M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Valérie Boyer, les tweets publiés par le Conseil de l’Europe que vous évoquez n’ont rien à voir avec l’application du principe de laïcité en France.
Il y a en effet une différence de taille entre, d’un côté, la défense de la liberté de conscience, de religion, de conviction, par une lutte déterminée contre les discriminations, et, de l’autre, la promotion active, par une institution comme le Conseil de l’Europe, d’un signe religieux ou vestimentaire particulier. Cette distinction essentielle a été oubliée, voire niée en l’espèce, et c’est ce qui cause l’émoi collectif.
Je note que cette campagne choquante pose un double problème.
D’une part, un problème procédural, puisque les visuels publiés sur les réseaux sociaux ont été élaborés par des membres de la société civile lors d’un atelier consacré spécifiquement aux discours de haine à l’encontre des personnes de confession musulmane. Le fait qu’ils aient été relayés par le compte twitter du service antidiscrimination du Conseil de l’Europe entretient l’ambiguïté et ne reflète pas la position officielle du Conseil de l’Europe.
D’autre part, un problème de fond, puisque cette campagne, par le contenu des messages passés et par les réactions qu’elle a suscitées, a, de fait, conduit au résultat inverse de celui qui était recherché, et a gravement méconnu les principes sur lesquels est fondée notre approche du sujet.
C’est pourquoi, madame la sénatrice, nous avons, dès hier, fait part de notre désapprobation – les tweets ont été retirés – et nous avons aujourd’hui demandé à la secrétaire générale du Conseil de l’Europe de confirmer publiquement la suppression de ces messages. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Sylvie Vermeillet et Brigitte Lherbier ainsi que M. Alain Cazabonne applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, fondé sur le jugement que les femmes seraient impudiques, ou, pire encore, impures, et qu’elles seraient susceptibles d’éveiller chez les hommes des pulsions incontrôlables, le voile est une arme politique, bien évidemment contraire à nos valeurs.
Pourtant vous pratiquez toujours la politique du « en même temps ». (Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, s’exclame.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Mais il a répondu ! Il ne faut pas écrire la réplique avant la réponse !
Mme Valérie Boyer. Vous dites agir sur le plan européen, mais aucune sanction n’est envisagée ni aucune enquête prévue pour savoir d’où vient cette promotion indigne, cette déconstruction. Les visuels en anglais de cette campagne sont toujours en ligne. Est-ce cela le respect de la parole de la France ? Dans le même temps, vous vous opposez systématiquement à nos propositions pour la France. Je pense à l’interdiction du voile pour les accompagnatrices scolaires, les mineurs, ou encore au burkini.
Je croyais que votre quinquennat était placé sous le signe de l’égalité entre les hommes et les femmes. Pourtant, je constate un renoncement supplémentaire et une incohérence. Je regrette que nous n’envoyions pas un bon message aujourd’hui. Je ne vois pas en quoi la parole de la France est respectée, puisque cette campagne continue toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Cazabonne et Jean Hingray applaudissent également.)
protection de l’appellation champagne en russie
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Férat. Ma question aurait pu s’adresser au ministre de l’agriculture ou à celui des affaires étrangères, mais comme le règlement m’oblige à ne m’adresser qu’à un seul ministre, je choisis M. Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
Au début de l’été, la Russie a pris une décision qui contrevient aux intérêts de notre pays, en obligeant les producteurs de champagne à apposer la mention « vin pétillant » sur leurs bouteilles et en n’autorisant la mention « champanskoïé », soit champagne en russe, que sur les vins effervescents fabriqués en Russie. Récemment, nous avons obtenu un sursis de quelques semaines, jusqu’au 31 décembre. C’est trop court !
L’appellation champagne, protégée dans 120 pays, répond à des critères très précis d’élaboration et de production qualitatives dans une zone géographique répartie sur cinq départements : la Marne, l’Aube, l’Aisne, la Haute-Marne et la Seine-et-Marne.
Rappelons qu’en 2015 la communauté internationale a reconnu le caractère unique et exceptionnel de la Champagne, en l’ajoutant à la liste de l’Unesco.
La Russie, fière de son histoire, doit reconnaître la singularité de notre histoire champenoise. Les appellations d’origine contrôlée et protégée européennes apportent des garanties d’authenticité aux consommateurs européens comme russes.
La France respectera les appellations du tvorog ou de la smetana russes. Aussi, La Russie doit respecter ses engagements internationaux et reconnaître qu’« il n’est champagne que de la Champagne » ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Monsieur le président, avant de répondre à Mme Férat, je me permettrai de rappeler à Mme Boyer qu’il serait judicieux, quand elle pose une question au Gouvernement, qu’elle écoute la réponse du ministre, ce qu’elle n’a manifestement pas fait voilà quelques instants.
M. Franck Riester, ministre délégué. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a pourtant été très clair ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Répondez à Mme Férat !
M. Franck Riester, ministre délégué. Madame la sénatrice Férat, votre question est importante. Vous savez à quel point le Gouvernement est mobilisé pour défendre les exportateurs, tout comme les indications géographiques et les appellations protégées.
Quand nous avons appris que la Russie avait adopté une loi qui privait nos producteurs de la faculté de recourir au mot champagne en alphabet cyrillique sur les étiquettes à l’arrière des bouteilles de champagne, tout en leur permettant de maintenir la dénomination champagne sur les étiquettes principales à l’avant des bouteilles, nous nous sommes tout de suite mobilisés. Nous avons, avec Julien Denormandie, rencontré les producteurs pour calibrer notre réaction et coordonner notre action. Nous nous sommes d’ailleurs rendus dans la Marne, votre département, madame la sénatrice.
À la demande du Premier ministre, Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire, Julien Denormandie et moi-même avons saisi nos homologues russes pour leur faire part de nos préoccupations.
Notre action a porté ses fruits, puisque, le 26 octobre dernier, les autorités russes ont pris la décision d’appliquer un moratoire sur cette loi jusqu’au 31 décembre 2021. C’est évidemment une bonne nouvelle pour nos exportateurs, puisque cette période de fin d’année est propice à l’exportation de champagne.
Madame la sénatrice, je sais que vous suivez de très près ces questions-là, et, comme vous l’avez rappelé, le champagne est un vin français produit en Champagne. Nos partenaires commerciaux doivent le respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, votre présence à Épernay, accompagné de M. Denormandie, a sans nul doute compté pour obtenir ce moratoire, mais c’est insuffisant. Vous l’avez bien compris.
Le 31 décembre, c’est demain ! N’oublions pas qu’une telle mesure peut concerner prochainement toutes nos appellations. Faut-il rappeler ici l’intérêt de ces exportations dans la balance commerciale ? Vous connaissez les chiffres mieux que moi.
Monsieur le ministre, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, le moment est idéal, me semble-t-il, pour convaincre vos collègues de nous soutenir. Je vous remercie de poursuivre l’action que vous avez entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
avis de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, depuis plusieurs mois, nous vivons la libération de la parole sur les violences sexuelles, notamment celles qui sont faites aux enfants. Régulièrement, nous sommes confrontés à l’horreur ; une prise de conscience salutaire se réalise dans notre société.
Je tiens à saluer ici les travaux importants réalisés au Sénat par la mission commune d’information présidée par Catherine Deroche sur la pédocriminalité.
La semaine dernière, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a rendu un premier avis, sur les mères en lutte.
Cet avis est éclairant : il met en avant toute la problématique qui s’impose aux parents dès lors qu’un enfant fait le choix de libérer sa parole.
C’est pourquoi la Ciivise a formulé trois recommandations fortes pour mieux protéger les enfants.
Nous le savons aujourd’hui, la parole des enfants n’est que trop peu écoutée et entendue. Nous savons également que très peu d’enfants s’expriment et que la réalité des faits est bien au-delà des plaintes que l’on connaît.
Chaque année, 22 000 enfants seraient victimes de violences sexuelles. Or, en 2020, moins de 2 000 personnes ont été poursuivies pour viol ou agression sexuelle à caractère incestueux.
Trop fréquemment encore, en 2021, le syndrome d’aliénation parentale est mis en avant, notamment lors des dépôts de plainte. Or toutes les études soulignent l’inexistence factuelle d’une telle dynamique. Ce concept conduit pourtant trop souvent les professionnels à ne pas prendre en compte le témoignage des enfants et les risques de violences auxquels ils sont exposés.
L’Espagne s’est déjà engagée contre le recours au concept d’aliénation parentale et le Parlement européen a récemment fait part de sa préoccupation sur le sujet.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, sur la base de ces recommandations, que compte faire le gouvernement français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, merci d’avoir mis en valeur les travaux de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, que j’ai installée dès le 1er août 2020 – et non en janvier dernier à la suite de la publication du livre de Camille Kouchner –, parce que la lutte contre les violences, notamment sexuelles, faites aux enfants est une action prioritaire de ce gouvernement.
La création de cette commission répondait à trois objectifs.
Premièrement, il fallait que le couvercle du déni et du silence ne se referme jamais plus.
Deuxièmement, il convenait d’accompagner la libération de la parole que vous évoquez. Je veux à ce propos saluer ici les quelque 5 000 personnes qui ont appelé la plateforme ouverte par la Ciivise le 21 septembre dernier, ainsi que celles qui sont venues témoigner à Nantes le 20 octobre dernier ou qui viendront encore à Bordeaux le 19 novembre prochain. Je veux saluer ces femmes et ces hommes victimes dans leur enfance. Je veux saluer ces mères en lutte.
Le troisième objectif de la Ciivise était enfin de formuler des recommandations de politique publique pour que nous, décideurs – et je sais à quel point le Sénat travaille sur ces questions –, puissions améliorer la protection des enfants dans notre société.
La Ciivise a fait figurer trois recommandations dans son premier avis. Certaines ont des implications législatives qui font l’objet d’expertises ; d’autres mesures préconisées relèvent non pas de la loi, mais plutôt de la pratique professionnelle.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le syndrome d’aliénation parentale. Dès 2018, le garde des sceaux avait émis une circulaire à l’attention des magistrats pour leur préciser que ce syndrome n’était ni reconnu ni justifié.
Vous parlez aussi de libération de la parole des enfants ; on le sait, la qualité du recueil de la parole est, elle aussi, cruciale dans ces affaires, notamment pour éviter les classements sans suite. C’est la raison pour laquelle, d’ici à l’année prochaine, nous créerons 100 unités d’accueil pédiatrique enfants en danger.
Pour conclure, je profite de votre question, monsieur le sénateur, pour vous annoncer que, conformément à la demande du Président de la République du 23 janvier dernier, depuis cette rentrée et tout au long de l’année, on déploiera à l’école, à l’occasion des visites médicales de 3-4 ans, de 5-6 ans et de 10-11 ans, un repérage systématique des violences sexuelles qu’auraient pu subir les enfants dans leurs familles ou dans un autre cercle. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie, mais je pense que ce gouvernement doit arrêter le « en même temps » et rapidement passer des paroles aux actes !
Rendre la justice quand un enfant révèle les violences qu’il a subies est certes une mission délicate, mais c’est un devoir moral collectif, qui n’est pas contraire au principe fondamental de la présomption d’innocence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
contrat d’engagement jeune (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, la jeunesse est durement frappée par la crise, puisque 14 % des jeunes vivent actuellement sous le seuil de pauvreté.
Il s’avère que le futur contrat d’engagement jeune, présenté hier, rate totalement sa cible. En outre, alors que le Président de la République en parle depuis le mois de juillet, sa date d’entrée en vigueur, le 1er mars prochain, arrive bien tard, quoique sans doute de façon opportune électoralement…
Ce contrat s’adresse seulement à 400 000 jeunes sans emploi ni formation ; il met donc de côté 600 000 d’entre eux, auxquels s’ajoutent les étudiants qui connaissent de grandes difficultés. Il exclut aussi les jeunes qui enchaînent les contrats courts sous-payés et tourne ainsi le dos à cette jeunesse précaire qui a la volonté de s’en sortir, mais qui subit la crise.
En trois mois, l’enveloppe a fondu ; le nombre de bénéficiaires, quant à lui, a été divisé par deux et même par dix ; c’est la révélation du jour ! En effet, si l’on exclut les jeunes déjà pris en charge par les dispositifs existants, seuls 100 000 nouveaux entrants seraient en fait concernés. Les logiques budgétaires ont repris le dessus !
Alors, madame la ministre, outre l’effet d’annonce, quel sera le nombre réel de nouveaux entrants ?
Pouvez-vous nous confirmer que les dispositifs actuels comme la garantie jeunes et l’accompagnement renforcé, qui accueillent 300 000 jeunes, n’ont pas vocation à être pérennisés, mais qu’ils vont se fondre dans le nouveau dispositif, ce qui impliquerait la création de seulement 100 000 nouvelles places ?
Enfin, quels moyens en formation et en accompagnement seront offerts aux missions locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Jean-Michel Houllegatte, je ne suis pas sûre, voyez-vous, que l’on progresse beaucoup au service de l’insertion professionnelle des jeunes en s’envoyant des chiffres à la figure ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, c’est qu’il y a 1 million de jeunes dans notre pays qui ne sont ni en emploi ni en formation. Pas plus que vous je ne m’en satisfais. Or, parmi ces jeunes, il y en a 500 000 qui sont durablement dans cette situation. Eh bien, c’est à ces jeunes qui, malgré une reprise économique très dynamique, avec des entreprises qui cherchent à recruter, ne parviendront pas tous seuls à trouver un emploi que nous nous adressons. Il y a là 500 000 jeunes durablement éloignés de l’emploi auxquels nous voulons apporter des réponses.
Ces réponses, à l’évidence, capitalisent sur ce que nous faisons depuis plus d’un an, avec notamment le plan « 1 jeune, 1 solution », dont je rappelle qu’il a permis à plus de 3 millions de jeunes de trouver un emploi, une formation, un apprentissage ou un accompagnement.
Mme Cécile Cukierman. Tiens, un chiffre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Elles capitalisent sur les réussites de ce plan, mais aussi sur les forces de la garantie jeunes. Pour ma part, je voudrais rendre hommage aux missions locales, qui font un travail formidable en faveur de l’insertion des jeunes. C’est pourquoi nous associons tous ces acteurs au contrat d’engagement jeune que nous proposons.
Que voulons-nous accomplir avec ce contrat ? Nous voulons, je l’ai dit, capitaliser sur les forces de la garantie jeunes, qui offre notamment un accompagnement intensif pendant les quatre ou six premières semaines. Mais nous voulons que cette intensité soit la même tout au long de l’accompagnement des jeunes, du premier au dernier jour, pour maximiser leurs chances de retour à l’emploi.
Nous voulons aussi multiplier la possibilité pour les jeunes de trouver une réponse sur le territoire. Il convient donc que ce contrat soit proposé non seulement par les missions locales, mais aussi par Pôle emploi et par les associations de lutte contre la pauvreté, avec lesquelles nous travaillons.
Les moyens seront là : nous venons de déposer un amendement au projet de loi de finances pour 2022, dont l’objet est de porter à 2,6 milliards d’euros les moyens qui seront consacrés l’année prochaine au contrat d’engagement jeune. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre, je comprends votre malaise (Mme la ministre se récrie.) : il y a eu des effets d’annonce, mais en 24 heures on a divisé le nombre de bénéficiaires par deux !
La jeunesse de France est un investissement d’avenir. Elle a besoin qu’on lui fasse confiance et qu’on ne la suspecte pas de se complaire dans un assistanat.
Notre jeunesse est généreuse, elle s’implique dans de nombreux combats : pour le climat, contre les discriminations, ou encore pour l’égalité hommes-femmes.
Pour répondre à cette précarité subie, il ne suffit pas de poster des vidéos en tee-shirt noir sur les réseaux sociaux ; il faut bien faire confiance à la jeunesse !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Houllegatte. C’est le sens, notamment, de la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, de Rémi Cardon et Monique Lubin, qui vise à créer un minimum jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
stratégie de négociation de la france sur la pêche
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Madame la ministre de la mer, je m’adresse de nouveau à vous sur ce sujet, car mon collègue Alain Cadec m’a demandé de bien vouloir vous poser cette question à sa place.
Depuis la signature de l’accord sur le Brexit, le 30 décembre 2020, nous constatons que les Britanniques font tout pour le contourner, notamment dans le domaine de la pêche, qui est pour les Anglais un sujet éminemment symbolique, puisqu’il s’agit de souveraineté maritime.
Je rappelle que l’accord sur la pêche a été obtenu aux forceps et au prix de certaines concessions, 24 heures avant un no deal tant redouté.
À cette heure, je considère néanmoins que le gouvernement français a fait preuve de naïveté en imaginant que nos ex-partenaires au sein de l’Union européenne allaient respecter l’accord signé.
Aujourd’hui, les Britanniques refusent, en violation de l’accord, de délivrer à la France les licences de pêche auxquelles elle a droit dans l’arc Manche-mer du Nord, plus particulièrement autour des îles anglo-normandes et dans le détroit du pas de Calais. Contrairement à leurs affirmations, les informations disponibles concernant les navires éligibles leur ont pourtant été transmises. On voit donc bien que les Britanniques font preuve dans cette affaire d’une extrême mauvaise foi.
Madame la ministre, nous n’y comprenons plus rien ! La semaine dernière, Clément Beaune, le poing ferme, nous annonçait un ultimatum et des mesures de rétorsion à l’égard du Royaume-Uni. Or, il y a 48 heures, le Président de la République proclamait une reculade molle !
Par ailleurs, nous constatons à travers ce dossier que la France se trouve bien isolée, puisque les autres membres de l’Union européenne ne se précipitent pas pour nous soutenir, alors que la présidence française de l’Union européenne commence dans quelques semaines à peine.
Alors, madame la ministre, que pouvez-vous nous dire sur cette situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la mer.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, la France, les États membres, bien entendu, et la Commission s’assurent depuis le 30 décembre 2020 que l’accord de coopération avec le Royaume-Uni est bien mis en œuvre.
Vous en avez été le grand témoin, tout simplement parce que nous avons régulièrement eu des débats avec l’ensemble des élus des différents territoires concernés. De par votre territoire, de par votre expérience et de par votre connaissance de ces sujets, vous pouvez témoigner de l’engagement du Gouvernement, mais aussi du soutien général qui lui est apporté sur ce sujet.
Depuis le début de cette année, nous ne cessons de fournir des éléments complémentaires à la Commission et au Royaume-Uni en matière de licences de pêche. À ce jour, une divergence demeure sur la géolocalisation de nos bateaux au moment de leur pêche, tout simplement parce que l’accord ne demande pas une telle géolocalisation de chacun de nos navires : c’est seulement une exigence du Royaume-Uni. Tous ceux qui connaissent le littoral et la pêche le savent, vous comme moi, il est impossible de démontrer par géolocalisation la présence de bateaux de moins de 12 mètres. Nous l’avons fait par d’autres moyens, ce que l’accord permettait.
J’entends dire – non pas dans votre bouche, monsieur le sénateur ! – que c’est faire beaucoup de bruit pour quelques licences. Mais ce ne sont pas que quelques licences ! Et même si tel était le cas, il s’agit de droits de pêche que nous devons défendre jusqu’au bout. Derrière chacune de ces licences, il y a des familles ; derrière chaque emploi en mer, il y a quatre emplois à terre. C’est donc de la vie de nos territoires qu’il est question : voilà ce que nous défendons, tous ensemble. Je veux à ce propos exprimer mes remerciements pour la solidarité qui se manifeste autour de ce dossier.
Alors, que se passe-t-il ? La semaine dernière, nous avons annoncé un certain nombre de mesures, parce qu’il fallait commencer à se dire que cela suffisait : stop ! On devait parvenir à des réponses, parce qu’on est dans l’urgence. C’est maintenant, la pêche ! Nous avons donc annoncé quelques mesures.
La rencontre entre le Premier ministre britannique et le Président de la République a permis de rouvrir une phase très courte de dialogue. Depuis vendredi, une équipe de haut niveau, sous l’égide de la Commission, négocie en permanence avec Jersey et le Royaume-Uni. Ils sont actuellement en réunion. C’est une question d’heures…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. Alors, place au dialogue, que j’espère productif ! Monsieur le sénateur, comme l’ensemble des élus qui suivent ce dossier, vous recevrez dans quelques heures une note d’information précise, parce que nous agissons toujours en toute transparence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, vous me dites : « dans l’urgence » ; pourtant, cela fait onze mois que cela dure !
M. Jérôme Bascher. C’est l’État d’urgence !
M. Jean-François Rapin. Le 1er janvier 2021, des membres de votre gouvernement sont venus à Boulogne-sur-Mer nous faire des promesses. Reviendrez-vous le 1er janvier 2022 faire les mêmes promesses ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
coût de l’électricité pour les entreprises industrielles
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Le coût de l’électricité ne cesse de croître et nombre d’entreprises industrielles sont confrontées à des tarifs très élevés, qui affectent leur compétitivité.
Un mécanisme permet de limiter l’impact de ces augmentations. Il s’agit de l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, qui permet à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par l’État.
La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, prévoit que le volume global maximum d’électricité pouvant être cédé au titre de l’Arenh ne peut excéder 100 térawattheures. La loi Énergie-climat du 8 novembre 2019 permet de porter ce plafond à 150 térawattheures.
Pour 2022, la demande d’électricité au titre de l’Arenh devrait être très forte et pourrait dépasser le niveau de 2021, qui était de 146,2 térawattheures.
Tous les industriels français ne pourront faire valoir leurs droits ; ils devront finalement, après écrêtement imposé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), acheter leur électricité sur le marché de gros à des prix pouvant atteindre 130 euros du kilowattheure, soit plus du triple du montant requis dans le cadre de l’Arenh.
Une absence de relèvement du plafond serait incompréhensible. Relever à 150 térawattheures le volume d’électricité pouvant être cédé au titre de l’Arenh est-il envisageable ? Ce serait une mesure de soutien efficace à notre industrie.
J’ai une seconde question à vous poser, madame la ministre. On a récemment appris qu’EDF, entreprise détenue à plus de 80 % par l’État, avait perdu 400 millions d’euros en spéculant sur les marchés de l’énergie. Pour le consommateur, la facture ne cesse de croître. Pensez-vous, madame la ministre, que l’État, actionnaire majoritaire, a joué son rôle de contrôle ? Allez-vous, à l’avenir, laisser EDF spéculer ainsi ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)