Mme la présidente. L’amendement n° 1164, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nos débats au Sénat sur le passe sanitaire ont montré à quel point il fallait faire attention, en cas de partage de données, aux types de données concernées et à leurs conditions d’accès.
Le présent amendement a pour objet de supprimer les alinéas 12 et 13 introduits par les rapporteurs en commission, lesquels visent à permettre aux maires de recueillir les informations qu’il leur manque auprès des administrations qui les détiennent, en contradiction avec les principes énoncés par Mme la ministre s’agissant du type de données et du but dans lequel elles sont recueillies.
Le dispositif « dites-le-nous une fois » est strictement limité à l’information des personnes sur leur droit au bénéfice éventuel d’une prestation ou d’un avantage prévu par des dispositions législatives et réglementaires. Sa finalité ne peut être détournée pour le recensement de types de populations ou, comme le souhaitent les rapporteurs, pour que le maire puisse « dresser la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire ». La proposition des rapporteurs me semble totalement contradictoire avec l’objectif de ce dispositif. Si les alinéas 12 et 13 étaient conservés, ils provoqueraient un certain nombre de problèmes en termes de collecte et d’utilisation des données. Ces alinéas n’ont pas leur place dans cet article.
Le texte prévoit en outre que le recueil de données serait strictement limité « à ce qui est nécessaire ». Pourquoi « nécessaire » ? Pourquoi pas « essentiel » ou un autre adjectif ? Je ne le sais pas. Que sont des données « nécessaires » ?
Précédemment, je trouvais le dispositif pas raisonnable ; cette fois-ci, je le trouve un peu flou.
Mme la présidente. L’amendement n° 816 rectifié bis, présenté par Mme Schalck, M. Kern, Mmes Estrosi Sassone, Chauvin et Malet, MM. Pellevat, Chaize et Cardoux, Mme Deroche, MM. Burgoa et Calvet, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mmes Muller-Bronn et Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Sautarel, B. Fournier, Courtial, Mouiller, Lefèvre et Bonne, Mme Lassarade, M. Sido, Mme Drexler, MM. Bonhomme, Longeot et Maurey, Mme Vermeillet, M. Canévet, Mme Vérien, M. Bonneau, Mmes Guidez, Férat, Saint-Pé et Bourrat, M. Savary, Mmes Deromedi et Lopez, M. Genet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Mandelli, Mme Bellurot, MM. Belin et Klinger, Mme Pluchet, MM. Piednoir, Saury, Charon, Tabarot, Gremillet, Joyandet, Delcros, Hingray, Levi et Le Nay et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les conditions dans lesquelles les communes peuvent bénéficier d’échanges d’informations ou de données relatives aux personnes domiciliées sur leur territoire
La parole est à Mme Elsa Schalck.
Mme Elsa Schalck. L’article 50 prévoit l’accélération du partage de données entre administrations afin de simplifier les démarches des usagers auprès des services publics. Tout ce qui va dans le sens d’une véritable simplification pour nos concitoyens, mais aussi pour les maires et les élus locaux, est une bonne chose. À cet égard, je salue l’introduction dans le texte par la commission des lois de la possibilité pour les maires de bénéficier des échanges d’informations ou de données.
C’est en ce sens que j’avais déposé un amendement en commission, à la suite de nombreux retours de maires, notamment de mon département du Bas-Rhin. En effet, les maires rencontrent des difficultés pour connaître de façon précise les personnes résidant sur le territoire de leur commune, cette information étant pourtant essentielle pour élaborer leur politique et gérer au mieux leur commune. À l’heure actuelle, le recensement effectué par l’Insee ne leur permet pas de disposer d’informations actualisées.
Conformément à la démarche de simplification voulue par le projet de loi, le présent amendement, déposé avec mon collègue Claude Kern et cosigné par de nombreux collègues, vise à répondre à un besoin identifié des maires et à leur permettre de disposer d’un registre à jour des personnes domiciliées sur leur territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le dispositif « dites-le-nous une fois » est une solution dont on a tous rêvé, mais qu’on n’a pas encore forcément vue. Nous ne pouvons donc qu’y être favorables.
Hier, lorsque nous avons parlé du RSA, certains de nos collègues nous ont soupçonnés de faire preuve d’un peu de malveillance – je ne reprendrai pas les épithètes qu’ils ont utilisées. Je leur réponds aujourd’hui que l’article 50 permet d’« aller vers », pour reprendre une expression très utilisée dans le secteur social, puisque l’enregistrement des données des usagers à un endroit permettra de les informer de leurs droits. Ainsi, toutes les personnes qui pourraient légitimement bénéficier du RSA, mais qui n’en font pas la demande, seront informées qu’elles y ont droit. Cette démarche proactive devrait rassurer certains de nos collègues sur la moralité de cette assemblée.
Je remercie notre collègue Elsa Schalck de ses propos. En fait, nous n’avons pas détricoté cet article, nous l’avons enrichi. À titre d’exemple, nos collectivités – je pense à nos communes – pourront recevoir des informations. Je ne suis pas sûre qu’elles disposent de nombreuses données qu’elles soient les seules à détenir.
Cher Éric Kerrouche, nous avons évidemment prévu un seuil, mais vous avez présumé ma réponse en considérant que je pensais que les petites communes ne seraient sans doute pas en mesure de transmettre des informations. Or tout le monde le pourra ! Ce que nous disons, c’est qu’elles pourront le faire, mais qu’elles n’y seront pas obligées, elles n’y seront pas contraintes par la loi. Cela signifie qu’un usager ne pourra pas intenter de recours en disant : « Comment ? J’ai transmis ces informations au maire de ma commune de 200 habitants et vous, à la CAF, vous me les redemandez ? »
Toute commune désireuse de participer au système d’échange de données le pourra, mais nous n’instaurons pas d’obligation, car toutes n’en ont pas encore la capacité ou ne pourraient pas le faire sans risques.
Dernier point : nous voulons que le « dites-le-nous une fois » serve aux communes.
Cher Guy Benarroche, vous trouvez que la notion d’informations « nécessaires » est floue. Je vais donc vous en donner ma définition. Peut-être utiliserez-vous ensuite une autre épithète pour qualifier cette notion.
Vous savez qu’on a récemment voté une loi obligeant les maires à s’assurer que les enfants de trois ans sont scolarisés. Comment un maire peut-il effectuer un tel contrôle alors qu’il ignore le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés vivant sur le territoire de sa commune ?
Ce que nous demandons, monsieur Benarroche, et je pense que vous aurez ainsi la réponse à votre question, c’est que la CAF transmette aux maires toutes les données dont elle dispose afin qu’ils puissent avoir connaissance du nom de la totalité des enfants dont ils doivent rendre compte.
Cela étant, j’entends vos préoccupations sur la confidentialité de ces informations et vos craintes que ces dernières ne s’éparpillent dans la nature. Or le système est très sécurisé. La CNIL n’a d’ailleurs rien trouvé à y redire, car il va permettre de rendre un service à l’usager.
Le jugement va maintenant tomber, mais chacun l’aura deviné. (Sourires.)
La commission est défavorable à l’amendement n° 1423. Madame la ministre, vous comprendrez que l’on ne soit pas d’accord avec votre souhait de supprimer toutes les avancées que nous proposons.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui, vous comme nous, d’ailleurs !
La commission demande le retrait des amendements nos 410, 1163, 411 et 1164 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 816 rectifié bis tend à préciser que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 50 encadrera les cas dans lesquels les communes pourraient avoir à connaître d’informations relatives aux personnes domiciliées sur leur territoire. Je pense à cet égard aux informations sur les enfants en âge d’être scolarisés. La commission est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les amendements nos 410, 411 et 1164 vont dans le même sens que la proposition du Gouvernement de permettre – il ne s’agit pas d’une obligation – à toutes les communes, et pas seulement à celles qui comptent plus de 10 000 habitants, de participer au système « dites-le-nous une fois ».
Franchement, je ne sais pas comment vous le dire, mais je pense ce n’est pas habile de ne pas donner cette possibilité à toutes les communes. Il y a des ordinateurs dans les petites communes ! Les secrétaires de ces mairies savent les utiliser. Les petites communes ont bien été capables il y a quelques années de mettre en œuvre le répertoire électoral unique. Elles l’ont d’ailleurs très bien fait. J’ajoute que le ministère de la transformation et de la fonction publiques dispose d’une enveloppe dédiée à l’informatisation des communes, notamment des plus petites d’entre elles, et qu’il peut les aider financièrement à cet égard.
Je trouve que c’est discriminant – ce n’est pas la volonté des rapporteurs, je l’ai bien compris – à l’égard des petites communes de considérer qu’elles ne seraient pas capables de remplir des dossiers.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oh non !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai pris soin de dire que ce n’était pas votre volonté, madame la rapporteure.
Je pense qu’il faut permettre à toutes les communes d’accéder à ce dispositif, surtout qu’il n’est pas obligatoire. Si les communes ont des impossibilités techniques, ce qui peut arriver, si elles ne sont pas encore équipées, elles peuvent se tourner vers le préfet, qui les aidera grâce à des financements. Il faut rétablir la rédaction du Gouvernement.
Madame Schalck, je suis contrainte d’émettre un avis défavorable sur votre amendement (Marques de déception sur des travées du groupe Les Républicains), car, si votre proposition était adoptée, la CNIL la censurerait automatiquement. La CNIL a en effet toujours précisé que le traitement de données devait être réalisé pour une finalité très précise, que les droits des usagers devaient être respectés et leur consentement assuré. Surtout, les données ne doivent pas servir à la constitution d’un fichier de population. Or l’objectif de votre amendement est bien la constitution d’un tel fichier.
Pour avoir été maire pendant vingt-cinq ans, je sais comment cela se passe. Tout le monde bricole un peu, je le sais ! Même si je comprends tout à fait votre objectif, je suis défavorable, je le répète, à votre amendement.
Je demande le retrait des amendements nos 410, 1163, 411 et 1164, au profit de l’amendement n° 1423 du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le « dites-le-nous une fois », on en a tous rêvé, on est en train de le faire ! C’est une avancée tout à fait majeure.
Je rappelle que le « dites-le-nous une fois » doit aussi fonctionner entre les administrations. Quand on voit les difficultés qu’elles ont à échanger des informations entre elles – nous en avons débattu, notamment pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, il y a lieu de s’interroger. Il faut donc travailler sur ce sujet dans le même élan.
Je soutiendrai l’amendement n° 816 rectifié bis de Mme Schalck, parce que nous avons voté ici à plusieurs reprises l’obligation domiciliaire, qui existe d’ailleurs en Alsace et qui permet aux maires d’avoir connaissance des gens qui habitent dans leur commune. Cette disposition est d’une très grande utilité, non seulement pour connaître le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés, mais également pour évaluer les besoins de la commune. Enfin, elle peut être utile également pour des questions de sécurité.
Concernant les petites communes, je suis absolument d’accord. Il ne faut pas restreindre l’application de cet article aux communes importantes, car le « dites-le-nous une fois » sert dans toutes les communes, y compris les plus petites, à éviter le non-recours aux droits. Je suis très favorable à ce dispositif. J’espère qu’il sera mis en œuvre le plus rapidement possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. J’abonderai dans votre sens, madame le rapporteur. Le partage de données est une réalité quotidienne. Il se pratique tous les jours entre les administrations, au regard d’enjeux de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous ne sommes pas dans ce cadre aujourd’hui, mais telle est la réalité.
Le partage des données entre administrations est une réalité également dans le domaine fiscal, pour recouvrer l’impôt, connaître la situation des contribuables.
Les communes, pour leur part, sont trop souvent victimes à la fois d’un trop-plein et d’un manque d’informations. Elles croulent sous les statistiques et les courriels, mais certaines informations précises leur font parfois cruellement défaut alors qu’elles pourraient être utiles aux maires pour accomplir leur mission, réaliser des investissements ou accompagner socialement tel ou tel type de population.
Je pense que le texte tel qu’il est proposé par la commission constitue une avancée significative, car il permet aux maires de disposer des bonnes informations au bon moment, dans le respect de tout ce qui fait notre République. Cet important progrès était attendu.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cet article est pour moi l’un des plus importants du texte, car il prévoit une évolution tout à fait significative. Le « dites-le-nous une fois », ça doit être une bonne fois pour toutes !
Pour moi, il n’y a pas de petites ou de grandes communes dans cette affaire.
M. Pierre Cuypers. Exactement !
M. René-Paul Savary. Tous les territoires seront couverts par le très haut débit, la 4G ou la 5G. Tous pourront donc partager leurs données.
À compter du 1er janvier 2022, la DSN sera obligatoire pour toutes les collectivités. Toutes les communes devront s’adapter à cette évolution, et une formation de tous les fonctionnaires sera nécessaire. Cela pourrait donner lieu à un formidable projet intercommunal de formation des secrétaires de mairie au numérique, au service du XXIe siècle.
Par ailleurs, il faut rapprocher l’identifiant fiscal et l’identifiant social. C’est la meilleure façon de lutter contre le non-recours aux droits, s’agissant en particulier du RSA. Il faut pour cela que le maire sache qui peut en bénéficier dans sa commune, d’où l’intérêt d’avoir un fichier.
Mes chers collègues, il nous faut revoir nos positions sur ce fichier, qui me paraît tout à fait important, non pas pour le plaisir de ficher les gens, mais pour des raisons de sécurité. À titre d’exemple, j’habite dans un rayon de trente kilomètres autour d’une centrale nucléaire. En cas d’accident nucléaire, tout le monde devra prendre des pastilles d’iode. Comment le maire fera-t-il pour s’assurer que tout le monde en a – tout le monde est censé en avoir, mais vous pensez bien que ce n’est pas le cas ! – alors qu’il ne sait pas à qui elles sont délivrées et qui habite encore sur le territoire de sa commune ? La délégation sénatoriale à la prospective a travaillé sur cette question. En situation de crise, il faut impérativement que ces données puissent être croisées, même si elles ne le sont pas systématiquement.
Je pense qu’il est essentiel que la position de la CNIL évolue sur ces amendements, que je serais tenté de sous-amender. Si l’on y indiquait clairement que le fichier a un but très précis – permettre de protéger rapidement les populations, en particulier les enfants et les personnes âgées –, la CNIL ne pourrait qu’y être favorable, dès l’instant où les usagers auraient donné leur accord et où ils seraient traités à égalité. Nous pourrions ainsi évoluer vers un système du XXIe siècle, tout en respectant bien entendu les libertés individuelles, sur lesquelles, on le sait, la CNIL veille.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nos amendements ne sont pas identiques au vôtre, madame la ministre. Nous sommes d’accord pour supprimer les alinéas 7 et 12. En revanche, notamment sur l’avis du CNEN, nous ne sommes pas du tout d’accord avec vous et nous ne vous suivrons pas sur ce point. Nous ne retirerons donc pas nos amendements.
Par ailleurs, je ne comprends pas la position des rapporteurs sur le seuil. Cela pose la question de l’unicité de l’accès des citoyens à un service essentiel. Ce seuil n’existe que dans l’esprit des rapporteurs !
Comment va-t-on légitimer auprès d’une partie de la population le fait de les priver d’un dispositif ? Comment va-t-on leur expliquer que ceux qui vivent dans une agglomération de plus de 10 000 habitants pourront en bénéficier, mais pas ceux qui vivent dans une commune – bienvenue au Ploukistan ! – se situant au-dessous de ce seuil ? Je suis désolé, un tel argument ne peut s’entendre ici, dans la maison des territoires.
Enfin, dernier point, nous ne sommes pas favorables à l’amendement n° 816 rectifié bis de Mme Schalck, parce que nous estimons qu’il vise à détourner le dispositif qui est mis en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il y a les réalités que l’on voudrait voir et les réalités qui existent. Il faut donc ne faire preuve ni de misérabilisme ni d’angélisme en la matière.
Sur le principe, tout le monde est bien évidemment pour le « dites-le-nous une fois », mais une fois qu’on a dit cela, on n’a rien fait. Cela me rappelle le débat que nous avons eu ici sur l’accessibilité des bâtiments. Bien évidemment, tout le monde y est favorable, mais il y a un fossé entre les aspirations de nos concitoyennes et nos concitoyens et la capacité des collectivités territoriales à rendre les bâtiments accessibles.
Alors, oui, la demande d’une part de plus en plus importante de nos concitoyennes et nos concitoyens de bénéficier de ce dispositif est légitime. Ceux-là ont accès au numérique sous toutes ses formes, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
J’entends ce que vous dites, mes chers collègues, mais le numérique, c’est trois choses : c’est le débit, le matériel et de l’humain pour gérer le fonctionnement. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est les trois ensemble. La question des usages demeure donc importante.
Madame la ministre, vous dites que les communes peuvent bénéficier d’aides pour s’équiper, mais encore faut-il qu’elles soient ensuite capables de partager les données. Objectivement, ce n’est pas vrai qu’il suffit de cliquer sur un bouton pour que tout se fasse et se passe bien. Il faut aussi du temps humain, du temps administratif pour que le partage de données entre administrations puisse se faire.
Nous pourrions certainement débattre pendant des heures du meilleur seuil, mais le fait est que certaines communes aujourd’hui n’ont pas de site internet. Certaines communes de moins de 1 000 habitants en ont un, tout comme certaines de plus de 1 000 habitants, mais le seuil n’est pas pertinent à cet égard.
Pour notre part, nous nous en tiendrons à la rédaction telle qu’elle résulte des travaux de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je suis d’accord avec ce qu’a dit Cécile Cukierman, mais je ne comprends pas le dernier argument qu’elle a avancé.
Nous proposons que toutes les communes puissent participer au « dites-le-nous une fois, quelle que soit leur population ; nous ne proposons pas de seuil. M. Folliot, M. Savary, M. Kerrouche, Mme la ministre l’ont bien dit, je le redis : ce dispositif n’est pas obligatoire. Il facilite la transmission d’un certain nombre de données et constitue de ce fait une avancée.
Je ne comprends donc pas votre position, madame Cukierman, et encore moins celle des rapporteurs, qui veulent empêcher un certain nombre d’habitants de nos territoires de bénéficier aujourd’hui de ce dispositif.
Nous vous avons posé plusieurs fois la question, mais nous ne comprenons toujours pas pourquoi vous voulez instaurer ce seuil, qui aurait pour effet d’empêcher des communes capables et volontaires de participer au « dites-le-nous une fois ». Je ne comprends pas pourquoi la petite commune limitrophe de la mienne ne pourrait pas participer à ce dispositif.
Je vous demande donc, madame, monsieur les rapporteurs de la commission des lois, de faire un effort et d’émettre au moins un avis de sagesse sur nos amendements nos 410 et 1163, qui visent à étendre la possibilité d’accéder à ce dispositif à toutes les communes françaises.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chers collègues, je vous invite à lire l’alinéa 7 de l’article 50, à la page 104 du projet de loi : « Les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales de moins de dix mille habitants ne sont pas tenus de transmettre des informations ou des données. » En droit, cela signifie que nul ne pourra intenter un recours contre le maire ou le président d’une intercommunalité de moins de 10 000 habitants qui ne pourrait pas partager de données. Quand on dit « ne sont pas tenus », cela signifie qu’il n’y a pas d’obligation juridique. En revanche, celles de ces communes qui souhaitent partager des données pourront le faire.
Cher Guy Benarroche, je pense donc que vos amendements sont largement satisfaits.
J’entends ce que dit Cécile Cukierman. Nous vivons tous dans des régions différentes. Pour ma part, je vis en Bretagne. Ce n’est pas parce que c’est une péninsule que nous sommes encore éclairés à la bougie ! Cela dit, je connais des maires de communes de 3 000 habitants qui, pour téléphoner, doivent sortir de leur mairie et se rendre sur une colline, sinon ils ne captent pas le réseau !
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cécile Cukierman a raison : faisons des efforts pour déployer le très haut débit avant de soumettre les maires à des obligations.
René-Paul Savary a lui aussi raison : la formation des secrétaires de mairie peut constituer un excellent projet intercommunal.
Je rappelle à notre collègue Éric Kerrouche et à chacun que l’objectif est non pas que les communes alimentent des fichiers – je ne suis pas sûre qu’elles détiennent des informations spécifiques –, mais qu’elles reçoivent des informations. En ce sens, cher René-Paul Savary, nous n’avons pas utilisé le mot « fichier ». Les dispositions que nous proposons et qui figurent dans le texte sont bénies, si je puis dire, par la CNIL. Si elles étaient adoptées, un décret préciserait ensuite le caractère confidentiel des données, leurs modalités d’accès et l’usage qu’il sera possible d’en faire.
Avec cet article, nous faisons un pas de géant, mais Cécile Cukierman a raison : ne fixons pas aux communes des objectifs qu’elles ne pourraient pas atteindre, mais donnons-leur les moyens d’y arriver. Si des communes de 200 habitants sont prêtes à partager des données, qu’elles le fassent !
Je renouvelle mes avis défavorables sur ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 816 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai bien entendu ce que vous avez dit, mais vous fixez tout de même un seuil de population. Pour sa part, le Gouvernement dit que ces nouveaux services sont accessibles partout, sauf là où c’est techniquement trop compliqué. Telle est la différence entre nous.
Nous sommes bien sûr d’accord sur le fait qu’il faut développer le très haut débit partout. À cet égard, j’ai contractualisé avec le président de la région Bretagne, l’État y soutenant fortement le déploiement de réseaux d’initiative publique. La région Grand Est, où est élu René-Paul Savary, bénéficie d’un déploiement assez particulier, pour ne pas dire extraordinaire, du très haut débit.
Cela étant, dans les endroits où il ne sera techniquement pas possible de mettre en œuvre le dispositif, faute de tuyaux, on ne le fera pas.
Je pense que fixer un seuil – j’insiste sur ce point, car j’y crois profondément – aura un effet psychologique. C’est, en quelque sorte, signifier que les communes de plus de 10 000 habitants ont les moyens et peuvent être raccordées, tandis que les autres non. (Mme le rapporteur et Mme Cécile Cukierman protestent.) Cela va, me semble-t-il, aggraver le sentiment de fracture entre les territoires ruraux et les grosses communes. Voilà, je le dis, car je le pense vraiment !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 410 et 1163.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 412, présenté par MM. Temal, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Afin d’examiner l’éligibilité des personnes sur leur droit au bénéfice d’une prestation ou d’un avantage prévu par des dispositions législatives et réglementaires, conformément aux conditions requises pour leur attribution, et d’ouvrir lesdits droits, les administrations procèdent à des échanges d’informations ou de données. Ces échanges sont strictement limités à ce qui est nécessaire à cet examen. Les informations ainsi recueillies et les traitements mis en œuvre en application du présent article pour procéder à ces échanges ne peuvent être ultérieurement utilisés à d’autres fins, en particulier à la détection ou la sanction d’une fraude.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. À l’article 50, le Gouvernement propose de mettre en place un échange d’informations ou de données entre administrations, afin d’informer les personnes sur leurs droits au bénéfice éventuel d’une prestation ou d’un avantage prévu par la loi.
Pourtant, le 9 juin dernier – ce n’est pas si vieux –, lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi visant à lutter contre le non-recours aux droits, on nous avait expliqué que l’échange de données était compliqué, voire impossible à mettre en œuvre et qu’il représentait une charge de travail importante. Toutes ces raisons invoquées avaient conduit la majorité sénatoriale et le Gouvernement à s’opposer à notre texte.
Et – ô surprise ! –, à peine un mois plus tard, ce qui était impossible est devenu tout à fait possible, et ceux qui s’opposaient aux échanges de données entre administrations sur la question des prestations sociales les proposent ! À croire qu’une idée a plus de chances de prospérer quand elle émane de certaines travées plutôt que d’autres…
Madame la ministre, nous avons franchi un cap, mais – force est de le constater – certaines conceptions ont la vie dure. Vous proposez que les administrations échangent entre elles, mais aux seules fins, précisez-vous bien, d’informer les personnes sur leur droit au bénéfice de certaines prestations.
Je pose une question toute simple : pourquoi s’arrêter au milieu du gué ? Je sais bien que certains ici voudraient « responsabiliser » les plus précaires – nous l’avons encore entendu hier ! –, mais si l’échange d’informations permet d’établir qu’une personne a le droit à une prestation, pourquoi ne pas la lui accorder directement, au lieu de simplement l’en « informer » ? Les données sont connues ; les droits également. Allez au bout de la démarche !
Notre amendement vise donc à faire en sorte que le mécanisme ne soit plus cantonné à la seule « information » sur les droits, mais qu’il permette leur application.