M. Guillaume Gontard. Cet amendement, qui est demandé par plusieurs intercommunalités, vise à élargir le périmètre des agents pouvant être assermentés en matière de police des déchets.
À de nombreuses reprises, en 2014 comme en 2020, les maires et les présidents d’intercommunalité ont fait obstacle au transfert de police administrative, non pas au motif que cet objectif n’était pas souhaité, mais parce que le cadre juridique actuel compliquait l’effectivité des décisions prises par les présidents auxquels sont transférés des pouvoirs de police.
Cela est particulièrement marqué pour les attributions correspondant au domaine de la collecte des déchets et la gestion des déchets sauvages. En effet, le code de l’environnement restreint la liste des agents pouvant être assermentés pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions en la matière : sont visés notamment des agents qui ne sont pas employés par les collectivités locales – agents des douanes ou de la répression des fraudes – ou qui ne le sont que par celles qui disposent d’importants moyens – agents de police judiciaire adjoints, médecins territoriaux, etc.
Sans modifier le code de l’environnement, le présent amendement, s’il était adopté, permettrait au président d’intercommunalité, en complément des possibilités d’ores et déjà prévues par ce code, de missionner d’autres agents spécialement assermentés pour rechercher et constater les infractions aux règlements établis, le cas échéant, en matière de collecte des déchets et de déchets sauvages.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Là encore, ce débat a eu lieu à plusieurs reprises au Sénat, notamment au cours de l’examen des lois de décentralisation.
Ma très estimable collègue Françoise Gatel, qui préside la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a cette formule, dont je rappelle la substance : laissons l’intelligence territoriale jouer son rôle et les acteurs locaux exercer leurs compétences plutôt que d’imposer autoritairement le transfert des compétences des communes à l’intercommunalité, car ce n’est pas justifié dans tous les territoires. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne saurais mieux dire que le rapporteur. Cependant, je fais remarquer que cette possibilité a été adoptée à l’article 293 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, que vous avez votée dans cet hémicycle.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je vous invite à relire l’amendement, qui n’a rien à voir avec l’analyse de M. le rapporteur ni avec la mesure adoptée dans la loi Climat et résilience.
Il s’agit simplement de donner la possibilité d’assermenter des personnes pour constater ces délits. Il n’y a aucune obligation et cela relève de la liberté de chaque collectivité.
C’est donc une mesure assez simple, dont l’absence bloque un certain nombre de collectivités et d’intercommunalités.
Je suis prêt à en parler avec Mme Gatel, pour que l’on puisse avancer sur cette question.
Mme le président. L’amendement n° 206, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 125, dernière phrase
Supprimer les mots :
, du fait de la lourdeur de la procédure pénale, d’outils numériques insuffisamment performants et de tâches administratives chronophages
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à supprimer dans le rapport annexé le postulat erroné selon lequel la procédure pénale serait une lourdeur inutile, alors qu’elle constitue un ensemble de droits pour les citoyens.
Il convient en outre de souligner que la modification de la procédure pénale, champ de compétence propre du ministère de la justice, n’a pas sa place dans une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je suis d’accord avec Mme Michelle Gréaume sur les deux aspects qu’elle a pointés ; pour autant, cela n’empêche pas de les mentionner dans le rapport annexé !
Tout l’enjeu de la réforme est d’alléger la procédure pénale pour que policiers et gendarmes soient davantage sur le terrain, sans affaiblir la protection des droits et libertés. Le rapport annexé indique une orientation claire. Pourquoi la supprimer ?
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 126
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette visibilité de l’ensemble des forces de sécurité devra aussi passer par rendre possible l’identification des agents et des agentes, via le port visible de la carte professionnelle ou du RIO (référentiel des identités et de l’organisation) ; cette identification devra être visible tout au long de l’exécution de leurs missions sous peine de sanctions.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Alors que le Gouvernement présente dans ce texte un nécessaire et légitime pacte citoyen de confiance de la population envers l’ensemble de ses forces de sécurité, il convient de garantir explicitement la possible identification des acteurs de la sécurité dans l’exercice de leurs fonctions.
La commission des lois a décidé de ne pas soutenir cet amendement au motif qu’il serait satisfait ; or il s’agit ici d’inscrire dans le présent projet de loi d’orientation et de programmation les axes essentiels qui seront ceux du ministère de l’intérieur pendant cinq ans. À cet égard, nous pensons que l’identification anonymisée des forces de l’ordre en état doit y figurer.
Si la visibilité de la carte professionnelle des agents de la police municipale est garantie par le code de la sécurité intérieure, l’identification de tous ceux qui garantissent la sécurité des citoyens doit également être obligatoire.
Cette mesure est un premier pas fort dans la reconstruction d’un lien de confiance solide entre les forces de l’ordre et les citoyens. Nous souhaitons que l’identification des agents fasse partie de la culture du ministère de l’intérieur, cette identification étant, je le répète, un facteur de confiance des citoyens envers leur police.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pour une fois, M. Benarroche est pour les contrôles d’identité ! (M. le ministre rit.) Cette mesure existe déjà et figure à l’article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure, lequel satisfait sa préoccupation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 178, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 127 à 133
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à supprimer la sous-section 2.3.1 du rapport annexé, qui commence ainsi : « L’objectif de doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique impose d’activer un ensemble de leviers complémentaires. »
Les dispositions prévues à ces alinéas consacrent notamment la préférence de « la compensation financière des heures supplémentaires » aux jours de récupération, « l’ouverture d’une discussion sociale sur l’augmentation du temps de travail au sein des forces de sécurité intérieure » demandée par le Président de la République, « la mise en place de la fonction d’“assistant de police et de gendarmerie” et […] l’abandon des tâches périphériques ».
Nous considérons que la préférence donnée à la compensation financière des heures supplémentaires plutôt qu’aux jours de récupération et que l’ouverture d’une discussion sociale sur l’augmentation du temps de travail au sein des forces de sécurité intérieure sont une fuite en avant libérale, qui casse les droits sociaux des policiers et brade les services publics.
La Lopmi prévoit le doublement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici à 2030, notamment via la suppression de missions périphériques. Dans ces conditions, qui s’occupera par exemple du transfert de détenus ? L’administration pénitentiaire déjà surchargée ?
De même, mettre en place la fonction d’assistant de police et de gendarmerie n’est pas un gage d’efficacité. La procédure pénale, même dans son aspect le plus infime, nécessite en effet vigilance et rigueur.
Mme le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 132, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce bilan annuel des activités policières par les indicateurs chiffrés permettra de regarder de près comment l’action policière est appréhendée sur la base de tableaux de bord, agrégats statistiques et comptes rendus d’activités, comment ces données sont lues, comment cela affecte l’action policière et quels sont les effets sur les pratiques et les relations de travail.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Marqueur de l’action sécuritaire qui a été menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la politique du chiffre a été fortement critiquée par les représentants des personnels des gardiens de la paix, principalement en termes d’efficacité pour lutter contre l’insécurité, mais aussi en raison de la pression qui a été mise sur ces policiers de terrain, conduits à se focaliser sur les statistiques plutôt que sur la délinquance.
Pour les représentants des policiers, il s’agit davantage d’une politique d’affichage et de communication conduite au détriment de la santé des policiers que d’une réelle politique de lutte contre la délinquance. L’usage renforcé des indicateurs chiffrés pour mesurer et piloter l’activité policière que le ministre de l’intérieur et des outre-mer veut continuer à mettre en avant s’est pourtant révélé comme l’une des raisons des dysfonctionnements des services de police.
En outre, monsieur le ministre, comme vous le savez, de nombreux sociologues spécialistes des questions de police montrent les limites de ces simples bilans chiffrés et nous invitent à varier l’utilisation de ces chiffres, par exemple en utilisant des expérimentations ou des modélisations, comme cela se fait au Canada ou au Royaume-Uni.
Il convient donc de rappeler dans le rapport annexé que la mesure statistique de l’effectivité de l’action policière, qui accompagnera le doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique dans les dix ans, ne peut se limiter à la seule communication du relevé chiffré de l’activité policière dans les médias, sachant que les chiffres subissent aussi des effets de conjoncture ou des variations dans le temps des thématiques.
Mme le président. L’amendement n° 74, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 133, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Là encore, il s’agit d’avancer à un rythme non forcé vers le tout-numérique et le tout-distanciel, que, par ailleurs, notre assemblée n’aime pas vraiment puisqu’il a été décidé en interne d’en finir avec les réunions de commission en visioconférence, quand bien même on peut avoir un avis différent sur cette décision.
Le rapport annexé prévoit que les actes d’enquête et les audiences du juge des libertés et de la détention, notamment pour les auditions de placement en centre de rétention administratif, seront effectués en priorité par voie de communication audiovisuelle. Les juges des libertés et de la détention de Marseille et aucune des parties à ces audiences n’ont fait montre d’un enthousiasme démesuré.
Pourtant, les audiences par visioconférence, très développées depuis la pandémie de covid-19, ne permettent pas pleinement d’assurer la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats ou la solennité des audiences, laquelle est également fortement réduite par écrans interposés. La communication audiovisuelle est décriée par plusieurs professionnels de la justice, tant avocats que magistrats – je l’ai constaté à plusieurs reprises – et illustre le choix du Gouvernement de développer une justice que l’on peut qualifier de plus rapide, si l’on y est favorable, ou d’expéditive, si l’on est plus sévère, au détriment des droits des justiciables.
Généraliser cette pratique conduit à porter atteinte à la qualité de la justice rendue. D’ailleurs, nous assistons déjà à une dégradation progressive des audiences en matière de droit des étrangers en France.
Si les actes d’enquêtes impliquent nécessairement la participation d’un justiciable, il convient de maintenir systématiquement une présence physique des agents pour les usagers qui ne souhaitent pas réaliser les actes par voie de télécommunication audiovisuelle.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le ministre a indiqué à juste titre qu’il voulait doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique et que cela répondait à une forte attente. Le moins que l’on puisse attendre d’un rapport d’orientation, c’est qu’il explique les modalités qui permettront de doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique. C’est pourquoi le rapport annexé contient une série de précisions tout à fait pertinentes.
Par conséquent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 178, de même que sur l’amendement n° 21. En effet, il faut bien avoir des chiffres pour procéder aux vérifications nécessaires !
La commission est également défavorable à l’amendement n° 74, dont l’objet est de maintenir systématiquement une présence physique des agents pour les usagers ne souhaitant pas réaliser les actes par voie de télécommunications. Pourtant, pour toutes les audiences qui se déroulent ainsi, toutes les garanties sont apportées, en particulier pour les étrangers, avec les moyens de télécommunications audiovisuelles, notamment la confidentialité de la transmission.
Tout cela est donc déjà en vigueur et il est normal que le rapport annexé détaille les modalités permettant d’atteindre cet objectif.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. J’avoue ne pas comprendre ces amendements visant à supprimer certains alinéas, en particulier l’amendement n° 178.
En quoi mettre plus de policiers et de gendarmes dans la rue et accéder ainsi à la demande d’une grande partie de la gauche, à savoir une police plus présente, moins d’interventions et plus d’accompagnement et de présence de proximité – en soi, d’ailleurs, la police doit être de proximité – est une « fuite en avant libérale » ? J’ai du mal à suivre ce raisonnement.
Nous apportons au contraire la démonstration que, par une augmentation d’effectifs, que vous êtes très nombreux à me demander, quels que soient les groupes politiques auxquels vous appartenez, par la réserve opérationnelle, par la suppression d’un certain nombre de tâches périphériques, on mobilise les policiers et les gendarmes pour faire ce pour quoi ils ont été engagés, à savoir être présents sur la voie publique.
Madame la sénatrice, qui s’occupera des extractions judiciaires, demandez-vous ? L’administration pénitentiaire – de même qu’il est normal que les policiers s’occupent de la délinquance. A-t-elle assez de moyens pour le faire ? C’est une question intéressante à laquelle je réponds : hier, non, demain, oui.
Le projet de loi de finances pour 2023 qui sera bientôt soumis à votre examen prévoit en effet, à la suite du rapport conjoint avec le ministère de la justice, la création de 200 équivalents temps plein au sein de l’administration pénitentiaire. Ceux-ci remplaceront les deux ou trois policiers qui, notamment dans toutes les villes de province, sont chargés de procéder à l’extraction d’un détenu de la maison d’arrêt pour qu’il soit présenté devant le juge ou à celle d’un individu du commissariat pour qu’il soit présenté à la maison d’arrêt. Ce n’est pas aux policiers de faire ce travail, qui n’apporte aucune avancée policière.
Il est vrai que, depuis de très nombreuses années, le ministère de l’intérieur supplée au manque de moyens du ministère de la justice. Dans une ville qui compte un tribunal correctionnel, cela signifie que, sur quatre policiers prévus pour la journée, deux sont occupés à procéder aux extractions judiciaires, au lieu de répondre au 17 ou de faire des patrouilles dans le centre-ville ou dans les quartiers populaires.
Je le répète, madame la sénatrice, vouloir augmenter la présence policière n’a rien d’une fuite en avant libérale. Ne voyez pas de l’ultralibéralisme partout, il y en a déjà assez, me semble-t-il. Si je comprends souvent le raisonnement politique du groupe communiste, il me semble qu’il commet là une erreur d’analyse.
J’ai également du mal à suivre votre analyse sur les assistants d’enquête. À l’évidence, vous n’avez pas discuté avec les trois syndicats en charge du personnel administratif : tous, quels qu’ils soient, sont extrêmement favorables à cette mesure, même ceux que je ne citerai pas et qui, pour bien les connaître, ne sont pas très éloignés de votre orientation politique, madame la sénatrice. J’apprécie particulièrement leur façon de se battre en faveur de ces ouvriers administratifs, qui ne sont pas toujours reconnus par les ministères, notamment par le ministère de l’intérieur.
J’en profite pour dire ici à ces syndicats que les personnels administratif, technique et scientifique font partie de la communauté de la police nationale. Souvent, c’est une partie de la police statutaire ou de la gendarmerie statutaire qui n’est pas très favorable à cette évolution, alors même que celle-ci va très largement dans le sens de ce que vous prônez pour la fonction publique, à savoir la montée en formation, en gamme et en promotion des agents des catégories C ou B, qui connaissent les mêmes difficultés que les policiers – ils sont parfois même victimes d’attentats terroristes, comme ce fut le cas de Mme Stéphanie Monfermé à Rambouillet. Ils disposeront donc d’une compétence particulière.
Il ne s’agit pas d’ultralibéralisme : je ne vous ai pas annoncé que l’on allait embaucher des contractuels ou demander à des sociétés privées de le faire ! Ce sont des personnels administratifs du ministère de l’intérieur, qui ont le statut de fonctionnaire.
Je le répète, je pense que vous vous trompez d’analyse et de combat.
J’en viens à l’amendement n° 21, présenté par Éric Kerrouche. Là encore, il y a là, me semble-t-il, une incompréhension collective.
En quoi consiste la politique du chiffre, sinon à fixer à des services des objectifs chiffrés de réussite ? Si je demande que la délinquance baisse de 5 % en Saône-et-Loire ou que la direction départementale de Saône-et-Loire procède à 150 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) dans le mois, c’est de la politique du chiffre. Ce n’est jamais ce que j’ai demandé aux services de police et encore moins ce que je demande maintenant !
En tant que ministre de l’intérieur, à l’instar du ministère des comptes publics qui rend publics les chiffres du déficit ou des dépenses publiques ou du ministre du travail qui rend publics les chiffres du chômage, je rends publics un certain nombre de chiffres. Ce n’est pas en soi un objectif, c’est une statistique qui vaut ce qu’elle vaut – vous avez d’ailleurs raison, monsieur le sénateur, il y a des biais statistiques comme partout et les sociologues n’en sont pas exempts, puisque, par définition, tout est subjectif ! On peut d’ailleurs discuter de ces théories et je suis tout à fait ouvert aux analyses scientifiques de l’ensemble de ceux qui réfléchissent au fonctionnement de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
Pour autant, quand je rends publics des chiffres de la délinquance, comme tous mes prédécesseurs et comme tous mes futurs successeurs, je ne fais rien d’autre que révéler l’activité des services, notamment les plaintes déposées dans les commissariats ou les interpellations de trafiquants. Je n’y mets pas d’objectif, je dresse un constat. Fixer des objectifs serait d’ailleurs absurde pour des faits aussi difficilement mesurables, au sens policier du terme, que les violences intrafamiliales.
J’ai tendance à penser que, lorsque les chiffres des violences intrafamiliales augmentent, c’est un drame pour ceux qui les subissent, mais en même temps le révélateur que les services de police et de gendarmerie transforment en plaintes ce qui faisait hier l’objet de mains courantes.
Pour autant, monsieur le sénateur, comme l’a souligné M. le rapporteur, il n’est pas anormal que le ministre de l’intérieur explique comment on va réussir à doubler le nombre de policiers et de gendarmes présents sur la voie publique, sinon ce serait un vœu pieux. Si je ne le faisais pas, vous me le demanderiez !
Je l’ai déjà expliqué, je veux bien le faire de nouveau : pour accroître la présence sur la voie publique, nous avons prévu la création de 8 500 effectifs supplémentaires, la création de la réserve opérationnelle dans la police nationale – nous avons décidé de geler les crédits de réserve de la gendarmerie nationale qui étaient auparavant annulés –, la fin des cycles horaires qui prenaient trop d’énergie et empêchaient les policiers d’être sur la voie publique – c’est notamment la fin du « vendredi fort » de la police nationale, que j’ai eu l’occasion d’évoquer avec le sénateur Dominati –, l’allégement des procédures pénales, grâce aux assistants d’enquête ou aux AFD – on peut en combattre le principe, mais cela participe de la simplification qui crée plus de présence sur la voie publique, je ne reprends pas l’exemple du téléphone que j’ai mentionné tout à l’heure –, la fin des extractions judiciaires, la fin des procurations – une procuration, c’est 10 euros et 10 minutes pour un officier de police judiciaire.
Voilà, monsieur le sénateur, comment on arrive au doublement de la présence policière sur la voie publique.
N’y voyez pas de chiffres statistiques : j’essaie de justifier devant le Parlement des crédits budgétaires, c’est-à-dire l’impôt des Français, que vous m’accorderez, je l’espère ; qui plus est, je serai obligé de justifier l’emploi de cet argent devant la Cour des comptes.
Il faut tout de même que l’on dispose de chiffres, sinon le débat serait vain. Depuis que je suis ministre de l’intérieur et c’était aussi le cas de mes prédécesseurs, il n’a jamais été question de fixer à des chefs de police des taux de réussite : un tel procédé conduirait en effet à ne pas prendre des plaintes et à les transformer en mains courantes, pour essayer de faire baisser les chiffres, ou à retarder les procédures – en ne traitant par exemple celles du mois de novembre qu’au mois de janvier suivant – pour montrer que le ministre de l’intérieur avait raison.
Je suis d’accord avec vous pour refuser une telle manœuvre. En revanche, il me paraît normal que l’on dévoile les chiffres de la délinquance et que l’on en discute, y compris pour que je puisse vous expliquer pourquoi ils augmentent ou baissent si l’on n’est pas d’accord sur le constat. Parvenir à doubler, ce qui est un effort considérable, la présence sur la voie publique sans doubler le nombre d’effectifs de voie publique demandait une démonstration.
Pour qu’il n’y ait pas de difficultés de compréhension entre nous, je répète que les dispositions que je vous présente dans le rapport annexé ne visent pas à revenir à une politique du chiffre, que je ne cautionne pas non plus dans mes autres actions politiques.
Mme le président. L’amendement n° 205, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 134
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à supprimer dans le rapport annexé la présentation de la simplification de la procédure pénale comme un levier pour doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique.
Il est erroné d’assimiler la procédure pénale à une lourdeur administrative, alors qu’elle constitue un ensemble de droits pour les citoyens. En outre, nous considérons que faire de la simplification de cette procédure une priorité, c’est prendre le risque qu’il soit fait fi des garanties procédurales, notamment lors de la garde à vue. On ne valorise pas les métiers de la sécurité intérieure en abaissant l’exigence qui les entoure et qui donne du sens au travail de la police judiciaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La lourdeur de la procédure pénale tient au fait qu’un certain nombre de garanties et de droits sont préservés grâce à cette rigidité parfois excessive, mais aussi au fait que de nombreux éléments sont superfétatoires.
Certes, cela relève d’une réforme systémique de la justice que, comme sœur Anne, nous attendons depuis longtemps, après les états généraux de la justice. Pour autant, on ne peut pas empêcher un autre ministre d’alléger un certain nombre de procédures, par exemple les réquisitions, dans le but de supprimer des tâches administratives superfétatoires et de remettre des policiers sur le terrain.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.