Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Véronique Guillotin. Ce n’est pas en répétant sans cesse des choses fausses qu’elles deviendront vraies. (M. Martin Lévrier applaudit – Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Avec cet article 2 bis, le rapporteur propose une issue à la situation des personnels soignants suspendus en permettant leur réintégration dès lors que la situation épidémiologique telle que constatée par la Haute Autorité de santé ne nécessiterait plus d’obligation vaccinale.
Je veux saluer cet effort de réécriture de la part du rapporteur Philippe Bas. Il s’agit d’une légère avancée par rapport au texte initial du Gouvernement. Toutefois, nous ne pouvons laisser les personnels de santé suspendus à cette évolution, qui semble s’inscrire sur le long terme.
Le débat devient plus intéressant en ce qu’il est moins binaire. Je fais partie de celles et ceux qui considèrent la vaccination comme une arme efficace pour combattre cette pandémie. Ce n’est pas suffisant, mais c’est une manière de protéger les patientes et les patients. Nous en connaissons également les limites en matière de contamination.
Par ailleurs, en évoquant la question des personnels, nous nous attaquons au droit du travail, ce qui est une première. Ces personnels de santé, ces pompiers, vont-ils être réintégrés un jour ou sont-ils suspendus ad vitam aeternam ?
On m’oppose qu’ils doivent prendre leurs responsabilités, mais toutes les responsabilités sont-elles prises à leur endroit lorsqu’on demande aux personnels soignants qui ont le covid de venir travailler en raison du manque d’effectifs ?
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Dans ce cas précis, on ne préoccupe pas des questions de contamination ou de santé des personnels. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures.
Il me semble important, au regard de la situation de nos hôpitaux et des établissements publics de santé, de réintégrer ces personnels.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer un dispositif adopté par la commission des lois, lequel ne prévoit pas la réintégration des personnes non vaccinées.
Je tiens à le souligner, car la plupart des interventions étaient soit contre la réintégration, soit pour. Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Vous pourrez de nouveau exprimer vos positions lorsque nous examinerons les amendements dont les auteurs exigent, selon des modalités différentes, cette réintégration.
Je n’ai pas proposé la réintégration à la commission des lois, qui n’a pas adopté de tels amendements.
Le Sénat a voté l’obligation vaccinale et la suspension d’activité des personnels soignants non vaccinés dans le but de protéger les malades, les personnes âgées et les personnes handicapées en établissements médico-sociaux. Je veux que les choses soient claires.
Mais, à la différence des vaccinations nécessaires à l’accès à la fonction publique hospitalière, la vaccination contre le covid est une vaccination temporaire. Les personnels qui n’ont pas voulu se faire vacciner n’ont pas été licenciés. Leurs liens avec le service public hospitalier, avec une clinique ou un établissement médico-social privé ne sont pas rompus. La suspension du contrat de travail est, par définition, temporaire et non pas définitive.
Que tous nos collègues qui pensent qu’on pourrait ne jamais réintégrer ces personnels le sachent bien : le droit applicable avant la proposition adoptée par la commission des lois exclut qu’ils restent suspendus toute leur vie !
Si on avait voulu les écarter définitivement de leur métier pour des raisons tenant à une sorte de morale, au demeurant tout à fait respectable, en vertu de laquelle un personnel soignant ne devrait pas refuser de se faire vacciner parce qu’il expose des patients à un risque, cela aurait été impossible, dans la mesure où une telle exigence morale, que tous nos collègues le sachent, ne figure pas actuellement dans le droit positif applicable.
Tous ont donc vocation à reprendre un jour leur travail. Devons-nous proposer qu’ils le reprennent maintenant ? Je réponds « non » ! Devons-nous prévoir les conditions dans lesquelles ils reprendront ? Je réponds « oui », dans le droit fil de la position de la commission des lois.
À l’heure actuelle, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire du Gouvernement, auquel nous pouvons faire confiance ou ne pas faire confiance. Quoi qu’il en soit, sa liberté d’action est totale.
Nous avons pensé, sur ce sujet qui ne concerne qu’un peu plus de 2 000 agents, c’est-à-dire très peu si l’on considère le million de personnes employées par le service hospitalier public et privé, que ces personnes avaient droit à certains égards. Certes, la cause est entendue, nous n’avons pas voulu qu’elles contaminent les malades. Toutefois, elles ont une vie, une famille, un revenu à percevoir grâce à leur travail. Il est bon d’organiser leur retour et de ne pas laisser ce retour à la discrétion du Gouvernement. Nous voulons qu’une décision médicale s’impose au Gouvernement. C’est la seule chose que nous ayons décidée.
Dès lors, nous avons prévu, ce qui me paraît pertinent, que c’est la Haute Autorité de santé qui prendra la décision de mettre fin à l’obligation vaccinale contre le covid, que nous sommes enfin libres. Le lendemain de cette décision, monsieur le ministre, puisque cette vaccination n’aura plus de sens, vous serez en tort si vous ne prenez pas le décret autorisant la réintégration de ces personnels.
Pour être sûrs que la Haute Autorité de santé se prononcera au moment opportun, sans traîner, quand la situation se sera améliorée, nous souhaitons qu’elle puisse s’autosaisir, que le Gouvernement puisse la saisir et que le nouveau conseil se substituant au Conseil scientifique puisse également la saisir, ainsi que les commissions des affaires sociales de nos deux assemblées, auxquelles Alain Milon, qui s’est exprimé tout à l’heure, peut faire confiance, comme nous tous. C’est un pas en avant.
Si j’estime que ces personnels ont eu tort de ne pas se faire vacciner, ils avaient pour autant la liberté de refuser cette vaccination, dans la mesure où on ne vaccine pas de force en France. Toutefois, nous avons voulu mettre à l’abri les malades, les personnes âgées et les personnes handicapées, ce qui fait qu’ils n’ont pas pu rester au contact de ceux-ci, pas plus que les pompiers, dans le cadre des secours d’urgence.
Je le dis très sobrement, il y a désormais un chemin vers la réintégration de ces centaines d’agents, qui n’ont pas reçu une punition, mais se sont vu imposer de ne pas faire prendre de risques aux malades et aux personnes vulnérables.
Mme Cécile Cukierman. Et les enseignants ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous ne créons pas ce chemin de manière fantaisiste, en décidant, nous sénateurs, de les réintégrer, ce qui n’aurait pas de sens. Selon moi, la décision doit être médicale. C’est la raison pour laquelle je vous demande de rejeter la suppression de l’article 2 bis, dans un souci d’équilibre et de mesure, dont nous avons une certaine pratique au Sénat.
Mme le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger notre séance après minuit, afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?
M. François Braun, ministre. La commission des lois a retenu un dispositif équilibré sur les conditions d’une levée, le moment venu, de l’obligation vaccinale, facilitant notamment la saisine de la Haute Autorité de santé pour se prononcer sur son bien-fondé.
Je vous ai parlé tout à l’heure de transparence, et je serai donc transparent sur les derniers chiffres en ma possession concernant le secteur sanitaire.
Ont été recensées 2 605 suspensions de personnels soignants et non soignants. Parmi celles-ci, on dénombre 75 médecins, 32 sages-femmes, 608 infirmières, 601 aides-soignantes et 52 kinésithérapeutes.
Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de l’article 2 bis introduit par la commission des lois.
Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Je ne voulais pas intervenir sur ce sujet, qui a fait et fait encore de très gros dégâts en Guadeloupe.
Chez nous, 94 % à 95 % des soignants sont vaccinés. À cet égard, permettez-moi de rappeler le taux de chômage. Entre 180 personnes et 200 personnes sont chaque jour devant le CHU, où elles ont élu domicile depuis quelques mois. Toute la Guadeloupe passe là, pour leur donner soit à manger, soit quelques euros afin qu’elles puissent s’occuper de leurs enfants.
Pendant la période électorale, les Guadeloupéens ont décidé de faire la peau politique de tous ceux qui ne soutenaient pas les suspendus. C’est devenu un sujet national : tous ceux qui prônaient la non-réintégration des soignants ont été battus.
Par ailleurs, ces personnes, qui ne travaillent pas, n’ont donc pas de revenus. Cette situation rythme aujourd’hui la vie en Guadeloupe.
Je suis un défenseur du vaccin – j’ai reçu mes trois doses –, et j’ai été président de la Fédération hospitalière des Antilles et de la Guyane. Je sais donc comment les choses se passent, et je suis rationnel. Je demande simplement que ces personnes puissent trouver le moyen d’avoir une activité d’intérêt général,…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Dominique Théophile. … afin de pouvoir toucher un revenu. Le temps de leur réintégration viendra, dans la mesure où ils n’ont pas été licenciés et n’ont pas agi de leur propre gré.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Effectivement, même si l’article 2 bis était voté, aucun soignant ne serait réintégré à court terme. En effet, tant que l’épidémie continuera, dans la mesure où des vagues sont à venir, l’obligation vaccinale des soignants sera maintenue.
Cet article 2 bis ne vise pas à réintégrer des personnes alors même que l’obligation vaccinale est en vigueur. Il faut donc être cohérent : si l’on veut que ces soignants reprennent leur travail, il faut soit lever l’obligation vaccinale – je n’ai pas entendu qu’il en soit question –, soit abattre une valeur fondamentale de l’engagement dans un métier de soignant, à savoir l’acceptation de règles de protection collective et de solidarité réciproque, au-delà de ses choix individuels. Si cette porte était ouverte, les dégâts dans notre société seraient considérables.
Confrontés à cette question, il eût été plus sage de s’en tenir au dispositif actuel, qui prévoit que, par décret, après avis de la Haute Autorité de santé, l’obligation vaccinale peut être levée et les personnels réintégrés. Mais M. le rapporteur a choisi d’étendre le champ du projet de loi – nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira –, pour traiter cette question.
Cela n’apporte rien de plus. Il s’agit uniquement d’un message politique, dans le cadre, Patrick Kanner l’a dit, des nouveaux équilibres politiques de nos assemblées. Nous avons même assisté aujourd’hui, dans notre hémicycle, à un retrait, par le groupe qui soutient toujours le Gouvernement, et contre l’avis de celui-ci, d’un amendement, et ce pour faire adopter le texte par la majorité LR du Sénat. Pourquoi pas ? Mais disons-le clairement : ce n’est pas une posture scientifique, mais un choix politique. (Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’irai dans le sens de ce que vient de dire M. Jomier.
La réintégration du personnel ne peut pas intervenir tout de suite. Elle sera faite par la HAS si l’évolution de la situation épidémiologique le justifie.
Je voterai l’amendement de notre collègue Véronique Guillotin. En effet, l’article 12 de la loi du 5 août 2021 permet au Gouvernement, par décret, après l’avis de la HAS, de réintégrer tout ou partie des soignants non vaccinés.
Si l’article 2 bis de ce texte était adopté, cette réintégration pourrait être décidée sur l’initiative de la seule HAS.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Le « personnel soignant » englobe des personnels administratifs des hôpitaux et des centres médico-sociaux, qui sont donc aussi touchés par l’interdiction d’exercer. Or ces personnels ne sont pas en contact avec les malades.
Nous avons ainsi reçu des pédopsychiatres qui travaillent avec les établissements scolaires. Ils sont amenés à réunir des enfants dans des salles de vingt mètres carrés ; ils gardent leur distance avec les enfants, lesquels sont eux-mêmes en contact avec trente autres enfants dans les salles de classe.
Par ailleurs, alors que les enseignants sont en contact avec de nombreux enfants, ils n’ont pas l’obligation de se faire vacciner. Ainsi, certaines professions pourraient être remises au travail sans danger, car tout le monde n’est pas au chevet d’une personne en réanimation ! Il n’y a ni logique ni bon sens à suspendre du personnel administratif travaillant dans un établissement hospitalier ou médico-social. (M. le rapporteur demande la parole.)
Mme le président. Monsieur le rapporteur, je vais vous donner la parole, mais je vous demande de vous exprimer en très peu de temps. Si vous voulez passer la nuit avec moi, ce n’est pas un souci ! (Rires.) Mais cela se fera à votre détriment ! (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame le président, il m’aura fallu attendre le jour de mon anniversaire pour que vous prononciez des paroles aussi suaves pour mon oreille… (Nouveaux rires.) Je tiens à vous en remercier publiquement ! (Applaudissements.)
M. Patrick Kanner. Il est plus de minuit ! Votre anniversaire, c’était donc hier ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Ma chère collègue Laurence Muller-Bronn, nous avons pensé au cas que vous venez de signaler, puisqu’il est prévu dans le texte de la commission que l’obligation vaccinale pourra être levée par catégories successives de personnels. Ainsi, la Haute Autorité de santé pourra autoriser la levée de l’obligation vaccinale pour telle ou telle catégorie de personnels éloignée des personnes vulnérables.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Selon moi, il s’agit d’un sujet éminemment politique, au sens étymologique du mot : comment faisons-nous société ensemble ?
Notre collègue Dominique Théophile l’a dit : il ne s’agit pas uniquement de savoir combien de personnels soignants sont aujourd’hui suspendus, il ne s’agit pas non plus de connaître le ratio des personnels qui sont empêchés, de ce fait, d’être sapeurs-pompiers, mais il s’agit de savoir comment la gestion de cette crise sanitaire et de la situation vaccinale a été conduite et discutée ici, au Parlement, comme dans le reste de la société.
On peut le répéter autant que de besoin : il est question ici d’une proportion marginale de personnes. Par ailleurs, on l’a dit également, un nombre très important de professionnels aujourd’hui en contact avec le public, bien qu’ils soient des vecteurs de transmission, n’ont pas été soumis à l’obligation vaccinale, alors même que les masques disparaissaient.
Au-delà de la question du décret, un sentiment d’exclusion peut exister, à tort ou à raison. Comment, collectivement, réintégrerons-nous l’ensemble de ces personnes, pour continuer de faire société et de servir l’ensemble de la population ?
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié quater et 60 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 104 |
Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Noël et Goy-Chavent, MM. Houpert et Joyandet, Mmes Muller-Bronn et Bonfanti-Dossat et M. E. Blanc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Les articles 12 à 19 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire sont abrogés.
II. - Les agents du service public mentionnés au I de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 précitée sont réintégrés immédiatement. L’interdiction d’exercer pour les agents relevant d’autres statuts est levée sans délai.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Cet amendement vise à réintégrer immédiatement les soignants et à abroger sans tarder l’obligation vaccinale.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’apporter une mise au point à mes yeux essentielle. Lorsque je remets en cause le fait que le vaccin protège contre la transmission du virus, je ne remets pas en cause la protection qu’il apporte contre les formes graves. Pourtant, à chaque fois, je me sens véritablement attaquée !
Aujourd’hui, nous avons tous repris une vie normale. Nous ne portons plus de masques et avons plus ou moins mis de côté les gestes barrières. Certes, nous sommes de nouveau confrontés à une petite vague épidémique. Je le répète, il ne s’agit pas forcément de cas graves. Aujourd’hui, le covid tue de 50 à 70 personnes par jour. Sachez-le, le cancer tue de 350 à 400 personnes par jour. Nous pouvons donc considérer que nous sommes entrés dans une phase endémique. Les conditions de sortie de crise sanitaire me semblent réunies. Si elles ne le sont pas aujourd’hui, quand le seront-elles ? Jamais ! Étant donné l’état de nos hôpitaux, si nous attendons qu’ils ne soient plus sous pression, nous n’en sortirons jamais.
Souvenons-nous-en, la quasi-totalité des pays du monde ont levé l’obligation vaccinale des soignants. Serons-nous les seuls sur la planète à la maintenir ?
Je tiens à apporter ici mon témoignage. Dans mon département, bon nombre de soignants et de pompiers sans perspective ont d’ores et déjà opté pour une reconversion dans d’autres secteurs d’activité. Dans certaines régions frontalières comme la Haute-Savoie, ces personnels ont choisi d’aller exercer leur activité dans les pays voisins comme la Suisse, où cette obligation vaccinale n’est pas requise.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission des lois est défavorable à cet amendement.
Madame Noël, vous comparez le nombre de morts du cancer au nombre de morts de la covid. Toutefois, le cancer ne se transmet pas par contamination, alors que tel est le cas pour la covid. Par ailleurs, le vaccin permet d’éviter la contamination. Par conséquent, votre comparaison n’a pas grand sens à mes yeux.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Malgré l’heure tardive, on ne peut pas laisser dire dans cet hémicycle des choses qui sont totalement fausses.
Le vaccin, s’il n’annule pas la transmission, la réduit, ce qui n’est pas rien. La réduction de la transmission n’est pas quelque chose d’inintéressant, nous le répéterons à chaque fois que vous avancerez des faits inexacts.
Certes, nous ne sommes pas dans des dispositifs efficaces à 100 %. Personne n’a d’ailleurs prétendu que les vaccins permettaient d’éviter 100 % des formes graves et 100 % des transmissions. C’est un outil imparfait, mais le meilleur dont nous disposions.
Par ailleurs, ce virus a tué, sur les six premiers mois de l’année, 25 000 personnes, ce qui ne fait pas 70 morts par jour, mais deux fois plus. Je vous invite à cet égard à sortir votre calculette, ma chère collègue.
Mme Sylviane Noël. Je parle des chiffres actuels !
M. Bernard Jomier. Le virus a tué, du 1er janvier au 30 juin de cette année, 25 000 personnes. Nous verrons plus tard les chiffres concernant la période du 1er janvier au 17 juillet, si cela vous amuse. Cela induit une moyenne de 50 000 décès par an. Depuis le début de l’épidémie, le virus a tué 250 000 personnes, ce qui en fait un problème de santé publique majeur de notre pays, au même niveau que le tabac, l’alcool ou la pollution de l’air.
Vous minimisez sans cesse les chiffres et l’intérêt des outils de lutte. Quel est le fond de tout cela ? Quel but cherchez-vous à atteindre en niant la nécessité, pour une société, d’adopter des mécanismes collectifs pour se protéger contre une menace sanitaire de premier ordre ? Votre position me laisse pantois.
Vous vous faites la défenseure du « moi, je », en refusant la moindre contrainte et en minimisant la portée des chiffres réels. Vous ne pouvez pas le nier, si l’on suit la pente qui est la nôtre à l’heure actuelle, nous serons confrontés à 50 000 décès annuels liés au covid. (M. Patrick Kanner et Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent.)
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Nous sommes tout de même dans une sacrée hypocrisie ! Faute de soignants et de pompiers, on somme les personnels d’aller au travail alors qu’ils sont malades du covid. Il faut que quelqu’un le dise ici ! (M. Bernard Jomier fait un geste de dénégation.) Oui, mon cher collègue, ce n’est pas la peine de dodeliner de la tête ! En réanimation, des infirmiers et des infirmières, malades du covid, sont au chevet de leurs patients.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. Franchement, pourquoi se priver des personnels suspendus ? Ne vaut-il pas mieux qu’ils aillent travailler sans être malades, après avoir effectué, éventuellement, un test PCR, plutôt que d’envoyer des personnes vaccinées, mais malades et fiévreuses ? Il faut ouvrir les yeux ! Je suis effarée par cette discussion. J’attends, monsieur le ministre, votre réponse solennelle. Dites-moi pourquoi vous acceptez que des personnels soignants et des sapeurs-pompiers soient obligés d’aller travailler, alors qu’ils sont souffrants en raison du covid.
Mme le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Je souhaite également soutenir l’amendement déposé par Mme Sylviane Noël.
Nous nous efforçons de prendre des décisions par rapport à la situation actuelle et non pas par rapport à la situation d’hier. On le sait, le vaccin ne protège pas beaucoup de la contamination.
Par ailleurs, il n’y a pas de hasard dans les grands nombres. Les contaminations étant extrêmement nombreuses aujourd’hui, cela signifie qu’il y a énormément de soignants et de pompiers qui travaillent, sans avoir été testés, alors qu’ils ont le covid. Est-il préférable de faire travailler une personne vaccinée, mais malade du covid, ou empêcher de travailler quelqu’un parce qu’il n’a pas été vacciné ?
Puisque nous savons que la vaccination ne protège pas, n’est-il pas temps d’accélérer le retour des agents dans leurs services, au moment où nous en avons le plus besoin ?
Par ailleurs, ce n’est pas qu’une question de chiffre ou de nombre, c’est aussi une question de principe dans la société. Des personnes ont été exclues parce que l’on ne disposait probablement pas de tous les éléments. Peut-être aussi fallait-il le faire à ce moment-là. Mais, depuis lors, les paramètres ont changé. Devons-nous laisser certains de nos concitoyennes et concitoyens qui n’ont plus de salaire depuis des mois et des mois sur le bord de la route à l’heure où l’on accepte que des personnes ayant la covid – cela vient d’être dit – aillent travailler avec un masque ?
C’est aujourd’hui qu’il faut examiner la situation et c’est peut-être aujourd’hui qu’il faut avancer, sans pour autant attendre que le Gouvernement prenne une décision sous couvert d’une autorité quelconque – dont on ne sait pas d’ailleurs qui elle sera !
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je souhaite préciser que le taux de survie au covid est de 99,8 %. Il ne s’agit donc pas d’Ebola ! Au pire, 99,8 % des personnes survivent au covid !
Par ailleurs, la troisième dose de vaccin est valable quatre mois puisque au bout de quatre mois il faut recommencer. Par conséquent, le personnel vacciné aujourd’hui ne bénéficiera plus un schéma vaccinal complet au terme de ce délai. Sera-t-il suspendu ? On sait que les chefs d’établissement n’obligent plus à la troisième ou à la quatrième dose parce que les hôpitaux ont besoin de personnel. S’ils le faisaient, ils n’auraient plus personne !
C’est pourquoi je vous pose la question : devons-nous maintenir une telle décision, qui est aujourd’hui injuste et malhonnête ?
Mme le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Devant la mort et la maladie, il faut être humble. Arrêtons de nous battre avec des chiffres, nous sommes face à une injustice et à une inégalité. Nous sommes aussi face à des gens qui n’ont plus de travail et sont dans l’impossibilité d’aller en chercher ailleurs puisqu’ils sont toujours intégrés. Faisons preuve d’un peu d’humanité. Le mot hôpital n’est-il pas issu du terme d’hospitalité ? Faisons donc aussi preuve d’un peu d’hospitalité. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. J’entends parler d’humilité et de principes. Effectivement, il en faut !
Notre société a véritablement un problème avec le respect de l’autorité. En disant cela, je ne prône pas l’autoritarisme ; je regrette seulement le manque de respect pour l’autorité fondée sur la compétence. À en croire certains, l’Académie de médecine, les facultés de médecine et la Haute Autorité de santé diraient n’importe quoi. On cite le professeur Raoult, qui était certes une sommité. Il faut arrêter !
Dans notre République, qui prône aussi la solidarité et la fraternité, il faut savoir respecter certaines règles. Si l’on ne respecte pas un minimum de règles, si l’on ne les fait pas respecter, si l’on n’est pas exemplaire, quelle image donnons-nous à l’ensemble de notre société, à nos enfants et au simple citoyen qui a confiance dans nos services de soins lorsqu’il va se faire soigner ? Certes, ces services ne sont pas tels que nous souhaiterions qu’ils soient, mais les soins qui y sont dispensés sont le fruit d’un consensus scientifique, ils ont été approuvés. Faisons donc preuve d’humilité et respectons certains principes, dont celui de l’autorité !