Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 160, présenté par M. Vaugrenard, Mmes de La Gontrie et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après le mot :
identifiantes
insérer les mots :
et à l’identité
2° Supprimer les mots :
définies à l’article L. 2143-3
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
III. Alinéa 13, première phrase
1° Remplacer les mots :
de leurs données non identifiantes
par les mots :
de ces données et de leur identité
2° Supprimer les mots :
du présent article
IV. – Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Beaucoup a déjà été dit sur le besoin des enfants issus d’un don de gamètes de connaître d’où ils viennent, qui est le donneur. Comme il vient d’être expliqué, nous nous sommes rendu compte, à la faveur des différentes auditions, que la demande est extrêmement forte et que, psychologiquement, il est nécessaire pour les enfants d’avoir ces informations, de savoir d’où ils viennent.
Le fait que le donneur ait pleinement conscience dès l’origine, avant même le don, que l’enfant qui naîtra de son don aura la possibilité de connaître son identité n’entraîne pas, madame la rapporteure, de baisse du nombre de donneurs. Les pays où cela se pratique montrent que cette baisse, si elle existe, n’est que momentanée ; les dons augmentent ensuite notablement.
L’intérêt de l’enfant doit primer, et, pour être efficace, il faut essayer de faire simple. Dans cet esprit, le présent amendement vise à permettre à l’enfant né d’un don de connaître ses origines, sans distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et les modalités d’accès à l’identité même du donneur. Il s’agit ainsi de revenir à la philosophie initiale de l’article 3 adopté par l’Assemblée nationale en première lecture : considérer l’accès aux origines comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées d’un don. Sur cette question comme sur d’autres abordées ce soir, nous devons être très attentifs aux droits de l’enfant.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert, Mizzon, Chatillon, Cuypers, S. Demilly, Meurant, Laménie et Bouloux, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je propose de supprimer l’alinéa 12 de l’article 3, qui permet la communication de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation. En effet, cette communication bouleverserait complètement l’édifice normatif construit en 1994. La conception qui sous-tend celui-ci, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet à ce jour d’offrir à l’enfant conçu par le recours à la PMA une filiation crédible : il peut se représenter comme étant effectivement issu de ceux que la loi désigne comme son père et sa mère.
De plus, cette novation me paraît soulever toute une série de difficultés.
D’abord, elle risque de dissuader les donneurs potentiels, puisque les informations relatives à leur identité seront conservées, a minima, jusqu’à la demande d’accès de l’enfant, à partir de sa majorité. Je ne suis pas sûr que les donneurs soient d’accord avec cela : leur situation peut évoluer – par exemple, ils peuvent se marier –, et je ne suis pas du tout persuadé qu’ils souhaitent voir conservée leur identité pendant dix-huit ans – au moins.
À moyen terme, nous risquons aussi d’assister à une remise en cause du principe énoncé à l’article 311-19 du code civil : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. » Je ne suis pas sûr que, demain, la responsabilité d’un donneur ne soit pas recherchée…
Ensuite, la communication de l’identité du donneur comporte un risque d’intrusion dans la vie privée et personnelle du donneur plusieurs années après le don, avec le risque évident de perturber l’éventuelle nouvelle vie familiale du donneur, voire la vie de ses enfants, s’il en a.
Ajoutons à cela le risque de marchandisation des gamètes : celui qui accepte la communication de son identité pourrait demander une rémunération plus élevée que celui qui la refuse.
Avec la rupture d’égalité entre enfants nés de la PMA, cela fait beaucoup de raisons de maintenir le principe de la communication de données non identifiantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces deux amendements vont à l’opposé l’un de l’autre : le premier vise à instaurer une communication automatique des données identifiantes et de l’identité du donneur à l’enfant qui en fait la demande, tandis que le second tend à interdire toute communication.
La position de la commission spéciale est intermédiaire : elle partage un certain nombre de craintes exprimées par M. le sénateur Reichardt et a tenté d’y répondre en ne prévoyant pas, précisément, l’automaticité de la communication, mais une mise en relation potentielle de l’enfant, qui peut demander la levée de l’anonymat, et du donneur, qui peut s’opposer à celle-ci ou y être préparé par cette mise en relation.
Je suggère que nous conservions l’équilibre trouvé par la commission spéciale sur la communication de l’identité du donneur : avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 70 rectifié.
L’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement n’ayant pas été adopté, nous sommes favorables à l’amendement n° 160, qui tend, comme il a été dit, à rétablir l’esprit de notre texte initial.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 161 est présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
« 2° Leur état général et leurs antécédents médicaux ainsi que ceux de leurs proches parents, tels qu’elles les décrivent ;
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Laurence Cohen. L’article 3, qui garantit un accès aux origines personnelles dès la majorité, marque un progrès, que nous souhaitons compléter en précisant que, lors du recueil, les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents sont également renseignés. Cette information ne remet pas en cause l’équilibre de l’article, mais vise à mieux prévenir les risques de maladies.
Selon l’Institut national du cancer, près de 20 % à 30 % des cancers du sein se manifestent chez des femmes ayant des antécédents familiaux de cancers, dont des cancers du sein. De manière générale, les études montrent que, lorsqu’une parente au premier degré a déjà eu un cancer du sein, le risque d’être atteinte de ce type de cancer est environ deux fois plus élevé. De même, les antécédents familiaux de maladies cardiaques précoces sont des facteurs de risque pour les patientes et les patients.
Il paraît donc indispensable que les enfants nés par tiers donneur puissent connaître les antécédents familiaux de facteurs de risque.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 161.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les candidats au don doivent présenter un bon état de santé général et font l’objet d’examens conduisant au rejet d’environ un candidat sur deux. L’examen est si drastique que les enfants nés du don ont un risque moindre que les autres de souffrir de pathologies héréditaires.
De surcroît, la mesure proposée me paraît introduire une confusion avec des informations médicales, dont je rappelle qu’elles sont accessibles non pas aux enfants et aux parents, mais aux médecins, pendant la minorité de l’enfant, pour permettre une prise en charge médicale correcte de celui-ci.
L’avis est donc défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Comme l’a expliqué Mme Cohen, les antécédents médicaux sont très importants. Je voterai ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. La recherche en oncogénétique progresse et permet de plus en plus d’apporter des solutions préventives – en fonction du type de cancer, de l’âge et d’autres critères. Il en va de même pour les pathologies cardiaques. Voilà tout juste une semaine, à La Martinique, un jeune homme est mort lors d’un cours d’éducation physique…
Mme la rapporteure a insisté sur un certain nombre de généralités, mais il faut aussi tenir compte de ces particularités.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83 et 161.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, Klinger, Houpert et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer les mots :
et professionnelle
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à exclure de la communication à l’enfant la situation professionnelle du donneur dans le cadre d’une demande de transmission des données non identifiantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je reconnais que c’est un point dont on peut discuter. Néanmoins, la commission spéciale a émis un avis défavorable, estimant qu’il faut donner une certaine substance aux informations non identifiantes communiquées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La situation professionnelle du donneur participe, parmi d’autres éléments, à la connaissance de son contexte de vie. La connaître peut s’avérer utile pour certaines personnes nées de don dans la construction de leur récit identitaire : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 162, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Tout autre élément ou information qu’il souhaiterait laisser.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous proposons de ne pas restreindre la liste des informations que les intéressés pourraient estimer utile de laisser, en prévoyant un alinéa qui ouvre la possibilité de communiquer tout autre élément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est proposé de rapprocher quelque peu la situation du donneur de gamètes de celle de la femme qui accouche sous X. Celle-ci peut, en effet, laisser des objets ou toute information dans un dossier à destination de son enfant.
En réalité, je ne suis pas sûre qu’on puisse comparer les deux situations : la femme qui accouche a évidemment une relation tout à fait différente avec l’enfant que le donneur de gamètes, qui, dans le cadre d’un don, n’a pas de lien avec l’enfant. Pour le docteur Jousselme, pédopsychiatre, « le donneur doit rester un simple facilitateur ».
Je pense qu’il ne serait pas tout à fait raisonnable de rapprocher à ce point les deux situations : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Par ailleurs, je ne désespère pas que, in fine, l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur soit un droit pour tous les enfants, que l’égalité soit assurée en la matière et que chacun puisse mener à bien sa construction identitaire. La disposition proposée perdra alors de sa portée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Puisqu’on permet au donneur de laisser des éléments sur sa situation familiale et professionnelle, les motivations de son don et son pays de naissance, entre autres informations, en quoi serait-il excessif de lui laisser une marge d’appréciation ? Je trouve l’argumentation de la rapporteure quelque peu spécieuse…
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 75 amendements au cours de la journée ; il en reste 92.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 février 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse ;
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur l’enseignement agricole, outil indispensable au cœur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires ;
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 281 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 3 février 2021, à zéro heure trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER