M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 2140, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
M. Frédéric Marchand. Les écloseries marines de Gravelines sont le plus important producteur de bars et de dorades royales en France. L’entreprise emploie à ce jour 100 personnes sur son site de Gravelines. Elle est un modèle d’économie circulaire, permettant d’adosser à la centrale nucléaire une activité productive et vertueuse, qui répond à une problématique majeure sur les enjeux alimentaires et la raréfaction des ressources en mer.
Or, comme vous le savez, madame la ministre, l’activité et la viabilité de ces écloseries sont aujourd’hui fortement menacées.
Cette situation découle de la décision de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) de mettre fin à l’exonération partielle de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), au motif de l’interprétation juridique faite de leur classification en code APE – pour activité principale exercée – dans la nomenclature datant du 1er juillet 2018.
Par conséquent, l’entreprise n’est plus éligible au taux réduit de la TICFE et subit, de ce fait, une multiplication par dix du taux qui lui est imposable, et ce avec effet rétroactif. La DGDDI réclame en effet le remboursement des sommes dues rétroactivement sur quatre années, à savoir 1,6 million d’euros, soit un surcoût de 450 000 euros par an. Une procédure judiciaire est en cours.
À cette situation critique vient s’ajouter l’augmentation inédite et brutale du prix de l’électricité, qui pourrait porter un coup fatal à ce modèle économique unique et innovant en France, combinant électro-intensif et agro-industriel.
Il s’agit de la seule entreprise produisant des bars et des dorades en aquaculture marine sur terre en France, ce qui en fait la garante d’un savoir-faire unique dans notre pays au sein de cette filière aquacole.
Il est important de noter qu’Aquanord représente 80 % du produit de la TICFE de l’aquaculture en France. Cette entreprise a été rachetée en 2013 par le groupe Gloria Maris. Elle a un modèle économique compétitif et rentable, bénéficiaire depuis 2015 dans un contexte fiscal normal. L’augmentation des charges mettrait à mal sa compétitivité par rapport aux concurrents turcs et grecs.
Madame la ministre, je sais que les services de l’État sont pleinement mobilisés sur ce dossier et je salue votre décision récente d’accorder à Aquanord un taux plancher de TICFE pour l’année 2022 dans le cadre des mesures d’urgence.
Aussi, dans cet état d’esprit visant à protéger les entreprises françaises, je vous remercie de bien vouloir étudier la possibilité d’un changement de la nomenclature en projet de loi de finances, ce qui permettrait à Aquanord de bénéficier de nouveau du taux réduit de TICFE, et de m’indiquer la possibilité de surseoir à la requalification rétroactive de l’entreprise par les services des douanes pour les quatre années passées.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, votre question porte sur la fiscalité applicable aux installations fortement consommatrices d’énergie, que l’on appelle « énergo-intensives » ou, s’agissant de la consommation d’électricité, « électro-intensives ».
Le droit européen tient compte, dans les règles régissant la taxation de l’énergie, harmonisées au niveau communautaire, de l’exposition des entreprises à la concurrence internationale et du poids très important que représente l’énergie parmi les intrants de certains types d’activités.
Ainsi que vous le rappelez, le droit en vigueur depuis plusieurs années ne permet pas aux activités d’aquaculture – activités agricoles – de bénéficier du tarif réduit de TICFE : conformément au droit européen, l’article 266 quinquies C du code des douanes en limite le bénéfice aux activités industrielles.
Ces règles s’appliquent de façon constante depuis plusieurs années. En 2018, les modalités retenues pour établir le caractère industriel des activités ont évolué, mais sans exclure les activités d’aquaculture de ce régime.
Le Gouvernement a déjà apporté des réponses dans le cadre de la crise actuelle des prix de l’énergie, notamment à travers la baisse de la TICFE.
Dans le cadre de son ambitieux paquet Fit for 55, la Commission européenne a proposé, en juillet dernier, de revoir de fond en comble le fonctionnement de la fiscalité énergétique afin de la mettre en cohérence avec l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030.
Ce projet de texte, qui fait pour l’instant l’objet de travaux techniques, prévoit une refonte des dispositifs favorables aux entreprises énergo-intensives ou électro-intensives. Il ouvre la porte à une moindre taxation de l’électricité par rapport aux énergies fossiles.
C’est donc dans ce cadre, monsieur le sénateur, que la France peut faire évoluer la réglementation s’appliquant à l’entreprise que vous mentionnez.
Par ailleurs, nous serons très attentifs à toute situation impactant une entreprise qui produit en France. Ce cas pourra donc être traité, à court terme, dans un autre cadre.
rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 2125, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la législation en vigueur applicable à la rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers.
Actuellement, les frontaliers cotisent auprès du régime d’assurance chômage en Suisse. En cas de chômage total, ils sont indemnisés par leur pays de résidence, à savoir la France.
Toutefois, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant 2009, la convention franco-suisse sur l’assurance chômage de 1978 prévoyait la rétrocession à l’Unédic de 90 % des cotisations chômage prélevées sur le salaire des frontaliers. En 2007, le montant des rétrocessions versées par la Suisse à la France s’élevait à 119 millions d’euros.
Cette convention a pris fin en mai 2009. Depuis, le principe communautaire prévoyant l’indemnisation des frontaliers par l’État de résidence s’applique, mais sans contrepartie financière, à moins que les États n’en décident autrement de manière bilatérale.
Ainsi, le règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale rappelle que les indemnités chômage versées par la France restent à sa charge, mais que la Suisse rembourse les trois premiers mois de prestation.
C’est un système peu avantageux pour la France au regard des 188 650 frontaliers qui travaillent en Suisse et bénéficient, de ce fait, à la fois de salaires plus élevés et d’un marché du travail très peu touché par le chômage.
Cette règle communautaire coûte très cher à notre pays. Nous perdons ainsi les cotisations chômage des frontaliers, qui viennent accroître encore le régime déjà déficitaire de l’Unédic. S’y ajoute le fait que la France doit financer des indemnités 1,5 à 3 fois plus élevées que la moyenne française, puisque calculées sur les salaires perçus en Suisse.
Je déplore que notre pays subisse depuis tant d’années cette double peine : d’une part, en finançant la formation de jeunes qui, une fois diplômés, ne peuvent résister à l’attrait des salaires suisses et, d’autre part, en prenant en charge le chômage de ces licenciés dès que la situation économique est un peu moins favorable. Cette situation ne peut perdurer indéfiniment.
Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement est prêt à remédier à ce système inéquitable pour notre pays, en rouvrant rapidement les négociations avec la Suisse pour conclure un nouvel accord bilatéral soit de rétrocession des cotisations des frontaliers auprès de leur État de résidence, soit de remboursement de la totalité des périodes d’indemnisation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Sylviane Noël, en application de la réglementation européenne, la charge de l’indemnisation des travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse revient à l’État de résidence.
Ainsi, comme vous l’avez parfaitement souligné, le régime d’assurance chômage français supporte la charge de l’indemnisation des travailleurs frontaliers privés de travail, au titre de périodes d’emploi ayant donné lieu à des contributions perçues par la Suisse.
Les modalités de remboursement partiel de ces prestations sont définies dans le règlement européen n° 883/2004, auquel la Suisse a adhéré en avril 2012. Elle rembourse donc à la France trois ou cinq mois d’indemnisation des allocataires, en fonction de leur durée d’affiliation antérieure.
Le nombre de travailleurs frontaliers suisses s’étant fortement accru au cours des vingt dernières années, l’indemnisation chômage de ces derniers pèse effectivement sur le régime d’assurance chômage français.
En 2020, la France a ainsi versé 810 millions d’euros de prestations chômage à des travailleurs frontaliers résidant en France et ayant précédemment travaillé en Suisse. La Suisse ayant remboursé 143 millions d’euros de prestations, le surcoût s’élève à 667 millions d’euros.
Depuis 2016, notre pays soutient les tentatives de révision du règlement européen engagées par la Commission européenne dans la perspective d’attribuer la compétence de l’indemnisation à l’État d’emploi, et non à l’État de résidence, dans un esprit de conformité au principe général lex loci laboris, selon lequel l’application de la réglementation du pays d’emploi doit être la règle.
Ces tentatives de révision ont fait l’objet, au cours des dernières années, de négociations longues et complexes, qui n’ont pas encore abouti.
Dès lors que de nouvelles règles seront adoptées au niveau européen, elles s’appliqueront à la Suisse après modification de l’accord bilatéral conclu entre l’Union européenne et ce pays.
En résumé, madame la sénatrice, nous continuons à travailler sur le dossier, mais nous ne sommes pas encore parvenus à une solution totalement aboutie.
avenir des centres de vacances en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 2143, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Jean-Yves Roux. Nous sommes en pleine période de vacances d’hiver et voilà bientôt deux ans que les centres de vacances de montagne et centres de vacances ruraux subissent de plein fouet les annulations ou l’absence de réservation de séjours scolaires en fonction de l’évolution de la crise sanitaire.
L’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes nous livre des chiffres témoignant de la désaffection de ces centres : alors que ces centres enregistraient 1,4 million de séjours en 2018-2019, ils n’en comptent que 900 000 pour la saison 2020-2021, soit une chute de 37 %.
Des mesures ont été mises en place, telles que le chômage partiel, les colonies apprenantes ou les séjours de cohésion dans le cadre du service national universel (SNU), pour éviter des faillites en cascade.
Toutefois, nous craignons que les centres installés en milieu rural ou de montagne ne puissent se relever de ces périodes d’activité discontinues. Ces centres font également face à la hausse du prix de l’énergie ou des matières premières et rencontrent des difficultés pour recruter des travailleurs saisonniers.
Or, dans la ruralité, ils constituent des sources d’animation, de développement, de recrutement pour les plus jeunes, aussi traditionnels que précieux. Vous me permettrez, mes chers collègues, d’évoquer l’expérience menée sur la commune de Montclar, dans les Alpes-de-Haute-Provence, première station autogérée avec 300 emplois induits.
Ces centres de vacances, au-delà du fait qu’ils sont d’indispensables atouts de développement local, représentent aussi des lieux d’apprentissage de la citoyenneté en commun, qu’il me paraît indispensable de soutenir.
Madame la ministre, comment comptez-vous aider, dès maintenant, à la préservation de ce maillage rural de centres de vacances, que ce soit en montagne ou ailleurs, aujourd’hui très précarisé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, vous soulignez à juste titre que les classes de neige et classes de découverte ont subi de nombreuses annulations.
Le caractère exceptionnel de la crise sanitaire, marqué par des vagues pandémiques successives, a pu conduire à prendre des décisions d’annulation ou de report de voyages scolaires en raison de la situation.
Ces annulations ont effectivement des conséquences importantes pour certains territoires, dont le vôtre, où ces activités représentent un poumon économique, ainsi que pour une cascade d’acteurs au-delà des centres de vacances eux-mêmes – je pense, par exemple, aux transporteurs ou aux organisateurs de séjour.
C’est la raison pour laquelle les mesures d’accompagnement économique se sont poursuivies en décembre et en janvier.
Les centres d’hébergement sont aidés à travers plusieurs dispositifs : la prise en charge des coûts fixes pour ceux qui perdent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires ; l’activité partielle sans reste à charge pour ceux qui perdent plus de 65 % de leur chiffre d’affaires ; et les aides au paiement – 20 % de la masse salariale brute – pour ceux qui perdent plus de 30 % de leur chiffre d’affaires.
Les acteurs se sont souvent constitués en association et peuvent, à ce titre, bénéficier des mêmes aides.
Un travail est engagé par le ministre Jean-Baptiste Lemoyne, aux côtés des acteurs économiques de la filière, pour valoriser les classes de neige et de découverte. Un catalogue des séjours est en cours de constitution pour améliorer la communication et la lisibilité de l’offre.
Par ailleurs, un catalogue national des structures d’accueil et de l’hébergement sera mis à disposition des professeurs pour faciliter l’organisation des sorties scolaires avec nuitées.
Ce sont autant de moyens pour renforcer les dynamiques croisées économiques et culturelles.
Enfin, je veux rappeler le dispositif « colos apprenantes », lancé en 2020 et poursuivi en 2021. Ces séjours collectifs de mineurs, labellisés par le ministère de l’éducation nationale, ouverts à toutes les familles, seront reconduits en 2022, comme l’a annoncé le Premier ministre voilà quelques jours. Les zones de montagne et les zones rurales que vous évoquez pourront ainsi encore bénéficier de cet effort.
mesures de soins sous contrainte dans le nord
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 2145, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Martine Filleul. La Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH), spécialisée dans la santé mentale, nous informe de la situation inquiétante dans le département du Nord concernant les mesures de soins sous contrainte prises à la demande des directeurs d’établissements de santé psychiatrique.
En application des articles L. 3212-1 et L. 3212-3 du code de la santé publique, deux procédures peuvent être utilisées à titre exceptionnel : l’urgence ou le péril imminent.
Dans le Nord, 90 % des soins sous contrainte décidés par les directeurs d’établissements sont des mesures d’urgence – 63 % des cas – ou de péril imminent – 27 % des cas. L’exception est donc devenue la règle.
Par ailleurs, l’obligation légale selon laquelle les hôpitaux psychiatriques doivent être visités au moins une fois par an, sans publicité, par le représentant de l’État dans le département et par le président du tribunal judiciaire, ainsi que par le procureur de la République et par le maire de la commune n’est pas non plus respectée : la majorité des établissements du Nord n’ont pas fait l’objet de ces visites de contrôle.
Madame la ministre, quelles sont les mesures prévues par le Gouvernement pour faire respecter ces dispositions et s’assurer ainsi du respect des droits fondamentaux des patients admis dans ces établissements ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Martine Filleul, les chiffres de l’année 2020 sur lesquels vous vous êtes appuyée ne semblent pas présenter de différence majeure avec les autres départements de la région Hauts-de-France ni même avec la moyenne nationale en matière d’admission en soins sur décision du directeur d’établissement (SDDE).
Ainsi, les mesures de péril imminent représentaient, cette année-là, 27 % des mesures de soins sous contrainte pour le département du Nord, contre 34 % pour la région Hauts-de-France et environ 33,76 % au niveau national.
Le pourcentage sur votre département ne paraît donc ni démesuré ni plus alarmant eu égard aux besoins avérés et aux pratiques dans la région et à l’échelle nationale.
En outre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté souligne dans son rapport que près de 60 % des admissions en soins sans consentement sont initiés dans un service de médecine d’urgence dans notre pays.
Les visites du Contrôleur général ont mis en évidence que, dans la plupart des établissements en France, les admissions en soins sur demande d’un tiers en urgence (SDTU) ou en soins en cas de péril imminent (SPI) sont toujours prépondérantes parmi les SDDE.
Par ailleurs, les établissements de santé des Hauts-de-France habilités pour l’accueil de patients en soins psychiatriques sans consentement font l’objet d’un contrôle régulier par les services de l’agence régionale de santé, qui disposent, pour ce faire, de toutes les informations utiles.
En outre, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) effectue a minima deux visites par an au sein des établissements de santé, comme l’exige l’article L. 3222-4 du code de la santé publique.
Enfin, le procureur de la République a bien effectué les visites prévues en 2020 dans les établissements de psychiatrie du Nord, conformément à la législation en vigueur, et en dépit de la situation sanitaire qui aurait pu, vous en conviendrez, heurter la programmation des contrôles en cette année particulière.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Vous comprendrez mon étonnement, madame la ministre, tant les chiffres que vous nous donnez sont en contradiction avec ceux de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme.
Croyez bien que je resterai très attentive à ce que les patients soient traités avec la plus grande bienveillance et protégés de toute dérive. Je veillerai également à ce que les visites prévues aient bien lieu dans les établissements du Nord.
reprise de la collecte de sang en guyane
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 2037, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Alors que l’Établissement français du sang fait état d’une situation très critique, avec des stocks extrêmement bas, les habitants de Guyane et de Mayotte, pour des raisons diverses, ne peuvent toujours pas donner leur sang.
Depuis avril 2005, un arrêté préfectoral a mis un terme à la collecte de sang sur le territoire guyanais en raison de la présence de la maladie de Chagas, laquelle pose un véritable problème de santé publique sur le continent sud-américain et en Amérique latine, où 15 à 20 millions de personnes sont infectées.
Entre janvier 1990 et mars 2005, quinze cas humains de la maladie de Chagas ont été diagnostiqués, dont six aigus, en Guyane. C’est néanmoins sur cette base que la préfecture a décidé de mettre un terme à la collecte de sang sur le territoire.
Une étude du Haut Conseil de la santé publique de mars dernier indiquait que la maladie de Chagas « a été très rarement notifiée chez des cas humains en Guyane » et que « cette parasitose ne constitue pas un problème de santé publique en Guyane ».
Plus de quinze ans après l’arrêt de la collecte de sang, d’importants progrès ont été réalisés en matière de détection de la maladie de Chagas. La transmission par transfusion sanguine peut désormais être évitée par un dépistage systématique des dons de sang.
La Guyane, grâce à l’Institut Pasteur, dispose depuis 2016 d’un laboratoire P3+ capable d’identifier les virus à l’origine de syndromes cliniques graves, comme la maladie de Chagas.
Ce dépistage est aujourd’hui pratiqué dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, au Japon et au Brésil, où 100 % des donneurs de sang sont ainsi dépistés depuis 1995.
Madame la ministre, je sais votre gouvernement favorable à une égalité de traitement des citoyens sur l’ensemble du territoire national. Aussi, pouvez-vous m’indiquer quels leviers vous comptez mettre en place pour restaurer une véritable politique de collecte de sang en Guyane ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Phinera-Horth, la reprise de la collecte de sang en Guyane présenterait l’avantage de reconstituer un pool disponible localement, tout en renforçant à l’échelle nationale un vivier de donneurs de phénotypes sous-représentés dans la population courante des donneurs de sang. Cela nous permettrait également de mieux répondre aux besoins transfusionnels des receveurs, notamment dans les Antilles.
Pour envisager cette reprise, la direction générale de la santé (DGS) a demandé à Santé publique France de réaliser une analyse de la situation épidémiologique dans ce territoire. Cette étude, réalisée en août 2021, montre que la Guyane reste particulièrement exposée à des risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle. Elle cite notamment le VIH, le HTLV, la dengue et le virus de l’hépatite B. Pour ce seul dernier virus, on peut craindre une perte de 5 % des poches de sang, ce qui n’est pas anecdotique.
De plus, conformément aux critères de sélection des donneurs de sang, les donneurs ayant séjourné en Amérique latine ou de retour de zones endémiques présentant des risques de maladie de Chagas peuvent également faire l’objet de contre-indications pour ces raisons de santé publique.
Par ailleurs, la Guyane est particulièrement touchée par l’émergence d’arboviroses en raison de la présence de vecteurs, d’un climat tropical et d’une proximité géographique avec les zones endémiques.
Ce territoire comptait 294 146 habitants au 1er janvier 2021. Selon ce chiffre, et compte tenu de la structuration de la population par tranches d’âge, il pourrait être attendu une collecte d’environ 7 000 dons par an, sans préjuger la perte de dons liés à la présence d’agents infectieux. Cela n’est donc pas négligeable, tant s’en faut, mais nous privilégions la sécurité sanitaire pour l’instant.
Ce territoire reste particulièrement vulnérable aux risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle. Il est également menacé par les épidémies d’arbovirus, ce qui justifie en soi une mise en œuvre et une adaptation agile de mesures de prévention comme le dépistage génomique viral, voire l’arrêt total de la collecte. Au regard de ces éléments, la reprise de la collecte en Guyane apparaît risquée ; elle n’est donc pas à l’ordre du jour.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Bien évidemment, elle reprendra dès que les conditions épidémiologiques, qui font l’objet d’un suivi régulier, seront réunies.
constatation des décès à domicile
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 2071, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Édouard Courtial. Madame la ministre, il est huit heures quinze lorsque Mme la maire est appelée à la suite d’un décès à domicile. À huit heures trente-huit, les gendarmes arrivent sur les lieux, rejoints à huit heures quarante-cinq par Mme la maire. Il est dix-sept heures trente – vous avez bien entendu ! – lorsque le décès est enfin constaté et prononcé par un médecin.
C’était le 27 décembre dernier, à Airion, dans l’Oise. Permettez-moi d’avoir ici une pensée pour la maire, Sandrine Boulas-Dretz. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un cas isolé, loin de là. J’ai ainsi également une pensée pour le maire de Verberie, Michel Arnould, confronté lui aussi à une situation semblable.
Pendant ces heures interminables, des centaines de numéros ont été composés, en vain. Aucun médecin n’était disponible, pas même le 15, alors que leur présence est une obligation légale. C’est l’autre face, moins visible, que nous refusons d’affronter, de la désertification médicale.
Ce problème n’est pas nouveau, mais il prend des proportions qui dépassent l’entendement. Pourtant, le vieillissement de la population, combiné au choix du maintien à domicile, va entraîner une multiplication des cas de décès chez l’habitant.
Or, au-delà des considérations élémentaires de dignité de la personne humaine, la famille arrivant sur les lieux sans qu’il lui soit permis de voir le disparu, ces cas soulèvent deux problématiques principales auxquelles il faut apporter très rapidement des réponses.
D’une part, c’est l’incompréhension qui domine face au manque de médecins, voire devant le refus de certains de se déplacer faute d’indemnisation. Pourquoi, par exemple, ne pas prévoir a minima un dédommagement et une astreinte ou autoriser des internes à pratique cet acte, mobiliser les médecins retraités ou encore déléguer cette tâche aux médecins des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ?
D’autre part, certains maires se retrouvent en détresse, esseulés face à une tâche difficile à laquelle personne ne les a préparés. Aussi, il faut mieux accompagner les élus en renforçant sans attendre leur formation, en prévoyant une procédure claire, en lien avec chaque préfecture, et en fournissant au moins la liste des médecins et un contact de permanence à l’agence régionale de santé (ARS).
Madame la ministre, entendez les élus, qui sont en première ligne, et prenez enfin les mesures nécessaires pour inverser cette tendance inacceptable qui en dit long sur le chemin que semble emprunter notre société, où la mort doit rapporter.