but, les ZRR ont été adossées à un régime d’exonération fiscale et sociale. Aujourd’hui, ce sont 13 712 communes, représentant 16 % de la population française, qui sont classées en ZRR.
Je suis très attachée à ce dispositif, qui reconnaît la fragilité des territoires ruraux et qui doit prendre fin au 31 décembre 2023. Afin de préparer l’avenir, le Premier ministre Jean Castex avait confié une mission parlementaire aux sénateurs Frédérique Espagnac et Bernard Delcros, ainsi qu’aux députés Anne Blanc et Jean-Noël Barrot.
Cette mission parlementaire sur une éventuelle prorogation témoigne de notre attachement commun à ce dispositif. Aujourd’hui, il convient de poursuivre le travail que nous avons engagé pour en définir l’avenir.
Dès le 26 juillet dernier, soit quelques jours après ma prise de fonctions au Gouvernement, je répondais à l’invitation du sénateur Delcros pour travailler sur cette question. Le 25 août, je « planchais » avec le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et certains membres de son bureau, et, le 8 septembre, avec les coprésidentes de la commission ruralité de l’AMF.
Cette après-midi même, avec Christophe Béchu, je reçois officiellement les membres de la mission parlementaire. Nous ferons un premier travail sur les quatorze propositions de leur rapport.
Vous le voyez, le Gouvernement est au travail pour envisager l’avenir des ZRR.
Nous avons par ailleurs confié une mission d’appui, avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), à M. François Philizot, inspecteur général de l’administration et président du conseil d’orientation de l’Observatoire des territoires, afin, avec Christophe Béchu, de formuler des propositions à Mme la Première ministre au début de l’année 2023.
Ces propositions se nourriront d’un large travail de concertation avec le groupe Ruralité en cours de constitution à l’Assemblée nationale, ainsi que, je l’espère, avec un groupe Ruralité institutionnalisé au Sénat.
M. le président. Cela, c’est notre affaire, madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Faure, secrétaire d’État. Si, bien entendu, vous en décidez ainsi, monsieur le président.
Ces concertations seront complétées par des rencontres avec des associations d’élus.
Croyez bien, monsieur le sénateur, que je vous tiendrai informé de nos travaux. J’utiliserai toute mon énergie pour faire en sorte que le Gouvernement continue de reconnaître la fragilité des territoires ruraux. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État. Cela, c’est mon affaire ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour la réplique.
M. Serge Mérillou. À Eymet, dans mon département, lors du congrès des maires ruraux, vous avez déclaré aux habitants du monde rural qu’ils étaient une chance pour notre pays, madame la secrétaire d’État.
Prouvez-le, en donnant aux territoires ruraux les moyens nécessaires pendant qu’il est encore temps !
chantier de la ligne lyon-turin
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre chargé des transports, samedi dernier, se tenait en Savoie une conférence de presse destinée à présenter la tribune cosignée par des élus syndicalistes, des représentants des associations, des élus locaux et des parlementaires.
Nous étions plus de 200, toutes sensibilités politiques confondues, à rappeler nos engagements pour le chantier ferroviaire du Lyon-Turin et notre choix du scénario « grand gabarit » pour ses accès, à la suite de la consultation que vous avez menée. Le Gouvernement devait prendre une position officielle en début d’année ; ce n’est toujours pas fait. Je vous rappelle mes courriers restés sans réponse.
En retardant cette décision, vous ouvrez une brèche à une minorité d’activistes, qui se prétendent écologistes, mais qui tiennent des discours contradictoires. Ils cherchent à effrayer la population par la désinformation, en s’appuyant depuis plus de trente ans sur les thèmes à la mode du moment : roches radioactives, roches amiantifères… Aujourd’hui, avec les sécheresses, ils pointent les atteintes aux sources d’eau. Pourtant, l’entreprise binationale TELT (Tunnel Euralpin Lyon Turin) suit de façon très sérieuse ce sujet, en lien avec les élus locaux.
C’est par le ferroutage que nous réussirons à diminuer nos émissions carbonées et à améliorer la qualité de l’air dans nos vallées. La ligne historique n’en a pas la capacité, et nous devons en parallèle libérer des sillons pour les transports de voyageurs du quotidien. La légitimité démocratique à faire des choix qui engagent l’avenir de nos enfants appartient aux élus, et non à une poignée de militants opposés au projet.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner et prenez les décisions attendues. Il ne s’agit plus d’être pour ou contre ce tunnel, mais d’en déterminer ses accès et d’en assurer leur financement.
Aussi mes questions sont simples.
D’une part, quand comptez-vous confirmer officiellement le scénario retenu ?
D’autre part, l’Union européenne a annoncé 50 % de financement pour les accès. Vous n’avez pas postulé à son appel à projets « opération ferroviaire », alors que le percement du tunnel est en cours. Quand le ferez-vous ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Florence Blatrix Contat et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la sénatrice Berthet, pour être clair, je partage votre engagement et votre sentiment sur l’intérêt incontestable de ce projet.
Il est important sur le plan écologique, vous l’avez rappelé, par le développement du ferroviaire, en particulier du fret, qu’il implique. Il est essentiel, pour les mêmes raisons, sur le plan économique. C’est un grand projet européen que nous devons faire avancer. Il a d’ailleurs été confirmé au plus haut niveau dans le traité d’amitié entre la France et l’Italie, voilà moins d’un an.
Les concertations ont été engagées, selon un calendrier que vous connaissez et qui est transparent, par le préfet de région, M. Pascal Mailhos. Il y a eu concertation avec les élus de toutes les collectivités qui peuvent être amenées à financer la question des accès, et ce travail s’est terminé au début de l’année 2022. Dès que j’ai pris mes fonctions, j’ai repris le travail de concertation, pour que nous passions maintenant à la partie concrète et financière, comme je m’y suis engagé devant le Parlement dès le mois de juillet dernier.
Je me suis rendu à Lyon dès le mois de septembre pour échanger avec l’ensemble des collectivités financeuses. J’ai constaté, comme vous l’avez rappelé, que le scénario qui avait la nette préférence de l’immense majorité des collectivités, pour ce qui concerne les accès, était le scénario dit « grand gabarit ».
J’ai demandé qu’il y ait une concertation et j’ai mandaté le préfet à cette fin, afin que, d’ici au début de l’année prochaine, il y ait en face de cette ambition ferroviaire une ambition budgétaire, car ce scénario est aussi le plus coûteux.
Si les collectivités sont prêtes à s’engager,…
Mme Frédérique Puissat. Et l’État ?
M. Bruno Retailleau. C’est un projet d’intérêt national !
M. Clément Beaune, ministre délégué. … nous le serons aussi.
À présent, il faut que chacun dise ce qu’il est prêt à mettre concrètement sur la table, de manière sonnante et trébuchante. Pour notre part, nous sommes prêts à nous engager, mais aussi à mobiliser les financements européens sur la section transfrontalière.
Dans le projet de loi de finances pour 2023, qui sera bientôt soumis à votre vote, les crédits sont là. Toute la programmation est intégralement respectée. J’ai eu encore hier un entretien avec la Commission européenne pour que les financements sur cette section transfrontalière soient rapidement mobilisés.
Il n’y a aucun désengagement à cet égard, et quand le scénario sur les accès sera arrêté sur les plans ferroviaire et budgétaire, nous postulerons évidemment aux financements européens. En effet, comme vous l’avez rappelé, l’Union européenne nous a indiqué qu’elle était prête à mobiliser jusqu’à 50 % des financements sur ces accès.
Mme Frédérique Puissat. Et l’État ?
M. Clément Beaune, ministre délégué. L’État sera au rendez-vous, mais il faut que tout le monde le soit également, y compris les collectivités.
J’ai pris cet engagement au nom de l’État au mois de septembre dernier. Je le répète, nous attendons maintenant la concertation financière d’ici au début de l’année prochaine. Pour ma part, j’ai respecté les engagements que j’avais pris devant vous en juillet.
M. le président. Je me permets de le rappeler, ce point figure dans l’article 10 du traité dont le Sénat doit aujourd’hui discuter de la ratification, en séance publique, à partir de seize heures trente. Votre vote, mes chers collègues, permettra donc de valider ce scénario.
risques de coupures d’électricité et de gaz
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.
La crise de l’énergie que nous connaissons est sans précédent. Si la situation semble revenir à la normale sur le front des carburants, nous devons nous préparer à des coupures d’électricité et de gaz. Sans être certaines, ces coupures sont possibles, la guerre en Ukraine et ses effets atroces sur la population de ce pays ayant malheureusement servi de révélateurs à une situation qui se dégradait depuis plusieurs années, faute d’anticipation.
S’agissant de l’électricité, la moitié des réacteurs nucléaires sont encore à l’arrêt, et EDF ne cesse de différer leur remise en service. À cela s’ajoutent les grèves dans les centrales, qui réduisent encore un peu plus nos capacités de production et l’effort de maintenance.
Les énergies renouvelables, bien qu’elles soient importantes, ne sont pas pilotables. En absence de vent, de soleil et de nucléaire, ce sont les centrales à gaz qui prendront le relais. Nous approchons de l’hiver, et certains spécialistes nous annoncent qu’il pourrait être rigoureux.
S’agissant du gaz, nos réserves sont pleines, mais elles ne représentent que les deux tiers de la consommation hivernale des PME et des particuliers. Les entreprises gazo-intensives ont déjà été prévenues qu’elles pourraient avoir à subir des coupures préjudiciables à leur activité. Les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils accepteront mal de ne pas être prévenus à temps.
Aussi, madame la ministre, comment allez-vous procéder avec les entreprises pour les inciter à s’arrêter ? Avec quels délais et pour combien de temps ? Comment allez-vous procéder à l’égard des particuliers, des collectivités, des établissements scolaires ? À quels horaires et selon quels délais ? Comment comptez-vous organiser ces coupures pour les situations particulières, médicales ou sociales ? Quelle utilisation ferez-vous des compteurs Linky ?
À bien nommer les choses, on contribue à régler les problèmes du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur Bonneau, vous avez raison de le rappeler, cette crise énergétique est la plus grave que nous connaissons depuis les années 1970, avec le quasi-arrêt des livraisons en Europe du gaz russe. De quoi parle-t-on ? De 40 % du gaz qui approvisionnait l’Europe. Cette situation crée aujourd’hui un stress sur notre système énergétique. Ce n’est pas propre à la France, puisque l’ensemble du continent est concerné. Nous agissons d’ailleurs ensemble, de façon solidaire.
Par ailleurs, nous avons également à faire face à une moindre production d’électricité d’origine nucléaire, à cause de soucis de maintenance, sur lesquels nous travaillons, et hydraulique, du fait des sécheresses que nous avons connues cet été.
Dans ce contexte, le Gouvernement a pris toutes les décisions nécessaires pour préparer le passage de l’hiver dans les meilleures conditions.
Vous l’avez rappelé, les stocks stratégiques de gaz sont pleins en France, mais également dans toute l’Europe, sur l’initiative de notre pays, je le rappelle. Nous avons aussi procédé à une augmentation de nos capacités d’approvisionnement en gaz naturel – les stocks sont pleins, mais les terminaux continuent à acheminer du gaz à pleine capacité –, ainsi qu’à une augmentation de la puissance de certains barrages hydrauliques. Nous avons enfin préservé nos capacités de production cet été pour les réserver à l’hiver. Je ne mentionnerai pas toutes les décisions que nous avons prises pour préparer cet hiver.
Vous avez évoqué la situation d’EDF : je veux saluer ici l’accord qui a été trouvé dans l’entreprise et la reprise du travail qui a eu lieu ce week-end, pour, précisément, faire en sorte que l’on continue à remettre en état nos centrales nucléaires, afin qu’elles puissent produire cet hiver. Cela a été fait en grande responsabilité par les organisations syndicales et par la direction d’EDF.
Enfin, vous m’interrogez sur les actions en cas de risques sur le réseau. RTE, qui est notre expert en la matière, évoque des risques très limités de difficultés cet hiver si nous connaissons des températures normales.