Mme Victoire Jasmin. Peut-être s’agissait-il seulement d’une action de communication, d’un déplacement au soleil ?… Les usagers n’ont pas été compris, ils n’ont pas été entendus, alors que tous ceux qui sont venus indiquent unanimement avoir entendu en deux occasions différentes leurs souffrances.
Chacun sait que, dans les conditions actuelles, le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » ne pourra jamais s’appliquer, car les montants sont exorbitants. Nous payons, en Guadeloupe, l’eau la plus chère de France.
Ajoutez à cela la réalité financière des collectivités locales de la Guadeloupe, qui nous commande d’appeler, avec lucidité, à un accompagnement massif de l’État. Sans cette aide, comment garantir la viabilité financière de ce projet, sans que les usagers paient au prix fort les investissements à faire sur les réseaux ?
Oui, l’État doit prendre ses responsabilités. Comme l’a proposé à maintes reprises notre collègue Victorin Lurel, le Gouvernement devrait accepter de créer des mécanismes exceptionnels de financement des collectivités locales.
Plusieurs options sont possibles, passant par le biais du plan de relance, par la création de structures de défaisance, ou, mieux encore, par une garantie d’État, sur trente ans, d’au moins 500 millions d’euros de prêts aux collectivités locales, avec un différé d’amortissement minimal de trois ans. Il s’agit véritablement de reconstruire au plus vite et de manière durable les réseaux d’eau et d’assainissement de la Guadeloupe.
Monsieur le ministre, nous sommes toujours dans l’attente d’un engagement tangible de votre part dans cette direction. Les termes et les conditions évoqués dans le contrat de préfiguration que vous avez dicté au président du conseil régional de la Guadeloupe sont purement désobligeants envers les élus de la Guadeloupe dans leur ensemble. Nous ne saurions les accepter.
La loi doit accompagner et protéger les termes de la discussion locale, non la maîtriser ou la forcer. Nous sommes encore en démocratie ! Notre volonté est de soutenir les démarches en cours pour assurer au plus tôt l’accès à l’eau potable en Guadeloupe.
Je tiens à indiquer que l’État porte une responsabilité dans cette situation, parce qu’il n’a pas opéré les contrôles de légalité qui lui revenaient…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. … et qu’il a choisi des délégataires grassement payés, qui n’ont pas fait leur travail et nous ont mis dans la situation où nous sommes aujourd’hui ! (M. Julien Bargeton s’exclame.)
Voilà la vérité ! Je n’ai pas travaillé dans les services de l’eau en Guadeloupe, mais dans la santé, mais vous savez très bien que l’État porte cette responsabilité.
Je ne voterai pas ce texte en l’état ; je tiendrai compte du sort réservé aux amendements que je présenterai.
Mes chers collègues, je souhaite que vous m’aidiez,…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Victoire Jasmin. … afin que la population guadeloupéenne comprenne que nous avons le devoir de représenter notre territoire ici. Si mes amendements ne sont pas adoptés, je m’abstiendrai. (M. Victorin Lurel et Mme Martine Filleul applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’eau donne toujours lieu à des débats passionnés et passionnants. C’est normal, car l’eau, c’est la vie.
Monsieur le ministre, vous savez combien, ici, nous sommes attachés à défendre une certaine liberté s’agissant de la gestion de l’eau et combien nous étions attachés à la gestion communale. Peut-être faudra-t-il donner de nouveau une forme d’agilité locale pour éviter des situations comme celle que vit aujourd’hui la Guadeloupe – je sais que mon collègue des Hautes-Alpes y est, lui aussi, sensible.
Le texte 4D pourrait offrir l’occasion de revenir sur ces sujets. J’y insiste, parce que c’est important : l’eau est une compétence singulière et unique, dont on mesure jour après jour combien il est important qu’elle soit gérée par nos collectivités, quelles qu’elles soient.
L’initiative de nos collègues députés a pour objectif de réunir les conditions d’une amélioration durable de la qualité de ces services publics essentiels en Guadeloupe, comme partout ailleurs dans l’Hexagone ou en outre-mer.
Or, cela a déjà été souligné par les précédents intervenants, la situation guadeloupéenne est, à cet égard, particulièrement préoccupante. C’est d’autant plus paradoxal que ce territoire bénéficie d’abondantes ressources en eau. Celles-ci sont, certes, concentrées dans les régions montagneuses et occidentales de l’île de Basse-Terre, mais cette raison, à elle seule, ne justifie aucunement les difficultés récurrentes du service public de l’eau.
En effet, la combinaison d’un réseau insuffisamment équipé et entretenu avec l’existence de difficultés de gestion administrative et financière récurrentes a créé une situation inacceptable. Les usagers sont victimes de pénuries ponctuelles, voire de coupures récurrentes, rendues nécessaires pour réguler l’approvisionnement défaillant : les fameux « tours d’eau ».
S’y ajoute un prix de l’eau largement supérieur aux moyennes nationales, y compris en comparaison d’autres territoires ultramarins. Cela suscite des impayés, qui fragilisent encore plus la santé financière du système, créant ainsi un cercle vicieux.
Cette situation n’a pas seulement pour effet de compliquer la vie quotidienne des Guadeloupéens. Elle crée aussi des perturbations de l’activité économique et constitue une source de risques sanitaires substantiels. Alors que la crise du covid-19 se poursuit et que le CHU de Pointe-à-Pitre se remet encore des suites d’un grave incendie, il est donc important de s’atteler dès que possible à réduire les facteurs de risques dans ce domaine.
Il ne revient pas au législateur de débattre des infrastructures à installer ou à rénover dans telle ou telle partie de l’archipel guadeloupéen. Cependant, avant de songer à la réfection de canalisations et à l’installation de pompes, le premier pas pour résoudre le problème semble surtout de rénover le cadre institutionnel.
Les tentatives locales pour trouver une solution pérenne n’ont malheureusement pas entièrement abouti, malgré de premiers pas encourageants ces dernières années. Nos collègues députés ont jugé utile de prendre une initiative législative et d’organiser une forme de sortie par le haut, en créant, dans la loi, un établissement public local de pilotage du service public de l’eau.
Compte tenu de la situation locale que je viens de vous décrire, le présent texte me paraît donc opportun. Le syndicat mixte qu’il crée permettra d’assurer une gouvernance unifiée de l’eau dans la quasi-intégralité du territoire guadeloupéen et sera accompagné d’une commission de surveillance.
La commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, notre collègue Françoise Dumont, dont je salue le travail important, a approuvé les grandes orientations de la proposition de loi, tout en adoptant certains amendements bienvenus, qui visent à opérer des ajustements au dispositif voté par l’Assemblée nationale. Ces derniers sont destinés à renforcer l’efficacité de la nouvelle structure, par exemple sur la répartition des contributions financières, ou en ce qui concerne la possible future inclusion de l’île de Marie-Galante dans le syndicat. C’est là un aspect important pour donner le plus de souplesse possible à cet établissement public.
La commission a également amendé le texte afin de renforcer la place des élus locaux et des usagers dans la gouvernance de l’eau, en assurant leur présence au sein de la commission de surveillance placée auprès du nouvel organisme. Grâce à cette disposition, cette structure pourra pleinement contribuer à restaurer la confiance des Guadeloupéens en leur service public de l’eau, comme nous l’espérons tous.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi, ainsi enrichie par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en guadeloupe
Article 1er
I. – Il est créé, le 1er septembre 2021, un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé « Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe ».
Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’établissement mentionné au premier alinéa du présent I est un syndicat mixte régi par le chapitre Ier du titre II du livre VII de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.
Après avis des organes délibérants des membres du syndicat mixte mentionnés au II du présent article, les statuts du syndicat mixte sont arrêtés par le représentant de l’État en Guadeloupe. À défaut de délibération des organes délibérants dans un délai d’un mois à compter de la notification du projet de statuts, l’avis est réputé favorable.
Le syndicat mixte est constitué pour une durée illimitée.
II. – Sont membres du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe :
1° Les communautés d’agglomération CAP Excellence, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera du Levant et Nord Basse-Terre ;
2° La région de Guadeloupe ;
3° Le département de la Guadeloupe.
En cas de modification du périmètre, par fusion ou partage, d’une communauté d’agglomération mentionnée au 1° du présent II, le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en résultent deviennent automatiquement membres du syndicat mixte.
À sa demande, une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales peut, après autorisation expresse du représentant de l’État en Guadeloupe et avec l’accord des membres exprimé à l’unanimité des délégués du comité syndical mentionné au V du présent article, adhérer au syndicat mixte. Les modalités de son adhésion sont précisées par les statuts du syndicat mixte.
III. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe détient l’ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l’eau et de l’assainissement telles qu’elles sont déterminées par la loi.
Il garantit l’exercice de ces missions en vue de la satisfaction des besoins communs de ses membres. Il veille à la continuité du service public dans un objectif de qualité du service rendu aux usagers et de préservation de la ressource en eau. Il assure la gestion technique, patrimoniale et financière des services publics de l’eau et de l’assainissement et réalise tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, dans un objectif de pérennité des infrastructures. Il exerce, à ce titre, de plein droit, en lieu et place des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres, les compétences suivantes :
1° Eau, assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues aux articles L. 2224-7 à L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;
2° Service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225-2 du même code ;
3° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l’article L. 2226-1 dudit code.
Le syndicat mixte assure la gestion d’un service d’information, de recueil et de traitement des demandes des usagers des services publics mentionnés aux 1° à 3° du présent III.
III bis. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe produit des études et analyses visant à :
1° (Supprimé)
2° Intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les enjeux de développement durable du territoire ;
3° Participer à l’élaboration des schémas stratégiques relatifs aux politiques d’eau potable et d’assainissement à l’échelle du territoire ;
4° Conduire une réflexion globale sur la gestion de la ressource en eau et de l’assainissement sur le territoire.
III ter. – En cas de rupture de l’approvisionnement des usagers, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe prend toute mesure propre à garantir un droit d’accès régulier à l’eau potable.
IV. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe exerce, en lieu et place du département de la Guadeloupe et de la région de Guadeloupe, la compétence en matière d’étude, d’exécution et d’exploitation de tous les travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant les missions prévues au I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, hors celles mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° du même article L. 211-7 relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.
V. – Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est administré par un comité syndical qui comprend des délégués de ses membres.
Chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du syndicat mixte est représenté par quatre délégués au sein du comité syndical. La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe sont chacun représentés par quatre délégués. Le président de la commission de surveillance mentionnée à l’article 2 de la présente loi participe aux travaux du comité syndical avec voix consultative.
Le comité syndical se dote d’un bureau. Chaque membre du syndicat mixte désigne celui de ses délégués au comité syndical appelé à y siéger.
VI. – Les biens, équipements et services publics nécessaires à l’exercice de ses compétences par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont mis à sa disposition par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres dans les conditions prévues à l’article L. 5721-6-1 du code général des collectivités territoriales.
Par dérogation au premier alinéa du I du même article L. 5721-6-1, les droits et obligations rattachés aux biens, équipements et services publics mis à disposition du syndicat mixte lui sont transférés, dans les conditions prévues à l’article L. 1321-2 du même code, dans un délai d’un an.
Par dérogation à la deuxième phrase du troisième alinéa du même article L. 1321-2, à défaut d’accord entre les parties au terme du délai mentionné au deuxième alinéa du présent VI, le transfert est prononcé par décret en Conseil d’État, pris après avis d’une commission dont la composition est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et des outre-mer et qui comprend des représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat mixte.
Les transferts prévus au présent VI sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu à aucun versement ou honoraires, ni à aucune indemnité ou perception de droit ou taxe.
VI bis. – Les dettes financières des établissements publics de coopération intercommunale exerçant les compétences mentionnées au III et relatives aux investissements nécessaires à l’exercice de celles-ci sont transférées au Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe.
Les autres dettes exigibles et les créances des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au premier alinéa du présent VI bis ne sont pas transférées au syndicat mixte.
VII. – Les activités industrielles et commerciales exercées par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont financées dans les conditions prévues aux articles L. 2224-12-1 à L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales.
Dans les conditions prévues à l’article L. 2224-2 du même code, les membres du syndicat mixte peuvent prendre en charge des dépenses au titre des services publics de l’eau et de l’assainissement, par décision motivée du comité syndical mentionné au V du présent article. Dans ce cas, les contributions des membres du syndicat mixte sont ainsi réparties :
1° La région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25 % ;
2° Les contributions restantes sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres au prorata du nombre d’abonnés situés dans leur périmètre géographique respectif, en distinguant les contributions dues au titre du service public de l’eau et celles dues au titre du service public de l’assainissement.
À l’unanimité de ses membres, le comité syndical mentionné au V du présent article peut décider de déroger à la répartition des contributions décrite aux 1° et 2° du présent VII lorsqu’un projet d’investissement le nécessite.
Ces contributions ont un caractère obligatoire.
VIII. – L’adhésion des membres mentionnés au II du présent article vaut retrait des syndicats auxquels ces membres appartiennent pour les compétences mentionnées aux III à IV.
IX. – Toute modification des statuts du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe est prononcée par arrêté du représentant de l’État en Guadeloupe, dans les conditions fixées par les statuts de l’établissement ou, à défaut, dans les conditions fixées à l’article L. 5721-2-1 du code général des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er crée une structure unique, un syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement, le 1er septembre prochain.
Il s’agit, vous le savez, d’un projet évoqué dès le début de l’année 2015 par le groupe de travail dirigé, à l’époque, par le sous-préfet de Pointe-à-Pitre. Cette initiative n’a pas prospéré, mais elle a, depuis lors, fait l’objet de nombreux échanges et, surtout, d’un accord de principe entre les élus locaux et les parlementaires guadeloupéens.
Les modalités de cette unification n’ont jamais fait consensus, ce qui a privé jusqu’à présent la Guadeloupe d’une nouvelle gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement.
J’aimerais, par ailleurs, rappeler une évidence : cet article n’entrave en rien le principe de la libre administration des collectivités. Il concrétise, au contraire, une initiative commune, qui ne peut rester bloquée indéfiniment.
C’est pourquoi il me semble important de préciser que les statuts de ce syndicat seront arrêtés par le préfet après avis des organes délibérants du syndicat mixte ouvert, le SMO, à savoir les cinq communautés d’agglomération de Guadeloupe continentale, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera de Levant, Nord Basse-Terre et CAP Excellence, le conseil départemental et le conseil régional.
Le SMO proprement dit sera placé sous la vigilance d’un conseil syndical que nous avons souhaité le plus équilibré et le plus représentatif possible ; il garantira un meilleur accès à l’eau et à la continuité des services publics d’eau potable et d’assainissement ; il engagera les investissements nécessaires et préservera la ressource ; il assurera, enfin, la gestion de service d’information, de recueil et de traitement des demandes des usagers pour tenter de restaurer une confiance aujourd’hui perdue.
Bien sûr, cet article 1er n’entend pas, à lui seul, résoudre l’ensemble des problèmes d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, dont les causes et les facteurs sont trop nombreux, mais nous nous accordons tous sur un fait : il faut un début. Cette structure unique est une première étape, qui nous permettra de reconstruire des services publics à la hauteur des attentes des Guadeloupéens.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avoue que ce texte me pose beaucoup de problèmes.
Je souscris aux propos de ma collègue Victoire Jasmin, plutôt qu’à ceux de notre collègue Dominique Théophile, selon lequel ce texte ne violerait pas la libre administration territoriale, ce dont je doute.
J’imagine, compte tenu du consensus dégagé à l’Assemblée nationale et, peut-être, au Sénat, même si le groupe socialiste est plutôt enclin à s’abstenir, que ce texte ne sera pas présenté au Conseil constitutionnel. Nous ne sommes toutefois pas à l’abri d’une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC.
Je ne comprends pas l’articulation entre cette proposition de loi, issue d’une initiative du Gouvernement et portée par un parlementaire – je n’ai pas encore vu l’apport de mon collègue Théophile, sinon, peut-être, dans les amendements qui seront discutés tout à l’heure –, et l’initiative locale, qu’elle concurrence.
Le préfet a reçu des instructions du Gouvernement et a fait adopter en commission départementale de la coopération intercommunale, ou CDCI, le 4 mars dernier, un syndicat mixte ouvert. Il y en a donc deux : celui qui nous est soumis aujourd’hui et celui qui a été adopté récemment avec, on le sait, l’opposition de CAP Excellence.
Le ministre a bien voulu envoyer un courrier qu’il a présenté comme une feuille de route imposée aux élus, en particulier au président de région, indiquant que son texte n’était « qu’une préfiguration ». Nous gagnerions sans doute à entendre le ministre expliquer l’articulation entre ces deux textes.
On le sait, les élus ne se sont pas entendus depuis des décennies et, singulièrement, depuis 2015. En cela, j’avoue que je comprends l’initiative, même si je désapprouve sa méthode. C’est un peu « en même temps », disons-le, mais je comprends qu’il faille avancer.
J’ai déposé quelques amendements en commission, que je n’ai pas repris en séance publique, pour ne pas retarder l’adoption du texte. En l’état, nous attendons la discussion, mais nous sommes plutôt enclins à nous abstenir. Je dirai tout à l’heure un petit mot en faveur de la commission des lois, qui a fait un excellent travail de rédaction et de légistique.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Des modalités de sortie des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat mixte peuvent être prises à la majorité des membres du conseil syndical.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Il me semble nécessaire d’équilibrer l’article 1er de cette proposition de loi, lequel, dans sa rédaction initiale, risque de faire peser sur certains EPCI non volontaires une obligation de regroupement, avec des exigences, notamment financières, disproportionnées au regard de leur poids dans la gouvernance de la structure.
Cet amendement vise donc à prévoir des possibilités d’entrée et de sortie du SMO ; à défaut, la libre administration des collectivités serait menacée, ainsi que cela vient d’être dit.
Je souhaite que nous ne prenions pas le risque d’une QPC et que nous permettions donc aux EPCI d’entrer et de sortir librement de ce SMO.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Dumont, rapporteure. Cet amendement tend à s’inscrire en contradiction frontale avec l’objet de la présente proposition de loi, laquelle vise précisément à unifier la gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement.
Au regard de la gravité de la situation, il me semble relever de la responsabilité du législateur d’agir en procédant à cette unification.
Au demeurant, le présent amendement tend à prévoir des modalités particulièrement allégées de sortie, à la majorité simple. Une disposition aussi dérogatoire pourrait, plutôt que de favoriser le bon fonctionnement de la structure unique, lui faire courir un risque permanent de démantèlement, donc favoriser les blocages au sein de sa gouvernance.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il me semble très difficile de prétendre, dans l’enceinte de la Haute Assemblée, que le fait qu’une loi vienne régler une difficulté locale poserait un problème démocratique…
On peut certes regretter qu’il n’y ait pas d’accord entre les élus locaux et qu’il faille en passer par la loi, mais on ne peut pas affirmer que le fait que des députés ou des sénateurs s’emparent d’un sujet local pour essayer de le régler par la loi pose un problème démocratique ! Nous devons faire attention à ce que nous disons sur ce terrain.
L’objectif du Gouvernement est assez simple : nous voulons qu’il y ait de l’eau au robinet. Nous voyons bien que cette affaire dure depuis trop longtemps et que, désormais, nous devons avancer.
Comme Mme la rapporteure, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à prévoir des modalités de sortie. Cette proposition, au même titre que l’adhésion facultative au syndicat, ne ferait que prolonger le statu quo que la présente proposition de loi entend précisément dépasser.
L’entité que nous proposons de créer se doit, en effet, d’être durable et de ne pas dépendre de jeux politiques.
C’est un sujet douloureux, et l’on sent beaucoup d’atermoiements, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale, mais l’on entend aussi un bruit de fond que je ne saurais expliquer. Ce que nous souhaitons, c’est qu’il y ait de l’eau au robinet et que cela se passe bien, dans l’union et la solidarité.
Tel est l’esprit qui doit nous guider, et non de petites attaques à peine voilées. Nous devons garder l’objectif de trouver les voies et moyens pour y parvenir. S’il existait une solution, cela se saurait, mais la problématique de l’eau date, fondamentalement, de 2007.
Les canalisations sont arrivées dans le pays cinquante ans après, en 1946, après la guerre grâce aux établissements Gibault. Elles doivent à présent être rénovées dans leur totalité puisque leur durée de vie est précisément de cinquante ans. Nous sommes donc aujourd’hui à la croisée des chemins, face à une responsabilité.
Notre rôle de parlementaires, plus particulièrement de parlementaires guadeloupéens, dans la périphérie, est justement de faire la loi, de contrôler le Gouvernement. Nous sommes donc dans notre rôle de législateur, que cela plaise ou non !
Nous sommes heureux que ce soit des parlementaires guadeloupéens qui portent une loi concernant les Guadeloupéens : c’est toute notre fierté, que je vais partager avec l’ensemble de mes compatriotes guadeloupéens, ici et ailleurs !