M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Martin, vous soulignez à juste titre qu’en matière de DECI le pragmatisme doit guider l’action publique. Nous en sommes convaincus tout autant que vous.
La diversité des habitats, des distances, des coupures géographiques et la présence naturelle de réserves d’eau doivent s’accorder avec les moyens des services d’incendie et de secours et le réseau des casernes de sapeurs-pompiers. La situation de chaque département et de chaque commune est différente.
Le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI) est un document synthétique ayant vocation à guider les collectivités. Cela étant, le Gouvernement partage votre constat : ses dispositions doivent s’appliquer de la manière la plus souple possible. Les règles ne sauraient être identiques sur l’ensemble du territoire national.
Je le redis, le dialogue, la concertation, la coconstruction sont possibles à chaque instant, et ce d’autant plus que le Gouvernement s’engage à ce que, dans les prochains mois, les préfets soient à l’écoute de tous les élus qui souhaiteraient porter à leur connaissance des difficultés de mise en œuvre constatées au niveau territorial. Les remarques des élus permettront d’éclairer les travaux conduits par les services du ministère de l’intérieur, ainsi que l’examen du projet de loi 3DS par le Parlement.
Les RDDECI sont amenés à évoluer régulièrement, selon une approche pragmatique permettant d’adapter les moyens aux besoins, tout en gardant la sécurité des Français et des sapeurs-pompiers comme priorité.
M. François Bonhomme. Ça commence bien, vous ne répondez pas à la question !
Mme Agnès Canayer. Ça promet !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, quelles consignes le Gouvernement entend-il donner aux préfets pour que la loi de 2011 soit respectée et que les règlements départementaux ne soient pas la copie conforme du règlement national, mais bien le reflet d’une prise en compte des réalités de terrain que vous venez d’évoquer ?
Dans le projet de loi 3DS, le Sénat a introduit un article prévoyant la remise, d’ici juillet 2022, d’un rapport visant à évaluer la mise en œuvre des règlements départementaux et leurs conséquences en matière financière, d’urbanisme et de développement.
Les communes doivent-elles attendre les conclusions de ce rapport pour engager leurs investissements ?
La question se pose avec plus d’acuité encore dans un département comme le mien, la Seine-Maritime, où le préfet, pour satisfaire nos demandes, vient de consentir à une révision du règlement départemental. Les communes doivent-elles maintenir leurs investissements ou faire une pause en attendant la révision des RDDECI ?
Envisagez-vous, comme le préconise le rapport de nos collègues, de comparer les moyens des SDIS aux coûts exorbitants supportés actuellement par les communes, afin de retenir la solution la moins onéreuse ?
La loi de 2011 étend les compétences des communes. Or l’article 72-2 de la Constitution prévoit que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence une hausse des dépenses des collectivités locales doit s’accompagner d’un transfert de ressources équivalentes. Dès lors, quel soutien l’État entend-il accorder aux communes ? Je rappelle que les propositions formulées par le Sénat à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances ont été rejetées par votre majorité à l’Assemblée nationale.
Enfin, la définition actuelle des zones urbaines, qui découle de l’emplacement des panneaux d’entrée et de sortie de ville, n’est pas pertinente à nos yeux, certains bourgs étant aujourd’hui moins denses que des hameaux. Cette définition emporte pourtant des conséquences très importantes pour les communes rurales, puisqu’en découle l’appréciation du seuil de discontinuité de l’habitat, dont la distance est fixée à 200 mètres.
Envisagez-vous de substituer aux critères de définition actuels celui de la densité du bâti, plus pertinent, et d’introduire de la souplesse dans l’évaluation de ces distances ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. La réponse va être intéressante !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Merci pour votre question, madame la sénatrice Brulin, car c’est effectivement tout l’objet de la révision des règlements départementaux de DECI.
Nous avons récemment insisté, et nous le referons très prochainement, sur la nécessité de relancer les concertations à l’échelon local, de remettre l’ouvrage sur le métier dès que nécessaire, avec un véritable esprit d’ouverture, dans le cadre de la révision régulière des RDDECI qui, je le répète, est prévue.
Les communes disposeront rapidement de la visibilité que vous appelez de vos vœux, puisque notre rapport sera publié en juillet 2022. Cela étant, elles peuvent dès à présent solliciter leur préfet de département, afin d’exposer précisément leurs besoins et leurs projets d’investissement.
Mme Céline Brulin. Mais que doivent-elles faire en attendant ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Concrètement, elles doivent solliciter leur préfet, qui sera tout à fait sensible et à l’écoute… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, c’est la secrétaire d’État qui a la parole !
M. François Bonhomme. Nous sommes obligés de l’interpeller, monsieur le président !
M. le président. Veuillez laisser Mme Abba s’exprimer !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. S’agissant de l’évaluation des moyens des SDIS, l’audit que le Gouvernement a demandé à l’inspection générale de la sécurité civile pour le premier trimestre 2022, sur la base d’un panel de départements, devrait nous permettre de comparer les moyens techniques engagés et, sans doute, de dégager des solutions alternatives susceptibles d’être généralisées.
M. François Bonhomme. Autrement dit, on réfléchit !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, dans cette assemblée qui représente les territoires, nous connaissons tous l’importance des services de défense extérieure contre l’incendie.
Le débat, proposé aujourd’hui fort à propos par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, porte bien son nom : il s’agit de traiter de l’équilibre entre les enjeux territoriaux et la protection des personnes.
Je souhaiterais évoquer deux sujets.
Le premier concerne la gestion des réseaux d’eau.
Actuellement, les modifications apportées sur un réseau d’eau, à savoir l’extension géographique ou la dilatation, c’est-à-dire l’augmentation de sa capacité, sont gérées au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Ces évolutions se font parfois – souvent ! – en bonne entente. Pour autant, la coconstruction avec les élus manque de la souplesse nécessaire, au regard notamment de la réforme adoptée. Hélas, nous connaissons déjà, ici ou là, des conflits, parfois même judiciarisés, entre collectivités et SDIS au sujet de l’insuffisance des moyens alloués à la DECI.
Le Gouvernement envisage-t-il une modification de la réglementation afin de prévoir, lorsque les gestionnaires des réseaux d’eau passent de nouveaux contrats ou modifient le fonctionnement de leur régie, une clause de concertation obligatoire garantissant une meilleure prise en compte, non seulement des besoins en eau pour la défense contre l’incendie des territoires, mais aussi de la réalité à laquelle sont confrontés les élus, en particulier – nous l’avons évoqué – en matière de construction ?
Ma seconde préoccupation résulte d’une problématique que je rencontre souvent dans mon département. Elle est peut-être légèrement hors sujet, mais je vais tout de même y consacrer quelques secondes. Il s’agit du débroussaillage.
Souvent, des problèmes, à la fois pratiques et financiers, apparaissent quand un particulier ne satisfait pas à ses obligations en la matière. Un voisin peut alors se voir transférer cette obligation, source de dépenses dont le recouvrement n’est pas évident pour les petites communes. L’obligation de débroussaillage crée de nombreuses difficultés de développement, dans un cadre sécurisé, pour les territoires ruraux les moins riches.
Le Gouvernement entend-il apporter des solutions à cette situation, afin d’éviter que les communes aient à choisir entre leur équilibre financier et la sécurisation de leur territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. S’agissant du rôle des acteurs de la DECI dans la gestion des réseaux d’eau, la première des priorités, je le redis, est celle de la sécurité, d’abord, la sécurité des personnes et, a fortiori, celle des sapeurs-pompiers.
Je vous rejoins, monsieur le sénateur Benarroche, sur le fait qu’il est absolument essentiel de travailler à l’harmonisation des pratiques permettant à nos sapeurs-pompiers de bénéficier de moyens suffisants pour intervenir avec succès lors des opérations de lutte contre les incendies.
Cela étant, il faut aussi rappeler que le maintien en conditions opérationnelles et le contrôle des réseaux d’eau relèvent bien de la compétence eau et assainissement, laquelle est exercée à titre obligatoire par les EPCI. Il s’agit bien d’une compétence distincte de la DECI, qui, elle, est placée sous l’autorité du maire. Néanmoins, les communes peuvent transférer à tout moment leur compétence en matière de DECI à l’intercommunalité, sauf en cas d’exercice de cette compétence à titre obligatoire, comme c’est le cas pour les métropoles.
La loi indique clairement que, lorsque l’approvisionnement des points d’eau destinés à la DECI nécessite de recourir à un réseau de distribution d’eau, cette gestion ne relève pas des sapeurs-pompiers, même si ces derniers figureront toujours parmi les premiers conseillers techniques des élus locaux et des collectivités en la matière.
Par ailleurs, vous vous interrogez sur la possibilité de transférer les pouvoirs de police spéciale de la DECI aux syndicats d’eau. Cette solution ne me semble pas pertinente. En effet, la compétence en matière d’eau et d’assainissement relèvera de tous les EPCI à fiscalité propre en 2026. Contrairement à ces EPCI, tous les syndicats d’eau ne sont pas armés pour exercer un tel pouvoir de police, qui, comme vous le savez, renvoie à de lourds enjeux et s’inscrit dans un cadre juridique sensible.
Si le transfert de ces pouvoirs de police spéciale était envisagé, il me semblerait tout à fait indispensable de le conditionner au transfert de la compétence DECI au syndicat mixte concerné. Il devrait par ailleurs relever du régime des transferts facultatifs, et non automatique. L’opération résulterait alors de l’initiative des communes, sous réserve de l’accord de l’ensemble des maires des communes membres de l’EPCI et du président du syndicat.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’une des principales difficultés auxquelles les élus se heurtent en matière de défense extérieure contre l’incendie, telle que cette politique est mise en œuvre aujourd’hui, réside dans le fait que les règles sont complexes et insuffisamment adaptées aux territoires.
L’enquête de nos rapporteurs fait apparaître que de nombreux maires nouvellement élus reconnaissent ne pas être en mesure de s’approprier la matière et de porter une appréciation sur cette politique à l’échelle de leur territoire, par manque de compétences techniques.
Il y a donc, d’un côté, la complexité des règles qui vient empêcher, presque de fait, une appréciation décentralisée de la DECI par les élus locaux et, de l’autre, la rigidité du cadre normatif qui vient bloquer fondamentalement toute démarche de différenciation. À cela, il faudrait ajouter les difficultés budgétaires qu’occasionne ce service dans les territoires ruraux.
Face à toutes ces contraintes qui tiennent les élus locaux en échec, il existe un régime de responsabilité particulièrement exigeant, parfois confus, mêlant responsabilité administrative de la commune et responsabilité personnelle du maire.
Chacun sait que, depuis les années 1990, le juge administratif a cessé de requérir une faute lourde pour engager la responsabilité administrative d’une autorité publique. Cela vaut pour l’autorité communale en cas de sinistre lié à la défaillance des services de lutte contre l’incendie.
Nos administrations locales font donc face à un régime particulièrement pointilleux, quand bien même, comme l’a souligné le rapporteur public Vincent Villette dans ses conclusions sur l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 18 décembre 2020, chacun connaît la difficulté intrinsèque de l’action des maires en raison du caractère « périlleux » propre à la DECI.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, quel régime juridique pourriez-vous imaginer afin de ne pas faire peser une charge trop lourde sur nos élus locaux, qui apparaissent de plus en plus isolés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Effectivement, une des principales difficultés auxquelles font face les maires pour mettre en œuvre la réforme de la DECI est celle de l’appropriation – en particulier nouvellement élus – des nouvelles règles en vigueur.
Nous avons fait le choix de laisser les acteurs de terrain décider par eux-mêmes des moyens permettant d’assurer une défense contre l’incendie adaptée à la réalité des territoires. Je vous sais, mesdames, messieurs les sénateurs, sensibles à ce type de démarche locale et ancrée dans la réalité de terrain. Ce vécu, c’est évident, diffère selon que l’on se trouve en zone urbaine, semi-urbaine ou rurale.
Comme vient de l’indiquer M. Gold, les maires ont dans ce cadre une responsabilité à la fois personnelle et administrative. Si le juge administratif a effectivement adopté une position très restrictive sur la question de la faute personnelle, la responsabilité administrative des élus demeure.
À cet égard, la meilleure manière de se protéger et de protéger les intérêts de la commune est sans doute d’avancer vers la réalisation d’un schéma communal ou intercommunal de DECI. Dans ce cadre, l’intercommunalité sera en mesure d’apporter un soutien technique essentiel aux maires, notamment ceux des communes rurales.
M. François Bonhomme. N’importe quoi ! Parfaite langue de bois !
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Nos débats au sujet de l’excellent rapport de nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé concernant la défense extérieure contre l’incendie démontrent, une fois de plus, que les réponses et solutions en la matière passent par une approche strictement territoriale, tenant compte de la particularité de chaque département et de chaque commune, ainsi que de leur capacité contributive.
Pour ma part, je voudrais revenir sur la question du volontariat.
Le manque d’effectifs de sapeurs-pompiers volontaires est réel et pose un véritable problème dans de nombreux départements.
Le Parlement a adopté à l’automne la proposition de loi, dite Matras, visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels. Celle-ci prévoyait l’instauration d’une bonification sous la forme d’une validation de trois trimestres supplémentaires d’activité au bout de dix ans d’engagement.
Mais ce dispositif a été amendé par l’Assemblée nationale, la réforme des retraites n’ayant pu aboutir. Cette bonification a été remplacée par un renforcement de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR). Or la revalorisation des montants de cette prestation n’est prévue que par voie réglementaire.
Mes questions sont donc simples, madame la secrétaire d’État. Où en sont les discussions entre l’État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à ce sujet ? Quelles propositions concrètes entendez-vous présenter ?
Il est urgent d’aboutir à un dispositif progressif permettant de fidéliser et de récompenser les sapeurs-pompiers volontaires.
Je vous rappelle à ce sujet que, devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s’est tenu à Marseille, le Président de la République a indiqué vouloir reprendre l’idée d’une bonification de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, au titre de la solidarité nationale, dans le cadre du travail préparatoire à la prochaine réforme des retraites.
Sans attendre celle-ci, il faut progresser dans la voie de la fidélisation et de la reconnaissance des services rendus. Les femmes et les hommes concernés le méritent amplement !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, votre question nous éloigne quelque peu du cœur de ce débat. Elle n’est pas pour autant totalement dénuée de lien avec la DECI, puisqu’elle concerne la capacité offerte à tous nos sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, d’intervenir dans les meilleures conditions de sécurité.
Le modèle de sécurité civile français, ce modèle auquel nous sommes tous très attachés – comme nous avons eu l’occasion de l’affirmer lors de l’examen de la proposition de loi Matras récemment votée par le Parlement –, compte 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. Ni salariés ni fonctionnaires, ces derniers ne bénéficient d’aucune pension de retraite.
Le Président de la République s’est donc engagé – et c’est aussi le souhait de nos concitoyens – à attribuer à ces sapeurs-pompiers volontaires, à l’issue de leur engagement, une allocation annuelle via la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, et ce pour récompenser leur action au service de la Nation.
Le versement de cette rente annuelle, dont le montant varie selon la durée de l’engagement, est soumis à des conditions que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs : atteinte de la limite d’âge et accomplissement d’un minimum de vingt années de service.
Lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui s’est tenu en novembre dernier, le Président de la République a annoncé une revalorisation de cette prestation, dont le financement – vous le savez tous très bien ici – est partagé entre les SDIS et l’État.
Un travail est donc en cours, en lien avec les financeurs des SDIS, pour définir les modalités de cette revalorisation et sa traduction budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Je tiens d’abord à vous dire, madame la secrétaire d’État, que votre présence ne me choque pas. Une biodiversité en bon état, c’est moins de risque incendie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je voudrais saluer le travail réalisé par nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé. Leur rapport nous invite à réfléchir sur la défense extérieure contre l’incendie. Il s’agit là d’un danger majeur, qui n’est pas nouveau, mais qui devrait s’accroître dans les années à venir, selon les experts, d’où la nécessité, effectivement, de travailler au maintien d’une biodiversité en bon état.
Une défense efficace exige préparation et moyens adéquats. Messieurs les rapporteurs, vous préconisez à ce titre de « faire émerger une “culture du risque” », notamment en sensibilisant les populations au risque d’incendie. Je partage entièrement cet objectif, mais je m’interroge sur la mise en œuvre concrète de votre proposition. Comment lutter contre la multiplication des incendies, alors que le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminue et que ceux qui s’engagent le font sur des périodes beaucoup plus courtes que leurs prédécesseurs ?
La récente loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dont notre collègue député Fabien Matras était à l’origine, semble apporter une première réponse, qui pourrait bien se révéler très utile, à travers la création de réserves citoyennes des services d’incendie et de secours, ouvertes aux citoyens de plus de seize ans.
Concrètement, dans quelle mesure ces réserves citoyennes peuvent-elles contribuer à faire émerger une culture du risque en France ? Surtout, madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il suivre la mise en place des réserves citoyennes, qu’il s’agisse des missions qui leur seront confiées ou de leur organisation ?
Ces réserves pourraient, je le crois, devenir des relais indispensables dans la prévention et la lutte contre les incendies, en complément, bien entendu, du remarquable travail réalisé par nos sapeurs-pompiers volontaires au quotidien.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. En matière de participation citoyenne, nous devons rechercher la plus large mobilisation possible, en soutien aux sapeurs-pompiers, qui demeurent, évidemment, les plus compétents pour intervenir dans la lutte contre les incendies.
Au-delà de la revalorisation du volontariat, objectif que visait la loi Matras, il faut identifier et promouvoir des ressources parallèles – non pas alternatives, mais complémentaires – à l’échelon communal pour garantir et sécuriser cette mobilisation.
Je citerai tout comme vous les réserves mises en place dans le cadre des plans intercommunaux de sauvegarde, désormais obligatoires, mais aussi les réserves de sapeurs-pompiers, dispositif de soutien permettant aux sapeurs-pompiers à la retraite de rester mobilisés, également consacré par la loi.
Les réserves des services d’incendie et de secours, telles que la loi Matras les instaure, permettront aux SDIS qui le souhaitent de véhiculer, à travers les réservistes, des messages de prévention et de sécurité contre les incendies.
Conformément au nouvel article L. 724-14 du code de la sécurité intérieure, les réservistes pourront soutenir les services dans le cadre d’actions de sensibilisation, de préparation à la crise et d’appui logistique.
Enfin, le ministère de l’intérieur a lancé une initiative en collaboration avec la réserve civique. Par le biais du site internet www.jeveuxaider.gouv.fr, il s’agit, là aussi, de mobiliser des volontaires, souvent plus jeunes.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. La réforme de 2011 semble ne pas avoir véritablement répondu aux attentes des élus ruraux, qui regrettent que cette transformation de la politique de défense incendie n’ait pas apporté une réponse mieux adaptée à la réalité des territoires.
Le coût de la mise aux normes de la défense incendie a souvent dépassé la capacité financière de nombreuses petites communes rurales, les obligeant à renoncer à des projets d’investissement futurs, faute de ressources suffisantes.
En effet, le coût de l’installation des bornes d’incendie ou celui de la révision des réseaux d’eau représente une somme considérable pour de modestes budgets communaux.
De même, l’obligation d’une distance maximale entre les points de raccordement au réseau d’eau et les habitations porte atteinte à l’attractivité des petites communes. Désormais, toute nouvelle construction doit se situer à moins de 200 mètres d’une borne incendie, cette distance étant portée à 400 mètres si l’habitation est isolée.
Cette contrainte nuit à la capacité des communes à délivrer des permis de construire. Elle entrave ainsi l’installation de nouveaux habitants, indispensable au dynamisme, voire à la survie de ces territoires, au moment même où ceux-ci retrouvent une vraie attractivité.
Progressivement, les élus se sont aperçus que la mise en conformité avec les normes de défense incendie constituait une entrave au développement et à la revitalisation des territoires ruraux. Il apparaît donc primordial d’accompagner les communes dans cet effort. Pourquoi, madame la secrétaire d’État, ne pas créer ou recréer des retenues collinaires dans les endroits les plus isolés ?
Une des préconisations des rapporteurs consiste à affecter 1,2 milliard d’euros sur trois ans à la défense incendie dans le cadre du plan France Relance. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’apporter un soutien très significatif à toutes ces communes, afin, d’une part, de les aider à répondre à l’impératif de défense incendie et, d’autre part, de faciliter leurs projets en matière d’urbanisme ?
M. François Bonhomme. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Avec cette question, nous revenons à la problématique du cadre réglementaire et de cette circulaire de 1951 qui ne donnait plus du tout satisfaction.
Effectivement, l’adoption en 2017 des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie a sans doute ouvert les yeux de certains élus sur la nécessaire mise aux normes des équipements, mise aux normes qui n’avait pas toujours été correctement anticipée. À certains endroits, cela a engendré une forme de raidissement dans l’instruction des autorisations d’occupation des sols et une certaine incompréhension : là où l’on s’attendait à des assouplissements, le nouveau régime a pu être vécu comme une somme de contraintes.
La mise en œuvre de ce nouveau régime – dont l’application, je le rappelle, ne pose pas de difficulté dans une majorité de départements – doit reposer sur une véritable concertation. J’insiste sur le fait que cette concertation peut s’engager à chaque instant, les élus pouvant se tourner vers les préfets et les SDIS, principaux acteurs de la mise en œuvre de ces dispositions.
Il faut continuer de veiller à l’application locale de ces règles, adaptée aux contextes territoriaux, tout en réfléchissant à l’adoption de mesures alternatives qui pourraient constituer des réponses appropriées au regard des moyens disponibles.
La dernière partie de votre question, monsieur le sénateur Marc, nous renvoie à la problématique des usages partagés.
Vous avez notamment mentionné les retenues collinaires ; cette composante de la gestion et du partage de la ressource fait l’objet, au sein de mon secrétariat d’État, d’une attention toute particulière.
Le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse doit donner plus de visibilité aux acteurs locaux et prévoir, justement, ce partage des usages en fonction des priorités et des besoins. Le cadre existe, et les réflexions sont en cours, dans un contexte contraint, puisque les ressources en eau baisseront dans les décennies à venir.