M. le président. L’amendement n° 267 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 1,5 %.
II. – Alinéa 6
remplacer les mots :
, II ter et II quater
par les mots :
et II ter
Cet amendement a déjà été défendu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Théophile, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 268 rectifié est présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
Les II, II ter et II quater
par les mots :
Les II et II ter
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
M. Dominique Théophile. Monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement a souhaité plafonner à 3,5 % la variation de l’indice de référence des loyers jusqu’en juin 2023.
À l’Assemblée nationale, les députés ont introduit une modulation de ce plafonnement pour les ZRR, la Corse et les outre-mer, ainsi que notre collègue vient de l’évoquer.
Au Sénat, la commission des affaires économiques est revenue sur cette modulation au motif que celle-ci présenterait un risque au regard de l’égalité devant la loi.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Dominique Théophile. Elle a également estimé que l’inflation et le montant des loyers dans les outre-mer étaient comparables à ce que l’on observait dans l’Hexagone, et que cette mesure ne se justifiait donc pas.
Mes chers collègues, je ne vous apprendrai rien : il est toujours délicat de brandir le respect de l’égalité quand on parle des territoires ultramarins, parce qu’il existe des inégalités de traitement, dont on trouve des exemples jusque dans ce texte.
Par cet amendement, nous proposons justement de mettre en œuvre davantage d’égalité grâce à un effort de rattrapage global.
Par ailleurs, si l’inflation est aujourd’hui comparable dans les outre-mer et l’Hexagone, le coût de la vie, en revanche, ne l’est pas, pas plus que le niveau de vie. Je vous garantis que 3 % d’augmentation, cela ne recouvre pas la même réalité à Paris, à Pointe-à-Pitre ou à Mamoudzou.
Enfin, contrairement à ce qui a été dit, les loyers outre-mer sont bien supérieurs en moyenne à ceux de l’Hexagone, de plus de 20 % en Guadeloupe et de plus de 10 % en Guyane et à La Réunion.
Cet amendement tient donc compte de ces inégalités en visant à plafonner à 2,5 % la variation de l’IRL dans les outre-mer et à revenir ainsi au texte adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié a déjà été défendu.
L’amendement n° 387, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier et Létard, MM. Louault et Chauvet, Mme Férat, M. Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir le plafonnement de l’IRL à 2,5 % dans les outre-mer, ainsi que M. de Courson l’avait proposé, suivi par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mme Lienemann, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au deuxième alinéa du I de l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques s’établit, jusqu’au 31 décembre 2023, au niveau de l’indice publié le 16 avril 2022 au Journal officiel pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.
À compter de la publication de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2023, il n’est pas fait application dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Comme d’autres viennent de le faire, nous souhaitons alerter sur la situation particulière outre-mer. J’ai cherché les mots et, ainsi que d’autres acteurs l’ont dit, cela mérite réparation. J’espère que vous en êtes conscient, monsieur le ministre.
L’Assemblée nationale a débattu de la territorialisation des dispositifs pour mieux les cibler : nous sommes dans le sujet avec l’outre-mer.
Selon l’Insee, 18 % des Français en situation de grande pauvreté résident en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, des territoires qui ne rassemblent pourtant que 3 % de la population française.
Pourquoi la problématique du logement est-elle insoutenable outre-mer ? Parce que le foncier y est rare, parce que ces territoires subissent des risques naturels, parce que la croissance démographique est forte et le niveau de vie inférieur à celui de la métropole. Le besoin est donc très important.
M. Victorin Lurel. Sans parler du coût de la vie !
M. Pascal Savoldelli. Vous m’ôtez les mots de la bouche, mon cher collègue : les produits alimentaires coûtent entre 28 % et 38 % plus cher qu’en métropole.
S’agissant d’un projet de loi de protection du pouvoir d’achat, il importe donc de prendre une mesure structurelle. C’est pourquoi nous vous proposons le gel des loyers outre-mer.
Ce sujet s’agrège au débat que nous avons eu précédemment au sujet des APL : n’opposons pas les deux ! Il y a un tel décalage, un tel fossé entre ces deux réalités sociales qu’il fallait débattre en responsabilité des APL et qu’il faut également débattre sur le montant des loyers. À défaut, nous nous payerions de mots.
Il faut réparer la situation du droit au logement outre-mer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 266 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, l’indice de référence des loyers s’établit entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023 au niveau de l’indice publié le 16 avril 2022 au Journal officiel pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.
II. – Alinéa 6
remplacer les mots :
, II ter et II quater
par les mots :
et II ter
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 388, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier et Létard, MM. Louault et Chauvet, Mme Férat, M. Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II quater dans la rédaction suivante :
II quater. – Pour la collectivité de Corse, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, le représentant de l’État peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 %, la variation mentionnée au II du présent article.
Cette modulation est opérée après consultation pour avis de l’assemblée de Corse.
Elle prend en compte les critères suivants :
1° Les caractéristiques démographiques et sociales de la population locale, dont le taux de pauvreté de la collectivité de Corse, entendu comme la part de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ;
2° L’existence d’un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;
3° L’écart entre l’inflation annuelle constatée en France métropolitaine et celle constatée sur le territoire de la collectivité de Corse.
Ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de la transition écologique.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement, qui concerne la Corse, a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur ces dix amendements ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement n° 385 entraîne une discussion commune sur trois dispositions ayant des points communs, mais des objets différents.
Je vais aborder successivement les cas des ZRR et de la Corse puis des outre-mer, afin d’expliquer les raisons pour lesquelles la commission a pris la décision de supprimer les exceptions introduites par l’Assemblée nationale.
Le point commun à toutes ces dispositions est qu’elles visent à faire varier le plafond de hausse des loyers en fonction de considérations locales, alors que l’indice de référence des loyers utilisé est national et s’applique à tous ces territoires. Ces propositions présentent donc un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant la loi.
De plus, compte tenu de leur ampleur, elles conduisent à remettre en cause le compromis avec l’État que j’évoquais précédemment. Je tiens à attirer votre attention sur ce point.
S’agissant des ZRR et de la Corse, ces dispositifs sont extrêmement complexes et difficilement applicables, car ils reposent sur des critères qui ne seront pas définis à court terme. Ils requerront un arrêté du ministre, l’avis du conseil départemental ou de l’assemblée de Corse et un arrêté préfectoral. En outre, ils reposent pour partie sur des données inexistantes ou parcellaires.
Enfin, ils aboutiraient à la définition d’un très grand nombre de plafonds des loyers dans chaque département, voire à un niveau infradépartemental, puisqu’ils ouvrent la possibilité d’une modulation du plafond retenu. Cela pose un problème d’intelligibilité de la loi et d’insécurité juridique au détriment des locataires comme des bailleurs, et cela pose également un vrai problème de constitutionnalité. Il nous faut mettre en balance cette grande complexité avec leur durée de vie, limitée à une année.
J’ajoute que ces dispositifs sont incohérents les uns par rapport aux autres. Par exemple, de nombreuses ZRR se trouvent en Corse ou dans les outre-mer ; on ne sait pas quel dispositif s’appliquera.
M. Victorin Lurel. Il n’y en a que deux outre-mer !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Enfin, dans les ZRR, par exemple, le problème me paraît beaucoup plus résider dans le coût de l’essence pour se déplacer ou du fioul pour se chauffer que dans le montant des loyers.
M. Victorin Lurel. Il ne faut pas dire cela !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un argument !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mais si !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Des mesures vont d’ailleurs être prises sur ces sujets dans le projet de loi de finances rectificative dont nous allons discuter la semaine prochaine. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Concernant les outre-mer, en effet, aucune disposition spécifique de ce texte sur le pouvoir d’achat ne les concerne, alors même que la pauvreté y est plus importante et que la vie y est plus chère qu’en métropole.
Nous n’ignorons pas leur situation, bien au contraire, mais nous considérons que nous ne devons pas les payer de mots ! Notre analyse est qu’une limitation de la hausse des loyers dans les outre-mer serait constitutionnellement très fragile.
Le premier aliéna de l’article 73 de la Constitution permet des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Ces adaptations doivent donc se justifier objectivement. Or, selon les données disponibles, ce n’est pas le cas. Ainsi, les loyers sont en moyenne moins élevés outre-mer qu’en métropole.
M. Victorin Lurel. On ne peut pas dire cela !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Le loyer moyen en France est de 16 euros le mètre carré, dans une fourchette de 11 à 23 euros ; celle-ci est à La Réunion de 10 à 14 euros, en Guadeloupe de 10 à 16 euros, à la Martinique de 11 à 15 euros, en Guyane de 12 à 16 euros.
En outre, les loyers outre-mer représentent plutôt une part moins importante dans les dépenses des ménages qu’en province, et l’inflation y a été plus contenue qu’en métropole. Enfin, le pourcentage de locataires n’y est pas plus élevé.
M. Victorin Lurel. Quelle est votre source ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. En voulant donner un coup de pouce par le truchement des loyers outre-mer, nous courrions un vrai risque de censure du Conseil constitutionnel. Faut-il, pour autant, ne rien faire pour nos concitoyens outre-mer ? Bien sûr que non !
Comme vous l’avez souligné, les chiffres de l’Insee indiquent que les prix sont entre 7 % et 12 % plus élevés outre-mer, et jusqu’à 48 % plus chers en matière alimentaire. Il faut agir sur ces sujets.
Dans le projet de loi de finances rectificative, l’Assemblée nationale a voté un supplément de 15 millions d’euros pour l’aide alimentaire. C’est plus efficace et concret pour nos concitoyens qu’une minoration des loyers qui risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Les amendements en discussion contiennent des propositions de boucliers spécifiques suivant les zones.
Concernant l’outre-mer, je veux dire que je connais la situation du logement dans ces territoires. Comme président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), il m’est arrivé plusieurs fois de m’y rendre.
Je partage les inquiétudes qui ont été exprimées sur ce sujet et j’espère avoir bientôt l’occasion de retourner dans un certain nombre de territoires, pour parler du deuxième bailleur à Mayotte, ou de la situation du logement dans les zones où celle-ci mérite en effet d’être examinée.
S’agissant des propositions elles-mêmes, il est vrai que l’inflation dans les territoires ultramarins est comparable à celle qui règne dans l’ensemble de l’Hexagone ; néanmoins, le contexte y est plus tendu, avec souvent des loyers et des prix plus élevés et une pauvreté importante.
Pour ces raisons, je vous propose de vous rallier à l’amendement n° 107 rectifié, présenté par le sénateur Théophile, qui vise à établir un plafonnement à 2,5 %.
L’avis est donc favorable sur cet amendement, et je vous propose de retirer les autres amendements relatifs aux outre-mer nos 385, 269 rectifié, 267 rectifié, 387, 53 et 266 rectifié bis.
Concernant la Corse, constant avec la position du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 388, même s’il n’a rien à voir avec l’article 73 de la Constitution. Il me semble important de vous laisser choisir une position.
Enfin, en ce qui concerne les ZRR, il ne me semble pas que l’on puisse introduire une différenciation à l’intérieur du territoire hexagonal. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 386. Je vous propose de maintenir le plafonnement à 3,5 % dans les zones de revitalisation rurale.
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Dans tous les outre-mer, la cherté de la vie est un défi structurel que nous examinons à l’aune du contexte inflationniste qui règne depuis quelques mois.
Je suis élue de Saint-Barthélemy, où les loyers atteignent des niveaux vertigineux, et je mesure la charge que peut représenter ce poste budgétaire pour un ménage et les risques sociaux que cela emporte, particulièrement dans cette période de hausse des prix. Cette compétence appartenant à la collectivité, le présent dispositif ne s’y appliquera pas, bien entendu.
Le rapport sur le logement social outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présenter avec mes collègues Victorin Lurel et Guillaume Gontard, me permet de connaître l’ampleur des besoins et des enjeux de ce secteur. Aussi, je suis convaincue que la proposition de plafonnement que nous examinons contribuera à préserver le pouvoir d’achat et à protéger les locataires, notamment les plus fragiles.
Le taux différencié de 2,5 % correspond à un compromis tenant compte des revenus des locataires comme des bailleurs. Nous devrons toutefois demeurer attentifs aux difficultés de financement de l’entretien des bâtiments, que les bailleurs sociaux anticipent et sur lesquels ils ont d’ores et déjà alerté.
La cherté de la vie pesant essentiellement sur les denrées alimentaires, peut-être aurait-il fallu cibler davantage ces dépenses. En tout état de cause, nous devons être pragmatiques et limiter l’augmentation à 2,5 %. Cela contribuera à contenir l’accroissement du poids des charges fixes de nombreux ménages, dans les collectivités où 80 % des populations sont éligibles à un logement social, pour 15 % de bénéficiaires.
Au-delà de l’urgence, en écho aux recommandations du rapport précité, le plafonnement de l’augmentation des loyers rappelle l’urgence de disposer d’évaluations statistiques régulières et précises. De nombreuses données statistiques ne sont pas à jour, depuis parfois plus de cinq ans ; or, dans des territoires où l’ajustement est la clé de l’efficience des politiques publiques, les statistiques sont les instruments essentiels d’un bon pilotage.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Micheline Jacques. Je voterai donc les amendements nos 107 rectifié, 268 rectifié et 387, et j’invite mes collègues du groupe Les Républicains à faire de même.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’appuie l’argumentation du sénateur Théophile et de notre collègue Jacques et j’appelle à voter l’amendement n° 107 rectifié.
Nous sommes la chambre des territoires qui, dans tous les débats sur la décentralisation depuis 2004, a eu à cœur de promouvoir la différenciation et l’expérimentation.
Il est vrai que nous n’avons pas rendu la tâche facile au rapporteur, que je remercie pour le travail accompli en commission, où nous avons pu progresser ensemble sur de nombreux chantiers, chacun avec sa spécificité.
Les outre-mer connaissent une situation, documentée s’agissant du niveau de vie et de la cherté, qui justifie d’adopter une approche différenciée, laquelle est par ailleurs encadrée dans le temps.
J’appelle donc à voter très largement ces amendements plafonnant à 2,5 % la hausse des loyers outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais insister sur ce que le rapporteur a indiqué et qui me semble important.
S’agissant des ZRR, le niveau des loyers n’y est pas le problème principal ; ce niveau y est, en règle générale, très inférieur à ce que l’on constate dans le reste de la France. Ce n’est donc pas un sujet de pouvoir d’achat. Nous pouvons, certes, en discuter, mais pas sur ce point.
Ensuite, dans ces zones, les propriétaires sont non pas de grands groupes ou de grands bailleurs, mais souvent de petits commerçants, des agriculteurs, des gens du cru qui ne sont pas de grands propriétaires. Il me semble donc que l’équilibre trouvé par le Gouvernement à 3,5 % est juste et n’est pas préjudiciable.
Comme le disait le rapporteur, le problème du pouvoir d’achat se pose plutôt pour le fioul, l’essence et la mobilité en général.
S’agissant des outre-mer, nous ne nions pas les problèmes de cherté de la vie que connaissent ces territoires, que nous aimons et dans lesquels nous voulons réparer les injustices sociales. J’attire toutefois votre attention sur le fait que, malgré notre volonté de différenciation, il existe un risque constitutionnel, car les éléments que vous a donnés le rapporteur ne permettent pas de créer un véritable élément de différenciation par rapport à la métropole.
Enfin, pour la Corse, j’avoue ne pas bien comprendre. En tout état de cause, pour les ZRR et les outre-mer, les sujets sont différents.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Nous aimons aussi les outre-mer, et comme nous les aimons, nous comprenons le problème des loyers et nous agissons. Sur les autres questions, nous comptons également comprendre et agir.
Ensuite, il ne faut pas préempter la question constitutionnelle. Si c’est juste, faisons-le et nous verrons bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous faisons la loi, ici, monsieur Théophile !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je suis déjà un vieux parlementaire : je peux comprendre une connivence de pensée, une solidarité de groupe, voire une certaine endogamie politique… Mais vous soutenez uniquement l’amendement de mon collègue Dominique Théophile, alors que j’ai déposé un amendement identique n° 268 rectifié. Si son exposé des motifs diffère légèrement, son dispositif est le même. Je vous demande donc de le soutenir également.
Monsieur le président, je vous demande de soumettre au vote du Sénat ces deux amendements identiques ensemble. Je suis disposé à retirer les autres s’il le faut, si nous devions nous entendre…
M. le président. Monsieur Lurel, indiquez-vous que vous retirez les amendements nos 269 rectifié, 267 rectifié et 266 rectifié bis ?
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je n’ai pas fini mon propos ; ce retrait est suspendu à un compromis.
S’agissant du risque d’inconstitutionnalité, comment expliquez-vous donc aujourd’hui, monsieur le rapporteur, cette différence : les APL existent ici, mais pas là-bas ?
Nous vous demandons non pas une dérogation, mais une adaptation proportionnée. Les décisions du Conseil constitutionnel sont constantes sur ce point : nous pouvons le faire.
Comme Nassimah Dindar l’a expliqué précédemment, le cas du forfait logement est différent. Comment expliquer que l’on atteigne plus facilement le plafond du barème dans les zones tendues des outre-mer, comme c’est le cas en Île-de-France, et que le surloyer, ou supplément de loyer de solidarité (SLS), y soit payé plus vite ? Le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de cette difficulté, indique pourtant qu’il n’y a pas de risque d’inconstitutionnalité…
Enfin, si j’étais atterré que la commission écarte les apports de l’Assemblée nationale, je suis estomaqué d’entendre que les loyers seraient plus faibles outre-mer et que l’inflation y serait au même niveau qu’en métropole. Comparons les données ! Le Sénat a récemment étudié la situation du logement dans les outre-mer…
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Victorin Lurel. En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je suis très étonnée par ce que je viens d’entendre. Fin 2021, un rapport intitulé La politique du logement dans les outre-mer a été publié par la délégation sénatoriale aux outre-mer – Mme Jacques l’a évoqué. Les recommandations formulées dans ce rapport sont à cent lieues des propos du rapporteur pour avis !
Par ailleurs, certains bailleurs nous ont confié qu’ils étaient contraints de réduire les dimensions des pièces des logements afin de contenir les loyers à des niveaux acceptables. C’était pourtant avant la guerre en Ukraine, qui serait désormais la cause de toutes les augmentations de prix… Avant la guerre, les matériaux étaient déjà beaucoup plus chers et ils le sont encore. Il faut être réaliste !
J’ajoute que Mme Estrosi Sassone, auteur avec d’autres collègues d’un rapport intitulé « La politique de la ville, un tremplin pour les habitants », déplorait récemment sur Radio Caraïbes International la situation dans nos outre-mer.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons cohérents. Nous devons travailler en toute transparence et défendre l’intérêt des populations. Adoptons les amendements identiques de nos collègues Théophile et Lurel !