compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à respecter à la fois le temps de parole et l’orateur.

Naturellement, vous n’oublierez pas les réflexes de protection sanitaire : les entrées et sorties de la salle des séances devront s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle, à l’exception de celles des membres du Gouvernement, lesquels entreront et sortiront par le devant, en étant attentifs aux gestes prophylactiques.

Enfin, je remercie nos collègues qui ont accepté de s’installer dans les tribunes pour que nous puissions respecter la jauge de présence dans l’hémicycle.

proposition de la défenseure des droits de création de « zones sans contrôle » (i)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que la République se bat pour maintenir son autorité sur l’ensemble du territoire national, alors que nos forces de l’ordre font face à une dangereuse montée en puissance de la délinquance et de la violence, et alors que nos concitoyens subissent quotidiennement les effets de l’insécurité, la Défenseure des droits a une idée pour le moins saugrenue : expérimenter des zones sans contrôle d’identité.

Cette proposition est ahurissante : pourquoi ne pas exploiter des zones sans policiers, des zones sans pompiers, et, finalement, des zones sans droit ?

Ce dont souffrent notre pays et nos concitoyens, c’est non pas d’un trop grand respect de la loi mais de son insuffisante application. Notre pays et nos concitoyens souffrent du désordre, du manque de respect de certains pour la loi et l’autorité.

Mme la Défenseure des droits a le droit de défendre le droit, et bien sûr le droit des gens à vivre en sécurité. Dans leur immense majorité, les Français sont bien conscients de la nécessité de lutter contre cette insécurité qui les menace. Ils savent que les forces de l’ordre interviennent avec beaucoup de difficultés dans certains quartiers, et ils ne demandent pas moins de police, bien au contraire.

La discrimination n’a pas sa place dans notre pays, dans notre République. Mais la proposition de Mme la Défenseure des droits n’est qu’un renoncement, une République à deux vitesses où les lois s’appliqueraient selon les quartiers. Elle contient une insinuation insupportable : elle laisse entendre qu’un contrôle d’identité se ferait forcément au faciès et qu’il faudrait arrêter ces contrôles.

Policiers et gendarmes remplissent leur mission avec exemplarité, et ceux qui manquent à leurs devoirs sont sévèrement punis. Nous voulons assurer ici aux forces de l’ordre tout notre soutien.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que cette expérimentation n’aura pas lieu, car il est vital d’assurer l’autorité de l’État dans tous les territoires de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Wattebled, comme vous le savez toutes et tous, la Défenseure des droits, autorité pour laquelle nous avons beaucoup de respect, est une autorité administrative indépendante (AAI) qui formule un certain nombre de préconisations.

Il se trouve que le Gouvernement de la République est également indépendant de la Défenseure des droits ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. Avec tout le respect dû, je le répète, à cette institution, je dis solennellement devant le Sénat et devant le pays qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de zones sans contrôle d’identité, en application des lois de la République. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

réforme des études de médecine

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Nous le savions bien, la fin du numerus clausus n’était pas la fin de la sélection. En effet, les murs des facultés ne sont pas extensibles, pas plus que les terrains de stage ou le nombre des enseignants chargés de former les étudiants. Néanmoins, la loi de 2019 promettait de mettre fin au gâchis des abandons après redoublement ; elle promettait de diversifier le parcours des recrutements ; elle promettait aussi un traitement équitable entre les étudiants passant par le parcours accès santé spécifique (PASS), la licence option accès santé (LAS) ou les redoublants de la première année commune aux études de santé (Paces).

Le nombre de postes devait être défini par les universités, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), et ce pour tenir compte de chaque territoire mais également des capacités des universités.

Or, en cette année si particulière, les espoirs soulevés par le passage du numerus clausus au numerus apertus laissent place à du désarroi, à de l’angoisse et à une véritable inquiétude parmi les étudiants en médecine. Il semble en effet qu’un flou persiste sur le nombre de places réellement ouvertes et que, dans certaines facultés, le nombre de places déjà réservées aux redoublants de la Paces laisse la portion congrue à la première promotion de la réforme, qui, elle, ne pourra pas redoubler.

Madame le ministre, ma question est simple : qu’en est-il exactement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, la loi Ma santé 2022 nous a permis de supprimer cette année, pour la première fois – il est vrai, dans des conditions universitaires très particulières –, la Paces et le numerus clausus.

L’objectif, vous l’avez dit également, est de faire en sorte que nous puissions diversifier les voies d’accès et, surtout, que nous puissions commencer à lutter efficacement contre la désertification médicale. En effet, permettre aux étudiants de commencer leurs études, de faire des stages et d’avoir des tuteurs, tout cela sur leur lieu de résidence, évitera de les en éloigner pendant quinze ans, tant il est parfois difficile de les faire revenir sur ce lieu de résidence.

Ce sont 457 licences avec une option accès santé qui ont été ouvertes partout sur le territoire. Là encore, la plus grande place a été donnée aux discussions entre les universités, les ARS et les acteurs locaux pour définir le nombre de places offertes en deuxième année d’études de santé ; ce nombre a évidemment été augmenté par rapport à l’année dernière, puisque c’est une obligation.

Comment les choses se mettent-elles en place ?

Pour les redoublants de la Paces ancienne version, il nous est apparu important de maintenir un nombre de places équivalent, en moyenne, à la réussite des trois dernières années des redoublants dans cette première année.

Pour les étudiants entamant la première année de ce parcours dans sa nouvelle formule consécutive à la réforme, le nombre de places correspond au minimum à la réussite moyenne des trois dernières années. C’est ici que nous constaterons une augmentation du nombre de places.

Vous le savez néanmoins, madame la sénatrice, au terme de la Paces, les reçus étaient majoritairement des redoublants et non des primo-entrants.

Bien sûr, tous ceux qui auront réussi leur première année dans cette nouvelle formule passeront en deuxième année et bénéficieront ainsi d’une deuxième chance pour accéder aux études de santé.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je vous remercie. J’entends tous ces chiffres, qui correspondent en effet aux objectifs de la loi et aux engagements pris à travers elle. Bien évidemment, je vous fais confiance ; il n’en demeure pas moins que subsiste un problème de compréhension : nous sommes sollicités à la fois par des étudiants et par leurs familles, cependant que des doyens se sont exprimés sur le sujet.

La médecine est vraiment un métier de vocation. Les étudiants, dans cette période difficile, montrent d’ailleurs à quel point ils sont impliqués dans la gestion de cette crise. Il faut leur laisser de l’espoir. C’est pourquoi il importe de veiller à ce que cette réforme du numerus clausus ne leur soit pas moins bénéfique que ce qui était initialement prévu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

agressions de policiers et proposition choquante de la défenseure des droits

M. le président. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Laugier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La ville de Trappes est à la une des médias. Pour avoir été maire de la ville voisine et président de la communauté d’agglomération dont Trappes fait partie, je suis meurtri par la stigmatisation médiatique dont cette ville fait l’objet.

Grâce au plan Borloo et à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), des centaines de millions d’euros ont été investis, des immeubles démolis puis reconstruits, tandis que des équipements publics sont flambant neufs. Le changement visuel est évident, mais hélas, les problématiques sont toujours là et s’intensifient dans certains quartiers… Une véritable pandémie, avec un variant islamiste particulièrement nocif.

Toutefois, il ne faut pas résumer Trappes à cela, car un véritable travail est fait sur le terrain entre les représentants de l’État et les élus locaux.

Nous ne voudrions pas voir ces efforts anéantis par les déclarations tonitruantes d’un professeur, d’un maire qui tente de défendre sa ville, certes, mais qui se permet de distribuer des documents dans l’enceinte d’un lycée, de personnes menacées de mort qui sont aujourd’hui sous protection policière et de partis populistes qui surfent sur la vague en cette période préélectorale.

Cette polémique éclate alors que l’on ne compte plus les flambées de violence un peu partout sur le territoire : à Besançon, avec une agression raciste ultraviolente ; à Montbéliard, avec des actes de sauvagerie et de guérilla urbaine sur lesquels ma collègue Annick Jacquemet souhaitait aussi vous interpeller ; à Paris, avec le lynchage abominable du jeune Yuriy ; à Poissy, avec un guet-apens couplé à un appel au meurtre, pour ne citer que les plus récents.

Face à ces situations, la police semble dépassée. Et c’est dans ce contexte que la nouvelle Défenseure des droits propose d’expérimenter des « zones sans contrôle d’identité ». Ces déclarations ont semé le doute sur l’engagement du Gouvernement à lutter contre la criminalité et l’insécurité.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement va réagir avec les moyens nécessaires au climat d’incivilité qui sévit dans certains quartiers, partout en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser ce léger retard qui m’a empêché de répondre à la question de M. Wattebled ; je remercie M. le Premier ministre de l’avoir fait à ma place.

À travers votre question, monsieur le sénateur, vous soulevez trois sujets.

S’agissant de Trappes, il n’est pas question pour le Gouvernement de désigner un territoire plutôt qu’un autre. Étant moi-même l’élu d’un territoire difficile, je sais combien les élus, les acteurs associatifs et les enseignants, combien tous ceux qui concourent à donner toute sa beauté à une ville, même lorsqu’elle est confrontée à des problèmes, voient parfois leurs efforts ruinés par un événement médiatique.

Par ailleurs, un professeur, qui a le droit en République de dire ce qu’il veut et de dénoncer les menaces, les intimidations et l’état d’une société qu’il constate, et un maire doivent tous deux être protégés par la République, par les services de police, dès lors qu’ils sont menacés – dans les deux cas cités, ils le sont. Il ne nous appartient pas de trancher un différend politique.

Enfin, à Trappes comme ailleurs, il existe des endroits où l’islamisation gagne, où le travail des islamistes est fort. En face, l’offre républicaine doit être encore plus vigoureuse. C’est le sens de l’action de Jean-Michel Blanquer au travers de l’éducation nationale et d’Emmanuelle Wargon avec l’ANRU. Nous aurons l’occasion de le voir ensemble dans quelques jours, je l’espère, sur la question du séparatisme.

Vous avez dit également que des policiers semblaient parfois dépassés. Oui, on constate des actes de violence dans notre pays, mais c’est toujours la police qui gagne.

Dans l’affaire Yuriy, les personnes responsables de ces actes ont été arrêtées et sont sous la main de l’autorité judiciaire. Il en est de même dans l’affaire de Besançon, ainsi que dans celle de Valence. Pour ce qui est de Poissy, les policiers, dès le lendemain de l’agression, sont retournés sur le terrain et ont pu interpeller deux personnes.

Oui, les territoires de la République sont parfois attaqués et, bien évidemment, nous devons renforcer les moyens matériels et humains de la police. Nous devons surtout redire que l’autorité est au cœur du pacte républicain et qu’elle doit chaque fois l’emporter, à Trappes comme ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

situation sociale des étudiants

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. J’ai pris la liberté de m’adresser à vous, monsieur le Premier ministre, parce que vous répondez souvent, ici, aux questions qui concernent l’université.

Les étudiants ont faim. Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à participer à des collectes alimentaires pour leur apporter, dans l’extrême urgence, des moyens de subsistance dont beaucoup sont cruellement privés.

Avant la pandémie, près de la moitié des étudiants travaillaient pour pouvoir étudier. Aujourd’hui, la très grande majorité d’entre eux est privée de ces emplois.

Votre gouvernement vient d’annoncer la prolongation de la prime versée aux salariés intermittents, qui n’ont pu travailler correctement en 2020 : ce sont 160 000 jeunes de moins de 30 ans qui vont bénéficier de cette mesure.

Le Président de la République a déclaré qu’un étudiant devait avoir les mêmes droits qu’un salarié. Pourquoi les étudiants ont-ils été exclus de ce dispositif ?

Votre gouvernement vient d’annoncer le versement d’une prime de 1 000 euros pour aider les jeunes à payer leur loyer. Les jeunes apprentis en alternance pourront bénéficier de cette prime. Pourquoi les étudiants ont-ils été exclus de ce dispositif ?

Monsieur le Premier ministre, pourquoi la politique du « quoi qu’il en coûte » s’est-elle arrêtée systématiquement à la porte des campus ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous pointez les difficultés que rencontrent certains étudiants.

Comme je l’ai fait la semaine dernière, je voudrais vous rappeler l’ensemble des dispositifs qui ont été mis en œuvre pour les étudiants au plus près du terrain, avec eux, pour savoir ce dont ils ont le plus grand besoin, notamment sur le plan alimentaire, entre autres problèmes qui seront abordés dans les prochains jours.

Je ne peux pas vous rejoindre, monsieur le sénateur, quand vous dites que les étudiants sont exclus du dispositif « 1 jeune, 1 solution » mis en place par le Gouvernement. Pas du tout ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Les étudiants font bien partie de cette catégorie plus large de jeunes.

De même, nous continuons à accompagner les étudiants en apprentissage, les jeunes en contrat de professionnalisation, tout comme les jeunes salariés ou les jeunes diplômés. D’ailleurs, s’agissant de ces derniers, c’est la raison pour laquelle leur taux d’embauche en CDI ou en CDD de plus de trois mois a été quasiment équivalent en 2020 à ce qu’il était en 2018 et en 2019.

Monsieur le sénateur, on ne peut pas dire que les étudiants sont exclus de la politique du Gouvernement. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. Bien sûr que si !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Mais non ! Vraiment pas ! Vous voyez peut-être les files d’attente ; il se trouve que, moi, j’y vais… (Exclamations.)

M. Jérôme Bascher. Nous aussi !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Dans ces files d’attente qui font, selon vous, tellement polémique, on voit notamment des jeunes, des étudiants internationaux… C’est pour cette raison que nous avons doublé les aides à destination de l’ensemble des étudiants, que plus de 1,5 million de repas à 1 euro sont servis dans les restaurants universitaires et que nous continuerons à soutenir l’ensemble des jeunes, y compris les étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.

M. Pierre Ouzoulias. Vous n’avez répondu à aucune de mes trois questions ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et Les Républicains.) Peut-être pourriez-vous demander au CNRS de lancer une enquête sur ce sujet ? (Rires et applaudissements sur les mêmes travées.)

Madame la ministre, 40 % des étudiants qui pouvaient retourner à l’université ne l’ont pas fait, et vous considérez que c’est parce qu’ils préfèrent l’enseignement à distance. Je crains qu’ils n’y reviennent jamais !

Pour éviter ce désastre, c’est maintenant que le Gouvernement doit agir ! (Applaudissements prolongés sur les mêmes travées.)

économie sociale et solidaire

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Marchand. L’économie sociale et solidaire (ESS), c’est aujourd’hui 10 % de notre PIB et 2,4 millions de salariés. Pour la seule région des Hauts-de-France, dont je suis issu, cela représente 180 000 emplois salariés et plus de 11 800 établissements employeurs.

Toutes ces entreprises ont un grand potentiel d’innovation, car elles sont ancrées dans le territoire et sont de parfaites réponses aux besoins ou aux opportunités.

Qu’il s’agisse de l’urgence sanitaire, alimentaire, éducative ou tout simplement citoyenne, des solutions innovantes ont, depuis plusieurs mois, été trouvées par toutes les coopératives et entreprises sociales dans notre pays, en coopération avec les autorités locales.

Oui, la crise actuelle souligne autant le rôle nécessaire des acteurs de la solidarité aujourd’hui, que le besoin de transformer le modèle économique en s’inspirant des pratiques et des valeurs de l’ESS demain.

Dans l’après-covid, il sera nécessaire de promouvoir la coopération en offrant les services de base d’une manière différente, en rétablissant et en créant des emplois décents grâce à des modèles d’organisation de la production divers et complémentaires.

Aujourd’hui, le monde de l’ESS est fortement secoué par la crise du covid-19. Nombre de ces structures, durement impactées par celle-ci, auront bien du mal à se relever.

Il y a urgence à sauver ce secteur, notamment toutes ces petites structures que nous connaissons bien sur nos territoires, qui font assaut d’imagination et de volontarisme dans leurs actions quotidiennes, mais qui, pour nombre d’entre elles, ont bien du mal à maîtriser les arcanes des dispositifs déployés par le Gouvernement.

L’urgence est là, madame la secrétaire d’État, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible.

À l’aune de cette crise sans précédent, ma question sera donc simple : quelles mesures ont été mises en place pour sauver le soldat ESS ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Marchand, oui, il y a urgence pour les entreprises et les structures de l’économie sociale et solidaire, et le Gouvernement est tout entier à leurs côtés.

Comme tous les acteurs, elles ont été frappées de plein fouet par la crise, mais comme de nombreux acteurs de la solidarité que vous avez mentionnés, elles sont aussi particulièrement sollicitées face à cette crise sanitaire.

Elles ont des fragilités inhérentes à leur modèle, en matière de trésorerie et de fonds propres. C’est à l’ensemble de ces fragilités que nous nous attelons dans l’urgence, et ce depuis plusieurs mois.

Vous l’avez dit aussi, pour le Gouvernement comme pour les élus, le fléau, c’est le non-recours aux aides qui sont à disposition de ces structures de l’ESS. C’est pourquoi, en plus de leur indiquer ce à quoi elles ont droit, je m’attelle à leur expliquer comment percevoir ces aides.

Vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de citer le guichet unique urgence-ess.fr, qui permet à nos associations, à nos structures de l’ESS de bénéficier d’une subvention directe pouvant atteindre 5 000 euros pour les structures comptant de un à trois salariés et 8 000 euros pour les structures de quatre à dix salariés.

Au-delà, je rappelle que le Gouvernement a augmenté de près de 30 % le dispositif local d’accompagnement de ces structures pour leur permettre de mieux répondre aux appels à projets du plan de relance destinés directement aux structures de l’ESS, et ce à hauteur de 1,3 milliard d’euros.

Le fonds UrgencESS de 30 millions d’euros a été lancé, avec l’accord du Premier ministre et le soutien de Bruno Le Maire, le 22 janvier dernier. Le 9 février, soit quinze jours plus tard, on comptait 5 291 demandes en cours d’instruction. Ce dispositif ne sera peut-être pas suffisant, mais partout où il y a un besoin, nous essayons d’apporter une solution.

Je me rendrai vendredi dans le Nord pour écouter les représentants des structures de l’ESS qui en ont besoin et les accompagner davantage encore. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

cyberattaque contre l’hôpital de dax

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez, en plein milieu de la pandémie, le centre hospitalier de Dax-Côte d’Argent a été victime, la semaine dernière, d’une cyberattaque massive de son système informatique, alors même que celui-ci était conforme aux exigences réglementaires du programme HOP’EN. De telles attaques sont désormais trop banales.

À Dax, les médecins n’avaient plus accès à l’historique des dossiers des patients. Les calculs de dose pour la chimiothérapie n’étaient plus possibles. Il a fallu faire ces calculs à la main, ce qui a limité la capacité de traitement quotidienne.

Même si le fonctionnement a été sous-optimal, j’ai été impressionné lors de ma visite par l’engagement sans faille de l’ensemble des agents, un engagement qu’il faut saluer. Toutes les équipes se sont mobilisées, conscientes de l’urgence d’assurer le maintien du service public. C’est ce qui a permis de réduire les pertes de chances pour les patients.

La professionnalisation de ces attaques comme des attaquants est un fait incontestable. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) signale une augmentation de 255 % de ce type d’attaque en 2020. Le secteur de la santé est particulièrement touché. Le CHU de Bordeaux subit ainsi une vingtaine de cyberattaques chaque jour.

Cette cybercriminalité est à la hauteur de ce qu’elle peut rapporter : les demandes de rançon varient entre 200 000 et 10 millions de dollars. En parallèle, les coûts en matériels et en personnels dédiés sont de plus en plus importants, pour les structures privées comme publiques.

Cette situation rapidement décrite m’amène, monsieur le ministre, à vous poser plusieurs questions.

Localement d’abord, si l’ARS et l’Anssi ont tout de suite été au chevet de l’hôpital de Dax, celui-ci mettra du temps à récupérer. Pouvez-vous me garantir son accompagnement vers un retour à la normale, y compris s’agissant des répercussions financières engendrées par l’attaque ?

Comptez-vous accroître les moyens de l’Anssi, et selon quelles modalités ?

Enfin, en raison du caractère extraterritorial de ces attaques, la France va-t-elle favoriser la coopération européenne, par exemple en donnant plus de moyens à l’Enisa – European Union Agency for Cybersecurity –, pendant européen de l’Anssi ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Kerrouche, vous l’avez dit, la France est sous la menace d’attaques informatiques, comme d’autres pays. Je pense par exemple à l’attaque qui a touché 400 hôpitaux américains à la fin novembre 2020.

En France, c’est l’ensemble de notre économie, l’ensemble de notre société, qui est sous la menace. On a compté vingt-sept attaques majeures concernant des hôpitaux en 2020 ; il y en a une par semaine en 2021.

Je salue, comme vous, le travail des équipes hospitalières et des agents de l’Anssi ; ces derniers se sont rendus à l’hôpital de Dax dès le 9 février dernier, et voilà deux jours à Villefranche-sur-Saône – je vais y aller moi-même dans quelques jours –, pour aider les hôpitaux à faire face à cette menace.

La France et ses partenaires sont mobilisés. Les effectifs de l’Anssi ont augmenté de 200 personnels depuis 2017. Nous avons accompagné les 110 plus gros hôpitaux français au cours d’audits de sécurité, tandis que 11 d’entre eux sont suivis au jour le jour. Nous travaillons à une plus grande sensibilisation des hôpitaux, mais aussi des collectivités territoriales – la ville de Houilles a ainsi subi une attaque dernièrement – et de l’ensemble de nos concitoyens.

Le Président de la République devrait, dans les heures qui viennent, prendre la parole sur ce sujet pour nous amener à franchir encore un cap dans cette préparation et vers une plus grande vigilance de l’ensemble de l’économie et de la société.

S’agissant enfin de la réponse judiciaire, je souligne un succès récent : les organisations cybercriminelles Emotet et Egregor – cette dernière est à l’origine de l’attaque contre Ouest-France à la fin du mois de novembre 2020 – ont été arrêtées la semaine dernière grâce à une coopération entre les services français, la justice française, la justice américaine et nos partenaires européens.

L’État apporte donc une réponse extrêmement forte, mais nous devons continuer à mieux nous mobiliser et à mieux prévenir ce genre de danger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

soutien aux associations