compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun d’entre vous, mes chers collègues, sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
situation au liban
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Jeudi dernier, le Président de la République s’est entretenu avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane.
L’Élysée a indiqué que les deux dirigeants partagent « la même volonté de voir se former un gouvernement crédible » au Liban pour sortir ce pays de la crise, et jugent que sa formation « reste la condition à la mobilisation d’une aide internationale à plus long terme ».
Or, depuis le mois d’octobre dernier, les échanges entre le Premier ministre Saad Hariri et le Président Michel Aoun n’ont toujours pas permis de former un gouvernement, alors que le Liban traverse une crise économique très grave : chute de la livre libanaise, hyperinflation, explosion de la pauvreté, défaillances dans le système de santé et risque de panne énergétique généralisée.
C’est cette faillite de l’État qui avait alimenté les manifestations du peuple, lequel réclamait le départ de toute la classe politique et le refus des ingérences étrangères, en particulier iraniennes.
Le système politique est empêtré dans ses querelles confessionnelles et la corruption, et reste complètement dépassé par la crise économique. En outre, les résultats de l’enquête sur les causes de l’explosion se font attendre, et il est difficile pour la justice libanaise de travailler en toute transparence, à l’abri des interférences politiques.
Lors de son dernier déplacement à Beyrouth, en septembre dernier, le Président de la République avait posé la formation d’un gouvernement légitime comme condition à la mobilisation de l’aide internationale, en particulier dans le cadre des conférences Cèdre en lien avec la Banque mondiale.
L’heure n’est-elle pas venue de faire preuve de plus de fermeté pour y parvenir et, ainsi, porter urgemment une aide secourable et nécessaire à la population libanaise ?
Aujourd’hui, monsieur le ministre, comment comptez-vous renforcer la pression de la communauté internationale, en particulier de l’Union européenne, pour soutenir le peuple libanais ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Fialaire, vous avez décrit avec réalisme la situation dans laquelle se trouve le Liban ; je compléterai toutefois vos propos en vous signalant que le produit intérieur brut du Liban a été ramené à celui des années 2000.
Cette crise n’est pas liée à une catastrophe naturelle : elle a des responsables bien identifiés. Face à cette situation, les forces politiques libanaises refusent de s’entendre sur la composition d’un gouvernement : leur aveuglement est un crime de non-assistance à pays en danger. Pourtant, vous l’avez rappelé, des engagements avaient été pris le 1er septembre dernier, y compris sur la totalité des réformes à entreprendre, que chacun connaît.
L’obstruction délibérée à toute perspective de sortie de crise, en particulier de la part de certains acteurs du système politique libanais, par des demandes inconsidérées et d’un autre temps, doit cesser ! Je vous informe, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que des propositions concrètes sont en cours d’élaboration à l’encontre de ceux-là mêmes qui ont abandonné l’intérêt général au profit de leurs intérêts personnels.
Si certains acteurs politiques libanais ne prennent pas leurs responsabilités, nous n’hésiterons pas à prendre les nôtres. Les décisions qu’ils prendront ou qu’ils refuseront de prendre au cours des prochains jours seront déterminantes. Tel est le message que le Président de la République et moi-même avons adressé aux principaux responsables libanais hier.
La France, pour sa part, continue de se tenir aux côtés du peuple libanais. Nous savons que le Liban peut compter sur des Libanaises et des Libanais de valeur, au sein de la société civile, qui ont à cœur de travailler sincèrement à l’édification du Liban de demain. C’est donc avec ceux qui portent l’espoir et l’avenir de ce pays que nous entendons travailler : nous ne ménagerons pas nos efforts à cette fin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Jean-Claude Requier et Pierre Louault applaudissent également.)
avenir d’air france (i)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, ma question concerne le secteur aérien. Pour autant, elle ne portera pas sur le sort d’une subvention de 8 000 euros allouée à l’aéroclub du Poitou ou sur le « péril vert » d’une police des rêves d’enfants. Suffisamment de ministres ont surréagi là-dessus, et continueront sans doute à le faire lors des prochains épisodes de la série « Haro sur les écolos ! ». (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. À qui la faute ?
M. Jacques Fernique. Ma question porte sur le nécessaire soutien au secteur aéronautique, qui est l’un des plus durement frappés par la crise mondiale provoquée par la pandémie : le trafic et les recettes se sont effondrés et les commandes d’avions neufs ont brutalement plongé. Les soutiens publics et les crédits de relance sont donc bien évidemment nécessaires.
L’annonce qui a été faite dimanche dernier d’un abondement de 4 milliards d’euros d’aides au bénéfice d’Air France participe de cet effort public. Il serait cependant illusoire de penser qu’il suffit de milliards payés par les contribuables pour assurer un avenir durable à l’aérien : ce secteur ne peut s’exonérer d’une transition qui réponde aux enjeux sociaux, économiques et climatiques.
Quelque 400 000 emplois sont en jeu pour l’ensemble du secteur. Nous ne pouvons pas accepter le délitement et les suppressions programmées. Quelles actions fortes l’État envisage-t-il pour la sauvegarde des emplois et les reconversions ?
Le climat également – et surtout !– est en jeu : un aller-retour Paris-New York, c’est une tonne de CO2 par passager. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Notre pays s’est pourtant engagé à ce que chacun d’entre nous, pour l’ensemble de son bilan carbone, passe sous les deux tonnes par an d’ici à 2050.
Quelle est la stratégie pour la décarbonation du secteur ? (Murmures accentués puis brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous pouvons déjà nous appuyer sur les progrès techniques existants et compter sur des reports, lorsque cela est possible, vers d’autres modes de transports moins émetteurs de gaz à effet de serre. Est-il viable de s’en remettre à l’initiative privée des acteurs du secteur ? Ne faut-il pas envisager des changements structurels ? (Le brouhaha redouble d’intensité.)
Monsieur le ministre, à quelle conditionnalité climatique et sociale prévoyez-vous de subordonner ces aides ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que vous ne manquez pas d’air ! (Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Ça plane pour lui !
M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, attaquer autant que vous le faites le transport aérien, tout en nous demandant de le soutenir, ça ne manque pas d’air !
Quant aux reproches que vous nous faites d’avoir attaqué collectivement la maire de Poitiers, vous me permettrez de confirmer une bonne fois pour toutes que je ne souhaite nullement, comme personne ici, que les responsables politiques s’occupent des rêves de nos enfants ! (Vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
Mais je veux vous rassurer, vous et votre collègue de Poitiers, ainsi que tous les Verts : nous continuerons à soutenir massivement et durablement le transport aérien, à travers les PME du secteur, le constructeur Airbus et toute l’industrie française, qui tous contribuent à faire notre excellence ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous réaliserons ce soutien avec l’ambition d’accélérer la décarbonation de notre industrie. Oui, nous sommes capables d’être la première nation, parmi le premier continent au monde, à proposer un avion zéro carbone fonctionnant à l’hydrogène. Cela vaut mieux que de laisser des avions cloués au sol, et les emplois qui vont avec.
Notre ambition est de voir voler les avions avec plus de carburant décarboné et de réduire l’utilisation de l’avion. À ce titre, nous avons demandé à Air France de supprimer toutes les lignes là où existe une solution de transport par train en moins de deux heures trente.
Telle est notre ambition : non des avions cloués au sol, mais des avions plus propres, plus compétitifs et créateurs d’emplois, qui soutiennent notre industrie ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
situation de la compagnie aérienne air austral
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, le secteur aérien français figure parmi les plus durement frappés par la crise sanitaire. Dans ce contexte, l’État a su prendre les décisions permettant de garantir la pérennité d’Air France et de Corsair.
Je souhaite, pour ma part, appeler votre attention sur la situation d’Air Austral, compagnie française de l’océan Indien basée à La Réunion, qui contribue depuis plus de trente ans au rayonnement des ailes françaises dans la zone sud de l’océan Indien.
Depuis le mois de janvier 2020, cette compagnie régionale a subi une chute dramatique de son chiffre d’affaires, de près de 55 %, ainsi qu’une dégradation de ses résultats.
Face à cette situation, un plan d’action a été décidé, mais il n’est pas suffisant. L’intervention de l’État est désormais cruciale pour assurer la survie de ce fleuron qu’est Air Austral, l’une des plus importantes entreprises françaises dans l’océan Indien, qui fait vivre plus de mille familles à La Réunion.
Il est urgent de maintenir les capacités de trésorerie de la compagnie. Un financement d’État de 30 millions d’euros était prévu. À ce jour, il semble que les discussions n’aient pas abouti. Or le temps presse, et il est urgent d’agir.
Le second niveau d’intervention implique que nous nous interrogions sur l’attitude agressive dont Air France fait montre sur les marchés ultramarins, et aux conséquences dramatiques que sa stratégie est susceptible d’entraîner sur l’existence même d’Air Austral, voire sur celle des autres compagnies qui desservent La Réunion.
Cette situation menace gravement l’avenir d’Air Austral. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement est aujourd’hui en mesure de rassurer ses dirigeants et ses salariés sur un total soutien de l’État, pour la sauvegarde de la pérennité de la compagnie.
Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger Air Austral des velléités d’Air France ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, je veux vous confirmer que l’État français soutiendra Air Austral. Il s’agit d’une compagnie vitale pour l’île de la Réunion, qui représente plusieurs centaines d’emplois. Elle se verra ainsi octroyer un prêt garanti par l’État d’un montant de 30 millions d’euros.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le président de la région, Didier Robert, voilà quelques instants. Celui-ci m’a confirmé que la Sematra soutiendra aussi financièrement Air Austral, en lui allouant une aide significative.
En outre, la Caisse des dépôts et consignations attribuera une aide de 5 millions d’euros à la compagnie, et je suis disposé à lui demander d’apporter un soutien financier supplémentaire.
Air Austral est une entreprise vitale pour l’île de la Réunion, pour la concurrence et les emplois qu’elle y représente. J’ai eu moi-même l’occasion de constater, lorsqu’il était encore aisé de se rendre à La Réunion, à quel point il s’agit d’une compagnie d’une grande qualité.
S’agissant des relations entre Air France et Air Austral, je ne veux laisser planer aucune ambiguïté : la première n’aura aucune prise de participation au capital de la seconde. Une telle participation a été rendue impossible par le soutien que l’État a apporté à Air France. Cette dernière doit se reconstituer et gagner en compétitivité, et ne peut donc pas dans le même temps investir dans Air Austral.
En revanche, il est essentiel qu’un accord soit conclu entre Air France et Air Austral sur la répartition des créneaux. Je suis conscient que les discussions entre les deux compagnies sont difficiles ; je suis prêt à aider à ce qu’elles puissent se poursuivre et aboutir de manière constructive, sans hostilité ni agressivité.
Je suis convaincu que nous arriverons à trouver ensemble un terrain d’entente. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, le monde agricole attend vos orientations pour la nouvelle politique agricole commune (PAC), avec un mélange d’inquiétude et de désabusement.
De désabusement, car jamais leur profession n’a été aussi incomprise et caricaturée
D’inquiétude, car les agriculteurs ne comprennent plus quel chemin on veut leur faire prendre.
Avant de trancher, il faut revenir à l’essentiel : en quoi une bonne PAC consiste-t-elle ?
C’est une politique pour une agriculture souveraine, non dépendante des importations d’autres pays.
C’est une politique qui favorise le pouvoir d’achat des citoyens, tout en soutenant le revenu des agriculteurs par des aides du premier pilier.
C’est une politique en faveur de notre compétitivité, qui n’abandonne pas notre vocation exportatrice.
C’est une politique de solidarité entre filières, notamment par la correction des handicaps naturels extrinsèques à la volonté des hommes. À ce titre, les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) doivent être garanties à l’euro près par le budget national.
C’est une politique qui invente l’agriculture de demain, en la faisant évoluer et en respectant le temps long des cultures, sans ajouter de contraintes supplémentaires pour nos agriculteurs.
À ce stade, monsieur le ministre, la politique agricole commune que vous envisagez ne va pas jusqu’au bout. C’est ce qui inquiète les filières. Écoutez donc leurs attentes !
Plus de transferts entre piliers, c’est plus de distorsions de concurrence entre États membres. En France, le taux doit être tout au plus maintenu à son niveau actuel. Les écorégimes ne doivent pas devenir une usine à gaz : ils doivent répondre à des conditions simples et embrasser un maximum d’agriculteurs.
Le couplage est également un enjeu. N’opposez pas les filières, en sacrifiant la filière bovine pour la filière protéines : jouons les complémentarités ; maintenez les enveloppes des aides couplées pour nos éleveurs.
Monsieur le ministre, les agriculteurs veulent des réponses claires à une question simple : à quoi la PAC que vous préparez ressemble-t-elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avant de vous répondre, monsieur le sénateur Duplomb, permettez-moi d’abord d’exprimer toute notre solidarité républicaine vis-à-vis du monde agricole, qui, comme vous avez pu le constater, subit depuis plusieurs jours des vagues de froid très importantes un peu partout dans notre pays, lesquelles ont des conséquences dramatiques sur plusieurs de nos filières. (M. Vincent Segouin s’exclame.) Cela renvoie d’ailleurs à une question dont nous avons beaucoup discuté, celle de l’assurance récolte dans le monde agricole.
Votre question concerne la vision que nous avons de la politique agricole commune. Je partage beaucoup des points que vous avez évoqués, vous le savez.
La PAC, selon moi, s’articule autour de quatre principaux objectifs.
Premier objectif : une agriculture compétitive, pour permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail. Cela signifie le maintien du premier pilier et la préservation d’un écorégime accessible à chacun.
Deuxième objectif : une agriculture plus souveraine. Il s’agit de lutter contre un certain nombre de dépendances, à l’égard des importations notamment. Vous connaissez notre combat pour la réduction des importations des protéines originaires d’Amérique du Sud – c’est la déforestation que l’on importe –, alors même que nos champs de protéines sont en décroissance dans notre pays.
Troisième objectif : une agriculture des territoires, qui prend en compte les spécificités territoriales. Cela suppose une prise en considération totale de l’ICHN et implique de reconnaître certaines spécificités comme celles des zones intermédiaires.
Quatrième objectif : une agriculture tournée vers la qualité, notamment dans les transitions agroécologiques. Je fais mien vos propos, monsieur le sénateur : l’écorégime ne saurait être une usine à gaz ; il doit être inclusif, en accompagnant les agriculteurs. Cela signifie que les aides couplées qui soutiennent cette création de valeur et cette qualité ne doivent pas opposer des filières – j’en suis absolument convaincu.
Tout cela est réalisé dans le cadre de la concertation.
Permettez-moi, en guise de conclusion, de vous remercier personnellement, monsieur Duplomb, car je connais votre implication, comme celle d’autres sénateurs, à ce sujet. Vos éclairages sont particulièrement précieux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
« erreur 404 » pour la continuité pédagogique
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
La semaine dernière, le Président de la République a annoncé la reprise des cours à distance pour l’ensemble des élèves de France du 6 au 9 avril, date qui marque le début des vacances de printemps. Les collégiens et les lycéens, quant à eux, suivront les cours à distance au moins jusqu’au début du mois de mai.
Hier, depuis leur habitation, ce sont donc 12 millions d’élèves qui ont tenté de se connecter. Malheureusement, deux séries de bugs informatiques les ont privés d’école, du moins temporairement : le bug de « Ma classe à la maison », dispositif géré par le Centre national d’enseignement à distance (CNED) visant à assurer les cours en visioconférence, et celui des espaces numériques de travail (ENT), qui permettent de charger les cours et les devoirs en ligne.
Vingt-quatre heures plus tard, les raisons de ces difficultés restent floues. Pour les ENT, notre fleuron national, l’hébergeur OVHcloud, a été accusé d’avoir failli. Celui-ci dément cette accusation, d’autant que certains ENT sont hébergés par Amazon. Quant au CNED, c’est l’explication d’une cyberattaque par déni de service qui a été avancée, soit exactement la même que celle qui a déjà été subie en mars 2020.
Cette situation montre, monsieur le ministre, que nous n’étions manifestement pas prêts à ce que les cours soient repris à distance, alors même que nous disposions de plusieurs mois pour nous y préparer.
Mme Pascale Gruny. Même après un an ?…
M. Laurent Lafon. Vous ne serez donc pas surpris par les questions que je veux maintenant vous poser.
Pourriez-vous nous expliquer les raisons précises de ces bugs et nous rassurer sur le fait qu’elles sont définitivement résolues ?
À la suite de l’attaque subie par le CNED l’an passé, quelles mesures ont été prises pour éviter qu’elle ne se reproduise ?
L’État a-t-il dialogué avec les collectivités locales pour qu’elles redimensionnent les hébergements des ENT ?
Enfin, de nombreux professeurs sont obligés de contourner ces difficultés en recourant à des plateformes, comme celles de Windows ou de Google. Disposez-vous d’un chiffrage précis sur l’étendue du phénomène ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Savin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Lafon, depuis hier, en effet, la France est entrée de nouveau dans l’enseignement à distance massif ; elle l’était déjà de manière hybride, s’agissant notamment des lycées.
Depuis un an, il s’est passé beaucoup de choses. Les professeurs ont bénéficié d’une préparation importante, en particulier d’une formation pour assurer les cours à distance. Ils étaient donc tous prêts hier. Je regrette donc d’autant plus les phénomènes qui se sont produits, lesquels relèvent de problèmes techniques. Toujours est-il que, sur le plan pédagogique, les professeurs étaient prêts.
En matière informatique, comme dans d’autres matières, le ministère de l’éducation nationale est responsable essentiellement des enjeux de « contenu ». Les enjeux de « tuyau », quant à eux, relèvent d’autres compétences.
Hier, la tenue des cours s’est passée correctement pour certains élèves, plus mal, voire très mal pour d’autres, mais seulement dans certaines parties du territoire, là où les ENT n’ont pas pu supporter l’afflux immédiat des millions d’élèves qui se sont connectés sur internet au même moment.
La semaine dernière, pourtant, les régions, qui sont en l’espèce responsables, nous avaient assuré que tout était prêt dans leurs relations avec les prestataires. C’est donc vers eux que nous devons nous tourner. Pour ma part, je n’ai nullement pointé la responsabilité d’OVHcloud. J’ai simplement affirmé hier, au début de la crise et au vu des premiers éléments dont nous disposions, que le fameux incendie qui était survenu avait eu des conséquences indirectes.
En effet, le report sur différents opérateurs, en France, révèle que certains d’entre eux ne possèdent pas la puissance technique nécessaire – je le déplore. Je le rappelle, un tel sujet ne relève pas de la compétence de l’éducation nationale.
Les personnes qui sont promptes à mettre les responsabilités sur le dos de l’éducation nationale doivent surtout nous expliquer ce qu’il s’est passé. Nous bénéficierons, dans le détail, des éclaircissements nécessaires dans les prochains jours. Dans l’immédiat, nous travaillons prioritairement au rétablissement de la situation – c’est bien ce qui se passe –, en liaison tant avec les régions qu’avec les opérateurs concernés.
Le CNED, quant à lui, a été la victime de cyberattaques, certaines ayant été commises depuis l’Hexagone, d’autres depuis l’étranger. Nous avons d’ailleurs porté plainte. Ces attaques ont été extrêmement importantes, au moment même où des centaines de milliers de comptes étaient créés pour faire face à la situation. Je compléterai évidemment ma réponse dans d’autres contextes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
avenir d’air france (ii)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, vous avez annoncé une nouvelle aide de 4 milliards d’euros et une montée de l’État au capital d’Air France-KLM à hauteur de 29,9 %, qui lui permettra de redevenir le premier actionnaire de la compagnie.
Depuis le début de cette crise, notre groupe n’a cessé de plaider pour des prises de participation de l’État dans les grandes entreprises stratégiques. Vous nous avez répondu que cela était impossible. Votre position a manifestement changé, mais vous avez perdu un an.
Ce soutien à Air France risque de coûter cher en contreparties exigées par la Commission européenne, au détriment des salariés et des usagers.
S’agissant des créneaux qu’Air France va devoir céder à ses concurrents, vous vous félicitez de n’avoir à céder que 18 créneaux plutôt que les 24 demandés initialement par la Commission européenne. Mais exiger d’une entreprise en difficulté qu’elle cède des créneaux, même peu fréquentés et même à des compagnies répondant à certaines exigences fiscales et sociales, ce qui n’est pas de l’avis de la Commission européenne, ne fera que l’affaiblir davantage.
Monsieur le ministre, la question centrale est la suivante : avec quelle ambition politique, sociale et environnementale l’État monte-t-il au capital d’Air France ?
Cette prise de participation est-elle temporaire dans le but de nationaliser les pertes puis de reprivatiser les profits dès que la situation s’améliorera, en faisant payer l’addition aux salariés, ou s’agit-il d’un engagement pérenne, bénéfique à Air France, à ses salariés et à ses usagers ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je sais une chose : si l’État français n’avait pas soutenu Air France depuis le premier jour de cette crise, cette compagnie n’existerait plus à l’heure où je vous parle !
Mme Pascale Gruny. C’est l’évidence même.
M. Bruno Le Maire, ministre. L’État français, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, a pris ses responsabilités. Il a estimé qu’Air France et les 40 000 emplois concernés étaient stratégiques, de même que le tourisme, fortement affecté, et notre capacité à avoir des aéroports de classe mondiale grâce à Orly et à Roissy-Charles-de-Gaulle.
Nous avons donc décidé d’apporter à Air France un soutien massif d’un montant de 7 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros alloués sous la forme d’un prêt garanti par l’État et 3 milliards d’euros en avances de l’État. Ces 3 milliards d’euros, initialement échelonnés sur quatre ans, viennent d’être transformés en participation directe de l’État en fonds propres de l’entreprise.
L’annonce que j’ai faite hier concernant la montée de l’État au capital de la compagnie, pour un montant maximal d’un milliard d’euros, fera de lui le premier actionnaire d’Air France. Il ne peut y avoir de témoignage plus clair de notre détermination à soutenir cette compagnie aérienne nationale. Il y va de l’indépendance de la France et de notre capacité à peser dans le tourisme mondial.
Des contreparties ont certes été exigées, mais je rappelle tout de même que Lufthansa a accepté de céder 48 créneaux en échange du soutien de l’État allemand. Air France va céder 18 créneaux, sur les 24 initialement demandés, soit 4 % de ses créneaux sur l’aéroport d’Orly. Cet accord me semble équilibré et raisonnable.
Point clé : nous avons également obtenu qu’aucune compagnie pratiquant du dumping social ou fiscal ne puisse accéder à ces créneaux aériens cédés par Air France.