M. Jérôme Bascher. Absolument !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Personne ne nie cet effet de rattrapage, mais admettons ensemble que son ampleur et sa rapidité tiennent largement aux mesures de protection que nous avons mises en œuvre.
Nous voulons maîtriser, enfin. Des comptes bien tenus sont la condition sine qua non d’objectifs qui vont bien au-delà des raisonnements financiers et qui garantissent notre indépendance, notre souveraineté et notre capacité à agir.
Après 8,9 % en 2020, le déficit public s’est établi à 6,4 % du PIB en 2021. Cette amélioration résulte largement du rebond de l’activité économique – fin mai, l’Insee a révisé la croissance à 6,8 %. Mais je veux là encore souligner que le « quoi qu’il en coûte », qui s’est imposé aussi longtemps que la situation économique l’exigeait, a joué un rôle décisif. Parce qu’ils savaient que l’État se tenait à leurs côtés, les ménages ont consommé et les entreprises ont sauvegardé l’emploi et investi.
Premièrement, cette croissance a été forte, parce que les acteurs économiques ont compris que la puissance publique jouait pleinement son rôle d’amortisseur.
Deuxièmement, la très bonne dynamique du marché du travail tient bien sûr à la croissance, mais aussi aux réformes structurelles que nous avons conduites en matière d’assurance chômage, de formation professionnelle ou de renforcement de la compétitivité de nos entreprises, si bien que, au quatrième trimestre 2021, le taux de chômage a atteint 7,4 %, soit son plus bas niveau depuis 2008.
L’année 2021 doit donc apparaître comme la première étape post-covid sur le chemin qui doit nous conduire à ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2027. Cet objectif est atteignable. Je veux rappeler que nous l’avons atteint au début du précédent quinquennat pour la première fois depuis des années.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avant que les résultats ne dévissent…
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette dynamique vertueuse a été enclenchée l’année dernière, avec un reflux du déficit et des recettes fiscales plus élevées que prévu.
Cette dynamique de maîtrise des comptes, nous entendons la poursuivre durant ce quinquennat, tout en maintenant les protections indispensables, notamment pour les Français les plus affectés par la hausse des prix.
Je le disais, l’année 2021 a été celle d’un reflux du déficit public, passé de 8,9 % à 6,4 %. Malgré cette amélioration significative, largement portée par le rebond de l’activité, le solde public reste dégradé, en raison des mesures de soutien et d’investissement que je viens de rappeler devant vous.
S’agissant du solde budgétaire, celui-ci s’établit à –170,7 milliards d’euros en 2021, en légère amélioration de 2,5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cela résulte notamment d’une hausse des recettes de 37,9 milliards d’euros par rapport au même texte.
Cette nette augmentation s’explique principalement par la reprise de l’activité économique à la fin du premier semestre. Celle-ci se manifeste par des recettes supplémentaires perçues au titre de l’impôt sur les sociétés – 15,3 milliards d’euros en plus –, de la TVA – 10 milliards d’euros en plus – et de l’impôt sur le revenu – 5,4 milliards d’euros en plus.
Toutefois, je vous le dis solennellement : le quinquennat qui s’ouvre ne sera pas celui du laisser-aller budgétaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas comme le précédent alors !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Autrement dit, nous sommes passés de l’ère du « quoi qu’il en coûte » à celle du « combien ça coûte ? ». (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Comme l’a annoncé le Président de la République, notre objectif est de ramener le déficit public sous la barre des 3 % en 2027.
S’agissant de la dette des administrations publiques, elle a été ramenée à 112,5 % du PIB en 2021, après avoir atteint son plus haut niveau historique en 2020, à 114,6 %. Notre objectif est de la stabiliser en 2026, puis de la réduire de façon graduelle.
Pourquoi faut-il ramener le déficit public en deçà des 3 % de notre richesse nationale et stabiliser la dette ? Non pas parce que ce chiffre serait un totem. Non pas pour nous soumettre à je ne sais quel diktat.
Tout d’abord, parce qu’une grande nation honore ses engagements. Nous avons des engagements à l’égard de nos partenaires européens, et c’est une partie de notre crédibilité qui est en jeu.
Ensuite, parce que, sur le plan monétaire, nous sommes en train de changer d’époque. Pour parler clair, ce qui était soutenable dans un environnement de taux d’intérêt faibles ne l’est plus quand ceux-ci remontent, comme c’est le cas aujourd’hui.
Enfin, je veux rappeler que laisser filer les comptes, c’est se priver des moyens pour agir en temps de crise. C’est justement parce que nous avons retrouvé des marges de manœuvre financières grâce au sérieux budgétaire entre 2017 et 2020 que nous avons pu financer le « quoi qu’il en coûte ».
Est-ce à dire, pour autant, que nous allons augmenter les impôts des Français ? Non. Nous les avons baissés de 50 milliards d’euros au cours du précédent quinquennat et nous continuerons de les réduire, à la fois pour les ménages – je pense notamment à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public prévue dans le projet de loi de finances rectificative qui vous sera soumis dans les prochains jours – et pour les entreprises – nous allons proposer de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) pour continuer à baisser les impôts de production.
Est-ce à dire que nous allons démanteler les mécanismes de protection, alors que l’inflation fait rage ? Non. Nous allons les maintenir, voire les renforcer, pour celles et ceux qui en ont le plus besoin, avec les 20 milliards d’euros de mesures contenues dans le paquet pouvoir d’achat examiné en ce moment même par l’Assemblée nationale et dont vous serez prochainement saisis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, notre stratégie est claire : tenir les comptes pour continuer de protéger les Français et pour pouvoir financer les dépenses prévues, imprévues et même imprévisibles. En tant que ministre des comptes publics, je serai le garant scrupuleux de cet équilibre et je sais que je vous trouverai à mes côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis vingt-deux ans, le Gouvernement a déposé le projet de loi de règlement après le 1er juillet, soit avec plus d’un mois de retard sur la date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Ce n’est pas un bon début, monsieur le ministre, et ce n’est pas un bon signal. Voilà qui paraît en tout cas contradictoire avec l’annonce par le Gouvernement de sa volonté de travailler étroitement avec le Parlement…
J’ajoute que la révision de la loi organique avait justement été l’occasion de rappeler l’importance de l’analyse de l’exécution budgétaire passée pour définir les orientations futures. Il a également été souligné ce matin, lors de la réunion de notre commission, que les rapporteurs spéciaux n’ont pu travailler dans de bonnes conditions cette année.
S’agissant du texte qui nous a été transmis, il convient de se réjouir que la France ait effectivement connu un fort rebond de son activité économique en 2021. Il apparaît toutefois que le niveau global de l’activité n’est pas revenu, en 2021, à celui de l’année 2019, notamment à cause de la dégradation de notre commerce extérieur et d’une consommation encore déprimée.
Par ailleurs, nos performances ont été moins élevées que celles de nos partenaires européens : nous appartenons en effet au groupe des quelques pays ayant connu, en 2020 et 2021, un niveau d’activité inférieur à celui de l’année 2019.
Qui plus est, ce rattrapage économique a eu un coût, celui de la dégradation des comptes publics. En effet, si l’économie dans son ensemble a enregistré un montant de pertes de revenus cumulées de plus de 60 milliards d’euros, cela n’a été permis qu’avec l’absorption par les administrations publiques de 156 milliards d’euros de ces pertes.
Rétrospectivement, on peut observer que, du point de vue économique, l’année 2021 a préfiguré quatre chocs que nous subissons en 2022 : un choc d’approvisionnement en matières premières, un choc sur l’évolution des prix, un choc sur les marges des entreprises et – ce n’est pas le moindre – un choc sur le coût de financement de la dette.
Les prix à la production ont fortement accéléré au cours de l’année 2021, dans le contexte d’une reprise économique mondiale marquée. Les consommateurs n’ont pas immédiatement subi cette augmentation, les entreprises ayant d’abord réduit leurs marges. Mais, à compter de l’été 2021, l’inflation des prix à la consommation a fortement progressé.
Tout au long de l’année 2021, nous avons aussi assisté à une remontée des taux d’intérêt nominaux des obligations souveraines à dix ans, qui sont passés par deux fois en terrain positif. Les conditions de financement de la dette française changent ; il va falloir en tenir compte pour l’avenir.
Dans ce contexte, la situation de nos finances publiques est la suivante.
Tout d’abord, les recettes publiques ont été sous-évaluées lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin de gestion en 2021 : la prévision de croissance du Gouvernement pour 2021, soit 6,25 %, était excessivement prudente, l’acquis de croissance étant à lui seul égal à l’époque à 6,6 %.
Dans ce contexte, le Gouvernement constate maintenant que les prélèvements obligatoires conduisent à un surplus de 30 milliards d’euros de recettes… En réalité, une prévision plus juste aurait divisé par deux cette « manne » que le Gouvernement brandit comme un satisfecit de qualité de gestion.
Avec 1 460 milliards d’euros en 2021, les dépenses publiques sont inférieures de 10 milliards d’euros à la prévision retenue au PLFR de fin de gestion. Toutefois, ce montant nous éloigne très fortement des objectifs inscrits en loi de programmation des finances publiques.
Ainsi, mes chers collègues, en excluant les dépenses liées à la crise sanitaire et à la relance – environ 91 milliards d’euros en 2021 –, les dépenses publiques s’établissent à 55,4 % du PIB, contre 52,5 % attendus – trois points de différence !
Le solde public s’établit à –160,7 milliards d’euros, soit 6,4 % du PIB. Il est principalement supporté par l’État, tandis que les collectivités locales parviennent quasiment à l’équilibre et que les administrations de sécurité sociale ont divisé par plus de deux leur déficit.
Notre endettement public diminue également d’environ 2 points de PIB, mais il reste à un niveau très important en comparaison européenne : 112,9 % du PIB, soit plus de 40 points de plus que l’endettement de l’Allemagne – excusez du peu…
En outre, l’année 2021 est la première depuis longtemps où l’on assiste à une augmentation du poids de la charge de la dette. Cette tendance se poursuivra cette année, puisque le PLFR pour 2022 que nous devrions examiner la semaine prochaine prévoit une hausse de 17,8 milliards d’euros de la charge de la dette par rapport à la loi de finances initiale.
J’en viens à présent au budget de l’État, dont le déficit s’établit en 2021 à plus de 170 milliards d’euros. C’est presque autant qu’en 2020, autrement dit un niveau historiquement élevé, qui résulte d’un niveau tout aussi historique de dépenses : près de 420 milliards d’euros sur le budget général pour moins de 250 milliards d’euros de recettes.
Les recettes fiscales de l’État effacent la forte chute connue en 2020 et retrouvent leur niveau de 2017, alors même qu’une fraction croissante de TVA est affectée aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités territoriales. La TVA était naguère une ressource majeure, voire dominante, de l’État ; elle ne lui rapporte aujourd’hui guère plus que l’impôt sur le revenu.
L’impôt sur les sociétés, qui devait diminuer selon la loi de finances initiale, est finalement en hausse de 10 milliards d’euros par rapport à 2020. C’est un exemple caractéristique des difficultés de prévision rencontrées par l’administration en 2021.
S’agissant des dépenses, elles ont augmenté de 37 milliards d’euros en 2021 et de 90,7 milliards en deux ans. Ces hausses résultent, en particulier en 2021, du lancement de la mission « Plan de relance », mais un grand nombre de missions du budget général sont concernées. Même si elle diminue, la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » consomme tout de même encore plus de 34 milliards d’euros en 2021.
Au total, le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur aux sommes mises en œuvre lors de la crise financière de 2008 à 2010.
Or je crains que le Gouvernement ne considère le niveau actuel de dépenses comme un plancher pour les dépenses futures, et non pas comme une situation exceptionnelle et temporaire, puisqu’il n’a malheureusement fait aucune annonce, jusqu’à présent, permettant de prévoir une diminution de certains postes de dépense dans les années à venir – j’ai même cru comprendre qu’il comptait pour cela sur les oppositions…
Les dépenses de personnel du budget général de l’État illustrent d’ailleurs l’absence de mesure d’économies. Elles ont poursuivi leur augmentation tout au long du dernier quinquennat, et les diminutions d’emplois prévues et promises n’ont jamais été réalisées. Si le nombre des emplois diminue de près de 4 000 équivalents temps plein travaillés en 2021, c’est seulement en raison de difficultés de recrutement au ministère de l’éducation nationale…
Enfin, je déplore le montant assez extraordinaire des reports de crédits en 2021 – plus de 36 milliards d’euros –, alors que, depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, le montant des crédits reportés chaque année avait toujours été inférieur à 3,8 milliards d’euros. Le rapport est donc de 1 à 10 !
Or cette pratique, qui devrait être exceptionnelle, car elle contourne l’autorisation annuelle des dépenses, a été adoptée comme une norme par le précédent gouvernement : la quasi-totalité des crédits non consommés en 2021 a été de nouveau reportée vers 2022, alors qu’ils devraient être annulés en loi de règlement.
Le Gouvernement considère-t-il cette pratique comme un acte de saine gestion des finances publiques, alors même qu’il s’exonère de règles organiques – spécialité, annualité… –, tout en appelant à la rigueur des comptes ? Tout cela n’est pas très sérieux, monsieur le ministre !
Il me semble que le projet de loi de règlement donne une vision quelque peu idéalisée d’une situation dans laquelle l’accumulation des déficits creuse la dette, au moment même où l’inflation et les taux d’intérêt repartent à la hausse, sans aucune perspective favorable quant à des mesures qui pourraient conduire à rétablir les comptes.
En conclusion, la commission des finances propose de ne pas adopter le présent projet de loi de règlement et d’approbation des comptes.
Comme je viens de l’indiquer, du point de vue de la procédure budgétaire, nous regrettons les opérations de reports massifs en fin d’année 2020 et 2021, d’autant que la destination initialement prévue des crédits ouverts n’a pas toujours été conservée.
Par ailleurs, je rappelle que le Sénat n’a pas souhaité voter le projet de loi de finances initiale pour 2021, dont le présent texte, même révisé, traduit l’exécution.
Le Sénat, après avoir voté les mesures d’urgence qui étaient indispensables pendant la crise sanitaire, avait notamment contesté le choix du Gouvernement de ne pas tenir compte de la dérive des comptes publics. Nous appelions déjà à privilégier des mesures temporaires, puissantes et mieux ciblées pour favoriser la sortie de crise dans le cadre du plan de relance. Ce sont les mêmes critiques que nous avons formulées lors du second projet de loi de finances rectificative pour 2021 à propos de votre premier « chèque » à 4 milliards d’euros – la fameuse indemnité inflation.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, à la fois pour les mesures que le budget exécuté comporte et pour les manœuvres procédurales employées par le Gouvernement en cours d’année, ce texte ne nous satisfait pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’exposé général des motifs du projet de loi de règlement et d’approbation des comptes soumis à notre examen, il est indiqué : « Depuis 2018, le Gouvernement a posé les jalons essentiels pour donner un nouvel élan structurant à cet exercice démocratique en lien avec le Printemps de l’évaluation instauré par l’Assemblée nationale, dans une logique de responsabilisation sur les résultats budgétaires et comptables, ainsi que sur la performance, conformément à la dynamique vertueuse prévue par le LOLF. »
Formulation sympathique, mais, il faut bien le relever, guère adaptée aux circonstances, et ce à plusieurs titres…
Le cycle électoral ne saurait justifier la transmission tardive de ce texte au mépris du temps parlementaire. À tout le moins, ce retard aurait pu être mis à profit pour améliorer la lisibilité de ce texte et ainsi renforcer l’information parlementaire et citoyenne. Là non plus, la clarté n’est pas au rendez-vous.
J’ai bien noté la satisfaction affichée par le Gouvernement quant aux résultats obtenus, notamment la réduction du déficit public. Il faut bien dire que, après une année 2020 particulièrement délicate, les indicateurs ne peuvent que s’en trouver améliorés…
Ce texte d’approbation des comptes ne saurait être mis au seul crédit de l’action du Gouvernement, comme on voudrait nous le faire croire. Les mesures mises en œuvre sont en effet loin d’avoir porté leurs fruits.
En ce qui concerne les crédits de France Relance, sur 72 milliards d’euros engagés, seulement 42 milliards d’euros ont été décaissés, soit à peine plus d’un tiers du budget initial de 100 milliards d’euros, alors que la capacité de l’État à engager les dépenses est un enjeu fort de lutte contre la crise.
Par ailleurs, on ne peut que noter le manque de sérieux et de sincérité dans l’exécution des comptes. Si les reports de crédits de 2020 à 2021 étaient historiques, ceux qui ont été constatés à la fin de 2021 dépassent tout de même les 22 milliards d’euros.
Cette façon de faire ne met pas seulement à mal l’annualité budgétaire, elle a des conséquences bien réelles sur nos concitoyens. Ainsi, le report, pour partie, de 1,2 milliard d’euros du plan d’urgence destinés au paiement de l’activité partielle a un impact direct sur le porte-monnaie des particuliers. Si la consommation des ménages a progressé, cette hausse n’a pas profité à tout le monde, loin de là.
Parallèlement, du côté des recettes, l’État a enregistré 38 milliards d’euros de recettes exceptionnelles. Là aussi, on peut s’interroger sur les estimations initiales et la sincérité budgétaire.
Alors même que ces recettes auraient pu – auraient dû ! – servir à renforcer les services publics et à répondre efficacement à l’urgence sociale, le Gouvernement a préféré porter son attention sur les plus riches : baisse de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés, réduction des impôts de production, etc.
Ces baisses d’impôts ont d’ailleurs permis aux entreprises du CAC 40 de verser des dividendes records à leurs actionnaires.
En matière de loi de finances, le « en même temps » trouve rapidement ses limites. Il n’est pas possible de faire en même temps des cadeaux fiscaux aux plus aisés et de s’attendre à ce que les plus démunis puissent vivre dignement. Le ruissellement ne fonctionne pas : la loi du marché ne réduit pas les inégalités, elle permet juste d’enrichir ceux qui ont déjà beaucoup.
En revanche, les services publics de proximité – hôpital, éducation, etc. –, qui ont été délaissés, sont les véritables armes contre la pauvreté et la précarité et pour garantir une vie digne à toutes et à tous.
La politique fiscale du Gouvernement est par ailleurs dans une impasse. Si le solde conjoncturel s’est en effet amélioré, force est de constater que le solde structurel s’est dégradé. L’État ne peut ainsi jouer durablement avec les réductions d’impôts et se priver de certaines recettes fiscales.
Avec mes collègues du groupe socialiste du Sénat, je ne cesse, depuis maintenant plus de cinq années, de proposer le rétablissement de mesures de justice fiscale, comme l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Devant les urgences du quotidien et les défis du siècle, nous devons permettre à chacun de vivre dignement, en garantissant l’accès à des services publics de qualité, tout en permettant la transition écologique.
Ce projet de loi de règlement pour 2021 démontre le manque de sérieux du Gouvernement et l’échec d’une politique qui n’a conduit qu’à accroître les inégalités, fracturer davantage la société et enrichir ceux qui n’en ont nullement besoin, sans pour autant faire preuve d’efficacité économique.
Entre reports, sous-exécutions et annulations de crédits, ce projet de loi de règlement frôle même l’insincérité. Dans son rapport, la Cour des comptes s’est d’ailleurs montrée sévère sur ce texte, dénonçant au passage le mépris une nouvelle fois affiché du Parlement, ainsi que la remise en cause de sa mission de contrôle budgétaire.
Ce projet de loi, en principe plutôt technique, révèle tout à la fois les problèmes de méthode et l’entêtement idéologique du Gouvernement. Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Claude Raynal, président de la commission des finances, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, en commission des finances, j’entendais certains parler d’une « normalisation » de la situation en 2021. Je tiens avant tout à souligner que cet exercice est marqué par les débuts du plan de relance, ainsi que par le maintien des aides d’urgence à la faveur des PLFR successifs.
Face à une situation exceptionnelle, qui s’est poursuivie en 2021, à la nécessaire relance de notre économie, que tous, sans exception sur ces travées, nous appelions de nos vœux, face, enfin, au retour de l’inflation, nous avons agi.
Je voudrais ici rappeler le contexte exceptionnel qui a poussé le Gouvernement au « quoi qu’il en coûte ». Alors que notre économie était mise en pause, les Français ont été confrontés à un effondrement de l’activité qui aurait pu affecter durablement leur pouvoir d’achat. La situation sociale de notre pays s’annonçait mauvaise.
Aussi, oui, nous assumons d’avoir soutenu les entreprises et les ménages. Oui, nous assumons de ne pas avoir laissé l’économie française sombrer, entraînant une misère sans précédent.
Beaucoup veulent aujourd’hui refaire le match. La plupart d’entre eux soutenaient pourtant, en dépit de nos divergences politiques, l’idée d’un soutien fort face à l’inflation et d’une relance ambitieuse. Bien évidemment, il est plus simple de refaire l’histoire après coup.
Aussi, je reprends les mots du député François Jolivet pour vous demander : « À quoi aurait-il donc fallu renoncer ? » Aurait-il fallu renoncer au chômage partiel, dont ont bénéficié tant de nos concitoyens – plus de 13 millions de salariés – en 2021 ? Aurait-il fallu renoncer au fonds de solidarité, qui a soutenu plusieurs milliers de nos entreprises ?
Après la crise sanitaire, nous faisons désormais face à un retour de l’inflation, causé notamment par la reprise économique. La guerre en Ukraine y est pour beaucoup, mais elle n’en est pas le déclencheur, puisque l’inflation est revenue dès l’automne dernier.
La majorité présidentielle n’a pas attendu la crise sanitaire pour agir. La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises de 2019, dite loi Pacte, était déjà une avancée notable dans l’amélioration des performances de nos TPE et PME. En outre, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’assurance chômage, l’apprentissage et la formation professionnelle.
En permettant aux entreprises de dépasser les obstacles qui les empêchaient de se développer, nous avons soutenu la production. En améliorant le pouvoir d’achat des ménages, nous avons soutenu la consommation. C’est le credo que nous avons défendu avant la crise et que nous continuerons de défendre dans les années à venir.
Force est de constater qu’il s’agit là d’une méthode qui marche. Soutenir à la fois la production et la demande constitue une réponse à l’endettement de notre pays, funeste pour les perspectives de développement des générations futures.
Ce n’est pas méconnaître les difficultés présentes que de le rappeler : notre action a permis de faire baisser le déficit de l’État en dessous des 3 % du PIB avant 2020. En 2021, l’activité économique a connu un dynamisme tel que les recettes fiscales nettes étaient en hausse de 37,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, permettant au déficit public d’être réduit à 6,4 % du PIB, là où il était de 8,9 % en 2020.
Cette méthode, que nous avons suivie depuis 2017, avant que la crise ne frappe durement toutes les économies mondiales, cette méthode, qui permet de promettre à nos enfants un monde juste, cette méthode, c’est celle qui m’a poussé à m’engager autrement en 2017.
Trouver des solutions pour simplifier la vie des Français sans être déraisonnable pour nos finances publiques : c’est pour atteindre cet objectif que je me suis engagé et que je suis ici. Et c’est cet objectif que nous voulons désormais replacer au centre de notre politique. Comme le soutient Gabriel Attal, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. On dirait du Jean-Pierre Pernaut…