M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre collègue Laure Darcos a parfaitement raison de rappeler les débats ayant eu lieu dans cet hémicycle, au moment de l’adoption de la proposition de loi d’Aurélien Pradié, texte qui, au travers d’une réflexion transpartisane, avait permis de trouver un accord sur la question du bracelet anti-rapprochement ou encore sur celle de l’ordonnance de protection.
Pour notre part, nous montrerons notre absence de sectarisme en votant l’amendement présenté par Valérie Boyer et Laure Darcos, car les chiffres avancés à l’époque, et qui annonçaient bien évidemment le déploiement en année pleine, n’ont pas été respectés. Pendant ce temps, des femmes meurent !
Mme Valérie Boyer. Exactement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est donc important de voter ces crédits aujourd’hui.
Je trouve d’ailleurs assez étonnant, mes chers collègues de la majorité, qu’un grand nombre d’entre vous s’opposent à des amendements allant pourtant pleinement dans le sens des rapports élaborés par des membres de votre propre majorité à l’occasion de l’examen de cette mission budgétaire. Mais j’aurai toute la nuit pour réfléchir à cette situation étrange…
Toujours est-il que nous voterons l’amendement n° II-795 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-795 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Mmes Valérie Boyer et Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent.)
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° II-793 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-793 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-827 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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Administration pénitentiaire dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
||||
Accès au droit et à la justice |
||||
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
||||
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
||||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Je remercie mes collègues pour les arguments développés à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent. Effectivement, cette cause est transpartisane.
Le présent amendement traite aussi des violences conjugales.
Lorsque les femmes qui en sont victimes dénoncent les violences qu’elles subissent, elles ont besoin d’être crues et prises au sérieux. Créer un cadre bienveillant et protecteur est indispensable pour permettre aux victimes de signaler les faits. Il s’agit de mettre fin à la culture du doute, qui prévaut souvent, et de lui substituer une « présomption de crédibilité », comme le rappelle le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – c’est à lui que nous devons cette belle expression.
Il doit en être de même pour le parcours des victimes. Les unités médico-judiciaires, ou UMJ, assurent, sur demande de la justice, les examens médico-légaux des personnes majeures ou mineures victimes de violences. La finalité de l’examen est la rédaction d’un certificat médical descriptif des lésions physiques ou du retentissement psychologique, avec la détermination d’une incapacité totale de travail, ou ITT, au sens pénal.
Pourtant le Grevio, le Groupe d’experts sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, nous alerte sur les freins rencontrés par les femmes, du fait, à la fois, de la nécessité d’un dépôt de plainte préalable pour pouvoir accéder à une UMJ et de l’absence de couverture complète du territoire par ces unités, certains départements en étant encore dépourvus. On se retrouve un peu dans la même situation que pour le bracelet anti-rapprochement, avec, à ma connaissance, une quarantaine d’UMJ pour 101 départements.
Cet amendement s’inscrit donc dans la lignée des recommandations de renforcement des moyens budgétaires dédiés. Cela permettrait de garantir la présence d’au moins une UMJ, avec des médecins légistes et d’autres professionnels de santé, tels que des infirmières spécialisées, par département et la conservation d’éléments de preuve, même si la victime ne souhaite pas porter plainte, en tout cas dans un premier temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Prudence…
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Prudence…
Je me contenterai simplement de rappeler que les crédits du programme « Justice judiciaire » s’élèvent à 3,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Avec une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros, cette demande est satisfaite et j’exprimerai un avis défavorable sur l’amendement.
J’en profite tout de même pour répondre à M. Jean-Pierre Sueur, qui m’a gentiment interpellé – et j’ai apprécié le compliment.
Vous fûtes effectivement mon président de la commission des lois, monsieur Sueur, mais j’ai depuis rejoint la commission des finances. Le regard que je peux avoir, aujourd’hui, sur ce PLF est donc quelque peu différent.
Depuis que je suis rapporteur spécial de la mission « Justice », voilà plus de quatre ans maintenant, nous réclamons sur les nombreuses travées de cette assemblée des augmentations significatives des crédits budgétaires. C’est ce que nous offre ce budget !
Certes, tout n’est pas parfait et vous avez pu les uns et les autres, mes chers collègues, exprimer des regrets. Néanmoins la situation évolue dans le bon sens, dans le contexte actuel des finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, il ne faut pas tout confondre. Après l’acquittement de Georges Tron, Mme Méadel, membre du Gouvernement sous François Hollande, avait souhaité que l’on inversât la charge de la preuve : une telle décision serait une hérésie juridique ; en tout cas, elle serait âprement discutée sur le terrain constitutionnel.
Au demeurant, ce n’est pas un sujet d’ordre budgétaire et ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici, même si c’est ce que j’ai entendu à travers vos propos. La question est celle des moyens.
Le Gouvernement s’est totalement investi dans la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences sexistes. Il a mis en place et multiplié les bracelets anti-rapprochement. Il a étendu le téléphone grave danger. Il a développé les ordonnances permettant d’éloigner les maris violents du domicile conjugal, tant en matière civile qu’en matière pénale.
En outre, le ministère s’attache à établir des partenariats entre les préfets, le monde hospitalier, le monde judiciaire et les enquêteurs : les victimes doivent d’abord être soignées, entendues par un psychologue et un membre des services sociaux. Parfois, elles renoncent à déposer une plainte, car elles ne savent pas à qui confier leurs enfants en partant, le soir.
Les policiers ou, en milieu rural – comme au Cateau-Cambrésis, où je me suis rendu –, les gendarmes interviennent ensuite, puis le procureur : le processus judiciaire s’enclenche, qui entraîne l’intervention d’un avocat. C’est l’ensemble de ce cheminement que nous nous efforçons de développer.
Quand nous connaîtrons les chiffres, ils feront bien sûr frémir, car beaucoup de femmes tombent encore sous les coups de leurs compagnons. Mais je suis déjà en mesure de vous le dire : grâce aux efforts de tout le monde, ce ne seront pas, tant s’en faut, ceux que vous avez évoqués. Au demeurant, pour paraphraser le Président Giscard d’Estaing, comme l’a fait M. Sueur, personne n’a le monopole du cœur !
En présentant votre amendement, vous avez évoqué plus précisément la présomption de crédibilité. Dans le cadre de l’augmentation des crédits dédiés aux frais de justice, le programme 166, « Justice judiciaire », obtient déjà, au titre du projet de loi de finances pour 2021, des moyens supplémentaires très significatifs, à hauteur de 20 millions d’euros. Ces crédits seront consacrés à la médecine légale, au développement et à l’amélioration de l’accueil des victimes au sein des unités médico-judiciaires, dont – je le répète – le maillage territorial sera renforcé.
L’objet de votre amendement me paraît donc satisfait, au-delà même de votre demande, et le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, je comprends tout à fait vos remarques et je vous remercie de votre réponse au sujet des unités médico-judiciaires.
Tout le monde ici a salué les efforts dont bénéficie le budget de la justice. Nous nous en réjouissons tous : c’est de l’argent public bien employé, même si la justice reste le parent pauvre des budgets régaliens et du projet de loi de finances tout entier. Je le répète, elle reçoit 4 euros pour 1 000 euros d’argent public dépensé ; même si l’on passe à 4,5 euros ou 5 euros, cette part reste extrêmement faible.
En l’occurrence, le Gouvernement revendique cette priorité. Bien sûr, je me réjouis des efforts accomplis. Mais, à ma connaissance, on ne dénombre aujourd’hui qu’une quarantaine d’UMJ pour 101 départements. Comment peut-on se satisfaire de ce chiffre ? Une telle carence ne peut qu’entraver les nombreux efforts consentis !
C’est tout le sens de mon amendement, que je me dois de maintenir. On ne peut pas accepter une telle inégalité territoriale, d’autant qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. Mme de La Gontrie l’a rappelé il y a un instant : des femmes meurent sous les coups de leur conjoint. Cette année, on déplore déjà 145 victimes. Il y a aussi des hommes et des enfants qui meurent. Les unités médico-judiciaires sont absolument indispensables !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, je vous le dis solennellement : vous venez de déraper.
Vous avez fait référence à l’affaire Georges Tron. Sauf que, dans cette affaire, vous étiez l’avocat de Georges Tron.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et alors ? Il semble que le Premier ministre a dû vous rappeler qu’il ne fallait pas mélanger votre passé d’avocat et votre présent de ministre de la justice.
Lors de ce procès, vous avez tenu des propos qui éclairent peut-être votre position d’aujourd’hui. Vous disiez ainsi : « Il y a des hommes qui aiment le pouvoir, il y a des femmes qui aiment le pouvoir : c’est comme ça. » Vous traitiez les parties civiles de « manipulatrices » et d’« incohérentes ».
Je le rappelle une fois de plus : ici, nous défendons la cause des femmes de manière transpartisane. Votre passé d’avocat vous appartient, mais, aujourd’hui, vous êtes garde des sceaux. Vous n’avez pas à faire référence à ce passé, qui plus est dans une affaire qui a été jugée, pour éclairer votre refus d’aujourd’hui ! (M. le garde des sceaux manifeste son exaspération.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Nous voterons l’amendement de notre collègue Valérie Boyer. Certes, des mesures ont été mises en place, des efforts ont été accomplis, mais nous sommes très loin de ce qu’il faudrait faire pour résoudre cet immense problème.
Bien sûr, nous commençons seulement à nous y attaquer. Mais, pour avancer efficacement, nous devons avant tout faire les bons diagnostics. Il s’agit de reconnaître les préjudices et les blessures subis par ces victimes, qui, la plupart du temps, sont des femmes. Leur témoignage ne doit pas être sujet à caution : il faut donc avant tout assurer la reconnaissance des faits et il est essentiel d’agir avec la plus grande précision !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je tiens à relayer la demande de Valérie Boyer. Notre collègue a cité le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) ; au-delà des femmes, il y a les enfants et, pour ma part, je pourrais citer Stop aux violences sexuelles ou La Voix de l’enfant. Ces structures ont beaucoup œuvré pour que l’on puisse accueillir les enfants et recueillir leur parole ailleurs que dans un commissariat ou une gendarmerie. Depuis très longtemps, l’ensemble des associations demandent un lieu dédié par département : il est tout à fait légitime d’exiger 101 unités médico-judiciaires !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai entendu des propos déplacés au sujet de mon passé d’avocat : c’est trente-six ans de ma vie et, n’en déplaise à certains, j’ai une certaine autorité pour parler de questions judiciaires.
Où est le rapport entre ce que je viens de dire et le décret pris lorsque je suis arrivé place Vendôme ? Je n’en vois aucun et je n’entends pas entrer dans cette polémique, que je ne trouve pas d’une grande hauteur de vue.
Madame Boyer, 31 structures hospitalières dédiées existent au niveau régional, auxquelles s’ajoutent les 41 unités médico-judiciaires départementales. Évidemment, il faut poursuivre l’effort dans le cadre de partenariats dans l’ensemble des territoires. Cela étant, je tenais à vous communiquer les chiffres exacts.
M. le président. L’amendement n° II-799 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat et H. Leroy, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Administration pénitentiaire dont titre 2 |
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5 000 000 |
|
5 000 000 |
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
|
|
|
|
Accès au droit et à la justice |
|
|
|
|
Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
|
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|
Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
|
|
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|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, il s’agit encore des violences faites aux femmes ; mais, face à ce fléau, il y a tant à faire !
La société doit exercer un contrôle sur l’agresseur en recourant aux différents outils judiciaires de protection des femmes victimes de violences conjugales.
Aucune violence révélée, et ce dès les premiers faits de violence, ne doit rester sans réponse pénale. Les outils judiciaires de protection existent, comme l’éviction du domicile du partenaire – ou de l’ex – violent, l’ordonnance de protection, le téléphone grave danger ou encore la comparution immédiate, mais ils sont encore insuffisamment utilisés. Nous tous ici espérons que l’augmentation des moyens budgétaires permettra de mettre en œuvre tous ces dispositifs.
À ce titre, je soutiens pleinement la délégation aux droits des femmes, que préside Annick Billon et dont plusieurs membres sont présents ce soir, dont Laure Darcos : un effort est nécessaire pour garantir la cohérence des réponses pénales face aux violences conjugales.
La sensibilisation des magistrats est à l’œuvre, comme le suivi de l’activité des parquets. La spécialisation des magistrats en matière de violences est amorcée : à cet égard, je salue le travail mené par l’École nationale de la magistrature (ENM) pour la formation des magistrats. Aujourd’hui, de véritables actions de formation sont engagées : leur but est de toucher le plus grand nombre de magistrats pour mieux lutter contre les violences au sein des familles et, en particulier, au sein du couple.
Personnalité très engagée dans ce combat, l’ancien procureur de Douai a été auditionné par l’Assemblée nationale et par le Sénat. S’il se félicite des lois votées par le Parlement, il déplore le manque de moyens permettant de vérifier que ces nouvelles dispositions sont correctement appliquées. Il considère par exemple que « beaucoup de magistrats n’ont pas encore pris en compte l’importance de ce sujet, malgré les formations ».
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à attribuer davantage de moyens à la formation des magistrats, notamment pour créer des modules de formation continue relatifs aux violences conjugales.
Dans le rapport qu’il a consacré à cette question, le HCEfh pointe la nécessité d’une telle formation. Je le répète, aujourd’hui, l’ENM fait déjà beaucoup efforts en ce sens à destination des élèves magistrats. Néanmoins, la formation continue des magistrats est absolument nécessaire. Surtout, la formation dédiée aux violences au sein des couples doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation précis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Cet amendement vise à allouer 5 millions d’euros supplémentaires à la formation des magistrats.
Cette formation initiale et continue est assurée par l’ENM, qui bénéficie déjà d’une subvention de 33,2 millions d’euros : une augmentation de crédits ne me paraît pas nécessaire. La formation suggérée existe bien et elle est financée par cette dotation. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, depuis plus d’un an, un partenariat s’est noué entre l’ENM et la haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, Mme Isabelle Rome. Il a pour ambition de renforcer les formations dédiées à la lutte contre les violences faites aux femmes et, en particulier, contre les violences commises au sein du couple.
Peut-être le savez-vous déjà : ces sessions sont ouvertes, non seulement aux magistrats, mais aussi aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), aux officiers de police judiciaire, aux avocats et aux représentants des associations. Le but est de diffuser largement ces enseignements et de créer, ou de renforcer, les synergies locales.
Dès lors, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Depuis quelques années, je suis membre de la délégation aux droits des femmes et je comprends tout à fait la démarche de notre collègue Valérie Boyer. Il s’agit d’une grande cause et d’un combat permanent. Toutefois, même si l’on a redoublé d’efforts ces derniers temps, on éprouve encore souvent un sentiment d’impuissance. De nombreux acteurs sont concernés ; M. le garde des sceaux a souligné avec raison qu’il s’agit d’un travail collectif.
Je comprends également l’avis de M. le rapporteur spécial. Il ne faut pas perdre de vue la technique budgétaire et la mécanique comptable : ce transfert de 5 millions d’euros peut avoir des conséquences. Mais, en parallèle, nous toutes et tous sommes particulièrement sensibles aux enjeux humains, d’autant qu’il s’agit de sujets extrêmement graves.
Au-delà des magistrats, l’effort de formation doit s’étendre aux forces de sécurité, gendarmes et policiers, aux travailleurs sociaux et à l’ensemble des partenaires susceptibles d’intervenir au titre de la prévention.
Il s’agit donc d’un réel dilemme. Pour ma part, je voterai cet amendement !
M. le président. L’amendement n° II-802 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Gremillet, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
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Administration pénitentiaire dont titre 2 |
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5 000 000 |
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5 000 000 |
Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
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Accès au droit et à la justice |
5 000 000 |
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5 000 000 |
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Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
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Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
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TOTAL |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
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SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, je vous présente un dernier amendement, qui a lui aussi pour objet les violences physiques et sexuelles.
Les associations nous alertent souvent. Elles insistent sur leur manque de moyens et, à cet égard, le Grenelle des violences conjugales s’est soldé par une grande frustration pour elles. Elles se sont senties lésées par les faibles crédits qui leur ont été attribués.
Le Sénat débat souvent de l’application des lois. Régulièrement – ce soir encore –, nous parlons de la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats ; nous parlons des centres d’hébergement ; mais nous ne parlons que très rarement des hommes et des femmes qui s’engagent bénévolement pour protéger, conseiller et accompagner les victimes.
Ces bénévoles sont remarquables. Nombre d’entre nous avons eu le privilège de les rencontrer et de suivre leur action quotidienne, non seulement dans le cadre des travaux parlementaires, mais aussi sur le terrain, pour élaborer nos propositions dans ce domaine.
Tous ces militants associatifs méritent nos remerciements, nos félicitations et notre considération : à travers cet amendement, je leur exprime toute notre gratitude.
Vous le savez, entre autres conséquences dramatiques, le confinement a entraîné la recrudescence des violences au sein des familles et notamment des violences faites aux femmes. Elles sont commises au domicile conjugal, cet endroit où l’on devrait être protégé, mais qui, pour certaines familles, devient le lieu de tous les dangers.
Les chiffres officiels ont été révélés la semaine dernière et ils sont édifiants : dans les zones de gendarmerie, les signalements ont augmenté de 32 %. À Paris, ils ont bondi de 36 % : cette progression est considérable.
Quand le confinement se transforme en piège mortel, les femmes victimes peuvent se tourner vers les associations, qui tentent de leur venir en aide malgré les mesures sanitaires et malgré la distanciation sociale. Cet amendement vise donc à accroître les crédits dédiés à l’aide aux victimes, notamment pour soutenir davantage les associations qui secourent les victimes de violences conjugales.
Bien sûr, tous mes amendements sont gagés, mais la nature du gage importe peu : nous demandons simplement un transfert de crédits pour que cette mission soit mieux satisfaite !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Cette action bénéficie déjà d’un effort important : ses crédits augmentent de 3,3 millions d’euros. J’émets donc de nouveau un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, les crédits dédiés à l’aide aux victimes d’infraction pénale progressent déjà de 3,3 millions d’euros, soit 11,4 %. J’émets, moi aussi, un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-1380, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Durain, Leconte, Kerrouche, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits de programme :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Justice judiciaire dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
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Administration pénitentiaire dont titre 2 |
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Protection judiciaire de la jeunesse dont titre 2 |
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Accès au droit et à la justice |
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Conduite et pilotage de la politique de la justice dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
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Conseil supérieur de la magistrature dont titre 2 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement traite d’un sujet très important.
Mes chers collègues, la corruption transnationale représente 20 % à 40 % de l’aide mondiale au développement. Certains pays pauvres sont honteusement pillés par de prétendues élites : ces notables détournent les aides internationales à leur profit pour s’acheter de nombreux biens, à Paris, sur la Côte d’Azur ou ailleurs.
Le Sénat a voté l’année dernière, sur mon initiative, une proposition de loi pour faire face à ce fléau. En vertu de ce texte, adopté à l’unanimité, les biens dont il s’agit doivent aller aux populations spoliées lorsque la justice impose leur restitution. Mme Amélie de Montchalin, qui représentait le Gouvernement lors de cette discussion, s’était engagée à ce que la question soit réglée à la faveur du projet de loi de finances pour 2020.
L’Assemblée nationale a décidé de consacrer un rapport à cette question : elle a désigné deux rapporteurs, qui ont abouti exactement aux mêmes conclusions que moi. Mais, depuis, rien n’a changé.
Monsieur le garde des sceaux, comme je vous l’ai dit, j’ai sollicité un rendez-vous auprès de votre ministère et je serais très heureux que vous nous receviez pour débloquer la situation.
Dans l’affaire Obiang – il s’agit du vice-président de la Guinée équatoriale –, le tribunal de Paris a conclu qu’« il serait moralement injustifié pour l’État, prononçant la confiscation de ces biens, de bénéficier de celle-ci sans égard aux conséquences de l’infraction ». Ces dernières sont claires : les peuples des pays pauvres sont volés par la corruption !
Sur ce sujet, un article est paru récemment, vous le savez ; des associations, notamment Transparency International, se sont mobilisées. Quelques détails techniques doivent encore être éclaircis : malgré les promesses, ce travail n’est pas encore fait, mais je suis sûr que, avec de la volonté,…