Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la ministre, la question de l’énergie est revenue depuis quelques mois au cœur des débats, dans un contexte de reprise économique mondiale. Face à la hausse des prix, 5,8 millions de ménages vont bénéficier le mois prochain d’un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, et c’est une bonne nouvelle.
Entre partisans du nucléaire et défenseurs des énergies renouvelables, la politique énergétique du Gouvernement est équilibrée. Celle-ci repose, d’une part, sur le développement des énergies renouvelables et, d’autre part, sur le rôle essentiel accordé au nucléaire.
Cette position équilibrée a été rappelée la semaine dernière par le Président de la République. « Pour garantir l’indépendance énergétique de la France […] et atteindre la neutralité carbone en 2050, nous allons pour la première fois depuis des décennies relancer la construction de réacteurs nucléaires et continuer de développer les énergies renouvelables. »
Lors de la présentation du plan France 2030, un investissement de 1 milliard d’euros a été annoncé pour le développement de technologies de rupture dans le domaine du nucléaire.
Cela passe par le développement de réacteurs de petite taille, plus connus sous l’acronyme anglo-saxon SMR (Small Modular Reactors), dont la puissance de 50 mégawatts à 250 mégawatts est dix fois moins importante que celle d’une centrale classique.
Notre pays dispose de son propre projet, baptisé Nuward. Alors que les experts de RTE expliquent dans leur rapport Futurs énergétiques 2050 que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinente, je voudrais savoir, madame la ministre, quelle place peuvent occuper les SMR dans les années à venir pour favoriser notre souveraineté énergétique. Comment ces projets vont-ils se coordonner avec l’arrivée au terme de ses capacités de notre parc de réacteurs nucléaires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, à court terme, comme vous l’avez dit, nous protégeons le pouvoir d’achat des Français à l’aide de l’augmentation du chèque énergie par un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, et au moyen de la prime inflation.
À moyen terme, notre objectif est à la fois l’efficacité et la décarbonation. Pour l’atteindre, nous allons effectivement programmer la construction de nouvelles capacités de production, dans les domaines tant des énergies renouvelables que du nucléaire.
Au sein de la technologie nucléaire, nous visons un mix diversifié afin d’éviter toute dépendance à une technologie unique.
À l’horizon 2050, plusieurs de ces technologies sont envisageables.
La technologie de grande puissance EPR est déjà éprouvée en Europe et en Chine. Nous bénéficions à ce titre d’un premier retour d’expérience la concernant, et elle est déjà adaptée au réseau de distribution français.
Une autre technologie est constituée par les petits réacteurs modulaires SMR, dont la puissance est plus réduite et le développement actuel moins avancé. À plus long terme, les SMR pourraient présenter des avantages grâce à leur conception compacte, plus simple, et à leur modularité permettant des économies au stade de la conception, avec une part plus importante de préfabrication standardisée. Ces atouts pourraient permettre aux SMR de venir compléter une offre nucléaire de grande puissance. Ils sont aussi susceptibles de répondre aux besoins de sites isolés ou de zones dans lesquelles le développement du réseau électrique est insuffisant.
Le soutien apporté par le plan France Relance puis par France 2030 aux phases d’avant-projet et au développement du projet français de SMR doit permettre d’avancer dans cette voie innovante pour en démontrer la faisabilité, préalable à toute perspective d’intégration au mix électrique, en France ou à l’étranger.
La relance à court terme d’un nouveau programme nucléaire en France reposera sur des technologies éprouvées telles que l’EPR. Le SMR français pourra compléter dans un second temps l’offre nucléaire du mix énergétique, dans le cadre d’un déploiement industriel à l’horizon 2040.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la ministre, la souveraineté énergétique de notre pays se fonde notamment sur notre maîtrise de la technologie nucléaire. Elle nous permet d’obtenir une électricité décarbonée et nous assure une production stable dont nous conservons le contrôle.
Le contexte géopolitique actuel nous rappelle que l’indépendance énergétique est un vrai levier de souveraineté et même d’indépendance politique.
Afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2023 prévoit de réduire la part de l’énergie nucléaire à 50 % du mix électrique de notre pays. Dès son adoption, je faisais partie de ceux qui doutaient de son réalisme et de son équilibre sur le long terme.
Force est de constater que notre politique énergétique doit souvent faire face à des injonctions contradictoires. La fermeture de la centrale de Fessenheim, guidée plus par des considérations politiques que par des réalités techniques ou de sûreté, en est le parfait exemple.
M. François Bonhomme. Bien sûr !
M. Franck Menonville. Elle fait peser le risque de tensions sur notre approvisionnement et nous contraint à repousser par là même la fermeture des dernières centrales à charbon.
En effet, RTE vient de publier des scénarios à l’horizon de 2050 qui font apparaître qu’on ne peut pas se passer du nucléaire, même avec un développement très ambitieux et nécessaire des énergies renouvelables dans le cadre des usages électriques.
Les dernières annonces présidentielles relatives au déploiement de réacteurs de quatrième génération pour assurer le renouvellement du parc actuel vont d’ailleurs dans ce sens.
Madame la ministre, à quelle échéance comptez-vous réactualiser cette PPE, et quelle place y tiendra le Parlement ? L’énergie mérite un vrai débat parlementaire. Ne mérite-t-elle pas aussi un ministère dédié, afin de porter une véritable politique énergétique cohérente et de long terme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Ça, c’est envoyé !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. La programmation pluriannuelle de l’énergie actuellement en vigueur a été adoptée en avril 2020, comme vous le savez.
Elle couvre la période 2019-2028 et définit les mesures de politique énergétique permettant d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050, au moyen de la réduction de la consommation d’énergie, de la diversification du mix énergétique, du développement des énergies renouvelables et de la réduction de l’usage des énergies fossiles.
C’est dans ce cadre qu’a été pilotée la fermeture des quatre dernières centrales à charbon. Deux sont déjà très engagées, au Havre et à Saint-Avold. La fermeture de celle de Gardanne aura lieu dans un deuxième temps. S’agissant de la centrale de Cordemais, comme vous le savez, elle est liée à l’alimentation en électricité de la pointe bretonne, et la poursuite de son activité n’a donc aucun rapport avec la fermeture de Fessenheim.
La loi relative à l’énergie et au climat promulguée en novembre 2019 prévoit qu’une loi de programmation de politique énergétique et climatique sera adoptée d’ici à la mi-2023, puis que la PPE sera adaptée un an plus tard, soit à la mi-2024. La prochaine PPE couvrira les périodes 2024-2033. Le Parlement sera donc étroitement associé aux choix énergétiques à l’avenir, en application, donc, de la loi Énergie et climat.
Afin d’alimenter les réflexions, le Gouvernement a lancé le 2 novembre dernier une concertation ouverte à tous sur internet autour de douze grands thèmes de la stratégie française sur l’énergie et sur le climat. Depuis le début du mois de novembre, les premiers groupes de travail technique avec les parties prenantes ont démarré. Ils se poursuivront jusqu’à l’automne 2022. À l’issue du débat parlementaire sur la loi de programmation, la PPE fera l’objet au deuxième semestre 2023 d’une concertation préalable sous l’égide d’un garant et de la Commission nationale du débat public.
Comme vous le voyez, le Parlement sera désormais totalement associé aux grands choix énergétiques français.
M. Stéphane Piednoir. C’est nouveau !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame la ministre, ma question s’inscrit dans la ligne ouverte par Franck Menonville.
À la veille de la présidence française de l’Union européenne (PFUE), nous voyons paraître des articles passionnants, comme notamment celui de votre collègue ministre de l’économie, qui propose de réformer le marché européen de l’énergie.
C’est une excellente idée, mais il faudrait être un petit peu plus précis et plus clair sur les ambitions du Gouvernement, à condition naturellement d’être certain que le ministre parle bien au nom de celui-ci…
En matière de souveraineté énergétique de la France, la question majeure demeure celle de la capacité de financement que le marché européen de l’énergie, tel qu’il est organisé aujourd’hui, donne à nos deux grandes filières. La filière nucléaire, à laquelle je crois profondément, est riche de différentes promesses, à condition naturellement de pouvoir être financée. Il reste encore à prouver que la filière éolienne maritime est compétitive.
Or il y a deux obstacles à cette capacité de financement : la sortie de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) et la taxonomie. Sur ces deux sujets, madame la ministre, quels sont vos objectifs de succès pour la PFUE ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Longuet, comme vous l’avez dit, la formation des prix dans le marché européen de l’électricité est élaborée au moyen d’une méthode collective fondée sur le coût marginal de production.
Ce système permet d’optimiser le fonctionnement du réseau électrique européen en faisant appel à chaque instant au moyen de production le moins cher à l’échelle de la plaque européenne, au bénéfice de l’ensemble des consommateurs. Comme les marchés sont interconnectés à l’échelle européenne, c’est donc le prix du dernier moyen de production appelé dans l’ensemble de l’espace qui établit le prix du marché.
En ce moment, il s’agit en général d’une centrale au gaz, ce qui lie le prix de marché de l’électricité au prix du gaz. Cette situation persistera probablement tant que les moyens de pointe fossiles seront nécessaires pour assurer l’équilibrage du système.
La persistance de prix élevés sur ces marchés est préoccupante. C’est la raison pour laquelle la France plaide pour une évolution de l’articulation entre l’amont et l’aval du marché européen de l’électricité, pour que le prix payé par le consommateur reflète les coûts de production du système électrique et du mix national, et non le prix marginal fossile.
La France estime que cette démarche est tout à fait compatible avec le fonctionnement du marché européen de gros. L’ensemble du Gouvernement – je vous rassure sur ce point – est très mobilisé pour faire avancer ce sujet crucial auprès de l’Union européenne et des États membres, maintenant et bien sûr pendant la présidence française de l’Union européenne.
Barbara Pompili, Bruno Le Maire et moi-même – je me suis rendue au Conseil « Énergie » à Luxembourg il y a quelques semaines –, nous portons ainsi conjointement les demandes de la France dans les instances européennes qui relèvent de nos compétences.
Nous souhaitons établir un lien plus fort entre le prix payé par les consommateurs et le coût de production de la composante bas-carbone du mix électrique national.
Nous souhaitons également introduire dans la directive européenne le droit pour les consommateurs d’avoir accès à des contrats de fourniture d’électricité offrant une certaine stabilité des prix.
Enfin, nous plaidons pour que la Commission européenne aboutisse sur le sujet de la taxonomie, en y intégrant tous les moyens de production décarbonés.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. Je me réjouis de vos annonces concernant la taxonomie, à condition que vous obteniez en effet des résultats. Je vous rappelle que le système du coût marginal calculé sur la dernière centrale à charbon ou à lignite allemande est simplement absurde. S’il y a des pays européens qui refusent l’énergie moderne et décarbonée, c’est leur problème, et ils n’ont pas à nous le faire payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, nous en convenons tous, il est urgent de développer davantage, plus vite et plus fort, de nouveaux modes de production d’électricité, qui soient renouvelables et compétitifs, qui contribuent à notre indépendance énergétique et qui renforcent la résilience de notre système électrique.
La faisabilité technique d’un mix électrique décarboné, sans nouveau nucléaire, 100 % renouvelable, d’ici à 2050, est possible ! Si certains aiment accuser l’éolien de tous les maux, il est pourtant l’une des clés majeures de la transition.
M. Daniel Gueret. Quand il y a du vent !
M. Daniel Salmon. Tous les scénarios prospectifs de transition énergétique, ceux de la RTE, de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) ou de l’association négaWatt, ainsi que les prévisions d’investissement à moyen ou à long terme pour les EnR intègrent l’éolien comme élément clé incontournable.
Il s’agit d’une filière qui crée de l’activité économique et de l’emploi sur tout le territoire, du sous-traitant au développeur-exploitant, en passant par les bureaux d’études, l’ingénierie ou les constructeurs de turbines. Aujourd’hui, en France, le tissu industriel éolien regroupe plus de 900 entreprises et près de 23 000 emplois. Les perspectives et les opportunités des prochaines années sont immenses.
Concernant l’éolien en mer, le premier parc offshore situé à Saint-Nazaire va être inauguré dans quelques mois, vingt ans après ceux des Anglais, des Belges ou des Danois ! Notre pays est pourtant idéalement configuré pour son développement, puisqu’il possède la deuxième surface maritime mondiale, avec quelque 11 millions de kilomètres carrés de zone maritime.
Globalement, l’éolien montre un retard préoccupant sur les objectifs que nous nous sommes fixés. Sans même aller jusqu’à un scénario d’énergies 100 % renouvelables, les objectifs de la PPE nous somment d’atteindre en capacité installée le double de la situation actuelle. Dans les six prochaines années, nous devons passer de 17,8 gigawatts en 2021 à 34,1 gigawatts en 2028.
L’État doit être davantage proactif dans l’accompagnement de cette énergie nouvelle. Comment, madame la ministre, la puissance publique compte-t-elle agir pour rattraper ce retard et favoriser un développement harmonieux dans les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Salmon, je vous rejoins : le rapport RTE démontre à nouveau que les énergies renouvelables sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone. Quel que soit le scénario, il nous faudra développer de façon très volontariste toutes les énergies renouvelables, y compris l’éolien terrestre et l’éolien en mer.
L’éolien terrestre contribue déjà à la lutte contre le réchauffement climatique. RTE a calculé qu’en 2019, les parcs photovoltaïque et éolien français ont permis d’éviter l’émission de 22 millions de tonnes de CO2 en se substituant à des moyens fossiles.
L’éolien contribue aussi à notre sécurité d’approvisionnement. En 2020, l’éolien terrestre a représenté 8 % de notre production électrique nationale, ce qui en fait la troisième source derrière le nucléaire puis l’hydroélectricité, et devant les centrales à gaz.
Enfin, il crée des emplois sur notre territoire. La filière éolienne représente plus de 22 000 emplois directs et indirects à la fin de 2020. Le Gouvernement souhaite donc poursuivre le développement de l’éolien terrestre et de l’éolien en mer pour atteindre les objectifs ambitieux de la PPE.
À cette fin, pour le terrestre, nous avons mis en place cet été un nouveau dispositif d’appels d’offres pour la période 2021-2026, qui permettra de lancer au moins 25 gigawatts de nouveaux projets terrestres photovoltaïques et de petite hydroélectricité durant les cinq années à venir.
Nous travaillons bien sûr à maintenir l’acceptabilité des énergies renouvelables. La ministre de la transition écologique a ainsi annoncé, au début du mois, dix mesures pour garantir un développement responsable de l’éolien terrestre, dont la mise en place d’un médiateur de l’éolien, des contrôles systématiques du bruit, des expérimentations pour réduire les nuisances liées au balisage, ou la création d’un fonds de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel alimenté par les développeurs éoliens.
L’appropriation des projets par les territoires passera aussi par une planification adaptée à chaque filière, à travers les comités régionaux de l’énergie qui associeront largement les élus locaux et permettront à l’éolien de se déployer dans la concertation.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Ni renouvelable ni durable : le nucléaire est, n’en déplaise à certains, coûteux et dangereux. Il faut donc consacrer nos investissements d’aujourd’hui à de véritables énergies d’avenir.
Mme Sophie Primas. Oh là là…
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Une seule question, madame la ministre : peut-on parler de la souveraineté énergétique française sans remettre en cause le marché européen de l’énergie, en continuant de vendre nos fleurons industriels énergétiques et en voulant démembrer l’entreprise historique, EDF ? (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Je l’ai indiqué en répondant à la question précédente, monsieur le sénateur Gay, le Gouvernement souhaite réviser les modalités de fixation des prix sur le marché européen de l’énergie, afin que le tarif tienne compte du mix énergétique, donc du mode de production sur le territoire national, et non seulement du prix marginal facturé à l’échelle européenne.
Nous travaillons également, bien évidemment, au maintien d’EDF comme acteur majeur de notre transition écologique et énergétique. Cette entreprise a vocation à poursuivre l’exploitation de notre parc nucléaire et à développer massivement les énergies renouvelables, les capacités de stockage ainsi que les réseaux intelligents.
La priorité du Gouvernement est qu’EDF dispose de capacités accrues d’investissement pour qu’elle puisse participer pleinement à la transition énergétique dans ses différentes composantes, tout en restant une entreprise intégrée et publique. Cette démarche s’inscrit dans une vision plus large de l’État, consistant à sécuriser le maintien des installations nécessaires au succès de nos ambitions climatiques afin de corriger, je l’indiquais, les imperfections du marché de l’électricité.
Dans ce contexte, l’État entretient avec la Commission européenne, depuis plusieurs mois, des échanges approfondis, afin de convenir d’un projet équilibré de réorganisation d’EDF. Des progrès substantiels ont été réalisés lors de ces discussions, mais celles-ci n’ont pas encore abouti à un accord global. Nous les poursuivons donc.
Nous avons toujours pour objectif la mise en œuvre d’une réforme, protectrice pour les consommateurs et respectueuse des intérêts d’EDF, de la régulation du parc nucléaire français existant et du parc hydroélectrique de cette entreprise. Au cours des derniers mois, le Gouvernement a mené de nombreuses réunions bilatérales avec les organisations syndicales réunies en intersyndicale, afin de concevoir avec celles-ci une approche commune de cette réforme. Selon l’avancée de nos futurs échanges avec la Commission, de nouvelles concertations seront menées auprès de ces organisations.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, ma question était : poursuivons-nous la libéralisation du secteur de l’énergie ? Cette question vous est posée parce que, on le voit bien, l’organisation du marché européen, qui n’est pas de votre fait puisqu’elle date de 2002, ne fonctionne plus, alors que nous avons l’énergie la moins chère et la plus décarbonée, grâce à notre parc nucléaire ! (Marques d’assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Fabien Gay. Les Français sont en train de payer le prix de l’Europe libérale, puisque le tarif de l’électricité est fixé en fonction de celui du gaz ; voilà la réalité ! (M. Franck Menonville applaudit.) On marche sur la tête ! Nous n’y arriverons donc pas si nous ne sortons pas du marché européen de l’énergie.
En outre, comment un État qui entend parler de la question de souveraineté peut-il s’amputer d’un certain nombre de fleurons industriels ? Inutile de remonter à Alstom et à General Electric : nous sommes en ce moment en train de scinder Engie en deux, puisque la filiale Equans de ce groupe va être rachetée par Bouygues, l’autre partie devant être – on l’évoquait déjà, dans cet hémicycle même, voilà deux ans – rachetée par Total. Mais comment conduirez-vous la transition énergétique lorsque vous n’aurez plus aucun levier ?
Enfin, vous souhaitez démembrer l’entreprise EDF, main dans la main de la Commission européenne. Mais comment pourrez-vous investir, par exemple, dans le nucléaire et dans les petits EPR, lorsque vous aurez isolé le nucléaire dans ce que l’on appelle EDF Bleu, lorsque vous aurez scindé l’entreprise en trois et que vous aurez privatisé la filière Enedis, celle qui rapporte aujourd’hui de l’argent ? Vous n’aurez plus du tout d’argent pour investir, notamment dans la filière nucléaire et dans la transition énergétique !
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Fabien Gay. Bref, vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire pour conquérir la souveraineté énergétique française, c’est-à-dire sortir le secteur de l’énergie des mains rapaces du privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. En juin 2020, madame la ministre, la commission des affaires économiques du Sénat alertait sur le risque inflationniste du secteur de l’énergie lié à la sortie de crise. Ce risque s’étant désormais réalisé, il témoigne de la situation de dépendance énergétique de notre pays. En effet, rappelons-le, 67 % de notre consommation finale d’énergie est encore issue de combustibles fossiles, carbonés et importés.
La poursuite de l’essor des énergies renouvelables est une première partie de la réponse, comme le démontre le rapport de RTE publié le 25 octobre dernier, mais la relance du nucléaire est l’autre pendant de la réponse.
Alors que, depuis les années 1970, l’énergie nucléaire a contribué à éviter, à l’échelle mondiale, l’émission de gaz à effet de serre à hauteur de 63 gigatonnes de CO2, il serait impensable de ne pas s’appuyer sur cette énergie pour décarboner et électrifier notre économie et il serait plus que regrettable qu’elle ne figure pas dans la taxonomie européenne.
À cet égard, les dernières annonces présidentielles vont dans le bon sens et permettent de replacer l’atome au cœur de la transition énergétique, mais nous ne pouvons que déplorer le temps perdu dans ce secteur pourtant crucial.
Par ailleurs, nombre d’incertitudes subsistent : quels seraient le nombre de réacteurs envisagés et leur rythme de déploiement ? Comment garantir la maîtrise des coûts et éviter un « Flamanville bis » ?
Si la France peut mettre fin à sa dépendance énergétique et retrouver sa souveraineté en la matière en sortant des énergies fossiles, cela devra passer par une stratégie additive alliant production d’EnR et relance du nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Moga, je vous rejoins très largement sur la question des orientations. Nous en avons trois.
La première consiste à baisser la consommation grâce à des efforts de sobriété, car c’est ainsi que nous nous en sortirons. Mon secteur, la rénovation énergétique des bâtiments, constitue d’ailleurs un levier prometteur, grâce auquel on peut engendrer une véritable baisse de la consommation d’énergie, tout en allégeant d’ailleurs les factures des ménages.
Second objectif : développer les énergies décarbonées et, en la matière, nous n’opposons pas les énergies renouvelables et le nucléaire, nous avons besoin des deux. C’est du reste ce que montrent très clairement les scénarios de RTE.
Dans la trajectoire consistant à diminuer notre consommation globale d’énergie, mais à augmenter notre consommation d’électricité, qui remplacera des énergies fossiles, il faut soutenir massivement les renouvelables et relancer le programme nucléaire.
Nous le savons, cette énergie fera durablement partie de notre mix énergétique.
Le Président de la République s’est exprimé sur cette relance du programme nucléaire ; il précisera les choses dans les jours ou dans les semaines qui viennent.
Toutefois, je l’indiquais précédemment, nous nous appuierons, pour cela, sur les technologies éprouvées, en particulier celle de l’EPR, qui, de même que la technologie des SMR, est soutenue par le plan France Relance et par France 2030. Ce programme permet également de soutenir le plan d’excellence de la filière, afin de renforcer la capacité de celle-ci à livrer, de façon opérationnelle et dans les délais, les technologies requises.
C’est cet ensemble de politiques publiques – ensemble clair, cohérent et permettant de se projeter à moyen et long termes – qui nous permettra d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
En effet, M. le sénateur Gremillet citait la COP de Glasgow dans son introduction et nous avons réaffirmé, à cette occasion, l’ambition de l’Accord de Paris. Nous devons solidifier la trajectoire à l’horizon 2050 et les énergies renouvelables y contribueront.
Pour ce qui concerne la taxonomie européenne, je le répète, nous souhaitons que toutes les énergies décarbonées y figurent.