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Oubliés du Ségur de la santé et investissements liés au Ségur à l’hôpital
Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème « Les oubliés du Ségur de la santé – investissements liés au Ségur à l’hôpital ».
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents.
J’invite par ailleurs chacune et chacun d’entre vous à veiller au respect des gestes barrières.
Dans le débat, la parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le personnel hospitalier doit de nouveau faire face à une vague de contaminations liée à l’épidémie de covid-19, nous saluons l’engagement de tous ceux et celles qui prennent soin de nos malades et des plus fragiles dans l’atmosphère angoissante qui est celle de notre pays.
C’est l’ensemble du secteur du soin qui appelle le Gouvernement à prendre ses responsabilités.
Le 25 mars 2020, à Mulhouse, le Président de la République avait annoncé un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières dans les hôpitaux. Cependant, la santé, ce n’est pas seulement l’hôpital.
Or le Gouvernement a ciblé comme seuls bénéficiaires de ce plan de revalorisation, le fameux « Ségur de la santé », certaines catégories de personnel employées par l’hôpital stricto sensu. Il a ainsi créé des différences de traitement entre les professionnels du soin.
Les nombreux exclus du Ségur ont vécu ces annonces comme un manque de considération à leur égard.
Ces professionnels du soin sont nombreux et divers : ils sont infirmiers, éducateurs, assistants sociaux, aides-soignants, agents administratifs, psychologues, puéricultrices, intervenants éducatifs, sages-femmes, ou encore ambulanciers. Ils travaillent dans des structures aux statuts variés : associations, fondations, entreprises privées, collectivités territoriales.
Prendre soin des Français, c’est aussi prendre soin de publics divers : des personnes fragiles, âgées, handicapées, des enfants en danger.
Au gré des sollicitations plus ou moins fortes de chacune de ces catégories, le Gouvernement a ajouté de nouveaux bénéficiaires au Ségur en procédant par touches successives.
Or plusieurs catégories de salariés non soignants des secteurs social et médico-social sont toujours exclues du Ségur de la santé.
Concernant le secteur de l’aide à domicile, par exemple, un amendement adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est venu compenser le coût de l’avenant 43 à la convention collective de la branche.
Cet avenant n’est pas totalement satisfaisant, puisqu’il concerne uniquement les salariés du secteur associatif. Les agents des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), ou encore les salariés du secteur privé, dont les rémunérations ne peuvent être augmentées, s’en trouvent donc toujours exclus. Les structures sont contraintes de réduire le service faute de ressources pour faire face à la situation.
Le surcoût de cette mesure pour les départements s’élèverait à 75 millions d’euros en 2021. Bien que compensé par l’État à hauteur de 70 %, via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le reste à charge est trop élevé pour les départements et décrié par certains d’entre eux.
Pour Marie-Reine Tillon, présidente de l’Union nationale de l’aide à domicile, il est hors de question de revoir à la baisse le montant négocié pour revaloriser la convention collective de la branche. Il faut donc trouver les ressources correspondantes.
En juillet 2021, la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) alertait les pouvoirs publics sur l’insuffisance des dotations pour l’année 2020. Fin 2021, les garanties de complément promises par le Gouvernement étaient toujours attendues. (Mme la ministre déléguée le conteste.)
Les dotations ne couvriraient qu’entre 50 % et 70 % des besoins pour l’année, mettant les employeurs en difficulté financière.
Depuis plusieurs mois, le secteur médico-social alerte également le Gouvernement sur ses graves difficultés de recrutement, qui s’expliquent en partie par les disparités de traitement que le Ségur a créées.
Ce manque de personnel aboutit à des plans d’aide réduits et à des refus de prise en charge de personnes âgées, notamment à domicile. Nous saluons néanmoins les annonces faites en cette fin d’année, qui visent à étendre les revalorisations salariales accordées lors du Ségur de la santé aux professionnels du secteur du handicap, mesure qui concernera 20 000 soignants.
Alors qu’il faudra plus de 90 000 infirmiers et plus de 200 000 aides-soignants dans les prochaines années pour accompagner les 5 millions de Français de plus de 85 ans, comment faire face à cette situation ?
Les professionnels du soin attendaient avec intérêt la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social qui devait se tenir avant le 15 janvier 2022, d’après les annonces du Premier ministre, mais elle a été reportée.
Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la tenue de cette conférence et les orientations que proposera le Gouvernement, sur les compensations financières versées aux employeurs mis en difficulté, ainsi que sur l’extension à tous les personnels du soin des revalorisations salariales du Ségur de la santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, alors que nous faisons face – comme vous l’avez rappelé – à une cinquième vague épidémique, qui demande des efforts massifs à nos soignants, il paraît plus pertinent que jamais de faire le point sur les actions menées par le Gouvernement pour les soutenir dans le cadre du Ségur de la santé.
Je le souligne d’entrée de jeu : après plus de dix ans de sous-investissement dans les ressources humaines et les structures de l’hôpital public, le Ségur de la santé est de loin le plus important plan de soutien à notre système de soins jamais proposé par une majorité présidentielle.
Cette ambition, c’est d’abord celle du Président de la République qui a pris à Mulhouse, le 25 mars 2020, l’engagement devant la Nation entière d’un plan massif d’investissement.
Le Gouvernement a concrétisé cette promesse en permettant à l’hôpital de prendre un nouveau départ fondé sur la concertation, en juillet 2020, de l’ensemble des acteurs de santé, ainsi que sur les enseignements tirés de la crise sanitaire.
Le Ségur de la santé s’articule autour de quatre grandes priorités : revaloriser les métiers et les carrières de ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d’investissement massive ; simplifier le quotidien et l’organisation des équipes de santé ; enfin, fédérer les acteurs de santé dans les territoires au service des usagers.
Commençons par les carrières des personnels soignants, des médecins et des professionnels de santé. La première urgence à laquelle nous nous sommes attelés était de reconnaître et de revaloriser leurs compétences.
À travers les accords du Ségur signés par le Premier ministre le 13 juillet 2020, nous sommes parvenus ensemble à une revalorisation d’ampleur : une hausse des rémunérations de plus de 1,5 million de personnels de santé pour 8 milliards d’euros par an.
Dès décembre 2020, les personnels non médicaux et les sages-femmes de la fonction publique ont au moins bénéficié d’une revalorisation socle de 183 euros par mois. Je dis bien « au moins », puisque, depuis octobre 2021, nous avons également revalorisé les grilles des personnels soignants, médico-techniques et du secteur de la rééducation.
Aides-soignants, infirmiers spécialisés ou non, cadres de santé, kinésithérapeutes, manipulateurs radio, ergothérapeutes, psychomotriciens, et j’en passe : tous sont concernés.
Parlons concrètement : le Ségur de la santé représente ainsi pour un infirmier de la fonction publique une revalorisation de 290 euros net en début de carrière, 335 euros après cinq ans de carrière, et 530 euros en fin de carrière.
Les personnels médicaux ne sont pas en reste : nous avons fusionné les quatre premiers échelons de rémunération et amélioré leur fin de carrière en créant trois nouveaux échelons. Nous avons également mis en place des primes managériales pour les chefs de service et de pôle ou encore revalorisé leur indemnité d’engagement de service public exclusif. Leurs carrières seront ainsi plus dynamiques et plus attractives.
Concernant l’avenir de notre système de santé, nous avons revalorisé les indemnités de stage des étudiants en santé et des internes pour accompagner les vocations.
Surtout, loin de l’idée selon laquelle il y aurait des « oubliés » du Ségur de la santé, nous avons choisi, de manière responsable, de répondre aux problèmes spécifiques des professions concernées par une perte d’attractivité – et nous parlons bien du secteur de la santé. Toutes les professions ne sont pas concernées de la même manière par ce phénomène ni au même moment.
C’est donc sur le fondement avéré de la perte d’attractivité des métiers que nous avons étendu à plusieurs reprises les revalorisations prévues, au-delà de l’ambition initiale, notamment à des personnels non médicaux.
Le Premier ministre a confié dès l’automne 2020 à Michel Laforcade la mission de mener une réflexion et d’engager des négociations relatives à l’extension des revalorisations du Ségur aux professionnels paramédicaux des secteurs proches des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Dès lors, deux protocoles ont été signés avec les organisations syndicales. Depuis le 1er octobre 2021, l’intégralité des personnels non médicaux des structures sanitaires et médico-sociales financées par l’assurance maladie bénéficie des 183 euros net mensuels supplémentaires.
Depuis le 1er janvier, ils ont été rejoints par les personnels des structures médico-sociales publiques et privées non lucratives qui interviennent dans le secteur du handicap ou des soins à domicile.
Je le répète : nous avons cherché à donner l’ampleur la plus large possible à l’ambition initiale du Ségur de la santé.
Parallèlement, deux autres chantiers sont en cours. Le premier concerne l’attractivité des métiers du social, le second l’harmonisation du cadre conventionnel du secteur privé non lucratif, c’est-à-dire des conditions de travail de tous les salariés des nombreuses et belles associations qui œuvrent dans le champ des solidarités et de la santé.
Ces deux chantiers sont distincts du Ségur de la santé et méritent d’être menés dans un cadre spécifique.
Le Premier ministre a fixé ce cadre à travers une conférence des métiers qui devra réunir tous les partenaires sociaux, mais aussi tous les financeurs, au premier rang desquels figurent, outre l’État, les départements ainsi que d’autres entités.
La tenue de cette conférence a été retardée par le contexte sanitaire, mais elle aura lieu dans les prochaines semaines. Sa préparation a été confiée à deux experts, MM. Jean-Philippe Vinquant et Benjamin Ferras, membres de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Notre objectif est d’apporter des améliorations concrètes aux professionnels du secteur social et médico-social, tout en assurant une révision en profondeur des conditions d’exercice de leurs métiers et du déroulement de leurs carrières.
Pour en revenir au Ségur de la santé, il représente des efforts considérables pour rendre les carrières des soignants plus attractives et témoigner de la reconnaissance de la Nation à leur égard, efforts qui ont culminé à près de 10 milliards d’euros de dépenses depuis la signature des accords en juillet 2020.
L’attractivité de ces professions tient également à la possibilité, pour ceux qui les exercent, de travailler avec les moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions et d’avoir confiance en la pérennité de leurs établissements de proximité. Le Ségur de la santé investit donc massivement dans les structures, pour améliorer les conditions de travail des soignants.
Je citerai un chiffre : au niveau national, le volet investissement du Ségur représente 19 milliards d’euros, dont 6 milliards d’euros issus du plan France Relance. C’est une somme colossale par rapport aux plans d’investissement précédents, qui équivaut à l’addition des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, à laquelle il faut encore ajouter 50 % du montant total de ces deux plans.
J’insiste sur ce point pour couper court aux critiques qui peuvent nous être adressées : c’est plus que lors des trois précédents quinquennats réunis ! C’est aussi une somme nécessaire pour répondre aux ambitions que nous nous sommes fixées.
Pour transformer notre système de santé dans les territoires, le Ségur prévoit 9 milliards d’euros d’aides visant à favoriser la réalisation de projets structurants pour les établissements sanitaires et médico-sociaux, impliquant la construction de nouveaux bâtiments ou encore la rénovation de chambres d’hospitalisation pour améliorer le confort des patients.
Enfin, le Ségur c’est aussi 2 milliards d’euros pour le numérique en santé.
En mars 2021, le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons lancé la stratégie nationale d’investissements en santé à Cosne-Cours-sur-Loire, avec le parti pris déterminé d’une déconcentration des enveloppes et d’une forte dimension territoriale, pour être au plus près des besoins en santé de nos bassins de vie.
L’action des agences régionales de santé (ARS) a évolué : la réforme s’est caractérisée par un changement de méthode et de vitesse sans précédent par rapport à ce qui se faisait auparavant. Il a ainsi été demandé aux ARS de mener en un temps record des concertations territoriales avec l’ensemble des acteurs de santé et des élus impliqués, pour définir les besoins selon une logique non pas d’établissements, mais de territoires de santé.
Avec cette méthode, le seuil d’éligibilité des projets au niveau national est passé de 50 millions d’euros à 150 millions d’euros. Les projets sont désormais accompagnés pour éviter tout effet couperet après de longues années de mobilisation des acteurs locaux. Enfin, le délai d’instruction est passé de cinq à trois ans.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai malheureusement épuisé mon temps de parole. Je profiterai donc de l’occasion qui m’est donnée de répondre à vos questions pour parachever mon propos.
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, depuis le début de la crise sanitaire, tous les personnels des secteurs de la santé et du médico-social sont mobilisés pour assurer la prise en charge des patients. À cette occasion, ils nous alertent sur les difficultés systémiques auxquelles ils se heurtent.
Bien avant cette pandémie, ils remettaient déjà en cause les politiques de restriction budgétaire menées depuis près de vingt ans. Confronté à l’ampleur de leur mobilisation, votre gouvernement a été contraint d’organiser un Ségur de la santé. Dont acte !
Un an et demi après, c’est l’insatisfaction générale qui règne. Nous constatons, en prime, une division des personnels selon leur catégorie socioprofessionnelle, car vous en avez exclu certains du bénéfice des mesures du Ségur. En conséquence, les démissions et les départs de l’hôpital se succèdent.
Ce Ségur, quoi que vous en disiez, madame la ministre, n’a rien changé au profond malaise du monde de la santé : il ne répond ni au manque d’attractivité de ces professions ni à la dégradation de leurs conditions de travail.
Quant aux investissements, qui consistent essentiellement en la reprise d’une partie de la dette hospitalière, ils sont conditionnés à un retour à l’équilibre et, donc, à de nouvelles suppressions de postes.
La crise sanitaire a démontré la nécessité de former davantage de personnels dans les secteurs de la santé et du médico-social.
Madame la ministre, quel plan de formation et de reconnaissance des métiers le Gouvernement envisage-t-il ?
Sur les 15 000 recrutements prévus dans le cadre du Ségur de la santé, nous savons que 7 500 d’entre eux seulement correspondraient à des créations de postes, l’autre moitié correspondant à des postes vacants. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice, c’est parfaitement votre droit de parler des oubliés du Ségur, puisque c’est le thème du débat qui nous réunit ce soir.
Pour autant, je voudrais insister sur deux points.
En premier lieu, le Ségur a tout de même permis de revaloriser immédiatement les rémunérations de 1,5 million de personnes, dont 600 000 par l’attribution d’un complément de traitement indiciaire (CTI). À cela, il faut ajouter la hausse des rémunérations de 70 000 professionnels de santé à la suite des accords Laforcade et celle de 66 000 autres personnels soignants après les derniers efforts que nous venons de consentir.
En second lieu, je rappelle que, grâce à la réforme de l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, dont aujourd’hui on voudrait se plaindre, ce sont 210 000 personnes supplémentaires qui ont obtenu une revalorisation salariale ; elles le méritaient depuis très longtemps, et cela n’avait pas été fait jusqu’à présent.
Alors, bien sûr, certains continueront de ne parler que de ceux que l’on a oubliés mais, au total, sachez que les hausses de rémunérations décidées par le Gouvernement profitent à 1,86 million de personnels de santé et médico-sociaux.
Par ailleurs, nous allons bientôt lancer un nouveau plan pour renforcer l’attractivité des métiers de la santé : c’est l’axe 2 du Ségur de la santé.
Nous suivons de très près l’avancée des négociations et attendons des réponses rapides, notamment sur les moyens à engager. Ce volet relatif à la mise en œuvre de mesures sur la sécurisation des organisations et des environnements de travail prévoit notamment l’instauration d’une prime d’engagement collectif de 100 euros net par mois pour promouvoir la participation des agents aux projets hospitaliers.
Le Gouvernement a souhaité accompagner les établissements dans le recrutement de 15 000 personnels soignants, dans la rénovation des organisations de travail en incitant au dialogue social dans chaque établissement. Nous avons consacré 1 milliard d’euros à cet axe majeur, qui réaffirme la place du dialogue social à l’hôpital.
Une instruction a été transmise aux directeurs généraux des ARS et aux directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux le 10 septembre dernier pour préciser les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle étape du Ségur.
Il leur est notamment demandé d’orienter prioritairement les personnels nouvellement recrutés vers les métiers les plus en tension : infirmiers diplômés d’État, aides-soignants des équipes de suppléance, en particulier pour les soins critiques, infirmiers en pratique avancée et infirmiers intervenant en psychiatrie.
Les établissements de santé ont entamé les discussions avec les organisations syndicales pour partager leur diagnostic. Le prochain diagnostic dressé en matière de ressources humaines permettra d’affiner le fléchage des premiers recrutements prévus et financés à ce titre en 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, si vous aviez tout fait parfaitement, il n’y aurait pas ce mécontentement et ce malaise !
M. Bruno Belin. Tout à fait !
Mme Laurence Cohen. Vous savez très bien que vos mesures sont insuffisantes : on estime à 100 000 les besoins en personnels dans les hôpitaux, à 300 000 sur trois ans ces mêmes besoins dans les Ehpad, et à 100 000 le besoin en aides à domicile. C’est cet effort qui vous est demandé aujourd’hui !
Pourquoi le personnel formé au printemps dernier n’a-t-il pas été réembauché à la rentrée de septembre ? Le maintien de ces agents aurait pu empêcher que les établissements se retrouvent sous tension et, surtout, soient contraints de déprogrammer des soins et des opérations, comme c’est le cas aujourd’hui.
Vous exigez toujours plus des personnels soignants, mais, en réalité, vous ne les écoutez pas ! Quand allez-vous enfin améliorer leurs conditions de travail ? Quand allez-vous enfin entendre leurs demandes ? Quand allez-vous arrêter cette politique qui les pousse, parce qu’ils y sont extrêmement malheureux, à quitter l’hôpital ?
Le Sénat a créé une commission d’enquête sur la situation de l’hôpital : si vous entendiez les personnels, toutes catégories confondues, vous constateriez qu’ils sont extrêmement mécontents et qu’ils reprochent au Gouvernement de ne pas les écouter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, l’axe 2 du Ségur de la santé prévoit 19 milliards d’euros d’investissement, un montant évidemment très élevé.
Je rappelle toutefois que, dès la fin de l’année 2019, avant la crise sanitaire donc, il était prévu de verser 13 milliards d’euros aux hôpitaux et, plus accessoirement, aux établissements médico-sociaux pour les aider à investir. En réalité, votre annonce repose pour une large part sur la réaffectation d’une enveloppe existante.
Vos annonces, madame la ministre, m’amènent à m’interroger. Comment toutes ces mesures vont-elles être déclinées dans les territoires ? Le Ségur de la santé est certainement une très bonne chose – je ne le remets pas en cause –, mais il a suscité beaucoup d’incompréhension et de questionnements.
Quels sont les axes prioritaires définis par le Conseil national de l’investissement en santé (CNIS) ? Sur le fondement de quels critères – est-ce, par exemple, au regard de l’écosystème local et des inégalités territoriales ? – les a-t-il fixés ? Ce sont là des questions que tout le monde se pose.
Quel bilan dressez-vous des contrats liés aux investissements courants, dont le terme était fixé au 31 décembre 2021 ? Quel échéancier prévoyez-vous pour la consommation des crédits dédiés aux investissements tant courants que structurants ? Nous aimerions tous le connaître, car nous avons tous besoin d’un carnet de route pour répondre aux sollicitations qui nous sont adressées.
Alors que la situation des hôpitaux appelle une réponse urgente, vous nous avez dit avoir changé de méthode et accéléré. Mais l’échéance du 31 décembre 2028 ne suggère-t-elle pas que le Gouvernement garde une réserve financière pour une prochaine mandature ?
Enfin, sur quelle base décidez-vous de la répartition territoriale des crédits d’investissement prévus par le Ségur de la santé ?
Ce sont autant de questions que se posent tous les élus de nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la rapporteure générale des affaires sociales, j’espère que vous le comprendrez, je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions en deux minutes. (Sourires.) Je vais donc essayer de me concentrer sur l’essentiel.
Vous m’interrogez sur la mise en œuvre concrète des mesures issues du Ségur de la santé.
Nous avons tout d’abord défini des priorités nationales et élaboré des indicateurs précis, avant de transférer aux ARS la gestion des enveloppes budgétaires destinées aux différents territoires, et ce pour tenir compte au plus juste des besoins sur le terrain.
Pour les Ehpad, par exemple, les besoins ont réellement été définis en concertation avec les acteurs locaux et les élus. Je peux vous le garantir parce que, partout où je suis allée, et même si l’on peut observer des différences d’un département à l’autre, j’ai pu constater combien le dialogue avait été efficace. Vous l’admettrez, il s’agit d’une méthode nouvelle.
En réalité, nous avons décidé d’engager un véritable plan Marshall. Évidemment, cela ne se fait pas en six jours ni en six semaines ou en six mois : c’est un plan pluriannuel, dont les mesures vont se décliner dans les territoires durant trois ans.
En 2021, une première enveloppe a été débloquée, et des crédits ont tout de suite pu être mobilisés. Nous nous sommes rendus dans toutes les régions pour expliquer notre méthode, annoncer le montant de la dotation régionale, et définir, en lien avec les ARS, les priorités parmi celles que les agences avaient négociées au niveau local.
Nous avons suivi la même démarche s’agissant des investissements. Nous consacrons 19 milliards d’euros à la modernisation du système de santé. Cet engagement concerne aussi le numérique, les petits équipements et les équipements du quotidien.
À cela, il faut ajouter la reprise de la dette des hôpitaux par l’État, pour un montant qui est loin d’être insignifiant.
Ce plan Marshall permettra aux territoires d’investir massivement là où les besoins existent. Je peux attester que, dans certains territoires – je pense en particulier au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais et à l’hôpital de Lens où le service de pneumologie a fermé –, on est très heureux du déblocage de cette enveloppe, très souvent annoncée, mais jamais accordée. Aujourd’hui, c’est fait !
Aussi, nous devrions collectivement nous féliciter de ce plan d’investissement, dont la déclinaison dans les territoires, qui découle systématiquement de concertations locales, est – je le répète – en cours.