Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a dépensé au total 400 milliards d’euros, soit 20 % du PIB, pour que ce même PIB revienne finalement 1,6 % en deçà de son niveau moyen de 2019. Vous pouvez vous en féliciter, madame la ministre, mais d’aucuns vous répondront qu’il s’agit là, malgré tout, d’une performance très limitée.
Vous justifiez votre politique en vous appuyant également sur les statistiques de l’emploi. Selon les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) le nombre absolu de chômeurs est aujourd’hui au même niveau qu’au début du mandat Macron, soit 5 430 000. Compte tenu de l’augmentation de la population active, on constate effectivement une baisse du taux de chômage, mais celle-ci correspond à des créations d’emplois soit précaires soit financés par l’État, l’effet d’aubaine qui en résulte, dans ce dernier cas, étant considérable.
Le plan « 1 jeune, 1 solution » a certes permis la création de près de 520 000 emplois en alternance, mais, spécificité de ce plan, les subventions étatiques sont telles que l’apprenti est gratuit pour l’entreprise ! Quelque 9 milliards d’euros auront été dépensés pour faire disparaître 520 000 personnes des statistiques du chômage… Et cette aide, quand prend-elle fin ? Elle ne dure que jusqu’en juin 2022 ! Joli effet d’aubaine, peut-être pas que pour les entreprises… La chute risque d’être rude, madame la ministre, car l’emploi que vous créez n’est pas durable.
Vous avancez, dans le même sens, que de nombreuses entreprises ont été créées, mais il s’agit en grande majorité de microentreprises. Or, selon l’Insee, un microentrepreneur ne gagne que 590 euros par mois en moyenne, et on sait que la moitié de ces entreprises ne survivent pas au-delà de quelques mois ou de quelques années.
Votre relance n’est pas pérenne, madame la ministre ; c’est tout le problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice, vous vous offusquez du fait que nous accompagnons l’apprentissage. Je m’en étonne : je croyais que vous souteniez l’insertion, en particulier pour les jeunes.
L’apprentissage est une porte d’entrée sur le marché du travail. Contrairement à ce que vous laissez penser, on n’est pas apprenti toute sa vie : c’est une étape qui permet d’apprendre le métier, avant d’être recruté précisément parce qu’on le maîtrise.
Ces 520 000 jeunes dont nous avons accompagné l’embauche en apprentissage sont entrés dans l’emploi, et leur taux d’insertion dans l’emploi est beaucoup plus élevé que celui des jeunes qui ne sont pas passés par l’apprentissage. Les analyses du Conseil d’analyse économique (CAE), par exemple, montrent de manière très claire qu’il y a là une mesure tout à fait durable et économiquement pertinente.
Chacun devrait donc se réjouir que nous ayons doublé le nombre de contrats d’apprentissage et enfin changé le regard sur cette manière d’accompagner les jeunes vers l’emploi.
J’ajoute que cette mesure profite aussi aux personnes en situation de handicap, sans limite d’âge, ce qui a permis d’améliorer l’intégration de ces personnes dans la vie professionnelle.
Un mot des chiffres du chômage : le meilleur critère pour apprécier la situation, c’est le taux d’emploi, qui mesure la part de la population active qui travaille. C’est un critère très simple : impossible de tricher comme avec les catégories, A, B, C, D, E. Or ce taux est le plus élevé depuis cinquante ans – ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Insee.
Vous me direz que le taux d’emploi est plus faible chez nous qu’en Allemagne. Dont acte ! Travaillons à ce qu’il continue de progresser.
En tout état de cause, l’amélioration est très nette.
Vous avez parlé de précarité, mais ce n’est pas exact : le nombre de contrats à durée indéterminée a également progressé !
La vision que vous exposez est donc partielle, madame la sénatrice. Nous devrions bien plutôt nous atteler enfin à résorber notre chômage structurel, dont le niveau élevé nous distingue des autres pays européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. La conditionnalité sociale, madame la ministre, consisterait à aider les entreprises en échange d’emplois durables. En l’espèce, vous payez 100 % de l’apprentissage, sans aucune garantie pour la suite !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Plan de relance, France 2030, mesures d’urgence : tout cela, c’est de l’argent public, c’est entendu ; nous devons donc, en la matière, disposer d’un droit de regard.
Je souhaite vous interroger sur une question qui nous a déjà beaucoup animés : celle de la conditionnalité des aides. Je ne parle pas du commerçant du coin ou du restaurateur, mais des très grandes entreprises, qui ont toutes été aidées depuis deux ans – mesures directes ou indirectes, chômage partiel, prêts garantis par l’État, plan de relance.
Vous nous avez dit, madame la ministre, que les PGE – cela vaut aussi pour le plan de relance – faisaient l’objet de conditionnalités sociales et environnementales. Lorsque nous avons auditionné Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, le 31 mars 2021, je lui ai posé la question ; il nous a répondu qu’il n’en savait rien et que les PGE octroyés aux grandes entreprises étaient directement du ressort de Bercy et de Bruno Le Maire. Et il nous a conseillé de nous rapprocher du directeur général du Trésor.
Nous avons eu de la chance : notre commission des affaires économiques a précisément accueilli, un mois plus tard, le directeur général du Trésor. Derechef, je lui ai posé la question. Voici ce qu’il a fini par me répondre, après avoir bafouillé : « les PGE de grandes entreprises sont accompagnés d’engagements liés au fait qu’il n’y ait pas de filiales dans les paradis fiscaux ». Pour le reste, il nous conseillait de poser directement la question des conditionnalités au ministre.
Comme vous êtes là, je vous la pose, madame la ministre : quels critères sociaux et environnementaux les grandes entreprises bénéficiant d’un PGE ou des mesures du plan de relance doivent-elles respecter ?
Pouvons-nous avoir accès aux dossiers des PGE signés par Bruno Le Maire avec les grandes entreprises ? Le cas échéant, je suis disponible pour venir à Bercy, vingt-quatre ou quarante-huit heures, afin d’examiner ces documents avec vous !
M. Vincent Segouin. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur, je me permets de vous rappeler que notre débat d’aujourd’hui porte non pas sur les prêts garantis par l’État, mais sur le plan de relance.
En ce qui concerne le plan de relance, 90 % des mesures qui ont bénéficié à des entreprises ont été assorties de contreparties. Soutenir un projet de relocalisation, cela n’a rien d’évanescent. Vous payez les factures d’installation des chaînes de production : l’argent n’est pas décaissé sans instruction ni sans laisser de trace. Je le rappelle également, les conventions prévoient la possibilité de demander le remboursement des sommes versées si les projets n’ont pas été correctement exécutés selon le programme.
M. Fabien Gay. Mais bien sûr !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il y a conditionnalité, bien sûr ! De même, lorsqu’une aide à l’insertion ou au recrutement est octroyée, la conditionnalité n’est autre que l’embauche.
Je m’écarte un instant du plan de relance pour évoquer les mesures d’urgence : le chômage partiel vise à sécuriser le contrat de travail des salariés ; ce sont les salariés qui bénéficient de l’argent versé. Ce dispositif explique que le taux de chômage ait diminué pendant la crise, bien que le PIB ait baissé de 8 %, quand le taux de chômage avait explosé, en 2008-2009, alors que l’impact de la crise sur le PIB était « à peine », si j’ose dire, de 2,3 %. On voit bien la différence, et l’efficacité de ces aides, qui ont profité avant tout aux Français.
Je prends l’exemple du PGE d’Air France, qui était doublement conditionné : politique de distribution de dividendes, d’une part, engagements de décarbonation et diminution des vols intérieurs, d’autre part.
Je précise enfin qu’un prêt garanti par l’État n’est pas une aide d’État : c’est la garantie qui fait l’aide. Si l’entreprise rembourse, il n’y a pas d’argent mobilisé par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je poursuis sur les questions sociales et environnementales.
La semaine dernière, j’étais à Saint-Nazaire : les ouvriers détachés y sont maltraités par le patronat, alors même que les entreprises qui y sont implantées vont recevoir 1,25 milliard d’euros au titre du plan de relance. La question sociale, elle est là !
Puisque vous évoquez Air France, je mets deux chiffres en balance : 4 milliards d’euros de prêt garanti par l’État, 7 500 suppressions de postes. De même pour Renault : un PGE de 5 milliards d’euros, 15 000 suppressions de postes, dont 5 000 en France, en particulier dans les fonderies.
Ces exemples peuvent être répétés à l’envi.
J’ajoute que des dividendes très généreux ont été versés, contrairement à ce qu’avait annoncé Bruno Le Maire, qui avait promis d’appeler les entreprises à la modération. Nous serons donc très attentifs à ce que le plan de relance s’assortisse de conditionnalités sociales et environnementales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Sans les prêts garantis par l’État, qui, je le répète, ne sont pas des aides, les entreprises dont vous parlez auraient déposé le bilan, avec un risque d’effet domino. Ce ne sont pas 5 000 emplois qui étaient en jeu – tel n’est d’ailleurs pas le chiffre final des réductions de postes chez Renault, mais peu importe –, mais des dizaines de milliers.
Nous prenons nos responsabilités : notre boussole, c’est l’emploi. Les résultats que nous obtenons montrent que cette boussole est active : le taux de chômage a baissé et le taux d’emploi est le plus élevé depuis cinquante ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Comme je vois que les questions sociales vous tiennent à cœur, je continue avec les prêts garantis par l’État.
J’ai cité Renault et Air France ; je n’y reviens pas. AccorInvest : un prêt garanti par l’État de 477 millions d’euros signé par Bruno Le Maire, 1 880 suppressions de postes. Lagardère : un PGE de 465 millions d’euros, lui aussi signé par Bruno Le Maire, 64 postes supprimés et 30 fermetures d’antennes locales, menaçant des centaines de postes. Galeries Lafayette : un prêt de 300 millions d’euros signé par Bruno Le Maire, 177 postes supprimés.
Vous nous dites que les entreprises qui ont bénéficié de prêts garantis par l’État n’ont pas supprimé de postes ; on voit bien que ce n’est pas le cas, très loin de là ! Nous devons savoir précisément où est passé cet argent. À quoi a-t-il servi ? À investir, à préparer la transition écologique, à verser des salaires ? En tout cas, pas au maintien de l’emploi en France !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, un fonds bicyclette de 350 millions d’euros avait été créé en 2018 afin d’aider les collectivités territoriales à construire des pistes cyclables sécurisées. Il a ensuite été abondé de 100 millions d’euros dans le cadre du plan France Relance en vue d’atteindre en 2024 l’objectif d’un triplement de la part du vélo dans les déplacements quotidiens.
Selon les chiffres publiés au début de l’année par le réseau Vélo & territoires, la pratique cycliste progresse, de fortes disparités territoriales étant néanmoins à noter. L’augmentation enregistrée en 2021 par rapport à 2019 est deux fois moindre en zone rurale – 14 % – qu’en milieu urbain – 31 %. Nous sommes loin de l’objectif de triplement… En outre, durant la même période, le nombre de cyclistes tués a augmenté de 20 %.
Dans ces conditions, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait pertinent de redéployer des crédits du plan de relance au profit de l’aménagement de pistes cyclables et de la réfection de la voirie communale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Mizzon, 200 millions d’euros sont en réalité consacrés au vélo dans le cadre de France Relance : 50 millions d’euros via la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), 50 millions d’euros engagés pour le déploiement de dispositifs de stationnement de vélos en gare, et 100 millions d’euros de « DSIL vélo » versés au niveau déconcentré depuis l’automne 2021 pour l’accompagnement de projets locaux en faveur du vélo.
Aujourd’hui, les résultats sont tangibles : depuis 2017, le kilométrage d’aménagements cyclables s’est fortement accru à l’échelle nationale, le réseau passant de 40 000 à 53 000 kilomètres, soit 13 000 kilomètres supplémentaires.
Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, nous avons surtout veillé à ce que les pistes cyclables soient mises en sécurité. Nous voulions éviter les tracés improbables implantés au milieu de la circulation et seulement protégés par quelques plots : il fallait de véritables pistes sécurisées pour infléchir la triste statistique que vous venez d’évoquer, à savoir l’augmentation du nombre de décès de cyclistes, laquelle doit évidemment retenir toute notre attention.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, si votre réponse me satisfait, c’est seulement sur le plan intellectuel : la réalité est bien différente.
Vous semblez penser qu’il y a abondance de crédits. Mais tel n’est pas le ressenti des élus locaux, qui se plaignent de dotations trop faibles au regard de leur volonté de vous accompagner dans l’atteinte de l’objectif national de triplement du nombre de cyclistes dans notre pays.
Vous avez évoqué la DSIL, mais cette dotation est loin de ne financer que la promotion du vélo : elle finance tant de choses qu’à la fin de l’année il ne reste plus rien pour le vélo. C’est pourquoi je souhaiterais que vous redéployiez une partie des crédits du plan de relance au profit du développement du vélo en France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, vous avez évoqué deux DSIL. La première est fléchée vers quantité de projets différents, tant et si bien qu’elle ne suffit pas à répondre à tous les besoins.
Diable ! Vous ne prenez pas la mesure des besoins ni n’avez conscience du point auquel les maires et les présidents d’intercommunalité souhaiteraient pouvoir développer les pistes cyclables et redéfinir les voiries communales afin de rendre la cohabitation entre les vélos et les voitures plus aisée.
À cet égard, des moyens sont indispensables. C’est la raison pour laquelle je vous demandais de bien vouloir redéployer une partie des crédits du plan de relance, ou des reliquats qui ne manqueront pas d’apparaître, s’agissant – c’est absolument nécessaire – d’atteindre un objectif que nous partageons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Madame la ministre, sous l’angle économique, nous ne pouvons que partager le constat global selon lequel le plan de relance et les différentes aides de soutien à l’économie mises en place par l’État, par les régions et par les autres collectivités locales ont permis à notre pays de connaître une sortie de crise d’une rapidité exceptionnelle : en sept trimestres, le PIB a retrouvé son niveau d’avant-crise !
Toutefois, cette reprise a une contrepartie : l’inflation. Bloquée depuis plus d’un, la demande repart en force, faisant mécaniquement remonter les prix. Selon la note de conjoncture publiée par l’Insee à la fin de l’année 2021, les prix ont subi une augmentation moyenne de 18,6 %.
Au chapitre des mauvaises surprises figure la hausse des prix des carburants, qui atteignent des niveaux jamais vus. Selon les économistes, dans les semaines à venir, cette tendance devrait se poursuivre pour ce qui est des prix à la pompe. Je m’interroge donc sur l’absence, dans le plan de relance, d’un dispositif de déploiement de solutions de mobilité dans les zones rurales et hyper-rurales.
Je le réaffirme avec vigueur : les habitants de nos territoires subissent de plein fouet cette hausse de prix. Pour eux, c’est la double peine : éloignement, voire disparition, des services publics ; absence de substitut à la voiture.
Dans son volet écologie, le plan de relance contient certes une mesure en faveur des mobilités du quotidien, mais celle-ci ne concerne que les agglomérations et les métropoles, puisqu’elle est destinée à accompagner les collectivités souhaitant créer des transports en commun en site propre (TCSP), bus, tramways, métros.
Mon groupe et moi-même souhaitons profiter de l’organisation de ce débat, pour laquelle je remercie le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, pour interroger le Gouvernement sur les motivations qui l’ont conduit à exclure du plan de relance tout dispositif d’incitation au déploiement de nouvelles solutions de mobilité en zones rurales et hyper-rurales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice, vous avez raison de souligner que le contexte est marqué par l’inflation.
À examiner les données de l’Insee, on constate que l’inflation est pour le moment moindre en France que dans pas mal d’autres pays, européens ou non – les États-Unis ou certains pays asiatiques connaissent des niveaux d’inflation qui sont sans commune mesure avec le nôtre. Cela semble indiquer que les dispositifs que nous avons utilisés pour ralentir l’inflation fonctionnent.
En ce qui concerne le carburant, malheureusement, nous sommes totalement dépendants de l’évolution des cours mondiaux. Notre seule solution consiste donc à modifier nos modes de transport : nous devons nous tourner vers l’électrique et sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.
C’est en ce sens que nous agissons, tout d’abord, via les primes à la conversion ou le déploiement de bornes électriques. Ce déploiement n’est certes pas achevé sur l’ensemble du territoire, et peut-être est-il insuffisamment rapide, mais ces mesures font bel et bien partie intégrante du plan de relance.
C’est en ce sens que nous agissons, ensuite, en fléchant, dans le plan de relance, 450 millions d’euros de crédits en faveur des TCSP et 150 millions d’euros en faveur du vélo.
Je mesure le caractère incomplet de cette réponse ; mais le plan de relance visait à couvrir les années 2020 et 2021. Il nous appartient désormais de construire une réponse plus complète en matière de transition énergétique et de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. En tout état de cause, les mesures que nous avons engagées font sens, on le voit ; nous devons poursuivre dans cette voie.
Nous accompagnons par ailleurs les Français : je pense en particulier au chèque inflation, qui est aussi une réponse à la hausse des prix, d’un montant de 100 euros, et dont les derniers versements seront effectués d’ici à la fin du mois de février. Pas moins de 38 millions de Français en auront bénéficié.
Nous poursuivons enfin notre travail pour transformer la mobilité thermique en mobilité électrique.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, la baisse des impôts de production est l’un des points phares du plan de relance, destiné à renforcer la compétitivité des entreprises et l’attractivité de notre territoire. La baisse accordée aux entreprises s’élève à 20 milliards d’euros sur deux ans, sans aucune contrepartie, que ce soit en matière d’emploi – d’autres orateurs l’ont dit avant moi –, de responsabilité sociale des entreprises ou de transition écologique.
Un plan de relance repose généralement sur le principe d’une augmentation de la dette publique, ce qui reporte son financement à plus tard. Si des mesures précises sont pérennisées, ce qui est le cas, il convient, à l’inverse, d’équilibrer les budgets, ce qui passe soit par la hausse d’autres impôts soit par la baisse des dépenses publiques.
Or, en l’espèce, la baisse des impôts de production s’est faite au bénéfice exclusif des entreprises et, parmi elles, des plus aisées. Elle est en outre intégralement financée par la dette publique et n’a été compensée par aucune autre ressource fiscale connue à ce jour.
Dans le même temps, c’est l’objet du programme de stabilité, le Gouvernement souhaite que le déficit revienne sous le seuil des 3 % du PIB en 2027. Le redressement reposerait sur une croissance maîtrisée de la dépense publique, ramenée à 0,7 % par an en volume entre 2022 et 2027. Il faut ainsi trouver au moins 50 milliards d’euros !
Le problème du financement, qui n’a pas encore été abordé, reste donc entier. Compte tenu des annonces faites par le Gouvernement et des mesures qui ont été prises depuis le début de la présidence Macron, il n’est pas impossible que le financement envisagé consiste en réalité en une baisse des dépenses publiques, de même que les plans d’austérité avaient succédé au plan de relance après la crise de 2008.
Afin d’éviter une baisse des dépenses publiques essentielles, il conviendrait à tout le moins de compenser par d’autres prélèvements obligatoires les pertes de recettes induites par la baisse des impôts de production. Aussi, madame la ministre, quelles sont les perspectives que le Gouvernement souhaite tracer en ce domaine ? Allons-nous vers une baisse des dépenses publiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Joly, je souhaite dire un mot du contexte : en 2017, les impôts de production étaient en France sept fois plus élevés qu’en Allemagne et trois fois plus élevés qu’en moyenne dans l’Union européenne.
Je rappelle que les entreprises créent non seulement la richesse qui nous permet, par le biais de l’impôt, de financer nos politiques publiques, mais aussi l’emploi qui permet aux Français de vivre le plus dignement possible de leurs revenus. La pression de la fiscalité les empêche d’investir. Ainsi observait-on, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2017, un écart de 10 points de marge entre la France et l’Allemagne au détriment de la première ; 10 points de moins, cela se voit sur l’investissement productif ! Ce décalage explique sans doute en partie le chômage structurel que connaît la France, ainsi que le retard pris par les entreprises françaises pour se moderniser et investir dans de nouvelles chaînes de production.
Nous faisons tout l’inverse : nous assumons de baisser la fiscalité, tant sur les ménages, pour leur permettre de vivre mieux, que sur les entreprises, pour leur permettre de se développer, de gagner des contrats, de créer de l’emploi – j’ai déjà rappelé qu’un million d’emplois avaient été créés dans ce pays depuis le début du quinquennat. Plus d’emplois, ce sont plus de cotisations sociales pour abonder le budget de la sécurité sociale. Des entreprises en croissance, ce sont plus d’impôts acquittés pour équilibrer le budget de l’État. C’est ce cercle vertueux qui permettra aux entreprises de rebondir.
Monsieur le sénateur, vous aurez remarqué que cette baisse des impôts de production est essentiellement orientée vers l’industrie : sur 10 milliards d’euros de baisse, 6 milliards vont à l’industrie, qui ne représente pourtant que 10 % de l’économie. Il me semble que la mécanique et la stratégie sont très claires.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la ministre, je suis surpris des éléments de réponse que vous nous avez donnés quant à la pression qui pèserait sur les entreprises en matière de prélèvements obligatoires.
Le Gouvernement se vante de l’attractivité de notre pays en se fondant sur les investissements étrangers, qui n’ont pas diminué. Si les prélèvements obligatoires étaient aussi rédhibitoires que vous le dites, les entreprises étrangères n’investiraient pas autant dans notre pays !
La France a besoin de dépenses publiques : non seulement le bien-être de la population générale en dépend, mais les entreprises bénéficient elles aussi de ces investissements réalisés sur le territoire national.
La crise a révélé la nécessité de consacrer des moyens importants au financement de notre système de santé – je n’y insiste pas. Quant à nos systèmes éducatifs et de formation, ils connaissent des difficultés considérables, bien identifiées, comme en témoignent les récents mouvements de protestation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Soyons très clairs : en 2017, le niveau d’imposition des entreprises et des ménages français était l’un des plus élevés, sinon le plus élevé, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les impôts ont baissé, sous notre impulsion, de 52 milliards d’euros – c’est du jamais vu –, 26 milliards pour les ménages, 26 milliards pour les entreprises. Ainsi s’explique qu’en dépit d’une crise inédite nous ayons amélioré notre attractivité et accueilli, en 2020, plus de projets industriels que l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne réunis.
La mécanique est parfaitement cohérente : la baisse des impôts, que nous avons trouvés à un niveau élevé, a permis de relancer l’économie et de créer de l’emploi et de la croissance.
Je ne suis pas la seule à défendre une telle mécanique : la baisse des impôts de production est désormais une mesure relativement consensuelle. Maintenir cette orientation sans augmenter par ailleurs d’autres impôts et en se montrant soucieux de la dépense publique – vous avez raison – devrait nous permettre de continuer à relancer l’économie.