M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous connaissez la jurisprudence quasi constante de la commission au sujet des demandes de rapport. Nous sommes donc défavorables à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous allons évidemment voter contre cet amendement, mais pas uniquement parce que c’est une demande de rapport. C’est aussi parce qu’il vise à transformer le Cnaps en une direction du ministère de l’intérieur. C’est une question de fond que pose notre collègue Ravier : il propose en fait un projet de société qui, je peux vous le dire, est loin d’être le nôtre !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 310 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE III
VIDÉOPROTECTION ET CAPTATION D’IMAGES
Article 20
Le chapitre II du titre V du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de l’autorité publique » sont supprimés ;
b) Après le mot : « gendarmerie », la fin est ainsi rédigée : « nationales et des services de police municipale ainsi que par les agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1. » ;
2° L’article L. 252-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ainsi que des douanes et des services d’incendie et de secours » sont remplacés par les mots : « , des douanes, des services d’incendie et de secours, des services de police municipale ainsi que les agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1 » ;
b) À la troisième phrase, les mots : « ainsi que des douanes et des services d’incendie et de secours » sont remplacés par les mots : « , des douanes, des services d’incendie et de secours, des services de police municipale ainsi qu’aux agents individuellement désignés et dûment habilités mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1 » ;
3° (nouveau) L’article L. 255-1 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase, après le mot : « mentionnés », sont insérés les mots : « au second alinéa de l’article L. 252-2 et », et, après le mot : « enregistrements » la fin est ainsi rédigée : « pour les seuls besoins de leur mission, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce même décret précise les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 81 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 293 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement de suppression confirme notre opposition au rapprochement entre police nationale et police municipale.
L’article 20 offre la possibilité aux agents de police municipale de visionner les images des systèmes de vidéosurveillance installés sur la voie publique ou dans des lieux publics.
Or le visionnage des images doit être rigoureusement encadré dans le respect des libertés privées et individuelles des citoyennes et des citoyens. Ces garanties impliquent que ces images ne tombent pas entre les mains de n’importe quel agent et ne soient pas utilisées dans n’importe quel but.
Aujourd’hui, seuls les agents des services de police ou de gendarmerie peuvent en être destinataires, car ils ont un statut et une formation appropriés à cette prérogative. D’ailleurs, la CNIL n’a pas manqué de rappeler son inquiétude quant à l’élargissement du nombre de personnes pouvant visionner ces images.
Les garanties apportées par la commission des lois demeurent, je suis désolée de le dire, très faibles. (M. le rapporteur hausse les épaules.). Nous demandons la suppression de cet article afin d’en rester au cadre légal actuel, d’une part, pour ne pas atténuer la frontière entre polices municipale et nationale, car nous estimons qu’elles représentent des entités aux missions et à la composition bien distinctes, d’autre part, pour sauvegarder les libertés et protéger la vie privée.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 293 rectifié bis.
Mme Laurence Harribey. Cet amendement a été rédigé dans le même esprit et vise le même objectif que le précédent.
L’article prévoit une extension très importante de l’accès aux images de vidéoprotection. Or nous estimons que la nécessité d’une telle mesure n’est pas démontrée, alors que le droit en vigueur limite strictement le nombre de personnes habilitées à accéder à ces visionnages.
Rien dans l’exposé des motifs de la proposition de loi comme dans le rapport de l’Assemblée nationale ne justifie un tel dispositif, qui conduit à ce que les images collectées au moyen de dispositifs de vidéoprotection soient visionnées par un nombre beaucoup plus élevé de personnes.
Les rapporteurs de l’Assemblée nationale soulignent qu’il s’agit non pas d’un élargissement de la collecte d’images, mais uniquement d’une extension de la liste des personnes habilitées à les visionner, sans plus de précision. En outre, Mme Assassi vient de l’indiquer, la formation n’est pas au rendez-vous.
Enfin, je veux indiquer à notre rapporteur, qui a rappelé la nécessité d’être en phase avec les textes européens, que le visionnage de ces images doit être entouré de certaines précautions, car il est susceptible de porter préjudice au droit à la vie privée, et qu’il ne doit jamais être une fin en soi. Pour être autorisé, il doit être justifié par un but déterminé.
Voilà pourquoi nous demandons, au travers de cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je le rappelle, l’article 20 du texte vise à étendre aux policiers municipaux l’accès aux images de certaines caméras installées sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public.
Cette nouvelle faculté ouverte aux policiers municipaux nous paraît légitime, mais elle doit évidemment être encadrée. C’est pourquoi la commission a inscrit, dans la proposition de loi, plusieurs garanties suggérées par la CNIL au travers de l’avis que celle-ci a rendu au Sénat, après la saisine de M. le président de la commission des lois, François-Noël Buffet.
Ainsi, l’accès aux enregistrements de vidéoprotection doit être soumis au strict respect du « besoin d’en connaître » ; une exigence de formation minimale s’impose au personnel habilité ; la conservation des enregistrements doit répondre à certaines exigences de sécurité ; la traçabilité des accès doit permettre de connaître l’historique des consultations réalisées par les agents autorisés.
Ces mesures techniques, dont il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser le détail, permettront une meilleure effectivité des contrôles exercés par la CNIL ou par les commissions départementales.
Je veux insister sur l’utilité qu’il y a à présenter, dans le texte adopté par le Sénat, une version de l’article prévoyant ces garanties. En effet, si nous voulons convaincre nos collègues députés d’insérer un certain nombre de garanties dans le texte final, il ne faut pas que nous supprimions, dans notre mouture, ces avancées et garanties – elles vous paraissent peut-être mineures ou insuffisantes, mais elles nous permettront d’avoir un débat en commission mixte paritaire.
Si nous opposons une page blanche au texte de l’Assemblée nationale, alors Marc-Philippe Daubresse et moi-même, ainsi que les sénateurs qui siégeront au sein de la commission mixte paritaire, aurons le plus grand mal à argumenter et à faire avancer les choses en faveur de garanties étendues.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 20 et les suivants qui sont relatifs à l’image susciteront sans doute un débat – il est légitime. Néanmoins, je veux dire à quel point les propos que j’ai entendus en défense des amendements me paraissent décalés par rapport aux principes mêmes du droit que nous devons produire pour les collectivités locales et ceux qui utilisent les images de vidéoprotection.
En premier lieu, je vous ferai remarquer que les caméras de protection relèvent de la compétence du maire – cela montre d’ailleurs que celui-ci s’inscrit bien dans le continuum de sécurité – et que l’usage de cet outil est extrêmement encadré par plusieurs dispositifs législatifs, mais que l’adoption du dernier de ces dispositifs date, mesdames, messieurs les sénateurs, de 1995 !
M. Jérôme Bascher. Les choses ont quelque peu changé depuis lors !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela fait donc plus de vingt-cinq ans que nous n’avons pas légiféré sur la question des images de vidéoprotection.
M. Pascal Savoldelli. Et qui était ministre de l’intérieur à l’époque ?
M. Alain Richard. Charles Pasqua !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne dirai pas qui était ministre de l’intérieur à l’époque, mais j’ai entendu votre réponse, monsieur le sénateur Richard… (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. On a le droit de changer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Bref, cela ne nous rajeunit pas et, surtout, les technologies ont largement évolué depuis cette époque.
Ainsi, chacun le sait, il y a aujourd’hui, dans la plupart de nos communes, des caméras à zoom contrôlable ; on peut le constater, en visitant les centres de supervision urbaine. Ces caméras peuvent zoomer pour permettre, par exemple, de lire une plaque d’immatriculation au bout d’une rue. Or cela n’est pas prévu par la législation.
Autre exemple, la caméra dôme, qui filme à 360 degrés. On en voit, elles sont partout, tout le monde en installe, quel que soit le bord politique de la municipalité, mais elles non plus ne sont pas prévues par la législation.
Par conséquent, cette proposition de loi n’aborde pas des sujets qui seraient complètement orwelliens. Au contraire ! Il s’agit d’encadrer ce qui est pratiqué par les collectivités locales, notamment dans les centres de supervision urbaine, sans être régi par les lois de la République, ce qui – convenons-en – pose quelques difficultés par rapport aux libertés publiques et à l’accès aux images…
En second lieu, indépendamment des évolutions technologiques, le droit européen a avancé. J’ai été interpellé précédemment à propos du droit européen sur d’autres sujets ; eh bien, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données, le fameux RGPD que vous avez vous-même transposé, représente plutôt une garantie pour les citoyens qu’un pas vers une société de contrôle.
De même, la directive (UE) 2016/680 du même jour relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, dite Police, justice, a fait naître des dispositions européennes qui devraient s’appliquer à notre droit.
Enfin, M. le rapporteur, qui est membre de la CNIL, sait que de très nombreuses modifications ont été apportées à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour ce qui concerne l’accès aux fichiers, sans jamais concerner les images des caméras de vidéoprotection.
Ainsi, non seulement les dispositions de l’article 20, qu’il ne faut surtout pas supprimer, sont importantes pour l’action des forces de police – tant pour la sécurité publique que pour la police judiciaire – et des maires, qui doivent s’inscrire dans le bon cadre légal, mais elles sont même demandées par la CNIL ! M. le rapporteur l’a lui-même indiqué : la CNIL relève notamment que les dispositions relatives à la vidéoprotection contenues dans les articles de la proposition de loi « ne permettent […] pas aux responsables de traitement de connaître l’état réel de leurs obligations en la matière ni aux personnes concernées de savoir de quelle manière exercer leurs droits. »
On peut donc être contre les caméras de vidéoprotection et contre la proposition de loi relative à la sécurité globale, mais on ne peut pas faire dire aux articles de ce texte ce qu’ils ne disent pas ! En particulier, l’article 20 constitue un encadrement des pratiques, il assure une meilleure transparence, il permet aux maires et aux agents chargés du visionnage des images de vidéoprotection de regarder la réalité en face et il adapte notre droit tant aux règlements et directives européens qu’aux technologies.
Bref, cet article ne mérite pas le procès que l’on vient de lui faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. La vidéoprotection fait l’objet d’un éternel débat, mais, M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué, la technologie a évolué et il ne faudrait pas rester dans l’idée que l’on visionne les images a posteriori.
Aujourd’hui, dans nos villes, les forces de police municipale, en lien avec la gendarmerie, disposent de tablettes, fournies par la commune, et, quand il y a un problème majeur, les caméras transmettent leurs images directement aux tablettes de la police municipale et des gendarmes, de façon à pouvoir suivre les délinquants et les criminels. Ainsi, de caméra en caméra, on peut arriver à bloquer les agissements de ces derniers. On le fait même à l’échelle intercommunale, notamment pour les voitures volées.
Les choses ont donc évolué et il faut en tenir compte. Si l’on encadre les pratiques, tant mieux, mais tout cela fonctionne déjà de façon très rigoureuse, la déontologie étant ancrée dans l’esprit des policiers municipaux – ce sont des employés de la commune.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Vaste débat que nous abordons là !
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère qu’il y a deux glissements dans ce texte. Le premier est relatif au continuum de sécurité ; nous ne sommes pas d’accord avec cette évolution et nous l’avons dit. Le second a trait aux rapports entre police et population.
Il faut peut-être revenir au Livre blanc de la sécurité intérieure, très documenté, publié en novembre dernier, qui consacre quatorze pages aux questions technologiques avec l’ambition de porter « le ministère de l’intérieur à la frontière technologique » – rien que cela – ; c’est Kennedy avec un képi…
M. Jérôme Bascher. Très drôle !
M. Jérôme Durain. Ce document fait un peu peur : quand on lit la partie intitulée « Expérimenter la reconnaissance du visage dans l’espace public » ou que l’on découvre les nombreuses références à l’intelligence artificielle, on se rend compte que la technologie a effectivement évolué.
On peut sans doute admettre le niveau d’ambition de votre ministère qui transparaît dans ce Livre blanc, rédigé par un certain nombre de personnes qui réfléchissent à notre sécurité et à la technologie, mais il nous semble, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, que ce n’est pas le bon véhicule législatif pour apporter toutes ces modifications.
M. Jérôme Durain. Veuillez excuser cette formule quelque peu triviale, mais nous sommes en train d’adopter sur un coin de table des mesures qui sont de nature à changer profondément les rapports entre la police et la population.
M. Jérôme Durain. Ah, je raconte n’importe quoi ? Je vous remercie ! Quelle belle preuve de mépris !
Je raconte peut-être n’importe quoi, mais, dans ce cas, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dit également « n’importe quoi », quand elle « s’inquiète de l’accroissement sans précédent de ces dispositifs techniques de captation et de traitement d’images à des fins de poursuites d’infraction et de gestion des foules » ! La CNCDH raconte encore « n’importe quoi », quand elle « rejoint la CNIL et l’Union européenne sur l’importance de mener un débat démocratique et éthique en la matière » et qu’elle « déplore qu’une proposition de loi ayant des conséquences aussi graves sur l’exercice des droits et libertés fondamentaux soit adoptée dans l’urgence, alors que rien ne justifie une telle précipitation » !
Je m’étonne que vous vous permettiez de dire, monsieur le ministre, qu’un parlementaire raconte n’importe quoi, quand bien même ses arguments sont également ceux de la CNCDH, de la CNIL et des défenseurs des libertés fondamentales – ils doivent donc raconter n’importe quoi eux aussi ! Il me semble que nous devrions faire preuve d’un minimum de respect les uns envers les autres et nous abstenir de nous envoyer à la figure ce genre de remarque ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, vous me semblez avoir tendance, depuis hier, à exagérer nos propos ou à « déporter » les débats. Personne, ici, n’a prétendu tenir un débat pour ou contre les caméras ; nous en avons déjà parlé hier soir.
Je ne suis pas sûre que les maires appartiennent à telle ou telle formation politique – ils sont avant tout responsables devant leur population –, mais, vous avez raison de le rappeler, quelles que soient leurs convictions personnelles, on retrouve des caméras de vidéosurveillance dans une grande diversité de communes de notre pays – personne ne le nie. Finalement, la question que vous essayez de soulever relève plutôt, me semble-t-il, de l’ancien monde que du nouveau…
La question que nous posons, au travers de cet amendement de suppression défendu par Mme Assassi, est de savoir, dans le contexte de la généralisation de la vidéosurveillance, qui visionne ces images et entre les mains de qui elles tombent. Voilà ce que nous demandons.
Or cet article, tel qu’il est rédigé, n’apporte pas suffisamment de garanties. Que nous disent les maires – vous et moi en rencontrons quotidiennement –, indépendamment de leurs sensibilités politiques ? Lorsqu’ils ont installé une caméra, ils affirment avoir répondu – je ne reviendrai pas sur le débat d’hier – à un sentiment d’insécurité, mais ont-ils réellement réglé, avec cette caméra, la question de l’insécurité ? Parfois, ils la déplacent ; parfois, ils y répondent ; parfois, ils satisfont leur population.
En tout cas, les élus, quelle que soit leur sensibilité, s’interrogent surtout sur l’utilisation des images et sur les personnes habilitées à les visionner. En outre, quels services de police peuvent les récupérer pour instruire leurs dossiers ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je vais me permettre de faire un résumé rapide de l’histoire politique de ce sujet.
M. le ministre le rappelait, le support juridique de la vidéoprotection publique réside dans une loi de 1995, qui a mis longtemps à être adoptée – j’en ai quelques souvenirs – et dont le promoteur était Charles Pasqua.
M. Philippe Mouiller. L’excellent Charles Pasqua !
M. Alain Richard. Cela donnait une certaine coloration au débat, chacun se souvenant, notamment ici, de l’éloquence de Charles Pasqua. Le moment n’est d’ailleurs pas si mal choisi de dire que, lorsque le temps a passé, la perception que l’on a de certaines personnalités s’élargit.
M. Bruno Retailleau. Quand elles sont mortes…
M. Alain Richard. Deux autres moments, situés juste après cette date, me reviennent en mémoire. Le premier remonte à 1997, avec un changement de majorité politique et l’arrivée d’un gouvernement dans lequel l’ensemble des formations de gauche était en responsabilité. Pendant les cinq années de cette législature, personne n’a envisagé de toucher à cette loi.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai, vous réécrivez l’histoire !
M. Alain Richard. Mais si, c’est vrai, j’en ai un souvenir assez précis. (Mme Éliane Assassi proteste.) Du reste, j’essaie d’écouter les autres et je suis sûr que vous êtes également capable, madame Assassi, d’écouter quelqu’un qui n’est pas de votre avis.
Second moment : en 2001, un nouveau maire a été élu à Paris, avec une majorité politique très large. Il a déclaré, dès son entrée en fonction, qu’il développerait la vidéoprotection dans sa ville.
Ainsi, quand on considère les choses avec un peu de recul, on constate que cette confrontation autour des dangers ou des menaces que représente la vidéoprotection a très substantiellement disparu.
Ajoutons à cela le renforcement du rôle de la CNIL – une nouvelle loi a par exemple été adoptée en ce sens en 2004. Ce sujet relève d’elle depuis la première loi et aujourd’hui aucune forme de vidéoprotection ou de vidéosurveillance de l’espace public ne peut être mise en place par quiconque sans respecter les instructions et limites posées par la CNIL, jusque dans ses modalités les plus détaillées.
Par conséquent, il me semble qu’il existe un léger décalage entre les propos tenus ce soir et la réalité.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Pour une fois, je vais être d’accord avec l’ancien ministre Alain Richard ; nous avons parfois des désaccords – il le sait bien –,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. De moins en moins… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Bascher. … mais, sur ce point, je le rejoins.
En effet, il y a moins d’un an, une vice-présidente du Sénat appartenant au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dont je tairai le nom par charité, me disait combien elle avait pu évoluer sur le sujet de la vidéoprotection.
Mme Éliane Assassi. Nous aussi !
M. Jérôme Bascher. Elle me disait que, comme les maires de tous les bords, même si elle-même n’a jamais occupé cette fonction, elle était devenue favorable à la vidéoprotection. C’est un sujet important, une avancée majeure – Jean-Pierre Grand l’a rappelé.
Qui, de nos jours, a peur de la vidéoprotection sur la voie publique ? Qui détruit ces caméras ? Ce sont les délinquants, les trafiquants en tout genre, contre lesquels – je n’en ai aucun doute – nous voulons tous, ici, lutter.
Par conséquent, puisque nous voulons tous lutter contre le même fléau – cette délinquance de tous les jours sur la voie publique, celle qui embête tous les Français, tous nos compatriotes honnêtes –, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas adapter une loi de 1995, quand bien même elle est le fruit du travail d’un grand sénateur et d’un grand ministre de l’intérieur, l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.
Pour ma part, je me félicite de toutes les avancées que le Gouvernement a promues, à l’Assemblée nationale, en matière de vidéoprotection. Vous avez rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, les progrès que permettra cette proposition de loi : souvent, de petites communes, comme dans le département de l’Oise, sont intéressées par la vidéoprotection, mais elles ne peuvent pas la mettre en place ; il doit alors revenir à de plus grandes institutions, comme le département ou la région, de le faire. La possibilité pour de grandes institutions de contribuer à la surveillance de l’espace public fait partie des mesures positives de cette proposition de loi pour nos campagnes.
Il ne faut donc pas rester dans l’ancien temps. Certains craignent les mesures dictatoriales et je les comprends, parce que nous sommes, au Sénat, attachés aux libertés publiques – Philippe Bas le rappelle souvent.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Jérôme Bascher. Ces libertés publiques, nous sommes là pour les protéger, je suis d’accord, mais nous sommes également là pour lutter, avec les moyens modernes, contre la délinquance, celle qui embête tous les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Attention à la sémantique, mes chers collègues ! Nous sommes à côté du débat suscité par l’article 20 ! Cet article ne pose pas la question de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance (M. Jérôme Bascher s’exclame.), que certains continuent d’appeler vidéoprotection. Ce n’est pas le sujet !
Cécile Cukierman l’a bien précisé, des maires de tendances politiques diverses, y compris au sein de ma famille politique, installent des caméras de vidéosurveillance dans leur commune et mettent en place une police municipale. Certains maires communistes ont même, dans leur ville, une police municipale armée. Que cela vous plaise ou non, c’est ainsi ! C’est un débat d’idées, un débat avec la population, un débat démocratique.
Par conséquent, ne tombons pas dans des excès de langage et ne nous égarons pas de l’objet de cet article.
Que disons-nous ? Simplement que le visionnage de ces images doit être rigoureusement encadré, dans le respect des libertés privées et individuelles des citoyennes et des citoyens, et nous refusons que cette possibilité soit donnée aux polices municipales, point barre !
Nous ne sommes pas en train de dire qu’il ne faut pas de vidéosurveillance, mais nous avons des réserves quant à la possibilité, pour la police municipale, de visionner les images. Revenons-en au sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Pour travailler de manière efficace, il faut avant tout – c’est ce que j’ai personnellement appris à faire – lire l’énoncé. En l’occurrence, le dispositif de cet article ne soulève pas le débat « pour ou contre » la vidéoprotection ou la vidéosurveillance ; il pose simplement la question des personnes qui peuvent visionner les images.