Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’engager la discussion des amendements, je souhaite clarifier les termes du débat qui s’annonce tant ce sujet est important et les équilibres de ces dispositifs fragiles.
L’année dernière, nous avons adopté, en loi de financement de la sécurité sociale, une réforme majeure de l’accès précoce. Cette réforme, qui a profondément revu les mécanismes de prise en charge dérogatoire, a rénové le cadre de l’accès des patients à l’innovation, et ce même très en amont d’une autorisation de mise sur le marché (AMM).
Pour être éligible à l’accès précoce, le médicament doit être destiné à traiter des maladies graves, rares ou invalidantes et répondre à trois conditions : il n’existe pas de traitement approprié disponible ; la mise en œuvre du traitement ne peut être différée ; enfin, bien évidemment, le médicament doit être présumé innovant.
L’article 36 ouvre un nouveau dispositif, dit « d’accès direct », issu des recommandations du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) en 2021. Ce dispositif est bienvenu et complémentaire – j’insiste sur ce second point. Il tend à permettre une prise en charge post-AMM, et après évaluation de la Haute Autorité de santé, sans condition de gravité de la pathologie ni d’urgence. Il pourra, en outre, être ouvert à des spécialités présentant un service médical rendu important, mais avec une amélioration, même mineure, du service médical rendu, de I à IV.
Nous devons veiller – cela a été notre préoccupation en commission et je m’en préoccupe encore en ma qualité de rapporteure – à ce que le nouveau dispositif présenté sous forme d’expérimentation s’articule correctement avec l’accès précoce, compte tenu des amendements qui ont été déposés. Il ne faut pas que cette expérimentation conduise à bouleverser la réforme de l’accès précoce, mise en œuvre depuis juillet dernier seulement, et dont tous les acteurs se félicitent. Derrière ces dispositifs, il y a des patients qui attendent : ne risquons pas de retarder l’accès des patients atteints de pathologies graves à des médicaments innovants.
L’année dernière nous avons mis en place l’accès précoce : un médicament peut être autorisé, avant l’AMM, pour des maladies graves, rares ou invalidantes et sans autre alternative thérapeutique. En l’occurrence, nous parlons d’un accès direct : le médicament a obtenu son AMM et la Haute Autorité de santé a rendu son avis. Il s’agit donc de raccourcir le délai pour permettre l’accès des patients à ce médicament pendant que les négociations continuent de se dérouler entre l’industriel et le comité économique des produits de santé (CEPS).
Mme la présidente. L’amendement n° 982 rectifié bis, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier et Rossignol, M. Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, MM. Chantrel, Durain, Gillé, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Leconte, Lurel, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot, Vaugrenard, Stanzione, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Un an seulement après le vote de la réforme des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) et la création des dispositifs d’accès précoce et d’accès compassionnel, le Gouvernement propose un nouvel étage avec le dispositif expérimental d’accès direct.
L’accès précoce et l’accès compassionnel ne sont applicables que depuis le 1er juillet dernier. Comment le Gouvernement peut-il déjà évaluer que ces deux modalités de mise à disposition de médicaments innovants sont insuffisantes pour « garantir un accès et une prise en charge immédiats des patients tout en assurant la soutenabilité financière du dispositif » ?
En outre, la réforme adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 visait à simplifier et harmoniser les procédures. En les empilant de nouveau et en déstabilisant le système chaque année, le Gouvernement va à rebours de son objectif.
La critique d’une complexité due à de multiples modifications incrémentales, utilisée pour justifier la réforme de l’an passé, peut tout à fait s’appliquer, cette année, à celle de l’accès direct.
Enfin, l’inquiétude et les incertitudes soulevées par cette nouvelle expérimentation résident dans le fait que cet article dépasse les restrictions posées dans loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, puisqu’il autorise l’accès au marché et le remboursement de médicaments venant soigner des maladies qui ne sont pas rares ou graves et de médicaments n’étant pas évalués comme innovants, contrairement aux exigences du dispositif d’accès précoce. Dès lors, ne s’agirait-il pas d’une simple mesure de dérégulation ?
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose de supprimer l’article 36.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet article est la traduction d’une recommandation du CSIS. Il est complémentaire, comme je l’ai souligné, de la procédure d’accès précoce, en apportant une réponse à d’autres besoins.
Il y a bien un sujet concernant l’articulation avec la réforme des ATU, que nous avons votée l’an dernier, mais cela ne justifie pas la suppression de l’article.
Encadrons correctement cette expérimentation et veillons au bon partage des rôles entre accès précoce et accès direct, comme j’ai essayé de vous l’expliquer dans mon propos liminaire, mais ne rejetons pas ce dispositif par principe.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 982 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 926 rectifié bis, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier et Rossignol, M. Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, MM. Chantrel, Durain, Gillé, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Leconte, Lurel, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot, Vaugrenard, Stanzione, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
des armées
insérer les mots :
selon des modalités définies par la Haute Autorité de santé garantissant l’égal accès de la population cible à ces spécialités pharmaceutiques sur l’ensemble du territoire national
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement de repli vise à garantir une égalité d’accès, sur l’ensemble de notre territoire, aux spécialités pharmaceutiques bénéficiant du nouveau dispositif expérimental d’accès direct.
Le texte dispose que seuls certains établissements pourront bénéficier de ces spécialités : nous souhaitons étendre cet accès à l’ensemble des établissements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’intention des auteurs de cet amendement est louable, mais le dispositif proposé est dénué de portée opérationnelle : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 926 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 349 est présenté par M. Savary.
L’amendement n° 446 rectifié est présenté par MM. Milon et D. Laurent, Mme L. Darcos et MM. Chatillon, Karoutchi, Bouchet, Charon, Daubresse, B. Fournier, Klinger et Bonne.
L’amendement n° 1035 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 349.
M. René-Paul Savary. Je voudrais tout d’abord remercier Mme la rapporteure d’avoir clarifié le débat. Il s’agit d’une situation relativement complexe.
Un dispositif est à peine sur pied qu’on veut en mettre un autre en place ! Et plutôt que de l’huile, il me semble bien que l’Assemblée nationale a déposé des grains de sable dans les rouages !
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui vise à déconnecter la demande d’autorisation d’accès précoce du dispositif de l’accès direct, afin de rendre ce dernier effectivement utilisable.
Rien ne justifie cette restriction : l’alinéa 4, que je vous propose de supprimer, réserve le bénéfice de l’accès direct à une mise à disposition des patients, après l’évaluation de la Haute Autorité de santé, aux seuls médicaments n’ayant pu bénéficier de l’accès précoce tout en y étant éligibles.
Il existe de nombreux médicaments, dont le caractère innovant a été reconnu par la HAS, qu’il conviendrait de mettre rapidement à disposition des patients.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 446 rectifié.
M. Alain Milon. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les explications de Mme la rapporteure auxquelles j’adhère totalement.
Elle nous propose avant tout de protéger le patient dans le cadre de l’accès au médicament : je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 446 rectifié est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1035.
M. Olivier Véran, ministre. Il s’agit également de supprimer l’obligation de dépôt préalable d’une demande d’autorisation d’accès précoce pour pouvoir bénéficier de l’accès direct.
Toutefois, en raison de la lourdeur de la procédure tant pour les agences que pour les laboratoires, le Gouvernement envisage de mettre en place une grille de remise augmentée pour l’accès direct par rapport à celle de l’accès précoce, et ce afin d’éviter que les laboratoires ne privilégient l’accès direct au détriment de l’accès précoce.
Comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure, il s’agit de deux mécanismes différents, qui doivent se compléter dans des situations également différentes. L’un ne doit pas prévaloir sur l’autre. C’est la raison pour laquelle nous proposons de mettre en place un dispositif plus incitatif pour l’accès précoce.
Mme la présidente. L’amendement n° 178, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
1° bis Lorsque la spécialité répond aux critères d’éligibilité d’une autorisation d’accès précoce, l’exploitant a déposé une demande (le reste sans changement)
2° Seconde phrase
Après les mots :
cette demande
insérer les mots :
d’autorisation d’accès précoce
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le dispositif d’accès direct concerne un champ de spécialités qui ne répondent pas toutes aux critères de l’accès précoce. Aussi, il ne convient d’exiger le dépôt d’une demande préalable d’accès précoce que dans le cas où ces critères pourraient être remplis.
Le présent amendement vise à préciser ce champ et à procéder à une clarification rédactionnelle.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 256 rectifié est présenté par Mme Delmont-Koropoulis, M. Bascher, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Burgoa, Gremillet, Klinger, D. Laurent, Longuet et Tabarot.
L’amendement n° 289 rectifié est présenté par MM. Henno, Moga et Capo-Canellas, Mme Létard, M. Le Nay, Mme Dindar, MM. Janssens, Canévet, Duffourg et J.M. Arnaud, Mmes Jacquemet et Billon et M. Mizzon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
, au plus tard lors du dépôt de sa demande d’autorisation de mise sur le marché correspondante
La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour présenter l’amendement n° 256 rectifié.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Un amendement gouvernemental, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, a précisé que l’accès direct s’appliquait aux traitements innovants n’ayant pas obtenu au préalable une autorisation d’accès précoce.
Cependant, le délai imposé aux industriels pour effectuer cette demande d’accès précoce apparaît peu réaliste et risque de rendre l’accès direct inopérant.
En effet, les laboratoires pharmaceutiques, et à plus forte raison les petites entreprises et start-up, ne seront pas en mesure de déposer un dossier de demande d’accès précoce en France avant même la demande d’autorisation de mise sur le marché, surtout lorsqu’il s’agit d’une procédure centralisée européenne – les AMM européennes sont parfois délivrées près de deux ans après le dépôt de la demande.
À ce stade, dans la grande majorité des cas, les entreprises ne disposent pas encore d’une vision suffisamment fine pour leur permettre de savoir si le traitement peut répondre aux exigences du dispositif d’accès précoce.
Il convient donc de lever cette limite temporelle tout en conservant l’obligation d’avoir déposé une demande préalable d’autorisation d’accès précoce.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 289 rectifié.
M. Olivier Henno. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Après le mot :
cette
insérer le mot :
dernière
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune, à l’exception de ceux qu’elle a elle-même présentés ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. En tant que rapporteure, il me revient de conseiller le Sénat et de lui proposer une position cohérente en vue d’assurer la solidité du dispositif.
Cette situation ne me gêne aucunement, mais je me dois de souligner que le débat ouvert sur cet alinéa 4 se présente dans des termes qui ne sont satisfaisants ni sur la forme ni sur le fond.
Lors de nos auditions, nous avions identifié une lacune de ce dispositif et un risque non négligeable de déport de l’accès précoce vers l’accès direct, ce qui risque d’entraîner in fine un retard dans l’accès à l’innovation pour les patients atteints de maladies graves, rares ou invalidantes.
Le Gouvernement avait constaté cette lacune, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. Toutefois, cet alinéa 4 a été modifié à l’Assemblée nationale avec le soutien du rapporteur général.
Comme je l’ai dit en commission, nous partageons l’intention des auteurs de l’amendement, mais nous n’approuvons pas la rédaction retenue : l’accès précoce et l’accès direct n’ayant pas vocation à concerner les mêmes spécialités, il est nécessaire d’assurer la bonne répartition des médicaments sur les bons dispositifs et de prévenir le déport.
Partant du principe que l’essentiel des médicaments concernés par l’accès direct ne devrait pas être éligible à l’accès précoce, il ne nous paraît pas opportun – ce serait même contre-productif – de prévoir le dépôt systématique d’une demande d’accès précoce comme condition nécessaire.
Par ailleurs, une question de cohérence des calendriers se pose avec une date butoir fixée à la date de demande d’autorisation de mise sur le marché qui ne semble pas en adéquation avec le fonctionnement réel des industriels et des autorités sanitaires.
C’est la raison pour laquelle la commission a déposé l’amendement n° 178, qui vise à ce que cette demande d’accès précoce demeure une condition nécessaire, mais dans les seuls cas d’une éligibilité à ce premier dispositif.
C’est également la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 256 rectifié et 289 rectifié visant à lever la date limite de dépôt de la demande d’accès précoce fixée.
Disons-nous les choses, monsieur le ministre : que comprendre de cette proposition de suppression, soutenue par le Gouvernement ? Ce dernier se dédit-il ? Nous demande-t-il de nous dédire également, alors que nous avions soulevé cette lacune ? Face à un problème manifeste, le Gouvernement préfère-t-il l’absence de solution plutôt que la précision apportée par l’amendement de la commission ? Devons-nous comprendre que les craintes des autorités sanitaires indépendantes sont infondées ?
Il faut certainement faire confiance aux industriels et le Gouvernement veillera, par l’incitation des barèmes tarifaires à l’attractivité de l’accès précoce vis-à-vis de l’accès direct – croisons les doigts !
La solution de la commission n’est peut-être pas parfaite, monsieur le ministre, mais nous avons l’humilité de le reconnaître. Nous étions ouverts à la discussion, prêts à l’affiner. C’est la raison d’être du débat parlementaire.
Face à une fin de non-recevoir et au dépôt de ces amendements, je ne suis pas dupe : la négociation sur cet article semble nous dépasser, et peut-être même vous dépasser aussi. Je m’interroge sur le signal incompréhensible qu’envoie le Gouvernement et qui nous laisse penser que le dispositif proposé ne tourne pas, qu’il n’est ni calibré ni finalisé. Or cela ne va pas sans risque : l’accès précoce, que nous nous félicitions de voir mis en place voilà un an, pourrait être écrasé.
Ce débat ne traduit pas une opposition politique, mais seulement une crainte concernant l’accès à l’innovation des patients souffrant de maladies rares graves, invalidantes et sans alternative thérapeutique et qui, pardonnez-moi de le rappeler, n’ont pas le temps d’attendre ! Ma seule préoccupation est d’éviter tout risque de déport vis-à-vis de l’accès précoce.
Si je ne peux présumer l’option que retiendra le Sénat dans sa sagesse, j’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 289 rectifié et 256 rectifié et défavorable sur les amendements identiques nos 349 et 1035.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Mme la rapporteure a bien expliqué l’enjeu initial de cet article.
Imaginez un patient atteint d’une leucémie sans traitement disponible sur notre territoire à ce jour. Un traitement innovant arrive des États-Unis, mais il est encore en cours d’étude et loin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. L’accès précoce permettrait alors, à titre compassionnel, la prise en charge et la prescription de ce médicament.
Imaginons ensuite un traitement qui soit éprouvé, expérimenté, et qui bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché, mais qui n’est pas encore disponible. La Haute Autorité de santé s’est prononcée et a déclaré qu’il s’agit d’un médicament très intéressant, qui va sauver des vies et qu’il faut prescrire en France. Jusqu’alors, il fallait attendre la fin des négociations entre le comité économique des produits de santé et l’industriel concerné pour faire bénéficier les malades de ce traitement innovant.
Avec l’adoption de cet article, et donc de l’accès direct, dès lors que le service médical rendu est suffisant – de type I, II ou III –, il doit être possible d’en faire bénéficier les patients avant la fin des négociations. Cela permettra de gagner des mois extrêmement précieux.
J’ai eu l’occasion d’autoriser la vente et le remboursement, cette année, d’un traitement très innovant et très prometteur contre la mucoviscidose. Avec le dispositif d’accès direct, on aurait encore pu gagner du temps. La France a été l’un des premiers pays à autoriser ce traitement, mais il aura tout de même fallu quelques mois de négociations. En votant cet article, les patients seront gagnants. J’imagine que nous sommes tous favorables à ce dispositif d’accès direct.
La discussion que nous avons eue avec nous-mêmes – cela peut arriver, madame la rapporteure, sur de tels sujets – portait sur la nécessité de corréler ou non accès direct et accès précoce. En gros, faut-il autoriser l’accès direct aux médicaments ayant déjà fait l’objet d’un accès précoce, alors qu’il s’agit de deux mécanismes différents ?
Nous étions tout d’abord favorables à la création d’un tel lien, mais le risque était grand de monter une usine à gaz et de mobiliser beaucoup d’énergie au sein des administrations de santé et donc de perdre en réactivité.
En outre, il faut avant tout éviter qu’un laboratoire préfère attendre l’accès direct pour commercialiser son médicament assez largement plutôt que tenter l’accès précoce.
Nous avons donc préféré jouer sur la désincitation financière afin de favoriser l’accès précoce et d’éviter que les laboratoires ne jouent cette dernière carte. Il s’agit alors d’un dispositif « gagnant-gagnant-gagnant ».
Il nous a donc semblé plus sage, à l’issue de cette réflexion, de supprimer toute notion de corrélation entre accès direct et accès précoce, ce qui va nous faire gagner du temps et de l’énergie.
L’esprit de l’amendement défendu par Mme la rapporteure est presque le même. Elle suggère toutefois que cette corrélation pourrait exister dans certaines situations et qu’il importe de le vérifier, ce qui risque donc de nous faire perdre du temps et de l’énergie.
Nous faisons un saut vers un dispositif qui n’existe pratiquement qu’en Allemagne. Il ne s’agit pas de déréguler, mais de se dire que les questions de prix, qui seront réglées à terme, ne doivent pas empêcher les patients d’accéder au traitement. Tout ce qui peut entraîner une perte de temps dans cette démarche me semble accessoire.
Je veux bien reconnaître que le Gouvernement a mené cette réflexion avec lui-même. Je tiens d’ailleurs à remercier les sénateurs qui ont partagé cette réflexion : comme nous, vous aviez identifié ce sujet. Toutefois, avant d’arriver à un équilibre qui nous permettrait de garder une sacro-sainte sensation de contrôle, nous aurons perdu trop de temps et ce sont les patients qui paieront, in fine.
Pour ces raisons, le Gouvernement vous appelle à adopter son amendement et l’amendement identique n° 349, et émet un avis défavorable sur les autres amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Que les choses soient bien claires : je suis favorable à l’accès direct. Ma seule préoccupation est l’intérêt des patients.
Toutefois, le risque de déport existe. Autrement, monsieur le ministre, vous ne vous seriez pas interrogé.
L’amendement de la commission vise à maintenir la corrélation entre l’accès précoce et l’accès direct pour les médicaments destinés à des patients atteints de maladies graves, rares ou invalidantes pour lesquelles il n’existe pas d’alternative thérapeutique.
Le dossier d’autorisation d’accès direct étant moins lourd, je ne voudrais pas que les laboratoires privilégient ce dispositif au détriment de l’accès précoce. Ce serait alors une réelle perte de temps, mais pour les patients !
Mme Émilienne Poumirol. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Dans cette affaire relativement complexe, nous devons choisir entre deux solutions : celle brillamment exposée par Mme le rapporteur et celle tout aussi brillamment exposée par M. le ministre.
Si nous suivons M. le ministre, il n’y aura plus de discussion ; si nous suivons Mme le rapporteur, la discussion pourra se poursuivre, ce qui me paraît d’autant plus important qu’elle évolue de jour en jour.
Je retire donc mon amendement en demandant à nos collègues de soutenir la position de notre rapporteure afin d’aller encore plus avant dans la discussion et de trouver la meilleure solution sur ces questions complexes, dans l’intérêt des malades.
M. Olivier Rietmann. Excellent !
Mme la présidente. L’amendement n° 349 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 1035.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 256 rectifié et 289 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 180, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
décidée
insérer les mots :
dans un délai de six semaines au plus
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Alors que le dispositif tend à permettre un accès rapide à l’innovation, il est important de garantir une rapidité de publication des actes réglementaires nécessaires.
Le présent amendement vise donc à prévoir un délai maximum concernant l’arrêté de prise en charge.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Dans la mesure où il s’agit d’une expérimentation en complément de l’accès précoce, nous veillerons à ce que la décision relative à la prise en charge au titre de l’accès direct intervienne dès que possible, afin de garantir l’effectivité du dispositif.
La question d’un accès rapide pour les patients reste du niveau réglementaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 181, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 9, 14, seconde phrase, et 26
Après le mot :
arrêté
insérer le mot :
conjoint
La parole est à Mme la rapporteure.