Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Magner, vous soulevez évidemment un débat important, qui montre bien que les arguments qui nous sont opposés sont contradictoires entre eux. C’est pourquoi parfois nous avons le sentiment, dans la majorité présidentielle, que nous dépassons les clivages et que nous sommes sur une forme d’équilibre qui est peut-être synonyme de sagesse.
M. Max Brisson. Tout va bien, alors !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Voilà un instant, on reprochait au Gouvernement d’être trop vertical ; vous nous reprochez à présent d’avoir laissé trop de liberté sur les rythmes scolaires. En réalité, nous avons une position de pragmatisme après deux mandats où le ministère a rencontré de grandes limites pour agir en la matière.
En l’occurrence je n’observe pas de remarques d’insatisfaction qui remontent du terrain. Nous avons laissé la semaine de cinq jours là où les acteurs considéraient qu’elle était pertinente. Vous savez très bien la situation que nous avons trouvée en 2017 : un sentiment souvent de frustration dans des communes, souvent rurales, où l’on considérait la semaine de cinq jours forcée comme complètement inadaptée.
La semaine de cinq jours peut être une bonne solution ; il faut rester très humble sur le sujet des rythmes scolaires, très complexe et sans réelle universalité, dans la mesure où chaque situation est particulière.
Néanmoins, votre question conserve toute son importance, car on doit sans arrêt nourrir la réflexion sur ce point.
Je vais vous faire part d’une considération qui a animé notre action et qui pourrait continuer de le faire. Elle fait d’ailleurs écho à la question précédente.
Il n’y a pas que le temps scolaire, il y a aussi les temps périscolaire et extrascolaire. Or on peut apprendre autrement. Certains disent qu’il faut apprendre autrement à l’école et c’est possible, mais on peut aussi apprendre autrement en dehors de l’école. Les vacances sont donc fondamentales non seulement pour s’épanouir, bien sûr, mais aussi parce qu’elles sont une occasion d’apprendre.
En réalité, les inégalités se creusent beaucoup du fait des grandes vacances. Est-ce que la solution doit consister à réduire les grandes vacances ? Je n’en suis pas certain. En revanche, il faut que ces vacances en soient réellement pour tous les enfants, a fortiori les plus pauvres, et que pendant cette période ils puissent apprendre autrement, y compris les sciences, par exemple. C’est ce que nous avons cherché à faire à travers le dispositif Vacances apprenantes. Il y a là un champ encore plus fertile – je le crois – que de revenir à une nouvelle réforme des rythmes scolaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Ma question concerne les internats d’excellence. Vous avez dit, monsieur le ministre, votre attachement à ce dispositif auquel vous croyez beaucoup : 54 d’entre eux ont été labellisés en 2021 et, dans le cadre du plan de relance, vous avez annoncé l’ouverture de 1 500 places en internat d’excellence. Cet objectif sera-t-il atteint ? Pouvez-vous nous dire où en est l’installation de ces internats dans les territoires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Bargeton, ce sujet est fondamental et devrait nous unir tous, puisque les majorités précédentes ont cherché à développer les internats, dont nous constatons à ce jour une croissance inédite.
Je suis heureux de pouvoir dire devant vous que le premier internat d’excellence, chronologiquement, celui de Sourdun, a pleinement atteint ses objectifs initiaux, de sorte que des élèves issus des territoires les plus défavorisés ont pu devenir étudiants en médecine ou ingénieurs. Cela démontre la pertinence des internats pour lutter contre les déterminismes sociaux.
Oui, nous avons eu de l’ambition en la matière, puisque nous avons dégagé 50 millions d’euros dans le cadre du plan de relance. À ce jour, 253 internats d’excellence sont programmés et 54 autres sont entrés en fonctionnement dès le mois de mai 2021. Ces 307 internats d’excellence offriront 30 000 places supplémentaires et permettront de mailler le territoire.
J’en profite pour dire que l’objectif est bien évidemment social vis-à-vis des élèves, car on sait que l’internat offre à la fois un cadre plus rigoureux et des éléments d’épanouissement, notamment pour ce qui est du sport et de la culture.
Il s’agit aussi de contribuer à la revitalisation des territoires. À cette fin, nous avons ainsi particulièrement encouragé la renaissance des internats en milieu rural ou dans de petites villes.
Oui, les internats d’excellence sont l’une des plus grandes politiques sociales que le ministère de l’éducation nationale puisse mener ; oui, ils bénéficient d’une dynamique très particulière à la faveur du plan de relance. L’objectif que nous avions affiché est en réalité dépassé, puisque nous devrions atteindre le chiffre de 307 internats d’excellence à la rentrée prochaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour la réplique.
M. Julien Bargeton. Lors de votre audition dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2022, monsieur le ministre, vous aviez mentionné le doublement des classes en réseau d’éducation prioritaire et en réseau d’éducation prioritaire renforcé, REP et REP+, à Paris. Je ne peux que me satisfaire des résultats, puisque dans les populaires XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements notamment, on a constaté cette année, au sein d’écoles situées dans des quartiers difficiles, que des enfants savaient désormais quasiment lire, écrire et compter à Noël.
Voilà très longtemps que ce n’était pas arrivé. Cela ne signifie pas pour autant que tout va bien ou qu’il ne reste rien à faire, mais les enseignants et les parents d’élèves nous le disent : dans certaines écoles de ces quartiers, ils constatent une nette amélioration du niveau.
Monsieur le ministre, les évaluations dont vous disposez sont corroborées par les premiers retours du terrain, comme vous l’avez fait savoir au sujet des XVIIIe et XIXe arrondissements. J’ajoute avec beaucoup de plaisir que c’est aussi le cas dans le XXe arrondissement dont je suis élu.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, c’est en effet un sujet essentiel, parce que s’il a été possible de réaliser cela dans telle ou telle école, on pourra aussi le faire dans toutes les autres écoles de REP et de REP+.
Il y a un « Graal éducatif » en la matière. En effet, j’ai dit que nos deux objectifs étaient de rehausser le niveau et de réduire les inégalités. Or, sur le second objectif, tous les pays cherchent le Graal qui leur permettra d’abolir le différentiel de niveau qui existe entre les 20 % des élèves les plus défavorisés et le reste de la population.
Par conséquent, quand dans une école du XXe arrondissement de Paris – le vôtre, monsieur le sénateur –, des XVIIIe ou XIXe arrondissements, ou encore dans toute autre école de milieu défavorisé en France, on réussit à abolir cet écart, cette réussite est hors du commun. Le dédoublement des classes ne suffit pas à lui seul, il faut aussi une évolution des méthodes pédagogiques. Quand je visite des écoles dans votre territoire, je constate cette évolution, qui consiste par exemple à mesurer la fluence de lecture des élèves et à mettre en œuvre toute une série de références que nous avons créées.
Oui, les savoirs fondamentaux se sont consolidés pendant ce mandat, tout particulièrement dans les réseaux d’éducation prioritaire ; c’est aussi dans l’ensemble du système éducatif français que l’on observe ces améliorations.
M. Max Brisson. Les écarts ont continué de se creuser ! (M. le ministre le nie.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, l’éducation nationale est le premier poste budgétaire de l’État, et la Nation mobilise pour cela 110 milliards d’euros. Cependant, le dernier classement PISA de l’OCDE ne reflète pas nos efforts financiers. Il met en exergue un déclin général du niveau des études. (M. Max Brisson le confirme.)
En effet, nous sommes classés au 23e rang pour la lecture et la compréhension de texte. Ne parlons pas de l’effondrement du niveau en français, en orthographe, en histoire-géographie ou en langues vivantes ! Pis encore, la France se situe en dessous de la moyenne de l’Union européenne et des pays de l’OCDE, notamment en mathématiques.
Les réformes se sont succédé à un rythme soutenu depuis plusieurs décennies, mais leur avons-nous laissé le temps de déployer tous leurs effets avant de réformer de nouveau ? Il faut parfois des années pour pouvoir dresser un bilan. Cette frénésie législative complique le quotidien des enseignants.
Force est de constater que leur métier est de moins en moins attractif. Le mauvais rendement des concours, dû au manque de candidats dans les disciplines majeures, et les vagues de démissions de ces dernières années sont révélateurs.
En octroyant davantage d’autonomie pédagogique et de flexibilité à nos enseignants pour leur permettre de s’adapter aux besoins des élèves, on renforcerait l’attractivité du métier et la qualité de l’enseignement tout en libérant les énergies.
Le système éducatif des pays nordiques repose en grande partie sur l’autonomie des professeurs, notamment pour organiser leur travail. Les classes sont moins nombreuses, ce qui facilite une meilleure adaptation des méthodes. Ce système semble faire ses preuves puisque les pays nordiques sont en tête des classements PISA.
Monsieur le ministre, l’inquiétude est à la mesure de l’enjeu. Quelles sont nos marges de manœuvre sur le sujet ? Pourquoi ne pas nous inspirer davantage du système nordique qui fonctionne mieux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Menonville, votre question me donne l’occasion de faire souffler un vent d’optimisme sur ce débat. En effet, on peut considérer – je le sais bien – qu’il s’agit de remettre en question le bilan du Gouvernement, mais en définitive le débat porte surtout sur l’école de France. Celle-ci, bien entendu, a des faiblesses et encore des limites – je suis le premier à le dire –, mais ce que l’on doit d’abord constater et rapporter, ce sont les progrès qui existent bel et bien.
Ne décrivons pas la situation de façon routinière, pour ainsi dire. Ce que je défends quant aux évolutions de l’école primaire, c’est que les cinq ans que nous avons eus pour avancer ont permis précisément d’éviter les zigzags dont vous avez parlé à juste titre. Il n’y en a pas eu depuis cinq ans et notre politique a été très claire. En français et en mathématiques, il y a un plan qui s’accompagne de références pédagogiques élaborées par un conseil scientifique de l’éducation nationale. Il y a aussi le dédoublement des classes, qui est une mesure phare, les évaluations de début d’année, qui nous permettent d’être le seul pays au monde à avoir une vision du niveau des élèves d’une telle précision, grâce à laquelle nous pouvons savoir quand il y a des régressions et des progrès. C’est ainsi que nous avons pu constater que nous avions progressé sur 26 des 32 items en français et en mathématiques, au cours de ce quinquennat.
Nous menons donc une politique cohérente et j’espère bien que nous pourrons continuer d’en creuser le sillon, sans qu’il y ait de nouveaux zigzags, car les évolutions se font sur plusieurs années.
Notre politique de formation des professeurs a été ambitieuse. Ce que l’on appelle les « plans Français et Mathématiques » auxquels s’ajoute maintenant le « plan Sciences » consistent à prévoir des formations qui correspondent à ce que vous souhaitez. Nous nous sommes inspirés du Québec, en particulier, ou des pays scandinaves. Il ne s’agit pas de formations verticales : les professeurs disent ce dont ils ont besoin et nous essayons de répondre à leur demande, de manière à laisser pleines force et liberté aux acteurs.
Oui, les évolutions du système doivent contribuer à renforcer l’équilibre entre les facteurs d’unité, souhaitables dans notre système, et ceux qui favorisent la liberté des acteurs. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire, en obtenant – je le répète – de premiers résultats à l’école primaire.
M. Max Brisson. La Cour des comptes dit le contraire !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur Brisson, je sais que vous avez envie de tout peindre en gris, ce qui relève sans doute d’une volonté politique.
M. Julien Bargeton. En effet, un peu de nuance !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous aimez la France et son école, essayez de considérer aussi les leviers de progrès !
M. Max Brisson. Vous êtes comme dans un village Potemkine ! Les Français pensent le contraire ! Vous êtes d’une prétention sans limite !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, nous assistons à une véritable crise des vocations dans le monde enseignant, alors que ce problème est peu abordé dans le débat public. Pourtant, il pèse directement sur notre politique éducative : comment offrir à nos enfants un enseignement adapté et de qualité si le métier de professeur n’attire plus ?
Lors de la session de 2021, 238 postes n’ont pas trouvé preneur au concours externe du Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) et 1 648 enseignants ont rompu leur contrat. Ces chiffres révèlent une tendance de fond : l’éducation nationale aura de plus en plus de mal à susciter des vocations.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Il est évident que la question des salaires est importante. Après un début de carrière à 1 600 euros net, un enseignant qui a atteint dix ans d’ancienneté perçoit un traitement inférieur de 15 % à la moyenne de l’OCDE. Monsieur le ministre, qu’en est-il de la hausse des salaires promise ?
Un autre facteur d’explication se trouve dans l’obligation de posséder un bac+5 pour passer le concours d’enseignant alors qu’une licence suffisait auparavant.
Enfin, les conditions de travail, monsieur le ministre, ne sont guère de nature à motiver les futurs enseignants. Il est de notoriété publique que nombre d’entre eux ne se sentent plus soutenus par leur hiérarchie en cas de difficultés avec leurs élèves. Il faut ajouter à cela que les jeunes sont de plus en plus irrespectueux et les parents revendicatifs ou procéduriers, que l’autorité recule et qu’il faut aujourd’hui appliquer des protocoles sanitaires parfois ubuesques. Le métier ne suscite plus vraiment l’enthousiasme des diplômés.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il conscience de ce phénomène ? Comptez-vous agir pour l’enrayer avant qu’il ne prenne trop d’ampleur ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Belrhiti, en vous écoutant, je me disais que vous auriez pu tenir le même discours en 2017, sur toute une série de difficultés structurelles qui sont bien réelles.
Nous faisons tous partie du problème et de la solution. Les discours que nous tenons ont leur importance. Je ne vous répondrai pas que tout va bien, car ce serait évidemment faux. En revanche, je vais vous dire ce que nous avons fait et quels progrès nous avons obtenus. Notre manière de parler du sujet a de l’importance : si une personne qui se destine à devenir professeur entend ce que vous venez dire, je ne suis pas certain qu’elle en aura encore envie.
Mme Catherine Belrhiti. Je ne fais que décrire la situation actuelle ! (M. Max Brisson approuve.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si vous me permettez de vous répondre…
Je ne dis pas que c’est de votre faute ou que tout va bien ; je vous dis qu’il y a des leviers de progrès et que je reste très ouvert aux idées d’amélioration qui pourraient exister.
Vous avez fait référence aux salaires, qui posent un problème bien réel, comme je le signale depuis 2017. Je redis qu’il y a eu une hausse inédite du budget de l’éducation nationale, soit 13 % au cours de ce quinquennat, ainsi qu’une augmentation inédite du salaire des jeunes professeurs. Vous avez évoqué le chiffre de 1 600 euros, très obsolète désormais, puisque le premier salaire est passé à 1 860 euros, soit 260 euros de plus. Le chiffre que vous avez donné est celui de 2017. Aujourd’hui, le premier salaire est de 1 860 euros sans parler de certaines primes.
Le sénateur Brisson, dans sa vindicte,…
M. Max Brisson. La paix, la paix !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … me disait précédemment qu’il y avait un problème d’attractivité du réseau d’éducation prioritaire. Je vous rappelle que l’une des promesses du Président de la République était d’accorder une prime de 3 000 euros par an aux professeurs exerçant en réseau d’éducation prioritaire. Cette mesure est effective. On observe désormais une plus grande stabilité qu’en début de quinquennat dans le réseau d’éducation prioritaire renforcé – cela concerne 50 000 personnes.
Oui, il faut faire toujours plus pour l’attractivité du métier d’enseignant. Tel est le sens du Grenelle de l’éducation, dans le cadre duquel douze engagements ont été pris. J’ai commencé à les mettre en œuvre.
Bien entendu, toutes ces mesures doivent s’inscrire dans la durée. Ceux qui exerceront les responsabilités dans l’avenir pourront toujours en prendre d’autres, mais les engagements auxquels nous nous tenons résultent de concertations très larges, qui ont duré pendant plusieurs mois. Il me semble donc que les perspectives d’action sont assez claires. Il faut continuer de creuser le sillon.
Oui, il faut une revalorisation du salaire des professeurs ainsi qu’une amélioration des conditions de travail en général.
M. Max Brisson. Plus de 1 500 démissions !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, je vous fais remonter les remarques du terrain. Je ne le fais pas par plaisir, mais parce que j’ai été moi-même enseignante – vous le savez très bien.
En ce qui concerne les parents qui s’immiscent dans la pédagogie mise en place par les professeurs, je vous avais déjà sollicité au moment d’un événement tragique, l’assassinat de Samuel Paty. Je vous avais alors demandé d’écrire qu’il était interdit aux parents de s’immiscer dans la pédagogie des professeurs. Vous m’aviez répondu avoir écrit que les parents devaient « respecter les professeurs ». Peut-être que je suis très mauvaise en français, mais je ne comprends pas le lien qu’il y a entre les deux !
Je préside la commission des lycées de la région Grand Est. Cette semaine encore, on m’a fait remonter des cas de parents qui écrivent aux professeurs pour leur dire ce qu’ils doivent faire pendant leurs cours. Je trouve que c’est scandaleux. Allez-vous prendre des mesures fortes et les écrire pour que la vie des professeurs s’améliore chaque jour en classe ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai tenu des propos très clairs, dès ma prise de fonction, sur la défense des professeurs et je n’ai pas changé d’un iota sur cette question.
Vous avez raison de faire un distinguo entre ce qui relève du respect des professeurs en général et l’immixtion des parents dans la pédagogie. Sur le premier point, la deuxième phrase de l’article 1er de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance constitue désormais une base juridique qui permet de poursuivre, par exemple, des parents d’élèves qui ont été violents verbalement ou physiquement avec des professeurs. J’ai été d’une rigueur d’airain sur ce sujet. Tout fait signalé fait l’objet de poursuites. J’en constate tous les jours.
Je regrette comme vous le phénomène de société qui accroît l’agressivité. Je considère d’ailleurs que nous devons donner l’exemple dans le débat public, en montrant que nous sommes capables de faire preuve de nuance, de subtilité et de dialogue, et en veillant à ne pas mettre trop de nervosité dans le débat scolaire, car cela se retrouve ensuite dans les relations entre les gens.
Quant au respect des professeurs, il doit être global et, encore une fois, les textes sont là, et quand des signalements sont faits, l’institution réagit. Quand, par exception, ce n’est pas le cas, les professeurs peuvent engager des recours, je l’ai dit tout au long du quinquennat et je le redis aujourd’hui.
Sur l’immixtion dans la pédagogie, vous avez tout à fait raison, et j’ai tenu des propos en ce sens à plusieurs reprises. Toutefois, je ne vois pas quelle règle juridique pourrait empêcher quelqu’un de dire quelque chose à un autre. Le principe reste celui de la maîtrise pédagogique du professeur, comme je l’ai toujours dit sans aucune ambiguïté depuis le début du quinquennat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Je suis d’accord sur le fait que vous l’ayez dit, monsieur le ministre. Je voudrais simplement que cela soit écrit pour être respecté. Le dire est une chose, l’écrire en est une autre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Mme Annick Billon applaudit.)
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le ministre, ma question porte sur l’éducation prioritaire, l’expérimentation en cours des contrats locaux d’accompagnement et les territoires éducatifs ruraux.
Cette expérimentation a deux objectifs : améliorer les dispositifs existants, qui ont beaucoup apporté à l’édifice, mais qui n’ont pas obtenu des résultats performants, et davantage prendre en compte les inégalités territoriales.
Ainsi, depuis la rentrée 2021, 172 écoles, collèges et lycées des académies de Nantes, Lille et Marseille sont concernés et un contrat a introduit la progressivité dans l’allocation des moyens, et ce pour une durée de trois ans.
Ces objectifs avaient été mis en avant dans le rapport sénatorial rendu en octobre 2019 par nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux au nom de la mission d’information sur les nouveaux territoires de l’éducation : une meilleure équité territoriale est nécessaire.
L’éducation prioritaire ne s’éteint pas à la couronne périurbaine de chaque ville et les territoires ruraux ont aussi des besoins en la matière. Or, depuis sa création, il y a quarante ans, l’éducation prioritaire fondée sur les inégalités sociales s’est concentrée sur les grands quartiers urbains. Quel que soit le territoire, l’objectif est bien finalement identique : c’est la réussite des élèves par des moyens différenciés et adaptés.
Monsieur le ministre, cela fait six mois que dure l’expérimentation. Il était prévu de l’élargir à d’autres académies en cas de bons résultats ou si le dispositif démontrait son efficacité. J’ai donc forcément plusieurs questions : tout d’abord quels sont les retours ? A-t-on de bons résultats ? Qui les mesure et comment ? Le dispositif est-il tenable à moyens constants ? En effet, les retours de l’expérimentation devaient aussi permettre de reconsidérer la question des moyens, sans inclure évidemment la contribution des collectivités.
Enfin, concernant le dispositif des territoires éducatifs ruraux, où en est son déploiement ? Peut-on espérer que l’éducation prioritaire en milieu rural fasse l’objet d’autant d’attentions qu’en milieu urbain ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice de La Provôté, cette question est très importante et vous avez raison de dire que, parfois, les territoires ruraux ont pu se sentir les oubliés d’une politique d’éducation prioritaire. C’est la raison pour laquelle nous avons créé – et nous sommes le premier gouvernement à l’avoir fait – une sorte d’éducation prioritaire adaptée à la ruralité, par le biais – vous l’avez souligné – des territoires éducatifs ruraux.
Nous avons aussi prolongé des mesures qui existaient auparavant en les approfondissant – M. le sénateur Magner le sait bien – et en développant des stratégies départementales pour l’école rurale.
S’agissant des territoires éducatifs ruraux, puisque c’est le cœur de votre question, j’ai les chiffres sous les yeux : il y avait initialement 23 territoires pilotes dans trois académies, de sorte que l’expérimentation, telle que nous l’avons lancée il y a seulement deux ans, concerne 24 000 élèves dans 155 écoles, 27 collèges et 20 lycées. Quelque 16 000 lycéens sont concernés, qui s’ajoutent aux 24 000 élèves précités.
Les premiers résultats sont très encourageants, raison pour laquelle nous avons décidé d’étendre l’expérimentation de trois académies à sept autres, celles de Besançon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Limoges, Rennes et Toulouse. Plus de 60 territoires sont aujourd’hui engagés dans cette démarche de contractualisation pour faire ce que nous avons appelé des « alliances éducatives ».
Ce dispositif répond à plusieurs questions qui ont été posées jusqu’à présent. Un peu comme dans l’esprit des cités éducatives, l’objectif est d’avoir un impact sur les facteurs extrascolaires, par exemple les activités sportives et culturelles des élèves en milieu rural, en plus de leur activité scolaire.
Il existe donc désormais un cadre qui va de pair avec la revitalisation des internats d’excellence et la politique en faveur des écoles rurales. Il doit permettre de développer une véritable politique d’appui à ces territoires éducatifs ruraux. Il s’inscrit également dans le même objectif que l’extension des cordées de la réussite aux collèges ruraux depuis la rentrée 2020 : quelque 20 000 collégiens sont accompagnés dans ce cadre en territoire rural.
Par conséquent, nous menons une véritable politique de l’éducation prioritaire, dirigée vers les élèves des milieux ruraux. Nous voyons les premiers bourgeons de cette politique qu’il faudra bien entendu approfondir au cours des prochaines années.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, je vais également vous parler des mathématiques.
La réforme du baccalauréat a fait chuter la proportion d’élèves suivant un enseignement de mathématiques en terminale de 50 % à 59 %. En parallèle, 37 % des élèves choisissent la spécialité « maths ». En d’autres termes, au lycée, l’apprentissage des mathématiques est devenu à double vitesse, accentuant les inégalités sociales et de genre.
Pour preuve, en 2019, les filles représentaient 47,7 % des effectifs en filière S ; en 2021, elles ne sont plus que 39,8 % à avoir choisi la spécialité « maths », soit au-dessous du niveau de 1994. Ce décrochage soudain et massif est une régression.
D’ailleurs, les instituts de recherche, les associations et aussi les collectifs de professeurs de mathématiques ne s’y trompent pas : ils vous ont alerté dans une missive et ils pointent même le caractère édifiant de ce décrochage.
Cette rupture a des incidences préjudiciables en matière de débouchés. Mécaniquement, se pose le problème de l’accès aux filières scientifiques, économiques et numériques, lesquelles constituent la priorité du plan France 2030 et concentrent la majorité des investissements. Autrement dit, la place de la discipline mathématique conditionne le succès de la France dans ces filières, érigées comme prioritaires. Rappelons qu’il manque 5 000 ingénieurs par an.
Aujourd’hui, cette inadéquation est une question éminemment politique. Le recrutement et la formation des enseignants, l’attractivité des carrières, la pédagogie à l’œuvre en classe et le travail sur les représentations constituent autant de sujets à traiter.
Monsieur le ministre, vous avez récemment lancé les travaux du comité de consultation sur l’enseignement des mathématiques au lycée général. À cette occasion, vous avez précisé : « Certains aménagements sont envisageables dès la rentrée prochaine, d’autres devront attendre 2023 ». En quoi consistent ces aménagements ?
Concrètement, comment entendez-vous renforcer la place de l’enseignement des mathématiques au lycée, tout en luttant contre les fortes disparités qui le caractérisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)