M. Thani Mohamed Soilihi. Depuis 2017, le Gouvernement a placé la lutte contre les violences faites aux femmes au cœur de ses priorités. Des progrès significatifs et indéniables ont été accomplis ces dernières années dans la lutte contre ce fléau, mais celui-ci persiste, demeure et tue, surtout dans les territoires ultramarins.
L’enquête du Conseil économique, social et environnemental (Cese), menée en 2017, ou encore le rapport d’information réalisé par nos collègues Annick Billon et Michel Magras en 2020 dressaient déjà ce triste constat : les violences intrafamiliales sont plus répandues en outre-mer que dans l’Hexagone.
Toutes les catégories sociales sont touchées par les violences physiques, sexuelles, mais aussi psychologiques et économiques et dans tous les espaces de vie. Les traditions, les influences culturelles et religieuses peuvent rendre plus difficile pour les femmes la possibilité d’engager des démarches judiciaires ou de quitter le conjoint violent. L’exiguïté du territoire et la proximité des familles sont aussi des spécificités à ne pas négliger.
Des moyens sont mis en œuvre pour aider les victimes et sensibiliser les professionnels. Je pense notamment à la publication, en juillet 2022, d’un nouveau guide sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer, élaboré par la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) à destination des professionnels ou à la mise en service du 3919, joignable 24 heures sur 24 et sept jours sur sept en outre-mer.
Néanmoins, les efforts doivent être poursuivis et les moyens renforcés afin de lutter contre les violences intrafamiliales en outre-mer, pour un accueil, une orientation et une protection des victimes plus efficaces.
Aussi, au regard de ces nombreuses spécificités, notre amendement vise à prévoir qu’une attention particulière sera portée aux violences intrafamiliales outre-mer dans la formation des agents et l’accompagnement des victimes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous comprenons tout à fait la préoccupation de l’auteur de cet amendement, car nous connaissons bien la situation particulière dans les territoires d’outre-mer, où les violences intrafamiliales dépassent parfois tout ce qu’on peut imaginer.
Nous craignons toutefois qu’en stigmatisant les outre-mer, nous n’aboutissions à l’effet contraire à celui qui est recherché. Il est déjà demandé à tous les agents, dans tous les territoires, et spécifiquement dans les outre-mer, de prendre tout particulièrement en compte cet aspect.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable, non pas pour des raisons de fond, mais en raison du risque de stigmatiser les territoires ultramarins.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends bien votre amendement, monsieur le sénateur de Mayotte. Les plus importantes hausses de violences conjugales et intrafamiliales sont malheureusement constatées dans les outre-mer, pour les raisons que vous avez évoquées.
Faut-il pour autant distinguer sur le territoire de la République une zone où la loi doit prévoir davantage de moyens et d’objectifs que dans d’autres ? Il ne me semble pas que ce soit un service à rendre aux territoires ultramarins, d’autant plus que l’augmentation de cette délinquance n’y est pas uniforme : ce qui est vrai à la Réunion, à Mayotte, en Martinique et en Guyane l’est moins ailleurs, notamment dans le Pacifique, par exemple. Les territoires ultramarins ne sont pas tous logés à la même enseigne.
Tout en émettant un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le sénateur, je souhaite vous rassurer en m’engageant devant vous à mettre davantage d’OPJ dans les zones concernées, ainsi que dans le Nord-Pas-de-Calais, monsieur le rapporteur Daubresse, et en Seine-Saint-Denis. Nous savons bien que la carte des violences conjugales est souvent, mais pas exclusivement, une carte de la misère.
Vous devriez, dans la suite du texte, donner au ministre de l’intérieur la faculté d’affecter directement les OPJ. Pour autant, il ne me semble pas raisonnable de faire une discrimination entre les territoires de la République.
Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Seuls les engagements formulés par le ministre me conduisent à retirer mon amendement.
Permettez-moi, en effet, de ne pas être d’accord avec l’argument de la discrimination. En effet, je me suis appuyé sur des rapports dans lesquels il est bien précisé que les violences sont plus importantes dans ces territoires. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait avoir peur de les stigmatiser en décrivant cette situation.
Cela étant, je m’en remets aux engagements du ministre et je sais qu’ils seront tenus.
Mme le président. L’amendement n° 214 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 22, présenté par Mmes de La Gontrie, Rossignol et Meunier, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 159
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Afin de mieux détecter et de mieux réprimer les violences sexuelles et sexistes infligées aux femmes et aux enfants, une juridiction spécialisée sera créée à titre expérimental pour une durée de trois ans, dans le ressort de deux cours d’appel au moins. Cette juridiction sera en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales. Cette juridiction sera compétente pour juger les faits de viol, d’inceste et d’agressions sexuelles, d’outrage sexiste et de recours à la prostitution. Cette nouvelle juridiction aura également à connaître des violences physiques, sexuelles et morales, commises au sein du couple ou sur un enfant de la cellule familiale. Une compétence civile de la juridiction lui permettra de prendre des décisions rapidement concernant les modalités de l’autorité parentale, du droit de visite et d’hébergement ainsi que de statuer sur l’ordonnance de protection. Cette expérimentation se fera par redéploiement des moyens existants et apportera en conséquence aux magistrats engagés de nouveaux leviers pour améliorer la réponse pénale et civile vis-à-vis des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales.
Dans les deux ans à compter de l’entrée en application de cette réforme, il sera procédé à une évaluation de la mise en place de cette juridiction.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Ces dernières années, plusieurs projets ou propositions de loi visant à renforcer la lutte contre les violences conjugales intrafamiliales ou de nature sexuelle ont permis des avancées significatives. Je pense à la pénalisation accrue des violences sexuelles sur mineurs de 15 ans, à la qualification pénale de l’inceste, à la reconnaissance de l’abus d’autorité en matière d’agression sexuelle, à l’allongement des délais de prescription ou encore à l’augmentation de la portée de l’ordonnance de protection.
Toutefois, en matière de lutte contre les violences conjugales, ces progrès sont encore insuffisants dans la lutte contre les violences infligées aux femmes et aux enfants : tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou de son ex-compagnon.
Inspirée notamment par l’exemple espagnol, l’instauration d’une juridiction spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, rassemblant juge aux affaires familiales, juges des enfants et juge pénal est une nécessité désormais partagée tant par les associations et les différentes tendances politiques que par les principaux candidats à l’élection présidentielle.
Or, bien que le projet de loi prévoie notamment le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, cette nécessité n’est pas prise en compte.
Cet amendement a donc pour objet de proposer l’expérimentation de juridictions en charge des violences sexuelles intrafamiliales et conjugales. Cette juridiction serait compétente pour juger des faits de viol, d’inceste et d’agression sexuelle, d’outrage sexiste et de recours à la prostitution. Elle aurait également à connaître des violences physiques, sexuelles et morales commises au sein du couple ou sur un enfant de la cellule familiale.
Une compétence civile lui permettrait de prendre des décisions rapidement concernant les modalités de l’autorité parentale, du droit de visite et d’hébergement, ainsi que de statuer sur l’ordonnance de protection.
Cette expérimentation se ferait par redéploiement des moyens existants et apporterait en conséquence aux magistrats engagés dans l’amélioration de la réponse pénale et civile aux violences sexuelles intrafamiliales et conjugales un levier juridique mobilisable immédiatement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Afin de réprimer plus efficacement les violences sexuelles et sexistes, les violences conjugales et les violences intrafamiliales, il est régulièrement proposé de créer, sur le modèle de l’Espagne, une juridiction spécialisée.
Cet amendement vise à inscrire dans le rapport annexé le principe de l’expérimentation d’une telle juridiction, avant son éventuelle généralisation, sur le modèle de la démarche qui avait été retenue récemment pour les cours criminelles départementales.
En tant que rapporteurs, nous ne sommes pas opposés à cette idée et la voie de l’expérimentation nous paraît intéressante. Néanmoins, il nous semble difficile de trancher une question aussi complexe au détour d’un amendement, sans avoir mené aucune audition ni aucun travail préparatoire, en amont de la discussion en séance publique. En outre, nous n’avons abordé cette question qu’à deux reprises au sein de la commission des lois.
Si le présent amendement n’est pas dépourvu de lien avec le texte – en particulier en matière d’outrage sexiste –, vous conviendrez qu’un amendement réformant l’organisation judiciaire aurait davantage sa place dans un texte défendu par la Chancellerie plutôt que par le ministre de l’intérieur.
De plus, sur le fond, de nombreuses questions restent en suspens, concernant notamment la procédure : cette juridiction spécialisée appliquerait-elle les procédures de droit commun en vigueur devant le juge aux affaires familiales, devant le tribunal correctionnel, devant la cour d’assises ?
Il nous faut également réfléchir au champ des compétences de cette juridiction spécialisée : doit-elle reconnaître toutes les violences sexuelles et sexistes ou s’intéresser plutôt au champ des violences conjugales et intrafamiliales ?
Cette question est très difficile à trancher, faute d’avoir entendu les acteurs concernés. Vous n’êtes pas sans savoir, d’abord, que certains professionnels expriment des réserves à l’égard de ces juridictions spécialisées et que, par ailleurs, le Gouvernement a confié une mission à notre collègue Dominique Vérien et à la députée Émilie Chandler sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Leur travail, qui va durer six mois, permettra d’éclairer les enjeux et de répondre aux nombreuses questions techniques et juridiques d’un tel projet.
Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cette question est très importante. Je me suis moi-même exprimé à titre personnel en faveur de ces tribunaux spécialisés, qui vont très certainement transformer le travail de la police. Je le fais à présent au nom du Gouvernement puisque la Première ministre s’est également exprimée dans ce sens.
Le meilleur argument que je puisse vous donner – en tant que commissaire aux lois, il va vous toucher – est que je ne peux défendre, dans un texte portant sur la sécurité, des transformations profondes du fonctionnement de l’autorité judiciaire. Cela ne serait ni réfléchi, comme l’a dit le rapporteur Hervé, ni logique.
Je ne vous oppose pas un non de principe, monsieur le sénateur, mais vous comprendrez que je ne peux être favorable à cet amendement sans piétiner les compétences du garde des sceaux.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Vous avez compris l’importance de ce sujet pour notre groupe et pour les auteurs de l’amendement, en particulier pour notre collègue de La Gontrie.
Cela étant, nous ne souhaitons pas abîmer, par un vote, un projet qui suscite finalement un assez large consensus sur nos travées, jusqu’au ministre lui-même. Nous retirons donc l’amendement.
Je ne présuppose pas que ce qui a été dit ce soir vaille engagement pour la suite. Ce sujet reviendra et nous l’aborderons avec force détermination. La cause justifie que la mission parlementaire en cours et les réflexions que nous mènerons ensemble nous conduisent à aller au bout de cette démarche.
Mme le président. L’amendement n° 22 est retiré.
L’amendement n° 145, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 160
Rédiger ainsi cet alinéa :
2.6 L’inclusion de la jeunesse : un levier – parmi d’autres – pour renforcer le lien police/population
II. – Alinéa 161, deuxième phrase
Remplacer le mot :
La
par les phrases et les mots :
Cette image, qui conduit à une relation dégradée, est multifactorielle : logique parfois purement répressive dans certains quartiers, discriminations face aux contrôles de police, familiarité de langage de la part des agents… Toutes ces questions doivent être traitées sérieusement et en priorité. De manière marginale, la
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. En réaction à votre grande tirade de tout à l’heure, je suis navré de vous dire, monsieur le ministre, qu’il doit y avoir aussi de dangereux wokistes dans votre ministère !
La partie du rapport relative à la jeunesse dresse un constat que vous avez nié. Or la réalité y est écrite noir sur blanc : l’image de nos forces de sécurité est aujourd’hui dégradée auprès des jeunes.
Effectivement, il est assez absurde de justifier cette situation, comme le fait le rapport, en arguant que les effectifs de police ne ressembleraient pas assez à la jeunesse. C’est oublier les nombreux témoignages de jeunes, notamment des quartiers populaires, sur les violences injustifiées, les relations peu respectueuses des agents avec eux parfois, la répression violente des manifestations ou la multiplication des contrôles.
Nous considérons qu’expliquer la dégradation de l’image de la police auprès des jeunes par le seul manque de ressemblance entre les agents et la jeunesse est une forme de déni assez extrême, même si nous avons bien compris que ce déni était partagé sur les travées de cet hémicycle.
Plutôt que de fantasmer sur une reconquête républicaine, il faut traduire en actes les principes de la République, notamment son principe cardinal d’égalité.
Nous proposons donc de nous intéresser d’abord au cœur du problème, c’est-à-dire à la logique parfois purement répressive à l’œuvre dans certains quartiers, aux discriminations face aux contrôles, aux familiarités de langage de la part des agents et à une doctrine de maintien de l’ordre qui permet des déviances.
Bref, nous proposons de prendre en compte la parole de ceux qui sont confrontés, parfois quotidiennement, aux agents des forces de sécurité, de mettre la tête hors du sable et d’affronter les problèmes en face.
Il faut revoir en profondeur le rapport que la police entretient avec la jeunesse. Pour cela, il faut commencer par ne pas détourner le regard.
Un sénateur du groupe Les Républicains. On se demande qui est dans le déni !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Depuis le début de ce débat, nos collègues du groupe écologiste sont dans le procès d’intention et la stigmatisation. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Ils attisent les tensions, avec la volonté d’aggraver les fractures.
La République a pour principe l’égalité, mais elle a aussi pour principe la fraternité. Le rapport annexé explique un certain nombre de choses sur la ressemblance entre la jeunesse et les forces de police. Il ne nie pas la dégradation des relations, mais il explore les moyens de rapprocher, souder, unir ou rassembler, plutôt que de diviser et de toujours opposer.
Je suis désolé, mais je préfère le texte d’orientation du ministère à cet amendement discriminant et haineux ! Avis fortement défavorable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie M. le rapporteur de sa remarque ; je n’aurai donc pas à formuler la même.
Monsieur le sénateur, que la jeunesse de France, comme toutes les jeunesses, soit pour partie rétive à l’autorité n’a rien d’extrêmement nouveau. Vous présentez ce phénomène comme s’il était la conséquence des mois et des années précédentes.
Vous l’avez dit, nous avons le même âge. À l’époque de notre jeunesse – nous avions alors le temps d’écouter des chansons –, un certain nombre de rappeurs très célèbres évoquaient la police nationale en termes peu amènes. C’était il y a vingt ans, à la fin des années Mitterrand. On ne peut pas dire que le pouvoir était alors particulièrement technocratique et autoritaire. C’est d’autant plus vrai que des communistes participaient au pouvoir. Le maintien de l’ordre devait alors être absolument parfait et il ne devait donc pas y avoir de difficultés particulières.
À l’âge où nos parents étaient plus jeunes, à la fin des années 1970, au début des années 1980, ils écoutaient Renaud. On ne peut pas dire non plus que l’intégralité du répertoire de Renaud Séchan soit extrêmement favorable à la police et à la gendarmerie nationale, même s’il a fini par embrasser un flic, finalement !
Voilà ce que je retiens. Sans doute est-ce le fruit de l’âge et de l’expérience… Peut-être embrasserons-nous tous un jour un policier, quel que soit notre bord politique !
Il ne faut pas non plus, monsieur le sénateur, présenter les choses comme étant les conséquences des mois et des années précédentes, comme si l’action du Gouvernement et du Président de la République expliquait la situation actuelle.
De manière générale, une partie de la jeunesse choisit l’autorité, le service de la patrie, une aventure humaine et collective – j’en ai fait la démonstration précédemment et celle-ci n’est pas discutable, puisque ce sont bien des jeunes qui sont militaires, policiers ou gendarmes –, tandis qu’une autre partie est rétive à cette autorité.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cela ne date pas d’aujourd’hui !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cette situation est normale et consubstantielle au fonctionnement de la société. Elle ne date pas d’aujourd’hui et vaut depuis que l’autorité et la jeunesse existent et cohabitent.
En réalité, les propos du rapporteur Daubresse sont révélateurs de la teneur de vos amendements. Le fait est qu’on cherche vos amendements favorables à la police nationale et à la gendarmerie !
Vous n’êtes pas dans l’équilibre – vous êtes le seul groupe dans ce cas, c’est un constat –, vous êtes toujours dans le contrôle ou la sanction, non pas des voyous, mais des policiers, selon une sorte de démonstration inversée. (M. Thomas Dossus proteste.) Vous dites que vous aimez la police, mais votre inconscient s’exprime à travers votre langage corporel et démontre le contraire ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Polémiquer n’est pas mon genre, mais à un moment donné, nous devons nous exprimer. Il ne faut tout de même pas faire le procès permanent des forces de sécurité, policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers.
Vous évoquez les jeunes, mais il y a aussi les quartiers urbains ou le monde rural et nous pouvons comprendre les problèmes de société qui s’y posent.
Toutefois, il y a un point que nous n’avons pas encore abordé. Chaque année, nous, parlementaires, sommes associés, sous l’autorité du ministère de l’intérieur, avec les représentants de l’État et dans l’ensemble des départements et territoires, à des journées nationales en mémoire des sapeurs-pompiers, policiers ou gendarmes décédés en service. Je suis attaché à ce devoir de mémoire. Nos forces de sécurité méritent respect et reconnaissance.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Harribey, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 167
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La focalisation trop importante sur les centres éducatifs fermés nuit aux autres solutions plus limitées, mais parfois plus efficaces et territorialisées. Les centres éducatifs fermés peuvent être efficaces pour permettre une prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire, mais nécessitent une conjonction de facteurs de réussite qui s’avère difficile à réunir. En partenariat avec le ministère de la justice, le ministère travaillera à la mise en place d’une méthodologie d’évaluation des résultats des mesures mises en œuvre et la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux centres éducatifs fermés vers les dispositifs existants plus adaptés aux besoins de terrain.
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Cet amendement vise à donner corps à l’une des préconisations du rapport d’information sur la délinquance des mineurs, fait au nom de la commission de la culture et de la commission des lois par trois de mes collègues et moi-même, et présenté le 21 septembre dernier. Il s’agit de mettre en place une indispensable évaluation des différentes mesures éducatives.
La focalisation sur les centres éducatifs fermés (CEF) nous paraît en effet excessive. S’ils peuvent être incontestablement efficaces dans la prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire, ces centres nécessitent une conjonction de facteurs de réussite – équipe, équipement, articulation avec le milieu ouvert –, qui se révèle difficile à réunir.
Une attention plus grande doit être portée aux autres solutions proposées par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), plus limitées, mais parfois plus efficaces et plus territorialisées. Cette évaluation, dont les critères devront être définis avec les acteurs concernés, pourrait conduire à la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux CEF vers les nombreux dispositifs existants, plus pertinents.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’inspiration et la rédaction de cet amendement nous semblent pertinentes. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ces dispositions relatives à des personnes qui purgent leur peine, même si c’est en centre éducatif fermé, relèvent non pas de mes services, mais de l’évaluation des politiques publiques du garde des sceaux.
Je comprends les motivations qui sont à l’origine de votre amendement, madame la sénatrice, mais je ne peux, en tant que ministre de l’intérieur, que m’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme le président. L’amendement n° 111, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 167
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour améliorer l’attractivité des métiers de la sécurité civile, le Gouvernement engagera aussi une réflexion qui portera notamment sur les conditions dans lesquelles l’engagement en tant que jeune sapeur-pompier ou jeune marin-pompier ainsi que le fait d’être titulaire du brevet national de jeune sapeur-pompier ou de jeune marin-pompier ouvrent droit à des points de bonification pour l’obtention des diplômes de l’enseignement secondaire.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Puisqu’il est question des jeunes, voici un amendement – nous l’avions d’ailleurs déjà déposé sur un texte précédent – dont la tonalité, vous l’attendiez, vous paraîtra plus positive.
Il vise à valoriser l’engagement des élèves sapeurs-pompiers ou marins-pompiers en leur octroyant des points de bonification pour l’obtention des diplômes de l’enseignement secondaire.
Les jeunes sapeurs-pompiers constituent un vivier majeur et indispensable pour le volontariat. Il nous semble pertinent de récompenser les qualités humaines de ces jeunes volontaires en leur octroyant des points de bonification lors des examens nationaux, comme le brevet ou le baccalauréat.
Monsieur le rapporteur, je n’ai toujours pas compris que, alors que le ministre était prêt à accepter qu’une expérimentation concluante soit inscrite dans sa programmation pour les cinq ans à venir, vous ayez émis un avis défavorable sur l’amendement relatif à l’accueil en commissariat des LGBT+. Il faudra m’expliquer !
J’en reviens au présent amendement. Là encore, vous pourriez me demander pourquoi nous soutiendrions une certaine catégorie de personnes et pas les autres. Eh bien, nous sommes disposés à soutenir également les autres !
En tout état de cause, nous voyons dans cette proposition une façon d’avancer, pour ces jeunes, dans un plan d’orientation et de programmation ministérielle, qui pourra aller plus loin dans les cinq ans à venir. Aussi, je ne comprendrais pas que cet amendement reçoive un avis défavorable, à l’heure où, de surcroît, le Gouvernement annonce une campagne de recrutement massif de pompiers volontaires.
J’en ai discuté, à Marseille, avec Grégory Allione et le contre-amiral des marins-pompiers. Cela fait partie selon eux des moyens d’atteindre les objectifs que vous leur avez vous-même fixés. La campagne de communication doit être accompagnée d’initiatives complémentaires. La présente proposition en est une. Cette forme de volontariat n’est pas moins intéressante que la musique ou que toute autre option permettant de gagner des points.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je le redis : je veille à la cohérence de nos débats. Nous avions déjà débattu ce point dans le cadre de la discussion de la loi Matras du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.
Nous avions alors rejeté un amendement quasi identique, au motif que si l’engagement des jeunes sapeurs-pompiers doit bien sûr être valorisé, il ne faut pas introduire, par ce dispositif, une distorsion à l’égard des jeunes qui exercent d’autres activités bénévoles.
En outre, le principe d’une bonification va à l’encontre du caractère désintéressé de l’engagement comme jeune sapeur-pompier. Avis défavorable.