compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 16 décembre 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’anciens sénateurs

Mme le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Stéphane Bonduel, qui fut sénateur de la Charente-Maritime de 1980 à 1989, et Louis-Ferdinand de Rocca Serra, qui fut sénateur de Corse-du-Sud de 1994 à 2001.

3

Règles sanitaires

Mme le président. Mes chers collègues, au vu de l’évolution de la situation sanitaire et après concertation du président du Sénat avec les questeurs, les présidents de groupe et les présidents de commission et de délégation, il a été décidé de ne pas rétablir de système de jauge pour la séance publique et pour les réunions de commission et de délégation.

En revanche, les commissions et les délégations ont de nouveau la possibilité d’organiser leurs réunions plénières selon un schéma mixte : le présentiel en principe, mais la faculté de participer à distance, sans toutefois la possibilité de voter pour ceux de nos collègues utilisant la visioconférence.

Sur la proposition de M. le président du Sénat, nous pourrions également suspendre l’application de l’article 23 bis de notre règlement, relatif aux présences en séance publique et en commission, jusqu’à la suspension de nos travaux, à la fin du mois de février prochain. Aucune retenue ne serait donc effectuée en application de cet article au terme de la période de référence de quatre mois initialement retenue.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Je vous rappelle enfin que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune. J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières, en précisant que le masque doit couvrir à la fois la bouche et le nez.

4

Modifications de l’ordre du jour

Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 23 décembre 2021, le Gouvernement a retiré de l’ordre du jour du jeudi 6 janvier la séance de questions orales et a sollicité du Sénat l’inscription, le jeudi 6 janvier, l’après-midi et le soir, du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, et le vendredi 7 janvier, l’après-midi et le soir, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte.

Le texte n’ayant pas été transmis cette nuit par l’Assemblée nationale, son inscription à l’ordre du jour sera soumise ultérieurement au Sénat.

Par ailleurs, en raison de la demande du Gouvernement, il était envisagé de soumettre au Sénat les modifications suivantes : d’une part, l’avancement à la reprise de ce soir du débat sur la politique mise en place par le Gouvernement pour conforter la souveraineté maritime française sur les océans, initialement prévu le jeudi 6 janvier après-midi, avec un délai d’inscription de parole aujourd’hui à seize heures, d’autre part, l’avancement au jeudi 6 janvier, à dix heures trente, du débat sur le thème « Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? », ainsi que du débat sur la sûreté des installations nucléaires, initialement prévus l’après-midi.

Après consultation des groupes politiques, nous pourrions procéder à ces modifications de notre ordre du jour.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Enfin, le Gouvernement a demandé dans sa lettre d’ordre du jour l’inscription d’une séance de questions orales le mardi 25 janvier au matin, en remplacement de celle de ce jeudi.

Acte est donné de cette demande.

5

Candidature à une commission

Mme le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires économiques a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, avant de passer à l’ordre du jour, je tiens à vous présenter mes vœux de bonne année et, surtout, de bonne santé. J’y associe bien sûr vos familles, vos collaborateurs et tous ceux qui travaillent à nos côtés.

6

Crise du logement que connaît notre pays et manque d’ambition de la politique de la ville

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme le président. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Les Républicains, sur la crise du logement que connaît notre pays et le manque d’ambition de la politique de la ville.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’expérimenter une proposition du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.

En application de cette proposition, le groupe Les Républicains disposera d’un temps de présentation de huit minutes, le Gouvernement lui répondant pour une durée équivalente.

Lors du débat interactif, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Le groupe auteur de la demande de débat disposera de cinq minutes pour le conclure.

Dans le débat, la parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a cinq ans, le candidat Emmanuel Macron promettait un choc d’offre afin de faire baisser les prix du logement. Il promettait également de construire 60 000 logements étudiants et de répondre aux besoins des ménages aux revenus les plus modestes.

Aujourd’hui, à l’approche d’échéances essentielles pour notre pays, il est temps de faire le bilan du quinquennat en matière de logement et de politique de la ville.

Force est de constater que le choc d’offre a laissé place à l’aggravation de la crise du logement, l’espoir pour les plus modestes à un horizon bouché et l’effacement des ghettos à la persistance des barrières à l’intégration.

Face à ce bilan, que nous dénonçons, le groupe Les Républicains veut formuler de véritables propositions alternatives pour notre pays et pour tous les Français.

En effet, cinq ans après ces promesses, comment ne pas être frappé par l’inquiétude des Français ? Les prix des logements s’envolent, au point de devenir inaccessibles pour nombre de nos concitoyens. Il en est de même des prix de l’énergie, qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat.

Dès lors, malgré les discours officiels, les Français ont le sentiment de se précariser et même d’être déclassés.

Le logement, symbole de sécurité pour chaque famille, est au cœur de leurs préoccupations. Sortir du logement social, devenir propriétaire, acheter une maison avec jardin comme l’ont fait leurs parents avant eux sont autant de projets qui deviennent des chimères. La ministre du logement affirmait récemment que posséder une maison individuelle avec jardin était un rêve dépassé et un non-sens écologique : ce n’est pas en tenant de tels propos que l’on pourra aider nos concitoyens.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Si le décalage est si grand entre les promesses et la réalité vécue par les Français, c’est bien à cause d’un quinquennat qui, en adoptant une vision technocratique, a délibérément fait du logement des plus modestes un poste d’économies budgétaires.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je pense notamment aux mesures de réduction des aides personnalisées au logement (APL). À ce titre, je le rappelle, ce sont environ 10 milliards d’euros qui manquent.

Les bailleurs sociaux ont également vu leurs moyens d’action amputés du fait de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui pèse 1,3 milliard d’euros chaque année. Action Logement a été menacé de démembrement et ponctionné de plus de 2 milliards d’euros.

Malgré la prolongation de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, et l’affichage de tardives ambitions en matière de logement social, la réalité des faits passés et la vision macroéconomique de l’exécutif ne peuvent que confirmer nos inquiétudes.

En effet, ce que nous constatons, c’est la volonté persistante de remettre en cause le modèle français du logement social et de prolonger la rupture qui s’est produite en 2018 : « la mutation majeure du logement social solide vers le logement abordable liquide », c’est-à-dire un logement social réservé aux populations les plus fragiles et financé, soit par les ventes de logements, soit par le marché, tandis que ses ressources propres – livret A et 1 % logement – seraient partiellement réduites ou réallouées. La dépense nationale pour le logement, supposée inflationniste, continuerait quant à elle de baisser.

En matière de construction, il est grand temps de mesurer la gravité de la situation. Selon l’institut Montaigne, on constaterait un déficit de 170 000 logements au cours des quatre dernières années. Au mieux, 30 000 logements étudiants seront construits sur les 60 000 promis.

Certes, la crise sanitaire a eu un impact, de même que les élections municipales, mais ces éléments conjoncturels ne dédouanent en aucun cas le Gouvernement de sa responsabilité. Les données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au début du mois de décembre dernier montrent, au cours des cinq dernières années, un recul de la construction inédit depuis 1986.

Madame la ministre, en matière de politique de la ville, c’est bien le manque d’ambition qu’il nous faut déplorer.

Le rapport Borloo proposait une vision de société ; il a été rejeté.

Par deux fois, les maires des quartiers prioritaires ont dû lancer un appel au secours au Président de la République pour ne pas être oubliés.

En outre, si l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été relancée, si le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a plus que doublé, ce sont Action Logement et les bailleurs sociaux qui l’ont financé. L’État a apporté moins de 80 millions d’euros, alors même que 200 millions d’euros avaient été promis sur le quinquennat.

Face à ces résultats qui désespèrent les Français, je tiens à le réaffirmer : une autre politique était et est toujours possible.

Le plan de relance a été une occasion manquée de relancer la construction. Pour ce qui concerne le logement social, il était possible de redonner de l’oxygène aux bailleurs, par exemple en rétablissant le taux de TVA à 5,5 % pour toutes leurs constructions, à tout le moins pour les opérations de rénovation. C’est d’ailleurs ce que j’avais proposé lors de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience.

Ce taux réduit, c’est environ 5 000 euros de moins par logement neuf. Un tel effort serait suffisant pour provoquer un effet de masse, dès lors que l’on veut construire ou rénover plus de 200 000 logements par an.

C’était aussi le bon moment pour s’attaquer au statut du bailleur privé. À force de considérer l’investisseur immobilier comme un rentier improductif et non comme un entrepreneur en logement, on a obéré durablement le logement locatif. Dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, j’avais également proposé de rehausser le déficit foncier : cela aurait été un premier pas en ce sens.

Pour l’avenir, nous voulons défendre une vision juste et ambitieuse en matière de logement.

Tout d’abord, il faut simplifier drastiquement et sécuriser l’acte de construire. Il faut aller plus vite. La multiplication des normes pèse sur le coût de la construction. C’est en écoutant les acteurs de terrain que nous parviendrons à cette simplification.

Ensuite, et surtout, il faut rétablir la fluidité du parcours résidentiel. Les Français ne souhaitent pas rester locataires toute leur vie, dans le parc privé ou dans le parc social. L’accession à la propriété est une aspiration légitime, qui doit être soutenue. C’est un aspect central de l’ascenseur social. Il faut lever les obstacles qui l’empêchent. Valérie Pécresse a récemment souligné l’injustice des primes d’assurance emprunteur pour les personnes séropositives ou celles qui ont été atteintes d’un cancer.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. En parallèle, il faut s’attaquer résolument aux ghettos urbains. On le sait : la loi SRU a été efficace pour produire du logement social, mais pas du tout pour développer la mixité sociale. C’est pourquoi, dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, nous avons proposé de plafonner le pourcentage des logements les plus sociaux pour mettre fin à la concentration de la pauvreté et ouvrir les villes concernées à une plus grande diversité. Nous le savons bien : c’est cette concentration qui fait le lit de toutes les difficultés.

Il nous faut aussi revenir à un modèle du logement social ouvert aux classes moyennes : c’était bel et bien le cas par le passé. Ces Français ont le droit d’habiter près de leur lieu de travail. Demain, ils seront autant d’exemples pour l’intégration.

Il nous faut enfin, comme l’a proposé l’institut Montaigne, créer une ANRU des habitants à côté de celle des bâtiments, pour accompagner les populations de ces quartiers, souvent animées d’un véritable esprit d’entreprise, vers la réussite économique et l’intégration dans la République.

Mes chers collègues, l’inaccessibilité du logement est un facteur majeur de précarisation et de blocage de l’ascenseur social. Chaque Français a pour aspiration d’offrir un toit à sa famille. Ayons l’ambition de proposer et de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour répondre à ce besoin essentiel, pour en faire un facteur d’intégration et, au-delà, de bien vivre ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à vous souhaiter une excellente année 2022. Je ne doute pas que chacun d’entre nous trouvera en soi l’apaisement et le sens des responsabilités qu’exige la situation de notre pays.

Je vous prie d’excuser ma collègue Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, qui n’a pu se joindre à nous pour ce débat. Je lui souhaite un prompt rétablissement.

Nous conduisons d’importantes réformes en faveur du logement, secteur qui, en matière d’offre, se trouve face à un paradoxe : alors que la demande est toujours forte dans les grandes villes, la construction de nouveaux logements ne suit pas. Or ne pas répondre à ce besoin, c’est organiser l’éviction des plus pauvres en périphérie, éloigner de son lieu de travail une partie de la population active et accroître le recours aux transports individuels. Cette situation a encore été accentuée par la crise sanitaire que nous traversons.

Le Gouvernement s’est pleinement mobilisé afin d’accompagner le secteur. À la fin de l’année 2021, le rythme de construction d’avant la crise sanitaire a d’ailleurs été retrouvé. C’est bien l’offre qui fait défaut, la demande étant soutenue par des taux d’intérêt bas et par la prolongation de mesures comme le prêt à taux zéro (PTZ) ou le dispositif Pinel.

En conséquence, nous devons aller plus loin pour rattraper le retard accumulé.

Le Gouvernement a engagé un plan d’action concret de relance de la construction : nous avons signé un protocole ambitieux visant à assurer la construction de 250 000 logements sociaux en deux ans avec l’Union sociale pour l’habitat (USH) et les principaux financeurs, à savoir la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Action Logement.

Nous avons porté le fonds pour le recyclage des friches à 650 millions d’euros afin de faciliter la mobilisation de foncier déjà artificialisé, et nous le pérennisons pour l’avenir.

Toutefois, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la délivrance des permis de construire est une compétence des collectivités territoriales. Afin de les mobiliser davantage, nous avons demandé à François Rebsamen de présider une commission pluraliste pour la relance durable de la construction de logements, instance qui a rendu ses conclusions à l’automne dernier. À cette occasion, la ministre Emmanuelle Wargon a tenu à saluer les sénateurs Estrosi Sassone, Marchand, Lienemann et Martin, qui ont représenté la Haute Assemblée au sein de cette commission.

Les recommandations émises sont très claires : État, collectivités, promoteurs, bailleurs sociaux, mais aussi citoyens, nous devons tous réhabiliter l’acte de construire.

Le Gouvernement a repris plusieurs propositions de cette commission, comme la signature, dans les territoires tendus, de contrats de relance du logement : au total, 175 millions d’euros du plan France Relance sont mobilisés à cette fin. Ils constituent le volet « logement » des contrats de relance et de transition écologique (CRTE).

De plus, la loi de finances pour 2022 prévoit la compensation intégrale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant dix ans pour les logements sociaux agréés en 2021, et ce jusqu’à la fin du mandat municipal en cours.

En parallèle, afin de mieux mobiliser le parc existant, nous avons rendu le dispositif « Louer abordable » plus attractif, à l’occasion de la loi de finances pour 2022.

Ces efforts pour la construction et la mobilisation du parc existant se doublent d’un soutien à la production équilibrée de logements sociaux dans les territoires. Ainsi, ce gouvernement a engagé la pérennisation de la loi SRU avec le projet de loi 3DS, adopté en première lecture au Sénat. Nous saluons le travail accompli en ce sens par Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Cet exemple le confirme une nouvelle fois : le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur du logement abordable.

En cohérence, nous agissons de manière déterminée dans les territoires fragilisés de la politique de ville.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que n’avons pas perdu une once de notre ambition pour la réussite des habitants de ces territoires.

Il me paraît bon de le rappeler : dès 2017, le Président de la République a décidé, non seulement de doubler l’enveloppe de l’ANRU, la portant de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros, mais aussi de sanctuariser la dotation politique de la ville (DPV) et d’augmenter les crédits de la politique de la ville : au titre du programme 147, ce sont plus de 131 millions d’euros supplémentaires qui ont été votés par la majorité présidentielle.

Le Gouvernement s’est aussi engagé à ce que la relance passe par tous les territoires. Ainsi, le Premier ministre a assuré que plus de un milliard d’euros du plan de relance irait aux quartiers prioritaires. Cet engagement a été tenu et même dépassé : nous sommes aujourd’hui à plus de 1,2 milliard d’euros engagés.

Ce sont là autant d’actions menées et renforcées, à la suite de la crise sanitaire, pour remettre les territoires au cœur de notre pacte républicain.

À l’issue du comité interministériel des villes du 29 janvier 2021, nous avons tenu à aller plus loin pour l’attractivité des quartiers et l’émancipation de chaque habitant qui y vit.

Ce faisant, ne vous en déplaise, madame Estrosi Sassone, nous mettons en œuvre une grande partie du rapport Borloo. (Mme Dominique Estrosi Sassone manifeste sa circonspection.)

Oui, nous agissons pour le cadre de vie. À cet égard, je me dois d’évoquer le renouvellement urbain.

En 2017, l’ANRU était à l’arrêt : ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les collectivités. Notre gouvernement a relancé le NPNRU pour qu’il puisse entrer en phase opérationnelle. Aujourd’hui, l’ANRU se voit confier 12 milliards d’euros pour mener des projets de transformation dans 450 quartiers. Au total, plus de 3 millions d’habitants seront concernés.

Plus de 10 milliards d’euros sont d’ores et déjà engagés, que ce soit en Seine-Saint-Denis, à Marseille, dans les Hautes-Pyrénées ou encore dans les Yvelines, département qui m’est cher, comme il l’est au président Larcher. Cet effort a permis de débloquer des dossiers ankylosés depuis de trop nombreuses années.

Nous agissons aussi pour la tranquillité des habitants. C’est l’une des principales préoccupations de nos concitoyens et c’est aussi la nôtre.

Nous agissons pour réaffirmer l’autorité en créant 1 200 postes de policiers et de gendarmes dans 62 quartiers de reconquête républicaine et en augmentant les moyens accordés à la justice, notamment en renforçant la justice de proximité pour traiter la délinquance, la criminalité et les différentes formes de séparatisme qui rongent le quotidien des habitants.

En même temps, nous travaillons à la prévention du passage à l’acte en créant 45 bataillons de la prévention. Ces structures regroupent 600 éducateurs et médiateurs formés pour aller vers les jeunes et remobiliser ceux qui sont les plus éloignés de ce qui fonde notre pacte républicain, à savoir la citoyenneté, l’emploi et l’école. Nous voulons assécher ce qui peut constituer un vivier de recrutement chez les trafiquants et les séparatistes en tout genre.

Vous avez évoqué le phénomène de ghettoïsation : je me réjouis que certains candidats à la présidence de la République commencent à s’intéresser à ce sujet… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous n’avez pas de leçons à donner !

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Dans son discours des Mureaux, le chef de l’État a déjà évoqué les phénomènes de ghettoïsation et de séparatisme social, qui se multiplient depuis quatre décennies, de manière plus ou moins volontaire.

En la matière, nous agissons avec détermination. (Mme Sophie Primas fait semblant de jouer de la flûte.) Outre les mesures que je viens d’évoquer, nous investissons le secteur de l’éducation – Jean-Michel Blanquer s’y consacre. Je pense non seulement à la création des cités éducatives, mais aussi au dédoublement des classes.

Trop longtemps, dans ces territoires, l’accompagnement social a été la règle et le développement économique, l’exception. Or ce dernier est un levier incontournable pour l’attractivité des territoires, les emplois et la qualité de vie.

Je pourrais vous parler encore longtemps des autres actions que nous mettons en place, comme les maisons France Services, le dispositif Nature en ville ou les quartiers productifs, mais le temps m’est compté. Cela étant, je ne doute pas que nous reviendrons au cours du débat sur ces initiatives fondamentales.

Notre ambition reste intacte pour nos quartiers, afin que ceux-ci puissent participer à la transformation de notre pays, qu’ils en bénéficient et qu’ils fassent partie de cette France de 2030 que nous sommes en train de construire avec le Président de la République, Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sophie Primas. Avec qui ?

Débat interactif

Mme le président. Dans le débat interactif, la parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la ministre, votre collègue chargée du logement a fait couler beaucoup d’encre il y a quelques mois en affirmant : « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène dans une impasse. »

L’habitat individuel étant plébiscité par plus de 80 % des Français, cette phrase a pu choquer certains.

Toutefois, la crise écologique et la crise que connaît notre pays en matière de logement nous poussent à nous interroger sur les modèles qui régissent notre conception de l’habitat.

Sur les 37 millions de logements existants, 55 % sont des logements individuels. Or nos collectivités territoriales se trouvent confrontées à un double impératif : concilier le besoin croissant de logements et la préservation de l’environnement, notamment en respectant l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols.

Dans certains territoires, cette équation se solde par des prix de l’immobilier qui flambent et qui représentent une charge intolérable pour les ménages. Les 10 % des foyers les plus modestes consacrent près de la moitié de leur budget au logement. Dans les villes, les entreprises peinent à recruter les travailleurs clés qui font tourner l’économie, mais ne peuvent plus habiter sur place.

Aussi, certaines collectivités font le choix de construire la ville sur la ville, c’est-à-dire de construire sans s’étaler. À Clermont-Ferrand, chef-lieu de mon département, cette solution se traduit par la clause dite canopée, qui permet de déroger à la règle des vingt-huit mètres de hauteur maximum dans certaines zones, notamment les friches : les réhabilitations mises en œuvre permettent d’accroître les zones végétalisées et, ainsi, d’améliorer le cadre de vie des habitants.

Toutefois, la maison individuelle représente encore 40 % des logements autorisés, et une large majorité des permis de construire se situent dans les couronnes des pôles urbains. Dans le même temps, les centres-bourgs des petites villes se vident de leurs habitants et, dans les campagnes,…

Mme le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Éric Gold. … on constate un quasi-gel des permis de construire.

Ma question est la suivante : quelles sont les intentions du Gouvernement pour répondre à la crise du logement, c’est-à-dire construire plus, mais surtout construire mieux, tout en restant à l’écoute des attentes des Français quant à leur parcours résidentiel ?

Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous avez deux minutes maximum pour poser votre question. Je vous remercie par avance de respecter ce temps de parole, car d’autres débats suivent : l’ordre du jour de nos travaux est très contraint.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Éric Gold, oui, les Français plébiscitent encore la maison individuelle et il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause cette aspiration, qui est avant tout celle du confort et de la qualité de vie.

Néanmoins, il faut regarder la réalité en face – c’était, selon moi, le sens des propos de ma collègue Emmanuelle Wargon – et s’interroger sur le modèle du pavillon de banlieue, développé dans les années 1960 et 1970, qui va de pair avec la désertification des centres-villes.

En parallèle, la disparition des commerces de proximité et l’éloignement des services nourrissent un sentiment d’exclusion chez certains habitants de ces lotissements. À cet égard, leurs attentes se sont fortement exprimées sur les ronds-points lors du mouvement des « gilets jaunes ». (M. Jean-Claude Anglars manifeste son désaccord.)

Enfin, reconnaissons-le, les espaces naturels disparaissent à grande vitesse : toutes les cinq minutes, nous bétonnons en France l’équivalent d’un terrain de football.

Il ne s’agit donc pas d’être pour ou contre la maison individuelle ; ce qu’il faut déterminer, c’est où et comment l’on construit. Ainsi, nous agissons concrètement pour construire plus et, surtout, pour construire mieux.

Nous favorisons la construction dans les espaces déjà artificialisés, avec la pérennisation du fonds pour le recyclage des friches. Les deux premiers appels à projets permettront la construction de 2 millions de mètres carrés dédiés à l’habitation, soit environ 70 000 logements.

Nous encourageons une densité acceptable grâce à l’aide à la relance de la construction durable dans plus de 1 300 communes.

Nous favorisons la mixité des matériaux, les constructions en bois et la qualité de vie dans les logements, notamment avec la nouvelle réglementation environnementale, dite RE2020.

Nous accompagnons davantage le logement intermédiaire et institutionnel et nous agissons pour rénover l’existant. En effet, nous pouvons aussi répondre à la demande en utilisant le parc déjà construit : c’est tout le sens de notre politique de rénovation énergétique des bâtiments.

D’ailleurs, les Français sont au rendez-vous : au titre du dispositif MaPrimeRénov’, 700 000 à 800 000 demandes ont été déposées en 2021, alors que nous attendions 500 000 dossiers. Ces chiffres montrent l’engouement qu’inspire cette mesure gouvernementale. Ce succès incontestable permet la rénovation de tous les logements, qu’il s’agisse des maisons individuelles ou des copropriétés occupées par les propriétaires. (M. François Patriat applaudit.)