Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans deux ans se dérouleront les jeux Olympiques de Paris 2024. Cet événement majeur marquera la vie de tous les amateurs de sport de notre pays, et même au-delà. Cet événement doit être un formidable accélérateur de la pratique sportive en France, aussi bien avant qu’après les jeux. D’ailleurs, je rappelle que l’objectif était de voir trois millions de licenciés supplémentaires d’ici à 2024.
C’est dans ce contexte, renforcé d’ailleurs par un contexte de crise sanitaire mondiale, que ce texte nous est présenté.
Pourtant, le 20 décembre 2017, devant l’Assemblée nationale, la ministre des sports d’alors, Laura Flessel, déclarait souhaiter présenter au début de 2019 devant le Parlement un projet de loi Sport et société, visant à encourager la pratique pour tous et partout, tout au long de la vie. Malheureusement, nous avons dû attendre jusqu’à ce 18 janvier 2022 pour qu’un texte nous arrive en séance publique. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais…
Cependant, malgré des avancées intéressantes, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un texte a minima ou d’une proposition de loi « poids plume », pour reprendre les termes de la Banque des territoires.
Je commencerai par rappeler les avancées de ce texte.
Premièrement, sans pour autant répondre au manque d’encadrants dans les associations sportives, le texte permet de libérer des espaces pour la pratique libre. Notre groupe ne peut que partager cet objectif, tant on sait à quel point le sport peut s’apparenter à une oxygénation. Combien de fois avons-nous vu des jeunes escalader la grille des écoles pour jouer au foot ou au basket dans la cour le week-end ? Tant de fois que certaines mairies laissent aujourd’hui les portails ouverts ! Les dispositions du texte permettent tout à la fois de sécuriser les pratiquants, mais aussi les écoles et les collectivités territoriales.
Deuxièmement, le texte apporte des améliorations notables, qu’il convient toutefois de poursuivre, sur la question de l’accessibilité du sport aux personnes en situation de handicap.
Troisièmement, le texte permet de faire avancer la question de la parité au sein des instances dirigeantes des fédérations. Outre le CNOSF et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) présidés respectivement par Brigitte Henriques et Marie-Amélie Le Fur, seules seize fédérations, dont seulement deux sont des fédérations olympiques, ont une dirigeante. Si la loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a permis quelques avancées, il faut aujourd’hui aller plus loin. Ce texte nous permet de dégager un horizon, dans un calendrier par ailleurs tenable.
J’en viens maintenant aux limites que nous voyons à ce texte. Se pose bien évidemment la question du coût. Selon une étude de 2018, près de 57 % des Français considéraient que le prix des licences et des équipements était le principal frein à leur pratique.
J’étais d’ailleurs samedi après-midi avec les jeunes de l’Espace Jeunes municipal de Septèmes-les-Vallons, commune située au nord de Marseille, qui me faisaient justement remarquer que, dans un texte visant à la démocratisation du sport, on ne trouvait pas un mot sur le prix des licences, pas un mot sur le coût pour suivre le sport à la télévision, pas un mot non plus sur le coût pour assister à de grands événements sportifs. Ainsi, alors que la majorité des épreuves des jeux Olympiques de 2024 auront lieu en Seine-Saint-Denis, combien de jeunes issus des quartiers populaires de ce département pourront matériellement assister à ces épreuves, s’ils le désirent ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Jérémy Bacchi. Nous sommes donc bien loin de la grande loi de démocratisation attendue. Parmi les leviers qui nous semblent sous-exploités se trouve la question de la visibilité. En effet, il faut le rappeler, il existe un lien très clair entre la médiatisation d’une discipline et sa pratique. On peut ainsi citer le triplement des licenciés en canoë-kayak, handball et natation, consécutif à un dispositif de médiatisation favorisé par des générations dorées.
Or on ne peut que s’inquiéter de la disparition progressive du sport diffusé en clair, toutes disciplines cumulées. C’est d’autant plus regrettable que, à nos yeux, la démocratisation de la pratique ne peut que se faire en parallèle d’une démocratisation de la diffusion et de la gouvernance.
Se poursuit par ailleurs une forme d’hypocrisie dans notre conception du sport. Pratique populaire, à tous les sens du terme, on valorise dans la communication l’ambiance des stades et les moments de communion. Ainsi, dans son clip promotionnel, la Ligue de football professionnel (LFP) utilise des images des stades avec une multitude de fumigènes, car elle sait bien que cela est vendeur ; dans le même temps, elle sanctionne les clubs présents dans son clip pour utilisation de fumigènes. C’est schizophrénique ! Madame la ministre, pourquoi avoir déposé un amendement revenant sur la mesure ouvrant la voie à la légalisation des fumigènes ?
Reste enfin la question de la société commerciale, que la LFP est en train de monter en parallèle de nos discussions. On l’a bien compris, son seul intérêt aujourd’hui est d’injecter de la trésorerie en urgence, après l’échec et le scandale de Mediapro.
À son sujet se posent encore de multiples questions. Quelle capitalisation et quelles retombées économiques à long terme ? Quelle clé de répartition entre le monde amateur et le monde professionnel et au sein même des clubs professionnels de ligue 1 ? Quelle base de calcul pour le décider ?
Autant de questions auxquelles nous aurions aimé avoir des réponses avant l’examen de ce texte. Cela revient sinon à donner un chèque en blanc à la ligue ainsi qu’à cette future société commerciale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDSE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sentiment général qui prévaut à l’examen de cette proposition de loi est qu’elle manque furieusement d’ambition et n’a pas su enrayer l’inquiétude née de la crise traversée par le sport amateur. Où est passée la grande loi Sport et société qui devait ancrer une approche ambitieuse de la politique sportive de demain, cette grande loi qui devait faire du sport une grande cause nationale, permettre d’augmenter le nombre de pratiquants, d’œuvrer en approche fine des territoires, de simplifier, de traiter enfin du bénévolat ? Autant de sujets sur lesquels nous ne manquons pas d’interroger et de bousculer régulièrement le Gouvernement et qui, malgré tout, restent largement en suspens…
Ce texte aurait dû constituer la base d’un projet de loi attendu en 2019 ou 2020.
À défaut de pouvoir déposer un tel texte en bonne et due forme, madame la ministre, vous avez décidé à l’été 2020 de susciter cette proposition de loi. Cette méthode présente en l’espèce, comme vous le savez, plusieurs inconvénients.
Certes, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’exister et d’apporter des évolutions bienvenues, auxquelles nous contribuons largement en espérant que nos apports emportent votre adhésion. Toutefois, la plupart des dispositions correspondent à des ajustements et ne traduisent pas une vision renouvelée de la place du sport dans la société : on voit mal comment les dispositions prévues pourraient contribuer de manière effective à amener à la pratique sportive les populations qui en sont éloignées. De même, l’effectivité de la mise en œuvre opérationnelle des projets sportifs territoriaux, dispositions de nature administrative, reste largement dépendante de la capacité des collectivités locales à dépasser leurs divisions, malgré la lourdeur du dispositif.
Par ailleurs, madame la ministre, faute d’être adossées à un volet financier solide et sans garanties de votre part, plusieurs mesures ont malheureusement une portée plus déclarative qu’opérationnelle. Je pense au dispositif du « référent sport » que la commission n’a pu valider en l’état, mais aussi à l’élargissement du sport sur ordonnance que la commission a dû retravailler pour permettre son maintien et faciliter son développement dans le cadre du parcours de soins coordonné.
On le voit, et nous le rappelons régulièrement lors de l’examen des projets de loi de finances, le sport reste malheureusement le parent pauvre des politiques publiques.
Par ailleurs, madame la ministre, nous ne pouvons que déplorer la pusillanimité avec laquelle le Gouvernement traite certains sujets, alors que la crise sanitaire qui se prolonge et dont on n’entrevoit guère l’issue aurait nécessité un signal fort : financement des associations pourtant en grande souffrance et pour lequel vous renvoyez au Pass’Sport, mais aussi fonctionnement fédéral relégué à sa portion la plus congrue. Plus grave, certains autres sujets pourtant cruciaux, comme le bénévolat, qui nécessite accompagnement et valorisation, sont restés aux abonnés absents !
Concernant le développement de la pratique pour le plus grand nombre, on est donc loin de l’audace de la proposition de loi de 2019, qui prévoyait la création du « 1 % sportif », sur le modèle du 1 % culturel, qui aurait obligé tout maître d’ouvrage public à intégrer un équipement sportif à toute nouvelle construction, ou qui envisageait de relever le plafond des taxes affectées à l’Agence nationale du sport, laquelle distribue une large partie de son budget aux associations sportives.
Aussi, je salue l’excellence du travail du rapporteur Michel Savin. Par ses propositions et ajustements, il a développé un cadre d’organisation renouvelé, un accès aux équipements sportifs objectif et une vision des projets sportifs territoriaux affinée, au travers d’une approche pragmatique. Il a également permis d’enrichir le texte de dispositions visant à développer le sport à l’école, à mieux concilier études et pratique du sport de haut niveau ou encore à mieux valoriser l’engagement sportif à l’université.
Je ne saurais oublier de mentionner des points plus particuliers sur lesquels nous avons travaillé et qui nous paraissent mériter votre adhésion, madame la ministre. En effet, sur certains d’entre eux, à savoir sécuriser la possibilité pour les ligues professionnelles de créer une société commerciale, garantir un renouvellement dans les fédérations sportives sans les déstabiliser ni s’ingérer dans leur vie démocratique, encadrer objectivement le supportérisme, permettre aux masseurs-kinésithérapeutes de renouveler et d’adapter les primo-prescriptions d’activité physique adaptée (APA) effectuées par les médecins, le texte initial est resté bien muet.
Madame la ministre, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour ouvrir une parenthèse et aborder un sujet qui, s’il est externe à ce texte, pose d’importants problèmes à de nombreux clubs. Je veux parler d’une mesure résultant de l’adoption du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, les jauges dans les établissements recevant du public (ERP). Concevez que, dans un stade pouvant accueillir 50 000 ou 60 000 spectateurs, une jauge à 5 000 est ridicule ! (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
Madame la ministre, c’est un appel que je vous lance : trouvez un accord au sein du Gouvernement pour suivre la proposition de notre collègue Pierre-Antoine Levi et prévoyez une proportionnalité pour les enceintes sportives fermées de plus de 2 000 spectateurs et ouvertes de plus de 5 000 spectateurs.
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. Claude Kern. Faites confiance aux dirigeants pour une bonne répartition dans les tribunes en respectant les mesures sanitaires. Croyez-moi : en faisant cela, vous vous ferez plein d’amis. (Sourires.)
En conclusion, malgré les manques saillants de la proposition de loi initiale, que ceux-ci concernent le financement des mesures, la faisabilité des dispositifs proposés notamment pour les collectivités territoriales, la projection ambitieuse du Gouvernement alors que les prochains jeux Olympiques et Paralympiques sont déjà là, dans sa grande majorité, le groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, clin d’œil qui traduit une fierté sincère, je commencerai mon propos en évoquant le souvenir de la victoire d’une jeune Française au championnat du monde de natation en Australie, au mois de janvier 1998. (Sourires.)
Pour beaucoup de nos concitoyens, accéder au sport relève de la course d’obstacles, les barrières étant le plus souvent sociales ou territoriales. Il existe dans notre pays une véritable fracture sportive.
Selon l’auteur du texte que nous examinons aujourd’hui, près de 42 % de la population ne pratique aucune activité physique. Ce chiffre pourrait s’aggraver avec le développement croissant de l’usage par les jeunes des écrans numériques, habitude qui, hélas ! les conduit de plus en plus à s’installer dans la sédentarité.
Dans ces conditions, il reste beaucoup à faire pour encourager la pratique sportive de tous. C’était l’objet du texte : démocratiser le sport. Je dis bien « c’était », car, en raison des dizaines d’articles qui se sont greffés à la proposition de loi initiale, cet objectif s’est quelque peu dilué dans un ensemble de dispositions hétéroclites.
Cet enrichissement législatif est sans doute le signe que le sport français a besoin d’un texte majeur, générateur des moyens qu’une telle priorité exige, de surcroît dans la perspective des jeux Olympiques de 2024.
Quelle est au fond la problématique fondamentale dans l’accès au sport ? Si l’on s’en tient au sens strictement étymologique, l’accès au sport, c’est tout d’abord la possibilité de s’y rendre physiquement. L’offre sportive et son corollaire, la densité des équipements et des associations sportives, sont à l’évidence des facteurs déterminants. Si des stades de foot ne s’étaient pas installés au pied des immeubles, aurions-nous connu les Zidane, Matuidi et Pogba ?
Sur ce volet, le texte apporte une réponse phare : l’ouverture des moyens sportifs scolaires et universitaires aux personnes extérieures. C’est un dispositif très intéressant qui joue la carte de la proximité. Doit-on pour autant s’inquiéter des contraintes que cela pourrait induire en termes de responsabilité, d’organisation et de coût financier pour les collectivités locales ? Rappelons que celles-ci apportent déjà chaque année près de 12 milliards d’euros au financement des équipements sportifs et des associations sportives.
L’accès au sport, c’est aussi un enjeu social que le texte ne prétend pas résoudre directement, même si l’ouverture à plus d’équipements devrait apporter des améliorations en la matière, ainsi que l’accent porté sur l’école au travers de plusieurs articles. La discussion budgétaire sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » que nous n’avons malheureusement pas eue au Sénat aurait permis de rappeler que les politiques publiques ont cette première mission d’inclusion de tous les publics, sans quoi l’objectif de cohésion sociale ne pourra jamais être totalement atteint.
Comme le souligne le dernier rapport du Conseil d’État sur le sport, il est « souhaitable de recenser, soutenir et étendre les actions innovantes utilisant le sport à des fins d’insertion et d’émancipation ». Toute politique d’aménagement devrait promouvoir un urbanisme favorable à l’activité sportive et physique. Il faut développer les sites de plein air, les parcours sécurisés de marche et de vélo, multiplier les playgrounds ou toutes sortes d’installations gratuites. Dans cet esprit, madame la ministre, le Pass’Sport est également une bonne initiative. Il faudra cependant l’évaluer pour s’assurer qu’il atteint ses objectifs, notamment auprès des ménages modestes.
J’en viens au deuxième grand enjeu du texte, l’appui au sport-santé. À cet égard, la proposition de loi apporte des mesures bienvenues, par exemple l’inscription de l’offre d’activités physiques et sportives au titre des missions des établissements et services médico-sociaux. On peut toutefois s’inquiéter de la situation financière de certaines de ces structures, qui risque de compromettre son effectivité sur tout le territoire.
Mon groupe regarde également avec intérêt la mesure d’élargissement du périmètre des prescripteurs de l’activité physique adaptée et l’extension du champ de ses bénéficiaires. Les bienfaits thérapeutiques du sport ne sont plus à démontrer. Il faut par conséquent encourager ce dispositif et, bien sûr, réfléchir à son modèle économique, car son absence de prise en charge par l’assurance maladie pose question. Si l’on considère que le sport est un médicament, ce dont je suis pour ma part convaincu, alors les financements doivent être à la hauteur. En effet, les gains pour la santé physique et psychologique sont immenses et les coûts évités le sont tout autant.
En outre, cet élargissement doit s’accompagner du développement de la formation à l’encadrement de personnes qui présentent des pathologies chroniques ou des limitations fonctionnelles. Les modules de formation Activité physique adaptée, dispensés au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), doivent être largement ouverts au monde associatif sportif.
J’en viens aux articles intéressant la gouvernance des fédérations sportives. Tout ce qui peut inviter ces instances à se régénérer et se féminiser va dans le bon sens, celui d’un monde sportif ouvert et conforme aux valeurs d’égalité et de fraternité qui lui sont théoriquement consubstantielles.
Attaché aux bienfaits du sport pour la santé et la cohésion sociale, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. Compte tenu des nombreux apports qu’elle contient, ses membres souhaitent la voir adoptée définitivement dans les prochains mois et espèrent que la suspension des travaux parlementaires n’y fera pas obstacle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, fort de ses 17 millions de licenciés, de ses 15 millions de pratiquants hors structures et de ses 175 000 associations animées par 3,5 millions de bénévoles, le mouvement sportif – oui, le sport est le premier mouvement social de France – méritait qu’un texte lui soit exclusivement consacré.
Certes, ce texte arrive bien tard, en toute fin de législature et en procédure accélérée, mais le Parlement joue pleinement son rôle et l’a très fortement enrichi. Composé initialement de onze articles, il en compte vingt-sept à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale et en comptera très probablement une cinquantaine au sortir de nos deux jours de travaux en séance publique.
À mes yeux, ce texte aurait dû débuter par l’actualisation de la relation qui unit l’État et le mouvement sportif, c’est-à-dire la délégation pour mission de service public, toile de fond de cette proposition de loi. Le choix d’intégrer cette actualisation dans la loi confortant le respect des principes de la République, texte déjà examiné, relève quasiment de l’anomalie.
Cette proposition de loi vise un objectif bien légitime : la démocratisation du sport, c’est-à-dire un développement du nombre de pratiquants, par la levée des obstacles qui entravent l’accès aux différentes activités physiques et sportives (APS). Cette intention est louable, pour des raisons historiques – le fait sportif n’est pas encore véritablement reconnu pour son importance sociétale –, mais aussi pour des motifs conjoncturels. En effet, selon l’enquête de l’institut Ipsos, rendue publique à la fin du mois de décembre dernier, 66 % des sondés ont déclaré pratiquer un sport en 2021, contre 81 % en 2020.
Par ailleurs, une véritable urgence sanitaire se précise pour les jeunes générations. Selon l’étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concernant les jeunes de 11 ans à 17 ans, 49 % d’entre eux présenteraient un risque sanitaire très élevé avec, en moyenne, plus de quatre heures trente passées devant un écran et moins de vingt minutes d’activité physique par jour. Pour l’agence, c’est une véritable bombe sanitaire à retardement.
Le texte issu de l’Assemblée nationale comporte des avancées : les établissements sociaux et médico-sociaux sont pris en compte, l’accès aux établissements sportifs scolaires est facilité, les missions des conférences régionales du sport sont précisées, tout comme certains aspects de la gouvernance des fédérations et ligues professionnelles, et les statuts juridiques des sociétés sportives sont diversifiés.
Nous aurons un débat sur la respiration démocratique interne aux instances fédérales – je pense bien sûr à leur gouvernance. Sur ce point, nous appellerons à une plus grande démocratisation et à une plus forte territorialisation, non seulement des pratiques, mais également des organisations et des fonctionnements, dans le respect des débats menés récemment par le CNOSF, qui fédère l’ensemble des disciplines sportives, olympiques ou non, de notre pays.
Cette proposition de loi doit constituer une étape décisive dans la longue marche vers l’égalité entre hommes et femmes dans le sport. Sur ce sujet, ne soyons pas plus conservateurs que la société civile ! Et faisons en sorte que le Sénat ne le soit pas plus que l’Assemblée nationale…
Mettons-nous au diapason des jeux Olympiques de Paris : pour la première fois, nous aurons en 2024 des jeux paritaires. Mettons-nous au diapason du combat mené par Alice Milliat, cette sportive française qui avait su fédérer le mouvement sportif féminin en France puis au niveau mondial.
À l’issue de ce débat, nous serons loin d’avoir épuisé toutes les dimensions majeures du phénomène de société que représente le sport. Le Pass’Sport actuellement en vigueur devra être étendu et pérennisé. Le sport sur ordonnance devra faire l’objet d’une concrétisation véritable : nous allons élargir les prescriptions, mais par les remboursements… Il faudra encore progresser, aussi, dans la reconversion des sportifs de haut niveau, ou dans la relation entre sport scolaire et sport fédéral, qui ne peut se réduire à l’ouverture aux habitants de la rue voisine des salles de sport se trouvant dans l’enceinte des écoles et établissements d’enseignement. Nous devrons également mieux assurer la promotion du sport féminin et du handisport, avancer sur la question de l’emploi sportif ou sur la conception d’un programme ambitieux d’équipements sportifs traditionnels, comme sur la clarification du rôle des conseillers techniques sportifs (CTS).
Un sujet a défrayé la chronique : la possibilité donnée à une ligue sportive professionnelle de créer une société commerciale chargée d’optimiser ses droits audiovisuels dès lors que la fédération concernée lui a transféré la responsabilité juridique de la commercialisation et de la gestion de ceux-ci. Le contexte actuel doit nous conduire à donner toutes ses chances de réussite à la société commerciale, d’autant que toutes les précautions nécessaires figurent dans le texte, qui impose l’accord de la fédération.
Madame la ministre, j’apprécie l’inscription dans la loi de la plateforme de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, qui avait fait l’objet d’une proposition de loi que j’avais déposée. Mais reconnaissons que les progrès relatifs à l’éthique du sport demeurent modestes, alors que, pour ne prendre qu’un seul exemple, selon la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) des clubs, 60 % des agents de footballeurs échappent à toute réglementation.
Il en va de même pour la problématique du sport en entreprise, qui recouvre celles du mécénat, du sponsoring ou du développement des activités en milieu professionnel ou leur facilitation par l’entreprise – alors même que Paris abrite le plus grand incubateur du monde dans le domaine du sport. J’espère que, dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ce dernier manque sera comblé par amendement.
Je regrette enfin l’absence du sport dans les débats de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, alors que 2022 sera l’année européenne de la jeunesse.
Notre commission a déjà fait évoluer le texte de cette proposition de loi, souvent à partir d’amendements communs ou très voisins, par-delà nos sensibilités politiques. Nous continuerons à intervenir dans cet état d’esprit.
Si nous voulons un pays plus juste et plus solidaire, il faut en passer par des réformes permettant d’acquérir de nouveaux droits et de nouvelles libertés. Parmi ces droits figurent le droit au sport et, plus généralement, le droit à l’activité physique et sportive, à l’émancipation par le corps.
Faisons en sorte que ce texte y contribue vigoureusement et soit perçu comme un aspect appréciable de l’héritage olympique des jeux Olympiques de Paris en 2024 ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Oui, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport véhicule de nombreuses valeurs, à commencer par la solidarité, la fraternité, mais également le respect de l’engagement. En ces temps où la crise sanitaire a perturbé la pratique sportive de nos concitoyens, la majorité présidentielle s’est justement engagée pour le sport. Des dispositifs inédits ont été imaginés, notamment pour la jeunesse.
De toute évidence, le Pass’Sport, que je ne cesse de promouvoir sur le terrain, est un succès. Mais il nous faut aller plus loin, pour encourager la pratique sportive.
Je me réjouis donc que, avec cette proposition de loi, tous les parlementaires, de l’Assemblée nationale comme du Sénat, de la majorité comme des oppositions, soient eux aussi engagés pour le sport et sa démocratisation en France. Son texte compte désormais pas moins de cinquante-cinq articles, contre douze au départ. Incontestablement, tous les parlementaires se sont engagés pour ce texte.
Grâce à ce travail collectif, cette proposition de loi peut viser trois objectifs distincts, mais complémentaires.
D’abord, pour démocratiser le sport, nous devons toutes et tous encourager la pratique sportive. La France est une nation où le sport occupe encore une place singulière. Qu’il s’agisse des jeux Olympiques ou des grandes compétitions internationales, la France se démarque et, bien souvent, pour notre plus grand plaisir, la France gagne. Cependant, depuis le début de la crise, on observe une réduction de la pratique sportive dans le monde amateur, et une majorité d’acteurs éducatifs et sportifs soulignent l’urgence du renouvellement de l’offre sportive.
Face à ce constat, les parlementaires que nous sommes doivent agir pour simplifier les procédures et supprimer les barrières inutiles. À titre d’exemple, les associations sportives auront désormais l’autorisation d’utiliser les équipements sportifs des collèges et des lycées, dans l’intérêt du plus grand nombre. La pratique sportive doit être l’affaire de tous. Nous devons donc l’encourager, y compris dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
Démocratiser le sport, c’est aussi réformer la gouvernance des fédérations sportives dans notre pays. Sans faire le jeu des dogmes sectaires ou entrer dans les querelles de chapelle, je le dis sans ambiguïté : nos fédérations sportives doivent se remettre en question, qu’il s’agisse de parité, d’éthique ou encore d’intégrité morale.
Un constat doit nous alarmer : les femmes ne sont pas assez représentées dans les instances des fédérations sportives. Les choses sont en train de changer, et c’est tant mieux. Je me réjouis notamment de l’élection d’une femme, Mme Brigitte Henriques, à la tête du CNOSF. Et je me réjouis de revoir le Tour de France cycliste féminin. Face à l’exigence de parité, la volonté du Gouvernement est d’agir pour changer les mentalités.
En matière d’éthique, les fédérations sportives doivent être plus exemplaires et plus transparentes. Il nous faut modifier certaines règles. C’est ainsi que l’article 7 de la proposition de loi limite à trois le nombre de mandats pouvant être exercés par les présidents de fédération. Je regrette sa suppression pure et simple, souhaitée par le rapporteur. Au nom de mon groupe, je voterai donc l’amendement du Gouvernement qui rétablit cet article 7 dans sa rédaction initiale. Le renouvellement régulier des instances fédérales, y compris régionales, est une condition indispensable au dynamisme des fédérations. C’est aussi la garantie du débat démocratique dans le monde sportif.
Enfin, pour démocratiser le sport, encore faut-il renforcer le modèle économique sportif en général. Une fois encore, il est question d’exemplarité. Le texte propose l’ouverture des sociétés sportives à l’économie sociale et solidaire, mais aussi l’ajout de la société coopérative d’intérêt collectif à la liste des types de sociétés autorisés par la loi. Ce sont des mesures positives, mais peut-être insuffisantes. L’exemplarité est un levier parmi d’autres. En réalité, renforcer le modèle économique sportif implique surtout d’organiser sa protection face aux menaces extérieures. La création d’une plateforme de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, prévue par le texte, est une idée intéressante.
Surtout, j’en suis convaincu, nous devons protéger la pratique sportive elle-même. La sécurité des sportifs professionnels, des amateurs et des supporters est une question nécessaire, centrale et urgente, comme l’actualité nous l’a malheureusement rappelé.
Mes chers collègues, le sport est un ensemble de valeurs, parmi lesquelles figure le respect. Qui de mieux que les arbitres pour garantir le respect sur le terrain ? Ces acteurs demandent une meilleure reconnaissance et une plus grande représentativité dans le monde sportif. Sur ce point, je salue l’amendement sur le statut des arbitres – ayant été moi-même arbitre – et des juges de haut niveau du sport professionnel. À titre personnel, je crois que nous devons aller encore plus loin pour garantir leur présence au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives.
La sécurité et le bien-être du public sont indispensables si l’on veut préserver la bonne santé économique du sport. En même temps, les mesures privatives de liberté et les sanctions ne doivent pas être disproportionnées. Il nous faut donc réformer les procédures, pour les supporters comme pour l’administration, et, surtout, favoriser la concertation entre les autorités publiques et les clubs. C’est dans cet état d’esprit que je défendrai un certain nombre d’amendements à propos des interdictions de stade administratives, commerciales et collectives.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes pleinement préoccupée par ces sujets. Je peux vous assurer de mon soutien et de ma volonté de travailler, dans l’intérêt des Français, pour un monde sportif plus respectueux. (Applaudissements au banc des commissions.)