M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout le monde l’a rappelé, la situation est grave, tendue et inquiétante. On le sait, je n’y reviens donc pas. En revanche, une question se pose : que faire ?
Pour ma part, je ne comprends pas que, face à une telle situation, la première réaction du Gouvernement soit la répression par la mise en place de ce passe sanitaire. En effet, c’est bien ce message qu’il envoie, celui d’une obligation, d’une vaccination forcée. Ce message monte les uns contre les autres.
Que le Gouvernement pense que les Françaises et les Français ne peuvent pas comprendre, qu’il est inutile de leur expliquer et de les accompagner dans la vaccination, c’est pour moi un terrible échec !
Oui, bien sûr, la solution, c’est la vaccination, tout le monde l’a rappelé.
Il faut remettre la question de la santé au cœur de cette problématique, car on parle bien là de sécurité sociale et non de sécurité publique. Ce n’est pas une question policière !
Nous avons prévu un certain nombre d’amendements visant à toucher les publics les plus défavorisés et à les accompagner. Je fais d’ailleurs miens les propos de Pierre Ouzoulias sur ce sujet : bien sûr, quand on installe des centres de proximité et que l’on explique, nos concitoyens veulent se faire vacciner. Aujourd’hui, on dénombre 48,2 % de personnes vaccinées, et d’autres veulent l’être.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
M. Guillaume Gontard. Je rappelle qu’il y a deux semaines à peine, on expliquait à nos jeunes qu’il fallait attendre pour se faire vacciner et que ce n’était pas le moment. On pourrait donc leur laisser le temps de le faire aujourd’hui…
Tel qu’il est élaboré, le passe sanitaire est tout simplement inapplicable ; on le voit sur l’ensemble du territoire. Bien plus, je le répète, il monte les uns contre les autres !
Comment exiger des restaurateurs qu’ils restaurent l’ordre public ? C’est totalement inimaginable et inopérant.
En conclusion, je reprendrai les mots de Mme la ministre hier soir. Son discours était court,…
Mme Éliane Assassi. Trop court !
M. Guillaume Gontard. … mais très explicite : oui, les gens veulent se faire vacciner, ils veulent être rassurés, et l’on ne parviendra pas la vaccination de masse par la contrainte et la force.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce passe sanitaire pose de nombreuses questions.
Oui, même si vous avez du mal à l’entendre, monsieur le secrétaire d’État, le passe sanitaire réduit les libertés en ce qu’il oblige à montrer patte blanche à de nombreux moments de la vie courante, même ceux qui rendent la vie supportable – je pense notamment à tous les moments culturels. Il réduit la liberté de circuler, quoi que vous en disiez. Il contraint de nombreuses professions et jette l’opprobre sur d’autres. Il prévoit des sanctions jusqu’au-boutistes, allant jusqu’au licenciement – cela a été largement souligné –, pour des motifs qui n’existaient pas jusqu’à présent.
L’extension du passe sanitaire présente un grand nombre d’inconvénients ; pour ma part, j’en vois deux qui me semblent majeurs.
Le premier inconvénient majeur, c’est celui de l’applicabilité et de la légitimité.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Monique Lubin. Qui vérifiera et dans quelles conditions, notamment dans les lieux de restauration ? Je suis élue d’un département côtier aujourd’hui fortement touché, qui accueille énormément de touristes. Je sais donc comment cela se passe dans les lieux de restauration en cette période. Disons-le : il sera quasiment impossible pour les restaurateurs de mettre en place des solutions de vérification. En outre, quelle légitimité auront-ils pour cela ? (M. Loïc Hervé manifeste son approbation.)
Qui plus est, comment respecter les conditions prévues pour la vaccination, alors que nous savons d’ores et déjà que, dans certains endroits, on ne trouve plus aucun créneau disponible jusqu’à la fin août et que, dans d’autres, les vaccins manqueront ?
Le second inconvénient majeur, c’est celui de l’égalité des citoyens face à la vaccination. Nous savons que la carte du plus faible taux de vaccination recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès au service public. C’est la Défenseure des droits qui le dit. L’extension du passe sanitaire ne fera qu’accroître ces inégalités et c’est peut-être, à mon sens, ce qu’il y a de pis dans toute cette histoire.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment de discuter de l’article relatif à l’extension du passe sanitaire, il me paraît opportun d’appeler votre attention sur ses conséquences pour les Français de l’étranger qui souhaitent revenir sur notre territoire. Trois problèmes se posent.
Tout d’abord, un grand nombre de Français de l’étranger n’ont pas encore été vaccinés. Nous apprenons en ouvrant nos mails qu’un appel d’offres a été passé par le Quai d’Orsay pour accélérer et élargir la vaccination à l’étranger. C’est heureux. Cette semaine encore, j’ai été alerté notamment par nos élus des Français en Algérie ou encore en Iran : l’attente est plus que forte. L’urgence est là, mais je ne vois rien dans le droit en vigueur ou dans les dispositions dont nous débattons qui garantisse une solution.
Ensuite, il est nécessaire que les vaccins reçus par les Français établis hors de France dans leur pays de résidence leur donnent accès au passe sanitaire.
Or, d’une part, le certificat de vaccination reçu à l’étranger n’est souvent pas reconnu par le système français, car il ne porte pas de QR code. D’autre part, beaucoup ont été incités à se faire vacciner avec le vaccin chinois, qui est reconnu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mais n’est pas homologué par l’Agence européenne des médicaments (EMA), ou avec le vaccin russe, qui n’est pas reconnu par l’OMS. Aujourd’hui, au regard du passe sanitaire, ils sont considérés comme non vaccinés et constituent une nouvelle catégorie : les vaccinés non vaccinés.
Pour eux, notre secrétaire d’État a déclaré que le Gouvernement étudiait la faisabilité de l’inoculation d’une troisième dose d’un vaccin homologué afin qu’ils puissent détenir un passe sanitaire. Nos compatriotes devront-ils avoir leur surdose ?…
Reste le dépistage. Là encore, rien ne garantit que les tests seront bien pris en charge, comme le prévoit une très vague instruction du directeur général de la santé, qui n’est pas appliquée. De très nombreux élus nous font part de l’incompréhension de nos compatriotes à qui il est demandé de payer leurs tests.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens ici à votre disposition les factures qu’ils ont dû régler ces derniers jours, comme l’année passée.
Jean-Baptiste Lemoyne nous a informés que le ministre des solidarités et de la santé tiendrait, ce jour, une visioconférence avec tous les pharmaciens de France pour leur indiquer qu’il ne fallait pas facturer les Français de l’étranger. Les pharmaciens ne semblent pas très au courant ! Serait-il possible de prendre une véritable mesure normative opposable afin d’acter la gratuité des tests pour les Français de l’étranger ? Car, à l’évidence, il ne s’agit pas de tests de confort.
Le passe sanitaire, tout comme l’enfer, est pavé de bonnes intentions. N’oublions pas non plus que l’enfer est dans les détails : ne faites pas de ce passe sanitaire un enfer pour les Français de l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, qui rétablit et complète l’état d’urgence sanitaire, met en place le passe sanitaire, lequel suscite de fortes inquiétudes.
Sur ce sujet hautement sensible, je rappelle que, malheureusement, depuis le mois de mars 2020, cette pandémie est mondiale : tous les pays sont touchés. Notre pays, comme d’autres, compte de nombreuses victimes tant en métropole qu’outre-mer – ces territoires sont particulièrement touchés.
La vaccination est aujourd’hui privilégiée, cela a été rappelé hier soir lors de la discussion générale. On peut naturellement pointer un manque de temps, mais il s’agit d’une course contre la montre et la pression est permanente. On le sait, la tâche est immense : protéger, sensibiliser, communiquer.
J’exprime, une fois de plus, tout mon respect à ceux qui sont en première ligne, au premier chef le personnel soignant. Mais, dans le monde économique aussi, les inquiétudes sont fortes.
Je rappelle également que le bon sens doit l’emporter : il faut protéger et sécuriser.
Dans un document de quatre pages en date du 21 juillet 2021, intitulé Obligation vaccinale et passe sanitaire : positions de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, dont nous avons tous été destinataires, la commission des affaires européennes du Sénat indique que l’obligation vaccinale est une « décision relevant des seuls États et pouvant être soumise à l’appréciation in concreto de la Cour européenne des droits de l’homme », et qu’elle voit dans le passe sanitaire « le nécessaire équilibre entre intérêt général et respect des libertés individuelles ». (M. Loïc Hervé s’exclame.)
Je salue le travail accompli en si peu de temps par la commission des lois et la commission des affaires sociales. J’invite le Gouvernement à entendre la voix du Parlement, en particulier celle du Sénat, qui représente les territoires et nos collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, n’oublions pas que, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est le fait de l’évolution du virus. Cette évolution – un mot que je n’ai pas beaucoup entendu pour l’instant – nous oblige à réagir et à protéger nos concitoyens.
Ce qui fait honneur au Sénat, c’est sa capacité de dialogue, d’écoute, de respect et de mesure. J’aimerais donc que l’on évite, autant que faire se peut, d’employer des termes excessifs comme « apocalypse » ou « enfer ».
Oui, le travail qui nous échoit est difficile et compliqué dans un temps aussi court, mais le terme « apocalypse » me semble davantage adapté à ce qu’ont connu les services hospitaliers au mois de mars de l’année dernière. Nous nous honorerions à ne jamais l’oublier.
J’en viens au passe sanitaire. Je suis un profond défenseur de la liberté individuelle, mais je crois que celle-ci s’inscrit dans une liberté collective.
Notre rôle de législateurs consiste à construire cette liberté collective, laquelle implique souvent des contraintes. Proposer un passe sanitaire qui n’oblige pas à se vacciner, mais incite à le faire, permet de faire encore et toujours de la pédagogie. C’est aussi à cela que je crois.
Les personnes qui, aujourd’hui, ne veulent pas se faire vacciner découvriront un certain nombre de contraintes que la loi va leur imposer. Pourquoi pas ? Ces contraintes les amèneront à réfléchir à la pertinence du vaccin et à avancer vers la vaccination.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les interpellations ayant été assez nombreuses et fournies et les sujets abordés devant être déclinés dans les amendements à venir, je souhaite, avec ma collègue Brigitte Bourguignon, apporter des réponses circonstanciées à ce moment du débat. Cela nous permettra d’être plus concis lors de l’examen des amendements.
Cette discussion préalable permet d’aborder l’article 1er comme un tout.
Je commencerai par répondre à Loïc Hervé, mais également aux sénateurs installés à la gauche de cet hémicycle. Il est vrai que l’introduction du passe sanitaire est en contradiction avec la position du Gouvernement lors de la dernière loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
M. Loïc Hervé. C’était il y a deux mois !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je veux bien reconnaître – d’ailleurs, c’est un fait – que le Gouvernement, à l’instar de tous les autres gouvernements de la planète, a dû faire évoluer non seulement les mesures prises – les serrer, les desserrer –, mais aussi certaines politiques sanitaires. S’il l’a fait, et j’espère que vous nous en ferez crédit, c’est aussi parce que, sur ces sujets, la science et les convictions scientifiques ont évolué et qu’il a fallu en tenir compte.
L’exemple le plus récent concerne la protection vaccinale, qui est désormais effective sept jours après la seconde injection, contre quatorze jours auparavant. Depuis plusieurs semaines, cela fait l’objet de discussions avec le conseil scientifique auxquelles j’ai eu l’occasion de participer. Le professeur Delfraissy et ses collègues de l’institut Pasteur ont fini par estimer que la littérature scientifique était dorénavant suffisante pour que ce délai puisse être revu à la baisse. Ce n’était pas le cas auparavant. Face aux nouvelles déclinaisons du virus et au variant delta, la connaissance scientifique évolue elle aussi et conduit le Gouvernement à évoluer.
J’en viens au point particulier de l’anticipation et je tiens à expliquer pourquoi, alors même que nous nous félicitions il y a quelques semaines du fait que l’épidémie était maîtrisée, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une forme de situation d’urgence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est très difficile de savoir plusieurs semaines à l’avance si un variant sera problématique ou pas. Prenons le cas du fameux variant breton : lorsqu’il est apparu il y a quelques mois, ce variant était pire que les autres en termes de conséquences sanitaires, il était indétectable par les tests PCR et il résistait à tous les vaccins. Nous avons d’abord décidé de ne pas prendre de décision, attendant de connaître l’évolution de ce variant. Or il n’a jamais prospéré sur le territoire national.
À l’inverse, le variant delta, qui est arrivé au début de l’année, a eu une progression logarithmique : sa courbe a été très faible pendant plusieurs mois et a explosé en quelques jours. On voit bien que la situation peut changer en une semaine.
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas logarithmique, c’est exponentiel !
M. Bruno Retailleau. M. Piednoir est agrégé de mathématiques !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je vous fais crédit de cette précision. (Sourires.) En tout cas, on se comprend…
En Corse, on est passé en une semaine d’un variant inexistant à une multiplication par dix ! Dans les Pyrénées orientales, c’est la même configuration avec une multiplication par sept. Nous devons donc prendre en extrême urgence des décisions que nous n’aurions pas envisagées plusieurs semaines auparavant. Que n’aurait-on pas dit si nous avions dû appliquer le passe sanitaire préventivement, à un moment où nous n’étions pas certains que le variant delta submergerait l’Europe ?
M. René-Paul Savary. Cela aurait dû avoir lieu !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Sur l’opportunité du passe sanitaire, je peux comprendre la position de Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Rendez un avis favorable à mes amendements, alors !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous sommes face à une situation assez binaire. On peut être pour la vaccination obligatoire, mais aucune projection épidémiologique, même dans le cadre d’une vaccination obligatoire, ne permet de penser que l’on pourrait laisser les trois prochaines semaines s’écouler sans prendre de mesures de freinage.
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Aujourd’hui, on ne sait pas vacciner en deux ou trois semaines, pour atteindre une forme d’immunité collective, les 12 millions de Français qui ne sont pas encore vaccinés. Aucun pays au monde ne saurait le faire. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
Mme Laurence Rossignol. Pourquoi ne pas rendre la vaccination obligatoire, alors ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, j’aborderai la question de la vaccination obligatoire tout à l’heure.
La question qui se pose est la suivante : dès lors que tous les épidémiologistes sont d’accord pour dire qu’il faut prendre des mesures de freinage à court terme, celles-ci doivent-elles être des mesures générales – un couvre-feu, la fermeture des établissements recevant du public, la fermeture des restaurants et des bars, etc. –, ou des mesures particulières dont sont exclues les personnes à faible risque, c’est-à-dire celles qui sont vaccinées ou qui peuvent présenter un test PCR négatif ? Tout le monde doit pouvoir prendre position sur cette question.
On peut, par philosophie, préférer des mesures égalitaires, comme des couvre-feux ou des confinements dans les semaines qui viennent, en estimant que le passe sanitaire est inégalitaire. Telle n’est pas notre décision.
Monsieur Kanner, j’ai cru comprendre que le groupe socialiste était pour la vaccination obligatoire,…
Mme Laurence Rossignol. Oui !
M. Cédric O, secrétaire d’État. … mais vous conviendrez avec moi que la vaccination obligatoire sans contrôle et sans sanction, ce n’est pas une vaccination obligatoire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y a des sanctions, nous l’avons dit !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Il faudrait donc expliquer ce que vous êtes prêt à appliquer avec cette vaccination générale. La sanction est-elle une amende générale ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le passe sanitaire ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. La sanction est-elle la restriction d’accès à certaines professions ? Par ailleurs, j’aimerais comprendre comment vous procéderiez au contrôle.
Il n’existe que deux possibilités : soit vous faites des contrôles qui ressemblent à ceux prévus par le passe sanitaire, c’est-à-dire que vous contrôlez à certains moments de la vie ; soit vous faites des contrôles sur fichiers, en comparant le fichier des vaccinés à celui des Français. Dans ce dernier cas, quelques problèmes se poseraient en matière d’informatique et de libertés, et Loïc Hervé, eu égard à sa fonction, aurait certainement quelque chose à redire de ce croisement de fichiers.
M. Loïc Hervé. On en reparlera ; commencez par vacciner !
M. Cédric O, secrétaire d’État. C’est une évidence, personne ne se satisfait de la situation actuelle : l’imposition du passe sanitaire a des conséquences éthiques, démocratiques et en termes de libertés publiques. Le Gouvernement se serait bien passé d’enquiquiner les Français avec de telles contraintes au moment des vacances, à l’heure où tout le monde a envie de penser à autre chose.
Il n’existe pas, me semble-t-il, de chemin qui permette d’éviter les mesures restrictives. Il faut donc choisir entre des mesures restrictives générales – et tous ceux qui sont contre le passe sanitaire doivent dire qu’ils sont favorables à de telles mesures à court terme – et des mesures restrictives ne s’appliquant pas aux personnes à faible risque.
Voici à présent quelques éléments de réponse à trois des cinq questions particulières qui nous ont été posées – Mme Brigitte Bourguignon répondra aux autres.
Vous avez évoqué des opérations de prise de contact par téléphone avec les personnes à risque. Nous avons ouvert aux médecins généralistes l’accès à la liste de leurs patients à risque non vaccinés. Ce fut l’occasion d’un débat intéressant avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
M. Bruno Retailleau. Elle a dit oui !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Elle a fini par dire oui, en effet. À ce stade, à vrai dire, le résultat est assez limité : seuls 20 % des médecins ont eu recours à ce dispositif, ce qui est insuffisant. Si nous voulions une approche beaucoup plus systématique, au vu des réserves émises par la CNIL sur l’accès au fichier des patients à risque…
Mme Laurence Rossignol. Vous êtes bien long…
M. Cédric O, secrétaire d’État. Pardon, madame la sénatrice, mais je considère que le respect du Parlement consiste à répondre en détail à l’ensemble des questions qui ont été posées – sauf à ce que vous préfériez qu’il n’y ait pas de réponse ?
On peut le regretter, mais les règles françaises en matière de protection de la vie privée nous rendraient difficile la systématisation de l’appel aux personnes fragiles.
Vous avez soulevé la question des capteurs de dioxyde de carbone. J’ai eu un échange en aparté avec le ministère de la santé, dont il ressort qu’il n’y a pas consensus sur l’utilité de ces capteurs. J’aurai l’occasion de vous donner ultérieurement des éléments plus précis.
Vous avez évoqué l’accompagnement des entreprises. À ce stade, les effets du passe sanitaire sont assez différenciés. Dans un certain nombre de parcs de loisirs, les choses se passent plutôt bien, comme plusieurs médias l’ont relaté. Pour les cinémas, il semble qu’il y ait des effets importants. En matière d’accompagnement des entreprises et d’amortissement de la crise, le Gouvernement, avec le Parlement, a été plus qu’au rendez-vous.
M. Loïc Hervé. Il faut les rassurer !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous verrons bien, dans les semaines qui viennent, ce qui se passera en matière d’acceptabilité sur le moyen terme. S’il devait y avoir des catastrophes économiques sectorielles, le Gouvernement a montré qu’il saurait toujours y répondre. (M. Loïc Hervé s’exclame.)
Je souhaite enfin évoquer la question des Français de l’étranger et celle des étrangers, qui reviennent assez souvent.
Je rappellerai ce qui a été bien expliqué par MM. Olivier Véran et Jean-Baptiste Lemoyne. À partir de début août, c’est-à-dire au moment où le passe sanitaire s’appliquera dans les lieux du quotidien, les Français de l’étranger disposeront d’une solution technique offerte par le Quai d’Orsay pour convertir une vaccination effectuée avec des vaccins reconnus par l’EMA en passe sanitaire français. Ils pourront ainsi accéder aux lieux dont l’accès sera subordonné à la présentation d’un passe sanitaire. Il en ira de même, quelques jours plus tard, pour les étrangers. Nous organisons donc une forme de reconnaissance des vaccins reconnus par l’EMA à l’étranger.
Il me semble en revanche qu’il y aurait une certaine incohérence à considérer que, parce que vous êtes Français, si vous avez été vacciné – par Sinovac, par exemple, sur lequel des éléments récents ont été donnés –, vous pourriez, sans aucune mesure particulière, accéder aux établissements recevant du public du territoire national.
Pour les personnes vaccinées avec des vaccins non reconnus par l’EMA, nous proposons donc l’injection d’une troisième dose, qui sera évidemment remboursée par la sécurité sociale, et pour laquelle les Français bénéficieront de toute la logistique mise en place. Nous comprenons que ce soit pénible, mais nous devons faire respecter une forme de souveraineté sanitaire, ou de souveraineté tout court, selon laquelle on ne donne pas les mêmes droits aux personnes vaccinées avec un vaccin non reconnu par l’EMA.
Je rappelle, du reste, que les Français de l’étranger doivent bénéficier de tests gratuits dans les pharmacies. Il y a eu quelques ratés dans la communication avec les pharmaciens. Nous l’avons intensifiée, sous l’égide d’Olivier Véran, depuis plusieurs jours.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Je vais répondre rapidement, pour ne pas prolonger les débats.
Monsieur le président Retailleau m’a posé la question très sensible de l’accompagnement des personnes en fin de vie. Cet accompagnement sera-t-il assujetti au passe sanitaire ? Je le redis : non, bien sûr, on ne refusera pas l’accès aux personnes non munies d’un passe sanitaire dans les cas d’urgence déjà répertoriés dans la loi – et la fin de vie en fait partie. Depuis le début de mon engagement, notamment dans les établissements pour personnes âgées, il n’a jamais été question, même lors du premier confinement, de ne pas permettre aux familles d’accompagner les patients en fin de vie.
Les doses seront au rendez-vous, le Président de la République en a pris l’engagement cette semaine en conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), et les rendez-vous seront reprogrammés, notamment dans la région que vous évoquiez hier soir.
Mme Laurence Cohen. Et sur le droit au travail ?
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mme de La Gontrie, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte et Stanzione, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Cardon, Kerrouche, Bourgi, Antiste, Assouline et J. Bigot, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lozach, Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, MM. Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Raynal, Roger, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.
L’amendement n° 56 est présenté par MM. Gontard, Benarroche et Salmon, Mmes Poncet Monge, de Marco et Taillé-Polian et MM. Dossus et Parigi.
L’amendement n° 110 est présenté par M. Ravier.
L’amendement n° 133 est présenté par MM. L. Hervé, Artano et Levi, Mmes de La Provôté, Noël, Muller-Bronn et Herzog, M. D. Laurent, Mme Thomas, M. Houpert, Mme Goy-Chavent, MM. Meurant, J.M. Arnaud, Bouchet et Regnard, Mme Pluchet et M. Delahaye.
L’amendement n° 168 est présenté par Mme Jasmin.
L’amendement n° 184 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
Mme Monique Lubin. Nous proposons la suppression de l’article 1er, en cohérence et en coordination avec l’amendement que nous avons déposé et qui vise à instaurer une obligation vaccinale généralisée contre la covid-19, sauf contre-indications médicales, car ledit amendement prévoit une solution alternative au dispositif du passe sanitaire envisagé par le Gouvernement.
Prenons le temps d’engager sereinement ce débat. Dans la perspective de l’examen du projet de loi de relatif à la gestion de la crise sanitaire, la commission des lois du Sénat a auditionné M. Olivier Véran le 22 juillet dernier. Interrogé sur l’obligation de vaccination universelle, le ministre a estimé que ce débat était légitime. Il a accueilli favorablement les propositions qui ont été présentées à ce sujet. Il a invité le Parlement à se saisir de cette question afin que puisse s’engager une discussion de fond à l’occasion de ce projet de loi, et il a assuré que le Gouvernement serait ouvert au dialogue.
Sans mésestimer les améliorations apportées au dispositif proposé, nous restons opposés à cet article, qui procède au rétablissement du régime de l’état d’urgence sanitaire pour mieux valider l’élargissement du périmètre du passe sanitaire. Celui-ci, jusqu’à présent limité aux activités de loisir, foires ou salons professionnels, s’appliquera dorénavant à certaines activités quotidiennes comme la restauration, les débits de boissons, les voyages nationaux intérieurs, les centres commerciaux et les lieux d’accueil des publics vulnérables.
De plus, tel qu’il ressort des délibérations de l’Assemblée nationale – et en dépit des modifications introduites par la commission des lois –, nous estimons que ce dispositif est inapplicable en pratique. Nous examinerons point par point le dispositif dans la rédaction adoptée par la commission des lois, pour en retirer les dispositions que nous jugeons inappropriées ou pour réintroduire celles qui nous paraissent nécessaires.
En tout état de cause, qu’il soit clairement entendu que nous plaidons pour une extension généralisée et obligatoire de la campagne de vaccination contre la covid-19, seul chemin pour asseoir une immunité collective tout en assurant une égalité de traitement de la population, en particulier là où les inégalités territoriales et sociales d’accès à la vaccination sont les plus importantes.
Seul ce choix vertueux nous permettra de sortir du dilemme dans lequel nous enferme le projet de loi : passe sanitaire et mesures d’isolement de plein droit en cas de contamination constatée, ou retour au confinement généralisé.