Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.
M. Thomas Dossus. J’irai dans le même sens que les orateurs précédents : cet article acte ce que les élus locaux vivent depuis des années, à savoir une forme de désengagement progressif de l’État dans certains territoires.
L’article 1er propose aux maires de s’emparer de missions que l’État voudrait, à terme, délaisser. Nous ne nous y trompons pas, cette expérimentation marque le début d’un transfert de compétences. Comme l’a dit M. Karoutchi, il s’agit d’une première étape : d’autres textes suivront, et ce processus – on le sait – va s’accélérer. La sécurité publique, pourtant, est d’abord et avant tout une mission régalienne.
Les polices municipales doivent assurer la tranquillité publique au sein de nos territoires ; elles sont des agents du vivre ensemble. Elles doivent apaiser l’espace commun et, donc, acquérir la confiance des habitantes et des habitants. Tel est le cœur de leurs missions, dont on commence un peu à les détourner. Avec l’article 1er, on commence à nourrir une confusion des genres en faisant un pas de plus dans l’escalade du tout-répressif. On entame ainsi un désengagement de l’État.
Vous prévoyez que les polices municipales soient chargées, par voie d’expérimentation, de plusieurs missions normalement dévolues à la police nationale. Alors qu’au niveau local nous devons privilégier une approche globale, multisectorielle et non uniquement centrée sur la répression, nous préférerions un pacte social de la tranquillité plutôt qu’un continuum du tout-sécuritaire.
Nous souhaitons la suppression de cet article ; à défaut de l’obtenir, nous défendrons des amendements visant à encadrer ces transferts de compétences. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Je voudrais, à titre de propos liminaire sur l’article 1er, répondre aux interpellations qui m’ont été faites, à commencer par celles du groupe Les Républicains et singulièrement de Mme Micouleau sur la question des moyens qui sont donnés aux maires pour appliquer les dispositions relatives à leur autorité.
Madame la sénatrice, la police administrative, dont vous savez qu’elle est celle à la fois de la tranquillité publique et de la salubrité, participe de l’autorité du maire. En outre, je rappelle, à l’attention du dernier intervenant notamment – notre divergence n’est pas une divergence d’opinion, mais une différence de constat –, que la loi de la République accorde au maire une compétence qu’il ne partage avec personne d’autre, celle qui a trait à la vidéoprotection.
La police et la gendarmerie nationales sont également là pour faire respecter les arrêtés du maire, dont je rappelle qu’il est à la fois un élu de la République, évidemment, et un agent de l’État. À ce titre, même s’il n’est pas véritablement – chacun le sait – officier de police judiciaire, il possède des compétences de police judiciaire qui ne sont reconnues qu’à lui et pas aux autres élus locaux.
Je conviens avec vous que le montant des amendes prévues n’est pas à la hauteur des enjeux. Un attroupement, la consommation d’alcool sur la voie publique, tous ces « petits faits », comme dirait Stendhal, relatifs aussi au bruit ou à la salubrité, renforcent l’insécurité de nos concitoyens. Je me suis donc engagé devant l’Assemblée nationale à augmenter certaines de ces amendes. La proportionnalité devra évidemment être au rendez-vous, mais je réitère cet engagement devant vous.
J’ai proposé pas plus tard qu’hier – je vois le garde des sceaux demain et nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler lundi dans le cadre du Beauvau de la sécurité – un décret que nous pourrions prendre en commun dans les jours qui viennent, en accompagnement de cette proposition de loi, que, j’espère, vous voudrez bien adopter. Ce décret prévoira une augmentation très importante des amendes afférentes au pouvoir de police du maire. Vous avez parfaitement raison : 35 euros pour des gens qui se regroupent intempestivement et créent un désordre souvent lié au trafic de stupéfiants, ce n’est pas dissuasif ; j’ai moi-même connu cette situation très frustrante.
Madame Cukierman, je partage avec vous, peut-être parce que nous sommes élus de territoires similaires, l’idée que les classes populaires, les classes travailleuses, ont besoin de sécurité. Vous souhaitez une augmentation des effectifs de police, notamment dans les quartiers dits « politique de la ville », qui sont en fait souvent, comme vous l’avez dit, des oubliés des politiques publiques depuis bien longtemps. Permettez-moi de constater que cela veut dire – je ne le dis pas pour vous, mais pour l’ensemble de la Nation – que tout le monde aime les policiers, puisque tout le monde en réclame au ministère de l’intérieur ; c’est sans doute une bonne chose.
À ces policiers il faut évidemment adjoindre une nouvelle politique d’urbanisme et une nouvelle politique du logement. Il y a évidemment un lien entre l’insalubrité des logements ou un urbanisme conçu autour de venelles à l’ancienne, d’une part, et le renforcement de l’insécurité, d’autre part : ces facteurs poussent un certain nombre de personnes à commettre des actes délictueux en lien avec le chômage, la misère, la non-éducation et, parfois, la mauvaise intégration sur le territoire national, et ils empêchent les policiers et les gendarmes d’intervenir dans des conditions normales.
Les effectifs seront bien sûr au rendez-vous. Les créations de postes souhaitées par le Parlement – avant tout, je vous prie de m’en excuser, par la majorité de l’Assemblée nationale – se concrétiseront partout sur le territoire de la République. Mais, si l’on veut qu’ils soient plus efficaces, ces effectifs de police doivent être accompagnés de moyens supplémentaires, juridiques mais aussi matériels – les policiers ont besoin de matériel pour intervenir, ce que les maires doivent prendre en considération.
Je n’arrête pas de souligner et de répéter que, s’il n’y a pas de caméras de vidéoprotection dans une ville, on peut bien ajouter 200 ou 300 policiers : les seconds ne seront jamais aussi efficaces que les premières dans l’élucidation et dans la prévention, étant précisé que les caméras ne résolvent évidemment pas tout et ne sauraient remplacer le contact humain, essentiel, primordial, que doit assurer la police de la République. Les deux vont ensemble : davantage d’effectifs, mais aussi des moyens techniques, donc des caméras de vidéoprotection.
Vous le savez bien, l’article 1er n’est en fait qu’une expérimentation émanant de la volonté des élus. Je ne comprends d’ailleurs pas très bien la dernière intervention : les dispositions de cet article sont fondées sur la territorialisation, qui est souhaitée, me semble-t-il, par le Sénat, sur l’expérimentation, que permet désormais la Constitution de la République, et sur la volonté des élus. On ne peut donc pas dire que nous imposions grand-chose ; l’État n’est pas jacobin sur ce point, c’est le moins qu’on puisse dire.
C’est le respect des libertés locales et de la démocratie qui prévaut : dans certains endroits, les citoyens ont voulu plus de sécurité et voté pour des maires qui s’engagent en ce sens ; dans d’autres, les élus avaient clairement dit, en tant que candidats, qu’ils n’installeraient pas de caméras de vidéoprotection et qu’ils ne souhaitaient pas s’occuper des questions de sécurité. Nous respectons évidemment la légitimité populaire, tout en constatant que ce n’est pas toujours dans ces derniers endroits que ça se passe le mieux – c’est le moins qu’on puisse dire…
Lorsque la police municipale arrête un véhicule dans le cadre d’un contrôle routier – c’est un acte qui relève de la vie de tous les jours –, songez que les trois policiers municipaux que la ville a embauchés – elle fait des efforts considérables pour cela – doivent appeler le commissariat de police nationale pour avoir accès au fichier des véhicules ou à celui des permis de conduire et ainsi savoir si le véhicule est ou non volé ! Cela fait perdre du temps à tout le monde : aux policiers municipaux, qui pourraient faire davantage, du point de vue de la proximité notamment, aux policiers nationaux – ils n’ont pas vocation à faire du standard téléphonique – et à la personne contrôlée, qui se demande pourquoi on passe un coup de fil pour savoir ce qu’il en est de son permis de conduire. Cet article 1er est aussi concret que cela : point d’idéologie là-dedans.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 121 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 195 rectifié est présenté par MM. Marie et J. Bigot, Mme Briquet, MM. Devinaz et P. Joly, Mmes Lepage et Lubin et MM. Jacquin, Stanzione, Todeschini et Tissot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Cécile Cukierman. Proposition est faite, via cet article 1er, d’expérimenter l’attribution aux policiers municipaux de pouvoirs de police judiciaire. La question, monsieur le ministre, n’est donc pas du tout de savoir s’il faut ou non développer les caméras dans nos communes et, si oui, selon quelles modalités et contrôlées par qui. Le président de la région où je suis élue fait suffisamment en direction des communes dans ce domaine pour que je sache combien tout le monde a sa dose en matière de caméras assurant, ou pas, d’ailleurs, la sécurité sur la voie publique.
Mme Cécile Cukierman. Tout le monde a ce qu’il lui faut, en tout cas celles et ceux qui le demandent.
Je veux donc revenir sur ce qui nous intéresse, à savoir l’objet de cet article 1er. Je l’ai dit en intervenant sur l’article : la commission des lois a certes encadré plus précisément cette expérimentation, mais cela ne suffit pas. C’est dans l’essence même de ce qu’autorise cette expérimentation que nous ne nous retrouvons pas ; d’où cette proposition de suppression.
Il nous semble, pour ne pas dire que nous en sommes convaincus, qu’à travers cet article et cette expérimentation nous contribuons en définitive à refermer le piège du désengagement de l’État de ses missions régaliennes sur le droit fondamental de chacune et de chacun à vivre et à s’épanouir en toute sécurité là où il le souhaite.
La crise que traverse notre pays aujourd’hui est une crise de l’impuissance publique ; or, nous le savons, cette expérimentation, qui consiste à donner des pouvoirs de police judiciaire à la police municipale, sera très inégalitaire ; elle va également affaiblir la police nationale, comme je le disais voilà un instant, alors que nous avons besoin de la renforcer et de la développer pour l’orienter vers une police de proximité et du quotidien réconciliée avec la population. Ainsi allons-nous aggraver le décalage entre la police et les citoyens, donc les inquiétudes, les incompréhensions et les dérapages, et faire reposer cette responsabilité sur les élus locaux.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 121.
Mme Esther Benbassa. Nous savons bien dans cet hémicycle – et nos collectivités le savent mieux encore – que, quand l’État souhaite procéder à un transfert de compétences, ce n’est jamais bon signe… En l’espèce, l’article 1er octroie des compétences de police judiciaire à la police municipale.
Du fait de l’inégalité de ressources entre les communes, cette délégation de compétences pourrait conduire à des inégalités de traitement entre les citoyens et à un morcellement de l’action des forces de l’ordre sur le territoire. Surtout, deux visions de la police municipale en France s’opposent.
Il y a la vision classique, celle que mon groupe et moi-même portons : une police de proximité qui met l’accent sur la prévention et la gestion des conflits ainsi que sur l’accueil et la prise en charge des victimes et la protection des populations les plus vulnérables. Cette police offrirait en particulier des services de proximité aux femmes et aux enfants victimes de violences ; non équipée d’armement létal, elle ferait même de la très grande proximité au contact des habitants, des associations, des commerçants, etc. Elle serait notamment formée aux luttes contre les discriminations et serait, par sa mixité et sa parité, à l’image des citoyens qu’elle accompagne et protège au quotidien.
Il y a la vision que proposent les auteurs de ce texte : une police municipale dont les missions ressemblent à celles d’une police nationale – prétendu continuum de sécurité, en réalité symbole d’une confusion de compétences entre les différentes forces de sécurité, à laquelle nous nous opposons. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de l’article 1er.
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 195 rectifié.
M. Didier Marie. Cet article transfère des compétences de police judiciaire aujourd’hui exercées par des policiers nationaux et par des gendarmes à des policiers municipaux, sous certaines conditions de taille et d’organisation de service.
Il convient de rappeler que la police municipale est placée sous l’autorité du maire, alors que les forces de sécurité de l’État agissent sous la direction, le contrôle et la surveillance de l’autorité judiciaire. Ce transfert de pouvoir crée donc à mes yeux une source de confusion : il rend difficile pour le citoyen la distinction entre les compétences des uns et des autres, mettant ainsi à mal la relation de confiance entre police et population. Il conduit par ailleurs à une situation d’insécurité juridique.
On assiste là à un glissement d’une police de la tranquillité, de la médiation, de la prévention, une police locale, vers une police de sécurité, l’État se déchargeant au passage de ses responsabilités sur les communes qui devront, pour les assumer, sortir leur portefeuille.
L’État doit garder tout ce qui est du domaine régalien et du champ judiciaire. Le continuum républicain de sécurité doit garantir la cohérence de l’action publique et lutter contre les disparités locales. Or cette expérimentation crée un continuum à plusieurs vitesses, selon que l’on est volontaire ou non pour l’expérimentation, selon que l’on en a ou non les moyens, selon que l’on est une grande ville ou un village.
La sécurité efficace, monsieur le ministre, c’est celle qui est exercée par une police républicaine retrouvant le lien avec les Français, une police et une gendarmerie dotées des moyens nécessaires, de principes déontologiques clairs et de temps de formation suffisants.
La République est une et indivisible. À ce titre, elle doit garantir un égal accès à la sécurité à tous les citoyens sur l’ensemble du territoire. L’article 1er, en introduisant cette expérimentation et ce transfert de compétences de police judiciaire, remet en cause ce principe. C’est la raison pour laquelle je demande à mon tour sa suppression.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous avons une divergence de fond, que nous avons déjà exprimée, avec les auteurs de ces trois amendements.
Le renforcement des prérogatives judiciaires des agents de police municipale repose sur un triple constat : les élus et leurs administrés accordent une importance grandissante à la sécurité et à la tranquillité publiques ; les moyens des forces de sécurité intérieure sont insuffisants pour faire face à l’augmentation de la délinquance du quotidien ; les polices municipales manquent d’autonomie et leurs prérogatives sont limitées.
Pour autant, nous ne souhaitons pas que cette expérimentation se fasse dans n’importe quelles conditions. C’est pourquoi nous avons introduit dans le texte une série de garde-fous et de garanties. Nous ne sommes donc pas d’accord avec la proposition de suppression de l’article : avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. J’entends ce qui est dit par nos collègues socialistes, mais je suis en total désaccord. Ils se fondent sur un principe d’égalité qui n’existe pas. Les polices municipales sont librement dimensionnées par les communes – cette liberté est de leur seul ressort.
Dans le texte proposé, les rapporteurs ont pris soin d’être très exigeants sur l’évaluation et – nous le verrons certainement tout à l’heure – sur l’atterrissage de l’expérimentation, pour éviter un élargissement.
Il me semble difficile pour la chambre des territoires de s’opposer à de la différenciation quand nous ne cessons d’en réclamer. Si des communes en font la demande, il faut le leur permettre, tout en réaffirmant que la sécurité est une compétence régalienne et qu’il ne s’agit nullement d’un transfert déguisé, mais d’une meilleure réactivité demandée par certains élus.
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Si l’on voit se multiplier les polices municipales, c’est parce que l’État se désengage, la police nationale se retirant des territoires, et que les citoyens demandent des réponses. On assiste donc à un glissement permanent qui va en s’accentuant. L’octroi de prérogatives de police judiciaire aux polices municipales va encore conforter ce mouvement, qu’il faudrait au contraire arrêter.
Madame Gatel, vous dites ne pas comprendre au motif qu’il y a une inégalité entre les territoires. C’est vrai ! Mais, là, au lieu de résoudre le problème, on va l’aggraver. Certaines communes qui ont de petites polices municipales et cherchent à travailler plutôt sur la prévention, par exemple, ont déjà des difficultés à recruter devant la course à l’échalote qui se joue en la matière : c’est à qui donnera le plus de moyens matériels, de capacités d’action et de prérogatives, y compris en matière d’armement.
Or que va-t-on faire avec cette expérimentation ? On va aggraver cette inégalité entre les territoires en donnant à l’État plus de latitude pour se retirer encore davantage. Cette proposition d’expérimentation va vraiment à l’encontre de l’intérêt général dans notre République.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je m’inscris en faux contre ce que dit notre collègue Françoise Gatel. Oui, nous sommes la chambre des territoires ! Mais il n’a jamais été question ici, me semble-t-il, d’envisager la différenciation en dehors des lois de la République et de l’unicité de celle-ci ! Reconnaître la différence et la spécificité ne veut pas dire remettre en cause les règles de la République.
Quoi qu’on en pense – je n’ai pas le temps de développer ce point –, parce que cette question de la sécurité est aujourd’hui, selon tous les sondages d’opinion portant sur l’état d’esprit des Français, leur priorité n° 1 ou n° 2, elle doit demeurer une compétence régalienne dans laquelle l’État doit prendre toute sa part.
Les missions dont nous parlons sont des missions de police judiciaire : il ne s’agit pas simplement d’accompagner le traitement de faits délictueux tels que des problèmes de voisinage ou des comportements d’incivilité au cœur d’une ville ou d’un village. Ouvrir aujourd’hui ce champ à l’expérimentation, c’est inévitablement reconnaître qu’en définitive – nous avons tous en tête de nombreux exemples, mais je ne les énumérerai pas – l’État, c’est-à-dire la puissance publique, n’est pas en mesure d’assumer cette mission régalienne qui est celle de la sécurité et qu’il faut donc l’en dessaisir.
La décentralisation, ce n’est pas la casse de l’État – notre groupe l’a toujours dit. Nous avons besoin d’un État fort et de collectivités territoriales fortes, et il faut définir leurs missions respectives. Parce qu’il y va de l’égalité de tous les Français, quelles que soient leur condition sociale et leur situation territoriale, certaines missions doivent être remplies par l’État ; ainsi seulement peut-on répondre au besoin de République partout dans notre pays !
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je voudrais moi aussi répondre à notre collègue Françoise Gatel.
La police municipale existe ; maire pendant de nombreuses années, j’ai moi-même créé et équipé une police municipale tout en veillant, dans le cadre d’un protocole négocié avec le préfet, à ce que les responsabilités des uns et des autres soient clairement déterminées.
L’amendement que nous avons déposé pour supprimer l’article 1er ne vise pas à supprimer les polices municipales ; il s’agit de leur refuser la faculté de réaliser des missions de police judiciaire. D’ailleurs, au cours des auditions qui ont été effectuées, les représentants des polices municipales n’ont pas réclamé la possibilité d’exercer ces missions.
M. Didier Marie. Ils sont tout à fait satisfaits de ce qu’ils peuvent faire.
En fonction des équipes municipales et des choix effectués par les électrices et les électeurs, il existe certes des doctrines d’emploi différentes – s’il existe quelque chose comme une forme de différenciation, c’est peut-être là qu’il faut la chercher. En tout état de cause, ce dont nous avons besoin partout aujourd’hui, c’est davantage de police nationale et de gendarmerie, avec des règles déontologiques affirmées, des moyens et une formation.
Si les choses ne vont pas bien, c’est aussi parce que la police de proximité de l’État a été supprimée et que ces policiers manquent dans nos quartiers, dans nos villes et dans nos villages. Il ne faut pas déplacer le problème !
Donner aux polices municipales la possibilité d’exercer des compétences de police judiciaire, c’est un vrai problème. Nos rapporteurs s’en sont d’ailleurs émus, puisqu’ils réduisent le champ d’application de ces facultés d’intervention accordées aux polices municipales.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71, 121 et 195 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 99 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Wattebled, Malhuret, Capus, Chasseing, Guerriau, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen et Regnard, Mme V. Boyer, M. Bascher, Mme Drexler, MM. Bouchet, Laménie et Lefèvre, Mme Ventalon, MM. Détraigne, Pellevat et Duplomb, Mmes Garriaud-Maylam, Perrot et F. Gerbaud, MM. Chauvet et Guiol, Mme Guillotin, M. Houpert, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Ravier et Longeot, Mmes Létard et Herzog et MM. Klinger, Gueret et H. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
expérimental
insérer les mots :
et dans le respect de l’article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. L’exercice de la police administrative générale est une prérogative historique du maire. Toutefois, les débats à l’Assemblée nationale sur l’expérimentation créée à l’article 1er de cette proposition de loi ont pu laisser penser que la création d’un SIVU chargé du fonctionnement des policiers intercommunaux reviendrait en réalité à lui déléguer le pouvoir de police.
Cet amendement tend à affirmer dans la loi que la mise en place d’une telle expérimentation n’est pas de nature à remettre en question l’exercice du pouvoir de police par le maire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je tiens à rassurer M. Marc et ses collègues : rien dans cet article ou dans les suivants ne vient remettre en cause les pouvoirs de police que le maire tient du code général des collectivités territoriales.
Dans le cadre de l’expérimentation, les policiers municipaux pourraient être placés sous l’autorité fonctionnelle du procureur – je l’ai dit. L’ajout proposé risquerait donc d’introduire une confusion.
Mon cher collègue, vous n’avez pas du tout à vous inquiéter. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Marc, l’amendement n° 99 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Alain Marc. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 99 rectifié quinquies est retiré.
Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 319 rectifié bis, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
quatre
2° Remplacer la date :
30 juin
par la date :
31 octobre
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Compte tenu du calendrier de la procédure législative, du temps nécessaire à la publication des textes d’application et à la formalisation des candidatures, il nous semble préférable que la période d’expérimentation commence le 31 octobre de cette année. Nous suggérons en outre de fixer la durée de cette expérimentation à quatre ans, afin qu’elle s’achève avant la fin du mandat municipal en cours, qui interviendra en mars 2026.
Mme le président. Le sous-amendement n° 365, présenté par MM. Daubresse et L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 319 rectifié bis, alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fait que la date du 30 juin est trop rapprochée – le Gouvernement avait envisagé pour sa part une date plus éloignée. M. Richard fait une proposition qui nous semble tout à fait pertinente, en tout cas tenable : le 31 octobre. Pour autant, nous souhaitons que la durée de l’expérimentation soit maintenue à cinq ans. Nous avons en effet prévu des évaluations à mi-parcours ; si l’on veut vraiment que cette expérimentation soit réalisée avec toutes les garanties qui ont été demandées, cela nous semble nécessaire.
Nous sommes donc favorables à cet amendement, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement.