M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. … mais celles-ci vont connaître quelques réductions cette année, qui seront les bienvenues.
Pour toutes ces raisons, et pour satisfaire, monsieur le président, à votre vigilance sur le temps de parole, je conclus en disant que la commission des lois émet un avis favorable à l’adoption de ce budget de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les juridictions administratives bénéficieraient, en 2021, d’une hausse de crédits de paiement de 2,7 % et d’un schéma d’emploi en augmentation de 28 équivalents temps plein (ETP).
C’est un renfort bienvenu, mais qui reste modeste au regard de la hausse importante du nombre d’affaires que les juridictions administratives enregistrent depuis plusieurs années. En 2019, l’augmentation des requêtes déposées devant les tribunaux administratifs est de 8,7 % et près de 6 % devant les cours administratives d’appel.
Parmi les contentieux traités par les juridictions administratives, le contentieux des étrangers a pris, au fil des ans, une place centrale. Il représente, en 2019, 51 % des affaires enregistrées dans les cours administratives d’appel et 41 % de celles enregistrées dans les tribunaux administratifs.
Dans ces conditions, le défi reste le même : comment faire face, sans dégrader ni la qualité des décisions ni les délais de jugement ?
Le Conseil d’État avance quelques pistes, notamment sur l’aide à la décision qu’il s’agirait de mieux mobiliser ou sur le développement de la médiation. Ces pistes ne semblent toutefois pas en mesure d’avoir des effets perceptibles en 2021 ni même à moyen terme.
Cette année encore, les performances des juridictions administratives reposeront avant toutes choses sur l’engagement individuel des personnels des juridictions administratives et sur leur sens du service public. Cette situation ne peut être pérenne et le programme 165 ne pourra pas échapper, selon moi, à un questionnement sur le renforcement des moyens humains et la revalorisation indemnitaire des personnels.
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a atteint un pic historique, en 2019, en rendant 66 464 décisions. Les délais de jugement, qui avaient presque atteint l’objectif légal de cinq mois pour les formations collégiales en février 2020, à la veille du confinement, ont été fortement dégradés et sont désormais estimés à onze mois pour l’année 2020.
Il est donc important d’accompagner la reprise d’activité de la CNDA dont la commission soutient la demande de report à l’année 2021 de la vingtaine d’emplois qui n’ont pu être pourvus en 2020 en raison de la crise sanitaire. Il s’agit d’une mesure a minima.
Concernant le programme 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », les moyens prévus par le PLF pour 2021 seraient stables avec un schéma d’emploi prévoyant la création de 10 équivalents temps plein, dont 5 pour renforcer les fonctions de contrôle.
Compte tenu de l’extension du périmètre des compétences des juridictions financières, la stabilité des moyens humains entraîne de facto une nécessaire et toujours plus forte priorisation des contrôles des comptes et de la gestion. Or la baisse d’intensité des contrôles est une vraie question qui peut, à terme, entraîner une érosion de la confiance des citoyens envers leurs décideurs publics.
Dans le cadre du chantier de réflexions stratégiques des juridictions financières « JF 2025 » lancé par le nouveau Premier président de la Cour des comptes, M. Moscovici, il me semble important de dégager, d’ores et déjà, quelques lignes de force. Il convient de conserver l’indépendance de programmation des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et de maintenir les missions traditionnelles qu’elles exercent auprès des collectivités territoriales, etc.
En conclusion, pour une meilleure lisibilité des crédits alloués, il semble utile qu’une ventilation des crédits soit opérée entre la Cour des comptes et les CRTC, à l’instar de ce qui est fait dans le programme 165 entre le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs.
Malgré les réserves exprimées sur certains points, la commission des lois a rendu un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes 164 et 165.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois émet, concernant les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », du budget annexe « Publications officielles et information administrative » et du nouveau programme 359, « Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 », un « oui, mais ».
« Oui », car c’est la première année, depuis 2017, que nous n’avons pas à tirer la sonnette d’alarme sur la situation de la cybersécurité, des crédits de l’Anssi, des moyens du Groupement interministériel de contrôle (GIC), ainsi que sur les moyens des autorités administratives indépendantes et l’augmentation de leurs compétences.
« Mais », car nous devons noter une certaine absence de sincérité et de cohérence pour un certain nombre de propositions. Nous observons ainsi le manque de sincérité quant au fait que 130 ETP mis à disposition du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ne sont pas inclus dans ce programme, mais pris en charge par le programme 212, ce qui permet de mieux respecter la trajectoire de la loi de programmation militaire.
Deuxième insincérité : le Gouvernement, nous semble-t-il, considère le plan de relance comme un supermarché où les administrations font leurs courses. Ainsi, 136 millions d’euros devant figurer au titre du programme 129 pour la sécurité numérique se trouvent dans la mission « Plan de relance », tout comme 398 millions d’euros de modernisation des postes de travail des agents de l’État. Cela rendra difficile à suivre, année après année, l’évolution des dépenses des missions que nous étudions.
Dernière incohérence, on nous avait annoncé la suppression de petites structures, au nom d’une certaine simplification et rationalisation. Parmi elles, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est passée, en particulier, au ministère de l’intérieur, malgré les inquiétudes de la représentation nationale. Nous constatons pourtant la création d’un Haut Conseil pour le climat, dont on se demande à quoi il sert face au Conseil économique, social et environnemental ou au Haut-Commissariat au plan.
La pandémie a conduit à une accélération de la révolution numérique, mais aussi à plus de vulnérabilité, compte tenu de la manière assez improvisée avec laquelle nous nous sommes tous mis aux visioconférences. C’est la raison pour laquelle il est absolument indispensable de soutenir l’évolution des crédits de l’Anssi.
Saluons également la direction de l’information légale et administrative (DILA) qui, malgré des baisses de moyens, a mis en place un nouveau site Légifrance, très critiqué, mais qui apportera peut-être de nouvelles fonctionnalités. Faisons attention à ce que ces plateformes ne perdent pas en utilité.
Monsieur le ministre, où en est-on de la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ? Nous avions, d’ailleurs, voté un allongement de la mission des membres de Hadopi. Que se passera-t-il après 2021 ?
Qu’adviendra-t-il de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), petit collège réactif, mais fortement touché par la pandémie ?
Nous saluons les nouvelles personnalités nommées Défenseure des droits et Contrôleure générale des lieux de privation de liberté tout en regrettant que pendant trois mois, ce dernier poste n’ait pas été pourvu.
S’agissant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), nous notons des moyens supplémentaires qui nous semblent, néanmoins, insuffisants. La CNIL est submergée de plaintes, alors que son rôle serait de veiller à un certain nombre d’enjeux majeurs, en particulier l’intelligence artificielle, sujet de préoccupation en termes de collecte et de gestion de données.
Ce budget fait mieux que d’habitude, mais nécessite des efforts de sincérité. Ses programmes ont besoin de moyens et, compte tenu des enjeux, devront les voir augmenter les prochaines années.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire réunit trois missions qui, sans être les plus volumineuses de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021, revêtent une importance singulière.
D’une grande diversité, ces crédits sont tous indispensables au bon fonctionnement de notre État de droit. Ils visent à garantir aux pouvoirs publics, aux organes chargés de leur contrôle ainsi qu’aux autorités indépendantes qui s’assurent du respect d’un certain nombre de libertés individuelles, les moyens nécessaires à leur action.
Permettez-moi de saluer et de souligner le renforcement des moyens alloués à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information. Une partie des crédits sera consacrée au financement de l’installation d’un site à Rennes, afin de constituer un pôle de compétence en matière de cyberdéfense. Cette nouvelle antenne permettra d’accueillir 200 agents. Je me félicite de l’ouverture de ces crédits indispensables pour notre stratégie en matière de cyberdéfense, enjeu ô combien essentiel en ces temps.
En ce qui concerne le budget des juridictions administratives, les crédits de personnel sont en hausse pour les juridictions de premier ressort, d’appel et de cassation. Cela mérite d’être souligné, car, en raison de la crise sanitaire, les indicateurs du délai moyen de jugement des affaires et la proportion de celles en attente se sont notablement détériorés. Il en sera, sans aucun doute, de même au début de l’année 2021.
Je souhaite donc saluer le renforcement des effectifs dans les juridictions administratives, puisque 28 ETP supplémentaires viendront grossir leurs rangs. Quant aux juridictions financières, elles gagneront 5 ETP, ce qui permettra, notamment, de préparer le mandat de de la Cour des comptes en tant que certificateur des comptes de l’ONU pour la période 2022-2028. En effet, la Cour des comptes et les juridictions financières ont moins souffert des conséquences de la crise sanitaire, puisque leurs modes de fonctionnement sont davantage dématérialisés.
Leurs crédits sont en légère progression, notamment sous l’effet de schémas d’emploi positifs. Cette augmentation conduira à 10 recrutements supplémentaires en 2021, hausse qui s’inscrit dans la tendance de l’année passée.
Concernant le CESE, son budget se stabilise à l’approche d’une réforme majeure. La réduction du nombre de membres du CESE permettra une baisse des dépenses liées aux indemnités des conseillers économiques permettant de dégager des moyens qui seront absolument nécessaires pour mettre en œuvre ses nouvelles prérogatives, notamment en matière de participation citoyenne.
Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants votera les crédits de ces trois missions.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble des crédits que nous examinons cet après-midi me permet d’intervenir sur plusieurs questions qui concernent le cœur de l’État, le système de commandement et de pilotage de nos fonctions publiques. L’inconvénient évident est une certaine dispersion, qui nous oblige à ne parler que de quelques thèmes parmi l’ensemble de ceux que l’on pourrait aborder.
La mission du secrétariat général du Gouvernement est, entre autres, de préparer les textes normatifs, tant ceux qui s’appliquent directement sous forme réglementaire que ceux à caractère législatif qui sont, par la suite, débattus par les deux assemblées.
L’obligation de l’étude d’impact des projets de loi, introduite par la révision constitutionnelle de 2008, est un progrès dont tout le monde convient. En même temps, des critiques permanentes, mais toujours de bonne foi, s’élèvent quant à la manière dont est effectué ce portrait d’ensemble d’un projet de loi.
Se pose, de manière principielle, la question de savoir si c’est au département ministériel qui porte le projet de faire l’étude d’impact, ce qui est sa mission, ou s’il faut faire appel à des compétences extérieures.
Il me semble que le moment est venu de poser méthodiquement cette question, dans le cadre d’un dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Chaque ministère n’a pas la force de travail ni les équipes permanentes aptes à produire une étude d’impact globale, et forcément pluraliste, sur chaque sujet abordé. Je crois que, à cet égard, l’ouverture à des collaborations extérieures, évidemment objectives et indépendantes, est un sujet sur lequel nous devrions travailler.
Les autorités administratives indépendantes, du point de vue de leur gestion, méritent un témoignage de satisfaction. Les regroupements qui pouvaient être faits l’ont été. Reste le sujet de la gestion des ressources humaines, puisque chaque autorité administrative indépendante est un employeur public distinct. Or la plupart d’entre elles, sauf la CNIL, constituent des employeurs de petite taille.
Il me semble que la synergie entre la direction de la fonction publique, au niveau central, et les autorités administratives indépendantes pourrait être améliorée dans le sens d’une continuité de carrière. On observe effectivement que les autorités administratives indépendantes présentent, du fait de leur taille et de leur spécialisation, un problème d’attractivité qu’elles ont tendance à traiter par une certaine inflation des rémunérations.
En ce qui concerne l’ensemble des organismes qui concourent à la sécurité nationale, je veux souligner que l’Anssi a rendu de très grands services et produit un niveau de cybersécurité tout à fait adapté à nos besoins. Elle n’est toutefois pas exempte de ce même défi de ressources humaines : elle doit attirer des agents publics de très haut niveau en matière de maîtrise des systèmes numériques, secteur faisant l’objet d’une intense compétition sur le marché du travail.
Tout en observant la réserve qui s’impose à moi concernant les juridictions administratives, j’approuve complètement le rapport qui vient d’être présenté par Guy Benarroche. L’inflation du nombre des dossiers dont sont saisies les juridictions est en grande partie liée au contentieux des étrangers, lequel a fait l’objet d’adjonctions et de modifications de procédure, souvent un peu improvisées au cours des dernières années. Un rapport du Conseil d’État préconise un certain nombre de clarifications et de réductions des superpositions de contentieux. Il me semble utile de lui donner suite rapidement, par exemple par voie d’ordonnance.
Nous approuvons donc l’ensemble de ces crédits.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les priorités budgétaires du Gouvernement, au travers de ces missions et de leurs différents programmes, sont révélatrices des orientations de sa politique.
Je formulerai trois remarques.
Premièrement, le tout sécuritaire est affiché tel quel dans les priorités où la sécurité figure en pole position. C’est sans doute justifiable pour ce qui est du renforcement des moyens du GIC ou de l’Anssi et de la création à venir d’une antenne à Rennes. Mais c’est sous cette injonction du tout sécuritaire que la Miviludes a été transférée au ministère de l’intérieur. Nous continuons à penser que cette décision est regrettable.
Il va de soi que cette mission interministérielle relève, par essence, de bien d’autres problématiques que celles de la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Nous pensons notamment aux domaines de l’éducation ou de la santé.
Le nombre de décès liés à l’alcool ou au tabac, ainsi que celui des consommateurs de substances psychoactives et de nouveaux produits tels que la kétamine ou le protoxyde d’azote, continue d’être très important. En outre, les confinements et la crise que nous vivons ont tendance à augmenter ces conduites addictives.
Enfin, la création du fonds de lutte contre les addictions géré par l’assurance maladie ne nous rassure pas quant à l’avenir de la Mildeca et au défaussement du Gouvernement en la matière. Cet organisme subit une nouvelle baisse de ses crédits pour la treizième année consécutive, qui réduit à peau de chagrin ses moyens.
Deuxièmement, s’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », nous déplorons le traitement réservé par le Gouvernement à la Cour nationale du droit d’asile. Depuis trois ans, nous rappelons qu’il ne peut y avoir de République sans politique humaniste du droit d’asile, qui passe par un accueil digne et sécurisé des réfugiés dans notre pays.
Or, dans la série des ordonnances prises dans le cadre de la crise sanitaire, celle du 13 mai dernier prévoit que, pendant la période d’état d’urgence sanitaire, la Cour peut statuer sur tous les dossiers en audience à juge unique et avec un recours accru à la vidéo-audience. Cela nous inquiète fortement.
Même si le Gouvernement a été désavoué par le Conseil d’État, nous savons qu’il entend poursuivre sa politique comptable en la matière. Cette volonté ne sera pas sans conséquence sur le nombre de reports de procédures et sur l’explosion à venir des dossiers à traiter par la CNDA.
Troisièmement, en matière de conseil et contrôle de l’État également, je ne peux m’empêcher de revenir sur la convention citoyenne.
Après la crise des « gilets jaunes », le Président de la République a demandé à des citoyens tirés au sort, de travailler pour formuler des propositions ambitieuses sur le climat, avant de les recevoir à l’Élysée pour annoncer qu’il s’engageait à faire passer en conseil de défense écologique ou à soumettre au Parlement toutes leurs propositions. Cela ne l’a pas empêché d’en élaguer quelques-unes, notamment la taxe de 4 % sur les dividendes…
Les mois qui ont suivi ont prouvé l’inverse, laissant place à l’immobilisme, voire à certains reculs sur les propositions. Après avoir étouffé la soif d’égalité républicaine des quartiers populaires par l’enterrement en première classe du plan Borloo, le cri de la justice sociale et fiscale des « gilets jaunes » avec le grand débat national, qui n’aura débouché sur rien,…
M. Jérôme Bascher. Oui !
M. Fabien Gay. … vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à faire de même en dénaturant les propositions de justice climatique de la Convention citoyenne. C’est vrai qu’il est compliqué pour un gouvernement de reconnaître le crime d’écocide alors que, en même temps, il réintroduit les néonicotinoïdes !
Ce déni de démocratie (Mme Sophie Primas s’exclame.) dégrade un peu plus encore la relation de confiance entre nos concitoyens et l’exécutif, et soulève des interrogations quant à la pertinence des conventions citoyennes et au rôle que devra jouer le CESE dans les années à venir.
Toutes ces questions, mais surtout les orientations choisies par le Gouvernement dans la gestion de ses politiques publiques, nous conduisent à voter contre les budgets de ces trois missions. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. –M. Mickaël Vallet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’attacher à faire quelques remarques sur les missions « Direction de l’action du Gouvernement » et « Conseil et contrôle de l’État ».
Tout d’abord, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » connaît une nouvelle fois une modification de son périmètre d’action, avec la création d’un nouveau programme dont l’objet est de financer la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, avec un engagement financier important dès 2021.
Dans la continuité des budgets précédents, on note un renforcement des moyens dévolus à la lutte contre le terrorisme, aux moyens des services de renseignement et à la coordination des services de sécurité et de défense nationale. Ainsi, nous tenons à saluer la hausse des moyens alloués à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Il convient par ailleurs de saluer les efforts consentis en matière de recrutement dans les différentes organisations publiques, notamment la CNIL, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ainsi que le Défenseur des droits. Ces instances jouant un rôle majeur de protection des libertés dans notre système démocratique, l’augmentation de leurs moyens est la bienvenue.
Cela étant, nous pouvons nous interroger sur la sincérité budgétaire des crédits attribués au service d’information du Gouvernement. En effet, les crédits prévus pour 2020 sont reconduits à l’identique pour 2021, alors même qu’ils ont été largement dépassés cette année.
Par ailleurs, alors que l’on parle toujours de simplification, force est de constater que l’on s’y perd un peu entre les actions qui passent d’un ministère à l’autre.
À ce propos, je souhaite répéter les regrets que nous inspire le transfert de la Miviludes au ministère de l’intérieur. Cet organisme, dont les moyens ont été réduits, risque de perdre sa spécificité au profit des moyens dévolus à la lutte contre la radicalisation.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », il me paraît important de souligner la nécessité de recourir à des moyens humains adaptés afin d’assurer la qualité du travail des juridictions administratives.
Si l’on peut se satisfaire de la hausse des crédits de paiement, malgré une baisse importante des autorisations d’engagement, ces crédits permettront essentiellement de mettre en œuvre les projets immobiliers des juridictions administratives et, dans une moindre mesure, de renforcer leurs effectifs pour faire face à l’augmentation du contentieux dans les tribunaux administratifs.
Même s’ils tendent à diminuer depuis 2002, les délais de jugement restent la préoccupation majeure des juridictions administratives. En 2021, du fait de l’état d’urgence sanitaire, les délais de jugement vont se dégrader. Cette situation a des conséquences particulièrement dramatiques, notamment pour les justiciables de la Cour nationale du droit d’asile.
En effet, celle-ci n’a pas pu effectuer les recrutements nécessaires à son activité. À cet égard, une augmentation plus importante des autorisations d’engagement et des crédits de paiement aurait été appréciable. Au vu du contexte international que nous connaissons, qui a un impact sur le nombre de demandeurs d’asile, la réduction des délais de recours et l’accélération des procédures devant la CNDA entraînent une surcharge de travail et ne permettent pas un accompagnement correct des personnes. Nous devons être particulièrement vigilants, afin que l’État de droit ne puisse être remis en cause.
L’année 2021 devrait être marquée par la mise en place de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, adoptée au mois d’octobre 2020 et dont les décrets d’application devront être publiés avant le 1er juin 2021.
Rappelons que le CESE est la troisième assemblée de la République. Il est à l’origine de nombreux projets. Il a notamment été chargé d’organiser la Convention citoyenne pour le climat.
La réforme envisagée vise à faire du CESE une instance consultative de premier ordre. Elle prévoit notamment la possibilité d’organiser des consultations publiques et de rendre des avis sur la mise en œuvre de lois traitant de sujets économiques, sociaux et environnementaux, sur demande du Gouvernement ou du Parlement, ainsi que la faculté d’associer à ses travaux des conseils consultatifs de collectivités locales, des composantes de la société civile et des personnes tirées au sort.
Bien que cette réforme prévoie la réduction du nombre de membres du CESE, il est surprenant que le budget alloué soit stable par rapport à 2020.
M. Jérôme Bascher. Eh oui !
Mme Isabelle Briquet. En effet, le renforcement de ses missions implique un accroissement significatif de la charge de travail et nécessiterait donc des moyens plus importants.
Il nous faut enfin relever, sur ces deux missions du PLF pour 2021 – comme sur d’autres, d’ailleurs –, un manque de clarté budgétaire : bien des actions qui relèvent de ces budgets se retrouvent, en fait, dans le plan de relance. Cela nuit grandement à la lisibilité des programmes, et donc à l’action publique.
Cependant, compte tenu des avancées constatées sur les crédits alloués à la mission « Direction de l’action du Gouvernement », nous les approuverons.
Comme la présentation de notre collègue rapporteur pour avis Jean-Pierre Sueur vous aura permis de le comprendre, mes chers collègues, nous voterons également les crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics ».
En revanche, concernant la mission « Conseil et contrôle de l’État », nous considérons que la prise en compte des missions de la CNDA est insuffisante. Nous nous abstiendrons donc sur les crédits de cette dernière mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ces trois missions, nous touchons au cœur du fonctionnement de la République.
Les sujets sont tellement divers qu’il est difficile de tenir un discours à la fois complet et structuré. Pour ma part, je ferai cinq remarques.
Premièrement, je veux saluer le travail réalisé par le rapporteur spécial Jean-Michel Arnaud, qui a décidé de s’attaquer au sujet de l’audiovisuel, notamment du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je sais que cela vous fera plaisir, monsieur le président, puisque vous vous souciez de la réforme générale de l’audiovisuel public. (Sourires.) Les chambres auront nécessairement elles aussi à se prononcer à un moment ou un autre.
Je veux féliciter le Gouvernement et l’Élysée de leurs efforts de transparence sur l’immobilier. Toutefois, transparence ne signifie pas consolidation. J’avais appelé, dans le rapport de la mission de contrôle, à une consolidation des crédits du ministère de la culture consacrés au palais présidentiel, comme l’Élysée a su le faire pour les forces de sécurité. J’aimerais que cette recommandation du Sénat, qui était aussi une recommandation de la Cour des comptes, soit suivie d’effets.
Deuxièmement, je veux dire que la sécurité informatique est essentielle aujourd’hui. Nous avons tous, dans cette assemblée, reçu des courriels avant le vote sur le Haut-Karabagh. Nous recevons tous aujourd’hui des courriels de l’Azerbaïdjan. Je rappelle que la dernière grande attaque informatique du Sénat a eu lieu au moment de la reconnaissance du génocide arménien. Ce sont des sujets majeurs.
Le Sénat avait recommandé d’augmenter les crédits de l’Anssi. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir suivi cette recommandation. L’Anssi réalise un travail remarquable. Il faut continuer à soutenir cette agence.
Troisièmement, je veux évoquer un sujet qui m’a été soufflé par Christine Lavarde et qu’Alain Richard a lui-même évoqué : l’engorgement des juridictions administratives lié au contentieux du droit d’asile, comparable à l’engorgement de nos juridictions judiciaires, aujourd’hui, par les délits routiers – ils représentent 50 % des affaires.
Le problème réside non pas dans ces budgets, mais bien dans nos politiques migratoires, les décisions rendues faisant par ailleurs l’objet d’appels systématiques. Certes, la crise liée à la covid-19 n’a pas arrangé la situation, mais il y a bien un problème de crédits dans la mission dont Sébastien Meurant est le rapporteur spécial et des sujets tenant à la politique d’immigration.
Quatrièmement, je veux évoquer le sujet du Conseil constitutionnel. Des crédits avaient été ajoutés pour feu le référendum d’initiative populaire sur la privatisation d’Aéroports de Paris. Il me semble que cette privatisation n’est plus totalement à l’ordre du jour ! Je ne comprends pas le maintien des crédits, puisqu’aucun référendum d’initiative populaire n’est prêt. C’est pour moi un mystère… Au reste, nous ne disposons pas de la possibilité d’amender sur ce point.
J’en viens, cinquièmement, au CESE.
Monsieur le ministre, vous avez consolidé les 4,6 millions d’euros de la Convention citoyenne pour le climat. C’est fantastique ! Je rappelle que le Sénat comme l’Assemblée nationale n’ont pas vu leurs crédits augmenter depuis plus de dix ans. Dans le même temps, le CESE voit ses crédits augmenter pour une Convention citoyenne de gens choisis au hasard et qui n’existe plus… Admettez que cette hausse est un peu étrange !
J’entendais tout à l’heure ma collègue demander des crédits renforcés pour le cas où l’on mettrait sur pied davantage de conventions citoyennes. Quelle bizarrerie que de payer 4,6 millions d’euros pour 149 propositions ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, imaginez le budget qui serait le nôtre si nos propositions étaient rémunérées de la même manière… Monsieur le ministre, cette démocratie de la roulette et des experts n’est pas sérieuse.
J’en viens à la commission Burguburu, nouveau comité Théodule qui pourra dorénavant donner son nom à tout comité dont on ne sait pas bien à quoi il sert, comme Jean-Pierre Sueur l’a justement rappelé. Il écrit la loi sans en avoir reçu la mission. Il faut bien qu’il trouve des choses à dire : on ne peut pas dire qu’on l’a créé pour rien…