compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Martine Filleul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à David Sassoli, président du Parlement européen
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite que nous saluions la mémoire du président du Parlement européen, David Sassoli, qui est décédé hier. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier le ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
David Sassoli personnifiait, par ses qualités propres et dans l’exercice de ses responsabilités, les valeurs de l’Union européenne.
C’était un homme de libertés : en tant que journaliste, il connaissait plus que tout autre le prix de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Il était libre d’esprit, indépendant, peu enclin à suivre les mots d’ordre, d’où qu’ils émanent.
C’était un homme intrinsèquement attaché au parlementarisme : il n’aura eu de cesse, pendant la pandémie de covid – et nous avions échangé sur ce sujet –, d’éviter que la démocratie ne soit mise entre parenthèses, de rappeler sans relâche les prérogatives du Parlement européen et d’appeler à la responsabilité de chacun, pour que l’urgence ne justifie jamais que l’on outrepasse ou que l’on traite avec désinvolture la représentation parlementaire.
Comme président du Parlement européen, il fut un homme à l’écoute de l’ensemble des sensibilités politiques représentées, y compris les plus éloignées de la sienne. En témoignent les nombreux hommages à la suite de sa disparition, en provenance de tous les États membres et de tous les bords politiques.
C’était un Européen de convictions. Issu de la vieille Europe, passionnément italien, c’est-à-dire pétri d’une histoire européenne, il a incarné ce qui nous unit, la démocratie, l’État de droit, les droits de la personne, mais aussi cette culture en partage, à la fois si évidente et si difficile à définir : les Européens, avec leurs spécificités, se reconnaissent partout chez eux au sein de l’Union, du nord au sud, d’est en ouest.
C’était un homme courageux qui a tenu à exercer ses responsabilités jusqu’au bout, malgré la maladie. Sa détermination suffit à forcer l’admiration.
Alors que nous entamons la présidence française du Conseil de l’Union européenne, dans son volet parlementaire, par la réunion à partir de demain au Sénat de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac), j’ai souhaité que le Sénat lui rende hommage. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier le ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et à celui du temps de parole.
adaptation de l’élection présidentielle à la pandémie
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la ministre déléguée, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, notre nation, qui lutte contre la pandémie du covid-19, est exposée à un autre risque : une pandémie démocratique ou présidentielle. Nul ne saurait s’en satisfaire !
Notre pays a pris des mesures pour les élections municipales et, avec le recul de cette expérience, pour les élections départementales et régionales. Quelles sont les mesures prises pour l’élection centrale, l’élection présidentielle, afin de faciliter les opérations électorales et de permettre une véritable campagne ? À l’instant présent, mes chers collègues, il n’y en a pas, et un comité de pilotage, aussi sympathique ou qualitatif qu’il soit, ne saurait en tenir lieu.
En l’état de la circulation du virus, une vraie campagne, nous le percevons tous, passera par l’audiovisuel, par les chaînes de télévision, par les débats et très peu, objectivement, par des meetings ou la distribution de propagande.
Nous ne pouvons pas traiter ce sujet par la voie d’amendements sur le projet de loi relatif au passe vaccinal que nous sommes en train d’examiner, puisque, vous le savez tous, l’élection présidentielle obéit à des dispositions organiques.
Ma question est donc la suivante : allez-vous, madame la ministre déléguée, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, déposer un projet de loi organique, dans quel délai et avec quel contenu, pour éviter une pandémie de la démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, l’élection du Président de la République est toujours pour notre pays un moment démocratique majeur, régi par un cadre juridique spécifique. Vous le savez d’ailleurs parfaitement, puisque nous avons récemment fait en sorte, ensemble, que soit adoptée la loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République.
Nous avons déjà vécu, en 2020 et 2021, les incidences de la pandémie de covid-19 sur l’organisation des élections. Cette pandémie aura également, bien sûr, des incidences sur l’organisation de l’élection présidentielle, qu’il s’agisse de la campagne électorale ou des opérations de vote.
Nous veillerons toutefois à ce que cette élection se déroule dans les meilleures conditions possible, en permettant la pleine expression des candidats mais aussi l’accès le plus direct de chaque citoyen à la campagne électorale.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ont souhaité la mise en place d’une instance de dialogue et de liaison, qui mette autour de la table l’ensemble des services de l’État, les partis politiques et les candidats déclarés à l’élection présidentielle. Ainsi, les questions relatives aux incidences de la pandémie sur l’organisation de l’élection présidentielle pourront être traitées de façon collective, dans un esprit de responsabilité partagée.
Les travaux dudit comité de liaison seront pilotés par une personnalité indépendante, M. Jean-Denis Combrexelle. Cette commission aura vocation à traiter les aspects strictement sanitaires touchant à l’élection présidentielle.
Ce comité de liaison élaborera, dans ce cadre, un vade-mecum, un protocole spécifique aux réunions politiques, comme cela avait déjà été fait en 2021. Il abordera aussi la question des protocoles sanitaires dans les bureaux de vote.
Je conclurai en remerciant toutes les personnes qui font vivre la démocratie en tenant les bureaux de vote lors des élections. Si le ministère de l’intérieur organise les élections, c’est grâce à ces personnes, et notamment aux élus et aux bénévoles que celles-ci peuvent se tenir. Je les salue ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la ministre, vous dites que vous allez « veiller à » sans nous indiquer de délai, alors qu’il y a une urgence : ce n’est pas convenable !
Dans ces conditions, notre groupe proposera aux autres groupes du Sénat de se concerter sur une proposition de loi organique afin de traiter, notamment, les questions de la double procuration, du dédoublement des bureaux de vote lorsque ceux-ci sont trop chargés, et surtout des obligations spécifiques à prévoir pour ouvrir un espace suffisant de débat dans les médias télévisuels. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et Les Républicains.)
gestion de la crise sanitaire dans les établissements scolaires (i)
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Gérard Lahellec. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, dans l’actuel contexte de pandémie, l’école est un véritable enjeu.
L’école est un lieu sensible. L’école maternelle, en particulier, est un lieu d’apprentissage de la socialisation, ce qui rend impossible, physiquement, l’isolement des élèves ou le respect de tous les gestes barrières. L’école peut donc être aussi un lieu de propagation de la pandémie.
Ce que nous ne savions pas il y a dix-huit mois, nous le connaissons mieux aujourd’hui, au moment où nous vivons la cinquième vague de cette pandémie.
Dès l’instant que vous avez fait le choix, monsieur le ministre, de maintenir ouvertes les écoles, comment ne pas comprendre le vaste mouvement social unitaire qui se prépare pour demain ? Les revendications des enseignants et de tous ceux qui environnent l’école sont justifiées, et les associations de parents d’élèves les soutiennent.
Comment ne pas comprendre ce message, au moment où la situation devient intenable dans nos écoles, dans les familles et dans nos collectivités ?
Ce dont il est question aujourd’hui, si nous conservons l’école ouverte, c’est mettre en perspective une nouvelle approche du sujet pour les deux ou trois années à venir.
Cela devrait appeler le gel immédiat des suppressions de postes d’enseignants, ce qui ne semble pas être le cas au regard des cartes scolaires qui se préparent.
Cela devrait appeler des recrutements nouveaux, pour assurer les remplacements dans les classes.
Cela devrait appeler une ambition nouvelle pour le développement de la médecine scolaire.
Cela devrait appeler, enfin, une politique de soutien à des investissements nouveaux avec les collectivités, pour installer, par exemple, des purificateurs d’air dans les classes.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, les suites que vous entendez donner à ces revendications ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. J’adhère, monsieur le sénateur, au début de votre question.
Vous avez tout à fait raison de rappeler à quel point l’école ouverte est un enjeu de santé publique autant que d’éducation pour nos enfants. Il existe notamment un enjeu de bien-être psychologique, ainsi que le souligne la Société française de pédiatrie depuis le début de la crise.
Au bout de deux ans, un consensus, qui n’existait pas au début, s’est établi sur cette question de l’école ouverte. Cette ouverture, il faut la mettre en œuvre sous certaines conditions.
Bien sûr, nombre de mesures ont été prises pour que l’école ouverte puisse exister, et nous avions abouti à une régulation qui fonctionnait encore au mois de décembre dernier. Mais il est exact de dire que le nouveau variant crée une réalité nouvelle, avec une contamination beaucoup plus forte. Cette réalité, les autres pays européens la connaissent aussi.
C’est pourquoi, vous le savez, nous avons pris la décision, à la lumière des préconisations du Haut Conseil de la santé publique, d’ajouter au test initial qui existait en décembre deux autotests.
J’entends les demandes qui s’expriment aujourd’hui à cet égard, de même que le Premier ministre a pris la mesure des situations complexes apparues la semaine dernière, notamment les files d’attente devant les pharmacies. En conséquence, nous avons décidé d’une nouvelle mesure, qui prévoit trois autotests. Ce nouveau dispositif permet d’assurer la sécurité sanitaire ainsi que d’atteindre l’objectif de l’école ouverte.
Il y a, bien sûr, d’autres choses à faire. Vous avez ainsi mis l’accent sur la question des postes.
Je rappelle qu’au début du mois de janvier la première inquiétude formulée par les uns et les autres concernait les remplacements de professeurs malades. Nous y avons répondu pour l’essentiel en procédant à des recrutements à hauteur de 6 000 équivalents temps plein (ETP), pour muscler nos viviers de remplaçants. Pour l’instant, cela fonctionne : autrement dit, nous n’avons pas d’énormes problèmes de remplacement, même s’il en subsiste néanmoins ; je m’étais d’ailleurs exprimé sur ce point ici même.
Pour qui concerne les autres sujets budgétaires que vous avez évoqués, je veux vous rassurer, monsieur le sénateur, en vous invitant à considérer le budget de l’éducation nationale pour 2022. Je vous rappelle que l’augmentation dudit budget sous ce quinquennat est la plus forte que l’on ait connue. Elle est notamment supérieure à celle qui avait été prévue sous le précédent quinquennat. Des suppressions de postes ne sont donc pas envisagées.
J’y insiste : sur l’ensemble du quinquennat, l’augmentation de 13 % du budget de l’éducation nationale nous permet de faire face à différents problèmes, dont celui du remplacement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour la réplique.
M. Gérard Lahellec. Évidemment, monsieur le ministre, la situation appelle beaucoup d’humilité et de modestie, mais aussi beaucoup de solennité et de respect des revendications. Il faut que les réponses soient à la hauteur des enjeux.
L’école à des besoins nouveaux. Sachons relever ensemble ce défi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
violence contre les élus et le personnel soignant
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Madame la ministre, depuis deux ans, nous vivons avec la covid-19. Alors que la majorité des Français a fait preuve d’une grande responsabilité dans la lutte contre la propagation du virus, la radicalisation d’une minorité est incontestable.
Nous constatons avec gravité que près de 1 200 maires, parlementaires et autres élus ont été pris pour cible en 2021. Malheureusement, le début de l’année 2022 n’est pas en reste. Dernier exemple en date : l’agression dimanche dernier du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, Stéphane Claireaux, devant son domicile, par des manifestants opposés au passe vaccinal.
Les intimidations, les menaces, les actes de violence doivent être condamnés et combattus avec force, au risque d’être banalisés.
Ces comportements intolérables ne concernent pas nos seuls élus. Les soignants et les professionnels engagés jour et nuit pour sauver des vies en font aussi les frais : lettres de menace ; centres de vaccination tagués et vandalisés, quand ils ne sont pas criblés de balles comme à Nyons, dans la Drôme ; violences verbales ; violences physiques.
Mon territoire, la Guadeloupe, n’est pas épargné. Le 4 janvier dernier, le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, Gérard Cottelon, et son adjoint ont été séquestrés et frappés.
Vendredi dernier, c’est le responsable du centre de vaccination de Munster, dans le Haut-Rhin, qui a été agressé à la sortie de son établissement.
Madame la ministre, la montée de la violence à laquelle nous assistons doit être fermement combattue. Aussi, quelles mesures immédiates le Gouvernement entend-il prendre pour éviter qu’un drame irréparable ne se produise ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et SER. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, pour aller dans votre sens, je commencerai par assurer du plein soutien du Gouvernement l’ensemble des élus, de tous bords politiques et de tous les territoires de la République, qui sont agressés ou menacés.
Oui, être élu, c’est d’abord s’engager pour les autres, quelle que soit l’instance concernée et quel que soit le mandat. Je veux saluer cet engagement, qui est au cœur de la démocratie, au cœur de la citoyenneté. Je veux d’ailleurs rappeler ici que la grande majorité des élus locaux sont bénévoles.
En ma qualité de ministre chargée de la citoyenneté, je ne peux qu’être sensible à l’alerte que vous lancez, et que nous sommes nombreux à soutenir, sur l’augmentation substantielle des agressions qui ciblent les élus.
Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, au cours des onze premiers mois de l’année 2021, les violences contre les élus ont augmenté de 47 % et les outrages de 30 %. Ce sont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints qui ont été victimes d’atteinte volontaire à l’intégrité physique.
Je connais l’engagement sincère et puissant de la Chambre haute à l’égard de nos élus, et le Gouvernement, bien évidemment, le partage.
Derrière ces chiffres, il y a des réalités et des vies, des vies qui font vivre la démocratie. Défendre l’intégrité des élus est fondamental : le débat, oui ; la controverse, oui ; la violence et la menace, jamais !
Monsieur le sénateur, vous avez aussi mis en avant la situation des soignants, qui depuis 2019 luttent avec acharnement contre la pandémie mondiale. Je ne peux que vous rejoindre : il est honteux de voir nos soignants, qui sont mobilisés, agressés !
En Guadeloupe, département dont vous êtes l’élu, 200 forces de sécurité intérieure supplémentaires ont été dépêchées par le ministère de l’intérieur pour mieux assurer la sécurité de tous et de toutes. Partout sur le territoire, l’État est présent aux côtés de nos concitoyens.
Nous faisons face à une situation sanitaire complexe, inédite. C’est ensemble que nous en sortirons. Croyez bien que le Gouvernement est pleinement mobilisé, notamment par la mise en place de nouveaux dispositifs, pour toujours mieux protéger les élus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.
M. Dominique Théophile. Juste une phrase : il faut que cela cesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Gérard Longuet et Laurent Somon applaudissent également.)
gestion de la crise sanitaire dans les établissements scolaires (ii)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, depuis dix jours, la communauté éducative est confrontée à une situation particulièrement préoccupante et éprouvante, qui découle de la multiplication de protocoles visant à gérer la crise sanitaire. Ce qui pose problème, c’est certes la propagation du virus mais aussi le caractère tardif de vos instructions et de vos revirements. La conséquence en est qu’une grève, qui s’annonce particulièrement suivie, aura lieu demain.
Pouvez-vous nous dire quelle est la genèse de cette situation chaotique, à laquelle les élèves, les parents, les enseignants et les élus locaux sont confrontés ?
Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les réponses à ces inquiétudes légitimes et à ce mécontentement réel, lesquels vont s’exprimer demain pour dénoncer l’inadéquation de protocoles qui épuisent les enseignants comme les familles ?
Pouvez-vous nous dire, enfin, ce que vous comptez faire pour restaurer la sérénité dans ce climat particulièrement anxiogène et préjudiciable pour les enfants comme pour les enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, pour votre question, qui me donne l’occasion de revenir sur la gestion de la crise sanitaire, en général, et sur la situation en milieu scolaire, en particulier, laquelle doit évidemment mobiliser toute notre attention.
Permettez-moi, monsieur le président, de préciser la situation qui nous a conduits à prendre nos décisions concernant l’école. Je veux le faire avec le maximum de sérénité possible.
Cela a été dit à l’occasion de la précédente question d’actualité, la France, l’Europe, le monde sont confrontés à un nouveau variant, omicron, qui a des caractéristiques spécifiques. En effet, on sait désormais qu’il est beaucoup plus contagieux que le variant delta, qu’il a en grande partie remplacé, mais pas encore complètement. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
La première des réponses, vous le savez, est plus que jamais la vaccination. Nous savons tous – mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes parfaitement au courant – qu’avec un schéma vaccinal complet et la dose de rappel on peut contracter omicron, mais que l’on est cependant moins contagieux, et surtout que l’on a infiniment moins de chances (« De risques ! » sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) – oui, de risques, vous avez raison ! – de développer des formes graves du covid. (Brouhaha réprobateur à droite) Il faut le répéter à nos concitoyens !
La vaccination demeure l’arme centrale. Vous me permettrez à cet égard, monsieur le président, de rappeler l’importance de l’adoption du texte relatif au passe vaccinal, dont débat actuellement la Haute Assemblée. (Le brouhaha s’intensifie.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas l’Assemblée nationale ici ; nous ne sommes pas des amateurs !
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous avons dû aussi, et c’est la source des difficultés que nous avons, adapter notre politique de dépistage, de tests, laquelle repose depuis le début de la pandémie sur les avis des autorités scientifiques et sanitaires, et c’est d’ailleurs heureux !
M. Bernard Jomier. C’est faux !
M. Jean Castex, Premier ministre. S’agissant de l’évolution principale de la doctrine de dépistage, ces autorités se sont prononcées – c’est comme ça ! – le 31 décembre 2021.
Pourquoi cette date ? Je vous répondrai que le virus ne connaît ni les vacances ni les fêtes, et ces autorités non plus ! Ces dernières avaient besoin de prendre du recul par rapport à la situation dans les pays qui étaient en avance de phase, notamment dans le sud de l’Afrique et en Grande-Bretagne. Ensuite, elles nous ont adressé un protocole sanitaire.
Ce que vous appelez les atermoiements du Gouvernement, et qui n’en sont pas, correspondent en fait à l’évolution de la doctrine sanitaire, élaborée par les autorités habilitées.
Aux termes de cette doctrine, il est dit depuis le début de la crise – c’est assez logique et cela n’a pas changé – qu’une personne testée positive au covid doit s’isoler. Mais, compte tenu des caractéristiques d’omicron, et parce que notre politique vise à distinguer ceux qui sont vaccinés de ceux qui ne le sont pas, ce qui est une bonne chose, la durée de l’isolement se trouve réduite pour ceux dont le schéma vaccinal est complet.
Par ailleurs, et c’est une innovation, les cas contacts, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, disposant d’un schéma vaccinal, doivent non plus s’isoler mais se soumettre davantage aux tests. Là où il fallait un test, il en faut désormais trois. (Rires moqueurs sur les travées du groupe Les Républicains) Si cela vous fait sourire, c’est votre affaire…
C’est d’ailleurs le cas dans tous les pays qui nous entourent.
M. Bernard Jomier. Ce n’est pas vrai !
M. Rachid Temal. Quel échec !
M. Jean Castex, Premier ministre. Voilà quelle politique nous appliquons, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’école comme ailleurs.
Voix à gauche. Le ministre, le ministre !
M. Bernard Jomier. Il a déjà démissionné…
M. Jean Castex, Premier ministre. J’entends dire qu’il faudrait réduire le nombre de tests. Ceux qui demandent cela sont d’ailleurs les mêmes qui disaient avant Noël qu’il fallait les rendre gratuits et augmenter leur nombre ! (Exclamations à droite comme à gauche.)
Il ne faut pas réduire le nombre de tests ! Je veux vous donner un chiffre. Je vous ai dit que la France figurait parmi les pays qui testaient le plus au monde : c’est encore plus vrai cette semaine – grâce en soit rendue à tous ceux qui concourent à cet effort collectif ! –, au cours de laquelle le nombre de tests a augmenté de 27 %, avec une moyenne hebdomadaire de 12,1 millions. C’est inédit, et nous pouvons rendre hommage aux laboratoires, aux pharmaciens, à tous les professionnels qui testent les enfants comme les adultes.
Je profite de cette occasion pour ajouter un point devant la Haute Assemblée – vous y serez sensible, monsieur le président !
Comme je l’ai annoncé lors d’un déplacement à Rosny-sous-Bois à la fin de la semaine dernière, après avoir vu la longueur des files d’attente pour les tests – rien d’étonnant à cela puisqu’il faut beaucoup tester ! –, nous avons décidé d’accroître la fourniture en tests et autotests – un marché sur lequel il existe une tension au niveau mondial.
Ce sont 11 millions de kits d’autotests qui sont en cours de livraison dans nos pharmacies.
M. Rachid Temal. Ça marche comment ?
M. Jean Castex, Premier ministre. On est d’ailleurs confronté davantage à un problème de manutention que de produits…
Je l’ai dit la semaine dernière, nous encourageons les initiatives prises par les maires et les élus locaux qui, mobilisés pour la vaccination, rouvrent des centres de tests, notamment à proximité des écoles, comme en Seine-Saint-Denis. (Murmures appuyés puis brouhaha sur des nombreuses travées.)
M. Rachid Temal. On ne comprend rien !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je veux le dire devant la Haute Assemblée, non seulement nous favorisons ces démarches, mais nous débloquerons tous les moyens financiers nécessaires pour accompagner ce mouvement de déploiement de centres de tests. (Protestations sur de nombreuses travées. – La voix de M. le Premier ministre se perd dans le brouhaha.) Que ce soit clair ! (« La question ! » sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Où est le ministre ? Blanquer ! Blanquer ! (M. Rachid Temal martèle son pupitre.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Cela concerne les écoles ! (Exclamations continues sur de nombreuses travées.)
Car ce qui pose question s’agissant de l’école, outre le protocole sanitaire, dont j’ai annoncé l’allégement, ce sont aussi les files d’attente d’enfants et de parents devant les pharmacies. Nous devions résoudre ce problème ! (Brouhaha.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, écoutez-moi, je sais bien que l’heure est aux polémiques… J’ai l’habitude, rassurez-vous !
Notre politique est la suivante : on vaccine et on teste ! L’alternative, ce serait la fermeture des écoles et de l’économie : cela, je suis bien certain que, de façon unanime, nous n’en voulons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur diverses autres travées.)