M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Eu égard à l’importance de cet article, monsieur le président, j’espère que vous comprendrez que je prenne un peu plus de temps pour donner l’avis de la commission.
Je remercie les orateurs, dont certains semblaient répondre non, sans même connaître la question… Le plaidoyer de Mme Assassi avait le mérite de la cohérence et je vais tenter de lui expliquer pourquoi la commission désire adopter cet article.
Mme Éliane Assassi. Je suis toujours cohérente ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais nous, nous n’étions pas cohérents, monsieur le rapporteur ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pas tous… Mais je ne veux vexer personne ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Trop tard !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’article X de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, à laquelle il a été fait allusion indirectement avec la Convention européenne des droits de l’homme et un certain nombre de sujets connexes, dispose : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Je le dis en réponse à M. Sueur, dont l’intervention était également très cohérente.
M. Didier Marie. Il distribue les bons points !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La décision du Conseil constitutionnel de 1985, tirant les conséquences de cet article, dispose : « Il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré. »
Dans une décision de mars 2003, le Conseil constitutionnel précise : « Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, […] et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties », au nombre desquelles figurent bien évidemment la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Nous avons reçu de l’Assemblée nationale un texte qui nous semblait imparfait en ce qu’il portait atteinte aux principes de nécessité et de constitutionnalité – je réponds ici à Mme de La Gontrie, qui a raison sur ce point – et à un article significatif de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans ces conditions, nous sénateurs, porteurs des traditions qui sont les nôtres, ne pouvions accepter cet article en l’état, sans doute rédigé dans la précipitation. Nous ne pouvions accepter non plus de nos collègues députés qu’ils ajoutent, par voie d’amendements, l’exigence d’une volonté malveillante manifeste – ce qui ne veut rien dire – ni l’application de la mesure sans préjudice du droit d’informer – ce qui n’a aucune portée.
Nous avons exprimé, à plusieurs reprises, notre désaccord avec la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Mais nous sommes d’accord, monsieur le ministre, avec l’intention des auteurs du texte, réitérée lors des auditions, d’inscrire dans la loi un article spécifique pour préserver les membres des forces de l’ordre en opération de toute identification.
Nous nous sommes donc mis au travail pour réécrire l’article, avec le souci de sortir de cette opposition délétère entre protection des forces de sécurité intérieure et liberté de la presse. Comme l’ont souligné plusieurs orateurs, avec la rédaction précédente de l’article, le risque d’autocensure des journalistes était évident. En repartant du texte de l’Assemblée nationale, quand bien même nous aurions essayé de l’améliorer, nous n’aurions pu qu’aboutir à cette opposition délétère et au risque d’autocensure.
Avec cette nouvelle rédaction, je peux dire à Mme Assassi et aux autres orateurs qu’il ne sera plus possible de poursuivre un journaliste, un rédacteur ou une personne sans carte de presse qui filmerait, sur le fondement de la diffusion des images. En revanche, nous instituons un délit de provocation avec intention de nuire, qui sera réprimé plus sévèrement.
Ce nouveau quantum de peine, madame Benbassa, correspond à celui de l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui protège tous les citoyens. Dans ce texte, nous visons spécifiquement la protection des membres des forces de l’ordre en opération. Pour des raisons évidentes de cohérence, il était nécessaire d’harmoniser les quantums de peine applicable. Il est vrai que discuter presque simultanément de ces deux articles pose problème…
Mme Éliane Assassi. C’est très problématique !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le nouvel article, qui se compose de deux parties, vise le code pénal et non plus la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
La première partie tend à protéger les membres des forces de l’ordre contre la volonté malveillante de les identifier. Notre conception de la liberté fait qu’un journaliste a bien évidemment le droit de filmer ce qu’il veut et de diffuser ce qu’il estime nécessaire, en fonction de sa déontologie.
Filmer un numéro d’identification pour dire que le policier en question vous a sauvé la vie et que vous allez lui offrir des chocolats ne tombe pas sous le coup du délit. Par contre, s’il est démontré que les éléments d’identification – images, fichiers, données personnelles… – ont été diffusés dans l’intention de nuire, le délit est constitué et nous protégeons les forces de l’ordre, conformément à l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et aux interprétations successives du Conseil constitutionnel.
Je suis sûr que nous respectons, dans cet article, les principes de nécessité et de proportionnalité. J’ai voulu regarder les choses en profondeur. Nous avons passé beaucoup de temps sur cette question et auditionné d’éminents juristes, qui ne sont pas tous d’accord entre eux, au plus haut niveau de l’État. Ces deux principes sont bien respectés, et c’est là l’essentiel pour le Conseil constitutionnel, que le Premier ministre a décidé, à juste titre, de saisir sur ce texte.
La seconde partie vise, mes chers collègues, conformément à l’avis que la CNIL, saisie par le président Buffet, a remis à la commission des lois, à garantir la répression de la constitution de fichiers visant des fonctionnaires et personnes chargées d’un service public dans un but malveillant. Il ne s’agit pas spécifiquement d’images – le mot « image » n’est d’ailleurs inscrit nulle part dans ce texte – et je m’étonne des commentaires de certains, notamment à la télévision, qui n’ont pas lu cet article et qui prétendent que nous sanctionnons la diffusion d’images. Ce n’est ni la lettre ni l’esprit de ce texte.
Nous appliquons simplement, dans le respect des directives européennes, la loi Informatique et libertés, avec un quantum de peine correspondant à la nature des personnes concernées.
Cet article ne se substitue pas à d’autres articles du code pénal. Nous avons, là aussi, consulté d’éminents juristes. Le procureur général près la Cour de cassation, M. Molins, nous a transmis à cet égard une note très complète,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Personne ne l’a eue !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. … exposant ses griefs à l’encontre de la précédente version et ses attentes à l’égard de la nouvelle.
Je prétends que notre rédaction répond à l’ensemble de ces griefs et qu’elle est juridiquement correcte, équilibrée et respectueuse de la Déclaration des droits de l’homme.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression et vous invite à adopter cet article.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que la commission prend la parole quand elle le souhaite, mais que son temps de parole reste limité à deux minutes et trente secondes par avis et par amendement.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agissait d’un sujet particulièrement important, monsieur le président.
M. le président. J’en conviens, monsieur le rapporteur. Cette question est même essentielle, mais le règlement est le même pour tous.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne reviendrai pas sur les attendus de cet article 24 que j’ai exposés lors de la discussion générale.
Le Président de la République a souhaité confier au Parlement le soin de récrire cet article…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la moindre des choses !
M. Gérald Darmanin, ministre. … en respectant ses buts, qui sont nobles.
Le Gouvernement aurait pu déposer un amendement, monsieur Sueur, certes soumis à l’avis des parlementaires, mais il aurait ainsi participé à la rédaction du texte.
Monsieur le président Kanner, je me suis bien évidemment posé la question de savoir si un tel dispositif existait déjà. Or, sur les faits dont j’ai eu à connaître en tant que ministre de l’intérieur, ou ceux dont prédécesseurs ont été saisis, y compris ceux du gouvernement auquel vous avez appartenu, il n’y a jamais eu de condamnation pour des divulgations d’identité de policiers ou de gendarmes, y compris dans notre région. Je pense aux policiers de Calais dont les noms, prénoms, adresses et photos sont aujourd’hui encore exposés sur un site internet hébergé à l’étranger. Au regard des commentaires que l’on peut y lire, ce n’est sans doute pas pour leur apporter des chocolats à Noël…
Je me suis donc posé la même question que vous et je n’en ai pas conclu que la justice ne faisait pas son travail, mais que l’incrimination pénale était mal rédigée.
Par ailleurs, il n’est venu à aucun moment à l’esprit du Gouvernement d’interdire aux journalistes de filmer et de diffuser des images. À cet égard, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la carte de presse. Or, comme le soulignent certains syndicats de journalistes, n’est pas journaliste celui qui a une carte de presse, mais celui qui se dit journaliste.
Personne ne pense qu’un journaliste qui filme et diffuse des images le fait pour attenter à la vie physique ou psychique des policiers et des gendarmes. En effet, même un journaliste est soumis, comme tout citoyen, comme les policiers et les gendarmes eux-mêmes, au code pénal. Il ne s’agit donc pas d’empêcher les journalistes de faire leur travail ou de rendre la loi bavarde avec des incriminations redondantes.
Cela étant dit, et sans revenir sur le fond, le Sénat décidera souverainement, tout comme l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire. Les buts sont nobles – et je remercie le Sénat d’y réfléchir à ce point –, mais les moyens méritent certainement d’être améliorés.
Certains orateurs se sont émus de l’inscription initiale de ces dispositions dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Votre assemblée, majorité et opposition désormais convaincues par les arguments du rapporteur, va inscrire directement dans le code pénal des dispositions qui devaient initialement figurer dans cette loi. Or le texte de 1881 n’est pas plus ou moins protecteur qu’une autre loi. Vous allez créer une incrimination pénale qui permettra des comparutions immédiates et des gardes à vue, ce que ne permettait pas le texte initial.
On a longtemps dit que le Gouvernement avait écrit ce texte avec ses pieds – fort bien ! Je comprends la volonté du rapporteur, avec lequel j’ai déjà discuté de cette question, et je soutiens en quelque sorte cette volonté de conférer une plus grande force et autorité à cette incrimination. Mais comprenez bien que cette inscription dans le code pénal permettra des comparutions immédiates et des gardes à vue qui n’étaient pas envisageables en restant dans le cadre de la loi de 1881.
Nous n’allions pas non plus créer d’ovni, comme d’aucuns semblent le penser, en inscrivant ces dispositions dans la loi sur la liberté de la presse. Permettez-moi de vous renvoyer à son article 39 sexies, modifié en 1995 – en janvier 1995, sous Charles Pasqua (Sourires.) – et en 2009, qui dispose : « Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 15 000 euros. »
Voilà déjà vingt-six ans, le législateur de l’époque a donc prévu un dispositif, qui n’a été modifié par aucun gouvernement depuis, visant à protéger les policiers, les gendarmes, les militaires – sans doute dans le cadre de l’opération Sentinelle – ou les personnels administratifs du ministère de la défense et les agents des douanes contre la divulgation d’éléments d’identification. Nous n’avons pas réinventé l’eau chaude ni commis d’atteinte disproportionnée à la démocratie…
Certes, monsieur le président Sueur, la loi de 1881 est une grande loi de la République, mais elle a été modifiée des dizaines de fois. À ma connaissance, en 1881, il n’y avait ni internet ni réseaux sociaux. Sans doute les législateurs de l’époque étaient-ils de grands visionnaires, mais ils étaient tout de même limités par le niveau des connaissances et des techniques de leur époque. Il est normal d’améliorer cette loi, de la compléter, de la modifier comme toute autre loi, même s’il s’agit d’une grande loi qui fonde le fonctionnement républicain et démocratique de notre pays.
Des dispositions prévoyant la pénalisation de la diffusion de l’identité de fonctionnaires de police ou de gendarmes ont été intégrées à cette loi dès 1995, puis en 2009, sans qu’aucune modification intervienne ensuite – les lois touchant à la sécurité ou à la liberté d’expression n’ont pourtant pas manqué depuis… Nous avons simplement voulu modifier ces dispositions pour tenir compte de l’essor des réseaux sociaux et des menaces personnelles grandissantes qui pèsent sur les policiers et les gendarmes. Le personnel administratif est aussi concerné, comme dans le drame de Magnanville : la femme du policier tué, égorgée devant son fils, faisait partie du personnel administratif du ministère de l’intérieur.
Je ne vais pas détailler ici les menaces qui pèsent sur les conjoints de policiers et de gendarmes ou leurs enfants, quand ils se rendent au supermarché ou qu’ils vont dans leur club de sport, par exemple, et qu’ils sont reconnus. Vous savez tous qu’ils sont très nombreux à être visés. Il me semble qu’il s’agit d’un sujet important.
Les dispositions figurant dans la loi SILT n’étaient pas disproportionnées, n’étaient pas contraires à la loi de 1881, n’empêchaient pas les journalistes de travailler, s’appuyaient sur une base légale qui remonte à plus de vingt-cinq ans. Nous comprenons toutefois qu’il faille améliorer la rédaction de ce texte. Nous faisons confiance au Sénat et à l’Assemblée nationale pour y parvenir tout en respectant l’intention initiale, à savoir protéger les policiers et gendarmes en opération de police. À ce titre, monsieur le rapporteur, cet article est très différent de l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Le Gouvernement vous invite à ne pas voter ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne vous surprendrai pas en disant que mon groupe votera les amendements de suppression.
Comme l’a souligné le rapporteur, le 24 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel sur cet article.
Je voudrais donc rappeler, pour éclairer utilement les travaux à venir du Conseil, que le droit pénal obéit au principe de légalité des délits et des peines : on ne peut être sanctionné que si la loi pénale est précise et claire. Or le Parlement va voter, dans quelques instants, des dispositions qui se superposent à l’article 18 du projet de loi relatif aux principes de la République.
J’ai déjà eu l’occasion, ce matin, de signaler ce problème dont ni le Gouvernement ni le Parlement ne semblent prendre la juste mesure.
Comme l’a souligné le ministre à l’instant, ces dispositions, qui vont figurer dans le code pénal, permettront des comparutions immédiates en dérogation aux règles de la loi du 29 juillet 1881. Ce chevauchement n’est pas satisfaisant.
Nous nous apprêtons à voter, à quelques semaines d’intervalle, des dispositions différentes pour des situations qui peuvent être analogues. Je sais que chacun veut continuer son chemin : défendons le projet de loi, on verra plus tard ! Mais il est de notre responsabilité de choisir entre les deux articles : soit nous votons cet article 24, soit nous votons, dans quelques semaines, l’article 18, de même que l’article 20 qui prévoit une exception pour les comparutions immédiates. Voter les deux nous fera encourir la censure du Conseil constitutionnel.
M. Alain Richard. On verra !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 rectifié, 116 et 281 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 230, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image, hormis lorsqu’ils sont affectés dans les services d’intervention, de lutte anti-terroriste et de contrespionnage spécifiquement énumérés dans un arrêté ministériel et hormis les cas de publications d’une diffamation ou d’une injure à raison de leurs fonctions ou de leur qualité.
La liberté de l’information, qu’elle soit le fait de la presse ou d’un simple particulier, prime sur le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction.
Les policiers ne peuvent donc s’opposer à l’enregistrement de leur image lorsqu’ils effectuent une mission. Il est exclu d’interpeller pour cette raison la personne effectuant l’enregistrement, de lui retirer son matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support.
Ils ne peuvent par ailleurs s’opposer à l’éventuelle diffusion de cet enregistrement que dans certaines circonstances particulières.
Est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende toute personne qui empêche l’application de ces dispositions.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de réécriture, travaillé avec le Syndicat national des journalistes (SNJ).
Monsieur le rapporteur, vous avez en quelque sorte déjà répondu à la question que nous soulevons. Toutefois, et même si nous saluons la nouvelle rédaction de la commission des lois, des incertitudes demeurent, notamment sur la première partie de cet article qui renvoie à la justice la responsabilité de la mise en œuvre de ce dispositif.
Je ne reviendrai pas sur l’effet de miroir avec l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République dont nous discuterons dans quelques jours. La nécessaire intelligibilité de la loi supposerait la clarification des rapports entre les deux textes.
Certaines personnes usurpent le titre, mais il existe de vrais journalistes qui ne disposent pas de carte de presse et qui se retrouveront exclus du dispositif.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Grand, Burgoa et Wattebled, Mme Joseph, M. Favreau, Mme Pluchet, M. Chatillon, Mme Gosselin, MM. Duplomb, Regnard, Gueret et Milon et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 35 quinquies. – Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, le fait de diffuser sans l’accord de l’intéressé, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, l’image du visage non floutée ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale, ou d’un agent de police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police. »
II. – Les dispositions de l’article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Si j’ai déposé cet amendement, chers collègues de la majorité sénatoriale, qui n’est nullement attentatoire à la démocratie et à la liberté de la presse, c’est parce que j’ai considéré que l’interdiction de la diffusion dans le seul cas d’intentions malveillantes semble d’une application très difficile, car soumise à appréciation subjective et interprétation. Je préfère quelque chose de plus carré.
Je suis très étonné de tout ce que j’ai pu entendre au cours des dernières quarante-huit heures. Le dogmatisme est vraiment au rendez-vous de ce débat ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Éliane Assassi. C’est reparti !
M. Jean-Pierre Grand. Qu’il s’agisse de la police municipale, de l’armement de la police, des drones ou d’autres moyens modernes, tout est rejeté !
Nous n’avons pas à être sur la défensive ! On nous accuse, si j’ai bien compris, de vouloir attenter aux libertés, à la démocratie et aux droits de l’homme.
Mme Éliane Assassi. Oui, c’est ça !
M. Jean-Pierre Grand. Faites appel à votre mémoire ! J’observe que, au sein des formations politiques qui nous accusent de tous ces maux terribles, se trouvent celles et ceux qui, historiquement, ont toujours défendu les nations qui ont le plus porté atteinte à la démocratie et aux libertés. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Revenons donc sur terre !
Mme Éliane Assassi. C’est une obsession !
M. Jean-Pierre Grand. Ce qui me gêne, c’est d’être obligé de me défendre sur ces points.
Dire que nous ne souhaitons pas que le visage d’un policier soit vu sur TF1, BFM ou CNews, le soir, à vingt heures,…
Mme Éliane Assassi. Avec des commentaires d’Éric Zemmour ?
M. Jean-Pierre Grand. … afin d’éviter qu’il ne soit agressé, lui, sa famille et ses enfants, ne me semble pas être de nature à vous choquer. Quoi qu’il en soit, je suis certain que 90 % des Français sont d’accord avec moi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Et l’opposition, le pluralisme, ça ne vous dit rien ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur les propos de Mme Cécile Cukierman, j’apporterai plusieurs précisions.
Tout d’abord, pour ce qui concerne l’article 18 du projet de loi confortant le respect des valeurs de la République, les personnes concernées ne sont pas les mêmes, M. le ministre l’a dit, puisqu’il s’agit de l’ensemble des citoyens, alors que l’article 24 de ce texte ne concerne que les policiers en opération.
Par ailleurs, les incriminations ne sont pas les mêmes. Enfin, au moment où le débat arrivera au Sénat, nous proposerons un article visant à établir une complémentarité complète entre les deux articles.
Je le redis, la rédaction actuelle de l’article 24, qui a été pesée au trébuchet, n’interdit pas aux journalistes de filmer. Elle n’interdit pas la diffusion, et cela vaut pour les journalistes comme pour les personnes qui n’ont pas la carte de presse. Le problème, c’est quand ils le font en permettant l’identification, avec une intention dolosive.
Monsieur Grand, je l’ai dit en commission, le droit français ne permet pas le floutage des images des policiers. Seuls les mineurs ou des catégories très spécifiques, comme des policiers intervenant dans une opération du RAID, peuvent l’être. Toutes ces exceptions sont très réglementées depuis des années et font l’objet d’une liste très claire. Je ne peux pas être favorable à un amendement s’opposant au droit français.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 8 est-il maintenu, monsieur Grand ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 229, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à supprimer les trois premiers alinéas de cet article, qui nous semblent encore flous. Je crois déjà connaître les arguments qui nous seront opposés. Quoi qu’il en soit, nous le maintiendrons.
M. le président. L’amendement n° 311, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
police nationale
insérer les mots :
, d’un agent des douanes
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à étendre aux douaniers le dispositif prévu dans cette proposition de loi pour sanctionner la diffusion d’images des visages des policiers et militaires de la gendarmerie nationale sur les réseaux sociaux à des fins malveillantes.
Je voudrais que les douaniers, qui semblent avoir été oubliés, soient également concernés par ce texte.
M. le président. L’amendement n° 10 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Requier et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ou d’un agent de la police municipale
par les mots :
, d’un agent de police municipale, d’un garde-champêtre ou d’un sapeur-pompier
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Les auteurs de l’amendement souhaitent élargir la liste en prenant en compte les gardes champêtres et les sapeurs-pompiers, qui doivent, au même titre que les autres, être protégés.
M. le président. L’amendement n° 176 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Requier et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
concubin
insérer les mots :
, l’ascendant
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que les mêmes peines seront applicables en cas de provocation à identifier le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le concubin ou l’enfant d’un policier ou d’un gendarme.
Cette liste nous paraît incomplète, dans la mesure où elle ne prend pas en compte les parents ascendants des agents.