M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.

Mme Monique Lubin. Au risque de tenir des propos à rebours de ceux que j’ai entendus, je ferai remarquer qu’il y a dans cette liste de revalorisations de prestations sociales une grande absente : la jeunesse. Et pour cause, une telle prestation n’existe pas !

Notre pays n’a toujours pas mis en place un revenu minimum de subsistance pour les jeunes de 18 à 25 ans, alors que ceux-ci peuvent, à 23 ou 24 ans, se retrouver dans une galère extraordinaire, lorsqu’ils ne peuvent compter sur leur famille. Pourtant, on ne veut pas revenir sur le fait que, avant 25 ans, on ne peut pas percevoir de prestations de solidarité.

Comment financer toutes ces augmentations, voire ces nouvelles prestations ? Mes chers collègues, je vous entends répéter qu’il faut baisser les dépenses…

Mme Monique Lubin. … et arrêter, à tout le moins freiner, sur un certain nombre d’aides sociales, etc. Mais on ne se demande jamais comment on peut faire pour trouver des recettes supplémentaires. (M. Vincent Segouin sexclame.)

Pourtant, nous ne sommes pas avares d’idées (Des impôts ! sur les travées du groupe Les Républicains.), et il me semble que certaines pourraient être mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. J’apporterai des réponses sur cinq points.

Premièrement, madame Jasmin, le Gouvernement a bien l’intention de revaloriser les bourses dans les mêmes proportions que les autres minima et pensions. Je précise toutefois que les bourses de l’enseignement supérieur relèvent du domaine réglementaire : nous prendrons donc un décret pour les revaloriser à hauteur de 4 % à la rentrée prochaine. Les bourses de l’enseignement secondaire seront aussi traitées par voie réglementaire, dans la mesure où l’amendement n° 817 qui a été adopté par la commission des affaires sociales permet au Gouvernement de procéder à leur revalorisation par décret.

Deuxièmement, madame Féret, vous avez raison : il s’agit bien d’une avance de revalorisation. La loi prévoit que les retraites sont revalorisées au 1er janvier et les prestations familiales ou sociales au 1er avril, et il n’y a jamais ou presque d’entorse à ce principe et à ce calendrier. La dernière exception a eu lieu entre 2015 et 2016 : la revalorisation des retraites du début de l’année 2016 a été reportée de six mois, jusqu’au 1er octobre de cette même année – soit une période assez longue, puisque la revalorisation du début de l’année 2015 avait été de zéro, certes dans un contexte de très faible inflation, et avait donc valu pour dix-huit mois.

L’avance de revalorisation que nous prévoyons représente un engagement de 6,7 milliards d’euros pour la puissance publique : cela n’est pas négligeable et permet de protéger le pouvoir d’achat des retraités et des bénéficiaires de prestations sociales pendant la période qui s’ouvre, alors que ces publics auraient normalement dû attendre les échéances que j’ai rappelées.

Si, au 1er janvier et au 1er avril prochains, l’inflation constatée est supérieure à celle qui prévaut jusqu’à présent, c’est-à-dire 5,8 %, une revalorisation en conséquence de cet écart sera enclenchée.

Vous appelez de vos vœux une clause de revoyure, madame la sénatrice. En cas d’explosion de l’inflation – les prévisions que vous avez envisagées ou que vous redoutez me semblent peu susceptibles de se réaliser, et c’est tant mieux –, d’autres textes qui arriveront d’ici à la fin de l’année permettront d’agir. Je précise que nous devons aussi faire avec des délais et des contraintes techniques, si bien que, parfois, la prise de décision d’une revalorisation se traduit formellement avec un décalage de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.

En tout cas, cette revalorisation n’obère pas la possibilité d’une revalorisation aux dates prévues au début de l’année 2023.

Troisièmement, sur la question de l’AAH, j’ai peur de dire une bêtise, notamment sur les questions relatives aux droits et au maintien des droits pour les bénéficiaires qui pourraient être perdants en raison de la déconjugalisation. M. Mouiller m’a interrogé sur ce point en commission. Vérification a été faite depuis et il est bien prévu qu’un renouvellement ne soit pas vu comme une fin de droits. Par conséquent, nous garantirons aux personnes bénéficiant de l’AAH qui pourraient être perdantes à cause de la déconjugalisation leurs droits au même niveau d’allocation qu’actuellement jusqu’à extinction desdits droits – le renouvellement n’en faisant pas partie.

Voilà qui me permet de faire le lien avec votre intervention, madame Létard. Vous avez soulevé un vrai sujet dont nous avions très peu conscience jusqu’à présent. Ce que vous avez décrit s’explique principalement par le fait que, parfois – c’est en effet malheureusement hétérogène –, les revenus liés à l’AAH sont intégrés dans la base des revenus pris en compte pour le calcul de l’éligibilité au RSA, ce qui n’est pas juste, notamment dans les cas de transfert de situation entre le bénéfice de l’AAH et le bénéfice du RSA.

Depuis que vous nous avez alertés, nous travaillons à trouver une solution technique, certainement réglementaire, pour neutraliser les revenus liés à l’AAH dans le calcul de l’éligibilité au RSA et faire en sorte que cela soit suffisamment rapide pour éviter les délais de trois ou quatre mois que vous avez mentionnés. Je ne saurais dire au moment où je m’exprime devant vous quelle sera la solution technique, mais c’est en tout cas un point que nous avons bien pris en compte.

Quatrièmement, nous partageons totalement votre préoccupation sur le non-recours, madame Goulet, et le Président de la République s’est engagé à la solidarité automatique. Cela suppose des travaux techniques majeurs : il nous faut d’abord croiser les fichiers du prélèvement à la source et les données de revenus mensuels qui servent de base de calcul aux prestations sociales. C’est seulement une fois ce travail accompli que nous serons en capacité de mesurer les revenus d’activité et les revenus sociaux d’un même foyer et d’apprécier une éligibilité.

Pour être tout à fait transparent, comme je l’ai indiqué en commission, je précise que ces travaux techniques prendront au moins dix-huit mois.

Dans un premier temps, le résultat ne sera pas totalement satisfaisant, puisque les prestations quérables le resteront ; toutefois, leur actualisation sera automatisée.

Dans un second temps, un nouveau développement technique permettra de passer à un système où il ne sera plus nécessaire de déposer une demande : le simple constat par le croisement des données permettra l’accès à la prestation et réduira considérablement le taux de non-recours – nous partageons vos chiffres à cet égard – et, parallèlement, même si c’est sans commune mesure en termes de volume, les cas de fraude. Ceux-ci ne sont aujourd’hui possibles que parce qu’il y a déclarations ; dès lors que les déclarations auront disparu, il n’y aura plus de véhicules de fraude.

Cinquièmement, enfin – mais nous aurons ce débat tout à l’heure –, le Gouvernement est tout à fait opposé à une différenciation des taux de revalorisation entre les prestations sociales. Un certain nombre d’amendements visent en effet soit à exclure le RSA du champ de la revalorisation, soit à en minorer le taux par rapport aux autres prestations. Pour notre part, nous considérons que les allocataires du RSA rencontrent les mêmes difficultés face à l’inflation que les autres ménages et ont besoin d’être aidés dans les mêmes proportions.

Par ailleurs, nous avons fait le choix de revaloriser la prime d’activité. En associant cette mesure aux revalorisations automatiques et légales du SMIC, qui s’élèveront au total à 8 % au 1er août sur un an, nous garantissons le maintien de l’écart entre un revenu lié à un minima social et le premier niveau de revenu d’activité. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Segouin, Retailleau, Mouiller, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, M. Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené et Hugonet, Mme Imbert, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut et Lefèvre, Mmes Lopez, M. Mercier, Micouleau, Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mmes Renaud-Garabedian et Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase

Après le mot :

individuelles

insérer les mots :

, à l’exclusion du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique,

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les montants du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique sont revalorisés, au 1er juillet 2022, par application d’un coefficient égal à 1,035. Le coefficient applicable lors de la revalorisation annuelle intervenant au 1er avril 2023 des montants du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique est égal au quotient entre le coefficient calculé en application de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale et 1,035, sauf si le coefficient ainsi obtenu est inférieur à 1, auquel cas il est porté à cette valeur.

La parole est à M. Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. Cet amendement, déposé par le groupe Les Républicains, tend à appliquer au RSA ainsi qu’à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) une revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 au taux de 3,5 % et non de 4 %, comme cela a été voté à l’Assemblée nationale.

Je rappelle que le RSA et l’ASS garantissent un revenu minimum à des personnes sans emploi en attente d’insertion professionnelle. À mon avis, il n’y a pas lieu de revaloriser ces aides sociales à un taux supérieur à celui du travail. Dans la mesure où le taux de 3,5 % équivaut au taux de revalorisation du point d’indice de la fonction publique, pourquoi augmenter les minima sociaux de 4 % ? Je ne comprends pas ! Par ailleurs, les allocations chômage sont revalorisées de 2,9 %…

M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb et D. Laurent, Mmes Chauvin et M. Mercier, MM. Cadec et Klinger, Mme Férat, MM. Bonnus et Chasseing, Mme Demas, MM. Pointereau, Bacci et E. Blanc, Mme Imbert, M. Hingray, Mme Pluchet, MM. Daubresse et Bouchet, Mme F. Gerbaud, M. de Legge, Mmes Bellurot et Micouleau, MM. Belin, Meignen, Joyandet, Longeot et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat et M. Somon, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Après les mots :

aides individuelles

insérer les mots :

, hormis le revenu de solidarité active,

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Je suis conscient que le présent amendement risque de faire encore plus débat que celui de M. Segouin.

On doit aussi se poser les bonnes questions ! Quand nous sommes sur le terrain – et nous y sommes tous –, nous entendons sans cesse les entreprises se plaindre de ne pas parvenir à recruter. Dans mon département de la Haute-Loire, une usine de fabrication de champignons de Paris cherche à pourvoir 60 emplois et a été obligée de faire appel à 40 employés polonais parce qu’elle ne trouvait personne sur le territoire !

Les gens avec qui je discute ne sont pas étonnés et comprennent ce qui se passe : ils considèrent que le différentiel avec les aides sociales n’est pas suffisamment important pour inciter à travailler. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Beaucoup se demandent à quoi leur sert de prendre leur voiture pour aller travailler puisque, au bout du bout, en tout cas dans un département comme le mien, ils gagnent presque autant en restant chez eux. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Je devine que beaucoup d’entre vous seront contre les propos que je tiens. Pour autant, quel message envoyons-nous à celui qui se lève tous les matins pour aller travailler, qui prend sa voiture pour faire 30 kilomètres, alors qu’il voit son voisin ne pas travailler et rester au RSA et aux APL, qui sont valorisés respectivement de 4 % et de 3,5 % ? Pensez-vous que c’est ainsi que l’on remettra le maximum de gens au travail ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce n’est pas ainsi que l’on y arrivera !

Certains considèrent que ce qu’ils disent doit pouvoir être entendu par tout le monde et politiquement correct… Quant à moi, je suis peut-être politiquement incorrect, mais je vous dis qu’il y a plein de Français qui travaillent et qui en ont marre de cette situation !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 83 rectifié a pour objet une revalorisation de 3,5 % du RSA et de l’ASS pour l’aligner sur celle du point d’indice de la fonction publique ; je ne reviens pas sur la présentation de Vincent Segouin.

En cette période d’inflation, les valorisations de taux sont différentes : l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par l’Unédic est valorisée de 2,9 % et non de 4 % ; l’Agirc-Arrco et le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ont fait le choix de ne pas aligner leurs complémentaires et la valorisation reste à zéro.

Nous aurions sûrement gagné à nous interroger sur ces revalorisations différenciées de minima par anticipation.

En tant que rapporteur, je me suis prononcée en faveur de cet amendement en commission ; malheureusement, la commission n’a pas suivi et a émis un avis défavorable. Néanmoins, vous devinez mon vote sur cet amendement.

Il en va de même pour l’amendement n° 44 rectifié bis : la commission a également émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. En écho à ce que vient de dire Mme le rapporteur sur les régimes Agirc-Arrco et les retraites complémentaires, je précise que les dates de revalorisation sont différentes. Les partenaires sociaux saisis décideront du niveau de cette revalorisation au moment de son échéance qui, de mémoire, doit se produire le 1er novembre prochain.

J’ai déjà exprimé mon opposition aux deux amendements qui ont été présentés et rappelé la volonté du Gouvernement d’accompagner l’ensemble des ménages, y compris ceux qui bénéficient du RSA dans les mêmes proportions. Vous faites une comparaison avec la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, sans tenir compte du fait que celui-ci, même s’il n’avait pas été revalorisé depuis longtemps, s’inscrit dans une grille de rémunération, avec un glissement vieillesse technicité (GVT) et une progression de carrière. Voilà qui peut expliquer cette différence d’un demi-point.

En revanche, je partage avec les auteurs de ces amendements l’idée que la priorité des priorités, c’est de permettre le retour à l’emploi.

D’ailleurs – pardonnez-moi pour cette parenthèse –, je pense que la société n’est pas quitte de son devoir de solidarité lorsqu’elle a attribué 575 euros par mois à un allocataire du RSA : elle ne l’est que lorsqu’elle a assuré ce revenu minimum et que, dans le même temps, elle a assuré une offre d’insertion et une perspective aussi personnalisée que possible de retour à l’emploi. À mes yeux, en effet, l’autonomie et la dignité passent par l’emploi et le revenu du travail plus que par le simple bénéfice d’un minima social tel que le RSA.

Je ne reviens pas sur les objectifs de plein emploi du Gouvernement et sur la mobilisation de tous les acteurs de la formation et de l’insertion à cette fin. Nous devons protéger l’ensemble des ménages. C’est pourquoi nous sommes extrêmement attachés à ce que cette revalorisation ne soit pas différenciée – même s’il ne s’agit que d’un demi-point, comme cela est proposé dans l’un des amendements. Ne pas traiter les plus abîmés de nos concitoyens de la même manière que les autres aurait en effet une charge symbolique forte.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Avec ces amendements, on touche à l’indécence ! (Marques dapprobation sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Vincent Segouin ironise.)

On parle de gens qui vivent – ou plutôt qui survivent ! – avec quelques centaines d’euros par mois grâce au RSA et vous nous proposez de réduire une augmentation déjà minimale, alors que ces prestations ont, comme l’ensemble des revenus d’ailleurs, subi des baisses massives à cause de l’inflation et provoqué une perte de pouvoir d’achat.

Il faudrait revaloriser le travail, dites-vous pour justifier ces amendements, mais ces amendements viennent d’un groupe qui ne propose aucune augmentation de la revalorisation du travail et qui, avec le Gouvernement, refuse toutes les propositions d’augmentation de salaires dans le privé ! (Nouvelles marques dapprobation sur les mêmes travées.)

Vous refusez la revalorisation du travail et vous voterez ce projet de loi comme vos collègues à l’Assemblée nationale…

M. Laurent Duplomb. Bien sûr !

M. Pierre Laurent. … parce que la colonne vertébrale de ce texte, c’est de ne pas demander un euro aux entreprises et aux employeurs pour augmenter la valeur du travail ! (M. Laurent Duplomb proteste.)

M. Pierre Laurent. Ne venez pas nous faire la leçon sur la revalorisation du travail pour baisser le montant des prestations de gens qui survivent à peine avec quelques centaines d’euros par mois, alors que vous refusez la revalorisation du travail ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je reprends les mots de mon collègue : ces amendements sont tout simplement indécents et je suis particulièrement choquée de constater que l’on ose s’en prendre aux allocataires du RSA qui n’ont pas d’activité professionnelle. L’amendement n° 44 rectifié bis précise même dans son objet que « les fruits du travail doivent avant tout être revalorisés ».

Considérez-vous vraiment qu’être allocataire du RSA est un choix ou constitue un projet de vie parce que cela permet de ne pas se fatiguer ni de se lever le matin ? (M. Vincent Segouin sexclame.)

Savez-vous que le montant mensuel du RSA est de 575,52 euros pour une personne seule ?

M. Vincent Segouin. Plus les aides !

Mme Corinne Féret. Comment peut-on vivre avec cela ? On survit !

Comment oser dire que ces allocataires ne méritent pas une augmentation a minima de 4 % ? J’ai fait le calcul, car il est bon de savoir de quoi l’on parle : cela représente 23 euros de plus par mois, contre 20 euros en cas d’augmentation de 3,5 %. Pour vous, 3 euros ce n’est rien du tout, mais quand on a si peu, 3 euros c’est important : c’est un repas de plus.

Je suis choquée par de telles propositions, par lesquelles on sous-entend que ces hommes et ces femmes auraient délibérément choisi de ne pas travailler et se satisferaient de cette situation.

Vous parlez de revalorisation du travail, mais nous n’avons eu de cesse de la demander depuis le début de nos débats ! Elle passe par une augmentation des salaires et une augmentation du SMIC. Je suis très en colère ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. « Je rencontre des gens qui se lèvent le matin pour aller travailler, alors que d’autres ne se lèvent pas et gagnent autant », avez-vous dit en substance, monsieur Duplomb.

C’est en effet ce que pensent certains, mais vous qui êtes sénateur, qui travaillez et qui connaissez les chiffres, vous ne pensez pas cela ! La question est donc non pas tant ce que pensent les gens, mais ce que nous devons leur dire pour rétablir la vérité. (Très bien ! sur les travées du groupe SER.)

Aujourd’hui, c’est vrai, il y a un problème de rapport au travail et à l’emploi. (Mme Nassimah Dindar acquiesce.)

M. Sébastien Meurant. Ah, tout de même…

Mme Laurence Rossignol. Mais il n’est pas propre à la France. Votre analyse selon laquelle les gens ne vont pas travailler parce que les revenus de remplacement sont trop élevés se heurte à la réalité internationale : le même phénomène est à l’œuvre aux États-Unis et dans l’ensemble des pays développés. Pourtant, croyez-moi, les revenus de remplacement aux États-Unis n’ont rien à voir avec les nôtres !

C’est un problème pour la croissance, la création de richesse, la santé morale des jeunes générations et, incontestablement, la cohésion nationale. Mais ce n’est pas en abondant cette fausse représentation d’un lien direct entre les revenus de remplacement et le désamour du travail que nous réglerons ensemble le problème.

Par ailleurs, la meilleure façon de creuser l’écart entre les revenus de remplacement et les salaires, c’est d’augmenter les salaires. Quand on vous a proposé d’augmenter le SMIC, qui est le revenu de salaire le plus proche des revenus remplacement, pourquoi ne pas l’avoir voté ? On vous a donné une opportunité exceptionnelle de répondre au problème de l’écart entre revenus de remplacement et salaires que vous soulevez.

Mes chers collègues, je vous invite à avoir une réflexion plus approfondie sur ce qui se passe dans les pays développés en matière de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je ne me suis pas concertée avec mes collègues qui sont déjà intervenus et pourtant je vous dirai la même chose, de façon un peu moins châtiée.

Quand je vous entends, j’ai l’impression d’être au café du commerce, et pas au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est en effet ce que l’on y entend !

Comme l’a dit Laurence Rossignol, nous sommes ici au Sénat et nous avons des moyens pour procéder à des expertises, accéder à des études et donc ne pas tenir de tels propos.

Ceux qui vous disent que certains préfèrent ne pas aller travailler et que c’est plus facile de percevoir les minima sociaux, se sont-ils mis dans la peau d’une femme – c’est en effet souvent d’une femme qu’il s’agit – qui élève seule ses enfants parce que le père s’est échappé et n’assume pas ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce n’est pas une caricature, c’est la vie ! Les emplois qui lui sont proposés sont des temps partiels aux horaires complètement atypiques, avec un salaire qui est bien loin d’atteindre le SMIC et de lui permettre de payer la garde de ses enfants.

Alors oui, ces gens-là font des comparaisons, c’est humain. Pour qu’ils n’en soient pas réduits à cela et parce qu’ils préféreraient travailler – et de loin –, il faudrait augmenter les salaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Les chiffres sont têtus : le taux de chômage en France atteint aujourd’hui 7,1 %, alors qu’il est de 3,5 % en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Portugal – soit le taux du plein emploi, comme je l’ai toujours appris.

Cela fait trente ans que, la main sur le cœur, vous proposez de taxer les entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Laurence Cohen. Vous ne le faites pas !

M. Vincent Segouin. Mais regardez notre balance commerciale, qui est ultra-déficitaire ! Faites le lien entre le travail et la balance commerciale, et vous comprendrez qu’en voulant augmenter le SMIC vous détruisez toujours un peu plus l’entreprise.

M. Jérôme Durain. On parle de Total ?

M. Vincent Segouin. Encore une fois, continuez ainsi !… Et comment financez-vous tout cela ? Par le recours à la dette. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, en taxant les superprofits et les dividendes : on veut faire payer les riches !

M. Vincent Segouin. On peut, la main sur le cœur, penser à ceux qui ne travaillent pas. Cela reporte le problème sur nos enfants, car ce sont eux qui rembourseront, pas nous. Si, en France, le courage c’est cela, je trouve que c’est regrettable…

Je retiens en tout cas que l’on revalorise davantage les minima sociaux que le travail, et c’est bien dommage. (Huées sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Sébastien Meurant applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Nos deux collègues ont dit qu’il fallait se poser les bonnes questions. Je peux comprendre que l’on propose une valorisation différente des prestations, quelles qu’elles soient, mais je ne peux pas accepter que l’on dise que le RSA ne peut pas être valorisé à la même hauteur que les autres prestations.

Personne ne fait le choix d’habiter dans un logement social et de ne pas avoir les moyens de payer son loyer. De nombreux bénéficiaires du RSA sont dans ce cas à La Réunion, mais aussi dans l’ensemble des outre-mer et dans des quartiers de la France hexagonale. On ne peut pas, aujourd’hui, ne pas traiter humainement chaque citoyen de la République française !

Les augmentations se justifient par l’objet même du présent projet de loi : lutter contre la vie chère et accompagner ceux qui rencontrent des difficultés. Si nous sommes aujourd’hui réunis, c’est pour discuter de ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Le pouvoir d’achat des bénéficiaires du RSA doit-il être différencié de celui des personnes qui travaillent, des travailleurs pauvres ou de ceux qui sont à la recherche d’un emploi ? Je pense que non ; en disant cela, on se trompe !

Être républicain, c’est se dire que chaque individu a les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs. Je le dis à chaque citoyen que je rencontre. En matière de pouvoir d’achat, chaque citoyen est en droit d’attendre de tous les sénateurs et de tous les députés qu’ils défendent ses droits de la même manière, et donc avec la même valorisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.