M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’imagine pas commencer mes propos sans rendre un hommage sincère à tous les agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Ils se dévouent depuis des mois, sans pouvoir retourner vers leurs familles et leurs proches, pour porter au plus haut notre diplomatie et soutenir les Français. La pandémie a montré à quel point leur engagement était essentiel ; elle a également pointé les limites des politiques de restriction imposées depuis des années.
J’en viens aux défis de sécurisation du réseau français, troisième réseau diplomatique au monde. Outre l’étendue du réseau, la politique étrangère et de défense française, qui se traduit par des interventions extérieures, fait de la France, de ses emprises et des personnels qui y travaillent des cibles privilégiées. La modulation des moyens affectés à chaque poste s’appuie sur le concept de sécurité du réseau diplomatique, lui-même fondé sur la classification des pays par catégories en fonction du niveau de menace.
L’avancement du plan quadriennal exceptionnel de sécurisation de 179 millions d’euros pour la période 2017-2020, étendu à 2021 en raison de la pandémie de covid-19, devrait permettre de sécuriser la totalité des emprises dans les pays à risque en 2021.
Deux points d’attention, monsieur le ministre, feront toutefois l’objet d’un suivi attentif par notre commission dans les années à venir : le financement de la sécurité passive et son champ d’application.
Le financement par avance du compte d’affectation spéciale 723 est à bout de souffle. Il a permis de répondre à l’urgence, mais présentait trois inconvénients majeurs.
Tout d’abord, il ne finançait que les dépenses relatives à l’immobiliser d’État, ce qui a rendu quasiment impossible l’utilisation des crédits dédiés à l’AEFE.
Ensuite, les dépenses éligibles ne concernaient que l’immobilier, empêchant le financement de systèmes de vidéosurveillance pourtant essentiels à la mise en sécurité des emprises.
Enfin, et ce n’est pas leur moindre défaut, les avances doivent être remboursées par le versement de 50 % du produit des cessions immobilières entre 2021 et 2025. Le retour à 100 % des produits de cession, qui n’est pas inscrit dans la loi, doit a minima être absolument garanti au ministère, et le rythme de remboursement doit être adapté aux possibilités de ventes effectives.
Je souhaite interroger M. le ministre sur la liste des cessions envisagées à l’avenir, à hauteur de 143 millions d’euros.
Monsieur le ministre, cette liste devrait être diminuée pour tenir compte de la surcontribution de 207 millions d’euros de votre ministère au désendettement de l’État entre 2014 et 2017. C’est une demande qui a du sens, alors que la vente des bijoux du Quai d’Orsay paupérise l’État.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Le rebasage budgétaire engagé tant pour les dépenses de sécurisation que pour les dépenses d’immobilier n’est pas à la hauteur des besoins. Comptez sur notre commission, monsieur le ministre, pour vous soutenir dans les négociations qui devront être menées avec Bercy sur ce sujet !
Enfin, en définissant le champ d’application des travaux de sécurisation des emprises, nous ne devrions pas négliger la sûreté de nos emprises et de nos personnels en Europe et dans le monde occidental en général.
M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Grand !
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La montée du sentiment antifrançais, après la republication des caricatures que nous savons, doit nous contraindre à la plus grande vigilance !
Sous réserve de ces recommandations, notre commission a adopté les crédits de cette mission. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux tiers des dépenses du programme 105, que nous examinons ici, servent à financer notre réseau diplomatique et les contributions internationales obligatoires dont s’acquitte notre pays. Dans l’environnement de plus en plus instable que nous traversons, ce sont là des dépenses particulièrement stratégiques.
La France n’est pourtant plus qu’au dixième rang des contributeurs des agences de l’ONU, avec une participation annuelle de 1,1 milliard d’euros. Les États-Unis contribuent dix fois plus que nous ; l’Allemagne et le Royaume-Uni, quatre fois plus. Nous sommes même devancés par la Suède, la Norvège et les Pays-Bas !
Parallèlement à l’érosion de notre rang de contributeur, plusieurs États annoncent augmenter leurs contributions, avec l’ambition d’obtenir en contrepartie des postes de responsabilité au sein de ces organisations. La Chine est à présent au sixième rang ; il est d’ores et déjà clair que la France va encore reculer, mécaniquement, au sein de ce classement.
De fait, un décalage de plus en plus net se fait jour entre notre activisme politique et notre influence réelle au sein de ces institutions, ce qui réduit notre capacité d’entraînement à l’égard de nos partenaires européens, capacité pourtant cruciale pour nos opérations militaires extérieures.
Conscient de cet enjeu, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a saisi l’occasion d’un effet de change positif, qui diminuait de 16 millions d’euros les contributions obligatoires de la France, pour négocier une nouvelle mesure, de 17,2 millions d’euros, au bénéfice de nos contributions volontaires au sein de plusieurs organisations internationales.
Cette dépense supplémentaire sera principalement consacrée au renforcement de l’influence de la France dans les organisations dédiées à la sécurité internationale, pour 15 millions d’euros, et à la préparation de l’avenir, pour 22 millions d’euros.
Pour la sécurité internationale, des crédits seront dédiés à l’Agence internationale à l’énergie atomique, l’AIEA, dont la France est le sixième contributeur, notamment pour financer des missions de vérification supplémentaires en Iran.
Un concours supplémentaire à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, l’OIAC, sera consacré en priorité au fonds spécial pour les missions en Syrie, en vue de la destruction du programme chimique syrien.
Le fonds de consolidation de la paix de l’ONU bénéficiera quant à lui de 7,5 millions d’euros, au profit d’interventions engagées en fonction des besoins du terrain, notamment dans le Sahel, mais aussi dans les Balkans.
Le programme « Jeunes experts associés » de l’ONU financera pour sa part la formation de jeunes talents français, afin de les mettre à disposition des institutions des Nations unies, à hauteur de 1,2 million d’euros.
Enfin, 1 million d’euros seront alloués aux organes juridiques des Nations unies pour promouvoir la conception française du droit.
Grâce à ce travail de priorisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, les crédits supplémentaires seront orientés vers des actions porteuses d’un réel sens politique et d’un effet de levier efficace pour l’influence de la France.
Le temps venu, notre commission dressera un bilan de l’impact de ces contributions supplémentaires. Elle plaide d’ores et déjà pour le renforcement et l’inscription dans la durée de cette politique de contribution volontaire supplémentaire, dans le champ du programme 105, car il y a là un signal très positif en faveur du multilatéralisme et de la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le retour des politiques de puissance se conjugue avec un affaiblissement du multilatéralisme.
Toutes les puissances, grandes et moyennes, ont des stratégies d’influence. La compétition est vive ; une opinion publique internationale émerge. Dans ce contexte, la politique de rayonnement est un volet absolument essentiel de notre action diplomatique. Les crédits qui lui sont dédiés appellent plusieurs remarques.
Tout d’abord, la sécurisation du réseau des établissements scolaires et culturels français à l’étranger doit être une priorité absolue.
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger bénéficie à ce titre de 9 millions d’euros. Ce montant ne doit-il pas être rapidement réévalué, monsieur le ministre, au regard des blocages passés autour du compte d’affectation spéciale 723 et de la dégradation du contexte sécuritaire pour nos compatriotes à l’étranger ?
Nous comptons vivement sur le Gouvernement pour ajuster en gestion ou abonder en cours d’année ces crédits de sécurité, en fonction de l’évaluation des besoins.
Par ailleurs, en plus de la crise sanitaire, la question de la sécurité a des conséquences fortes sur l’attractivité du réseau de l’enseignement français à l’étranger. En effet, plus de 200 postes ne sont pas pourvus. Est-ce bien le moment de supprimer 71 équivalents temps plein ? La situation est donc critique.
Dans ce contexte, le déblocage du système de garantie des prêts aux établissements scolaires est une urgence. Ce système est bloqué depuis plus de deux ans. L’article 48 de ce projet de loi de finances crée un nouveau mécanisme, moins favorable que celui qui avait prévalu jusqu’en 2018 autour de l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’Anefe. Le nouveau système plafonne les montants garantis et met fin à la mutualisation des risques entre établissements ; c’est regrettable.
Enfin, l’année 2021 sera celle de tous les dangers pour l’ensemble de nos réseaux. La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a ouvert des crédits et avances pour l’AEFE, mais des avances doivent par définition être remboursées, alors que les ressources financières des établissements diminuent. L’enseignement français à l’étranger a en effet perdu 8 000 élèves à périmètre constant.
Les instituts français et alliances françaises abordent bien souvent 2021 avec des fonds de roulement à leur étiage, alors que la crise est loin d’être terminée. Nous craignons donc des dommages importants sur nos réseaux l’an prochain, ce qui nécessiterait un nouveau plan de sauvetage semblable à celui qui a été adopté en troisième loi de finances rectificative.
En définitive, cette crise est un défi pour l’universalité de nos réseaux. C’est pourquoi j’ai voulu détailler ces points de vigilance sur les crédits du programme 185. L’avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur cette mission est néanmoins favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence appellent de ma part trois observations complémentaires de celles que vient de faire Ronan Le Gleut.
En premier lieu, la situation des alliances françaises doit être suivie de très près. Leur enveloppe est strictement identique à celle de l’an dernier, alors que la crise sanitaire les met déjà en grande difficulté. Le réseau compte 832 alliances qui font l’universalité de notre réseau. Hélas, des fermetures sont aujourd’hui probables.
En deuxième lieu, les politiques en faveur du tourisme et de la mobilité étudiante devront pouvoir remonter en puissance dès que les circonstances sanitaires le permettront.
Une réflexion globale est indispensable : la France a récemment été rétrogradée à la neuvième place pour l’accueil d’étudiants européens. Il faut avoir conscience que nous arrivons aujourd’hui après la Turquie, l’Italie et la Pologne ! Les bourses jouent un rôle essentiel dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Elles devront remonter rapidement en puissance, et les crédits être intégralement consommés, comme nous le demandons chaque année à l’occasion de la discussion budgétaire.
Enfin, je souhaite évoquer les établissements scolaires libanais. Nous le savons tous, les écoles francophones jouent un rôle essentiel dans le maintien du pluralisme culturel et religieux du Liban. Or le réseau libanais de l’enseignement français à l’étranger a perdu plus de 3 000 élèves cette année, sur 62 000. Environ 20 millions d’euros d’aides lui ont été attribués, mais il faudra continuer à suivre la situation de très près.
Nous souhaitons également que l’aide aux écoles chrétiennes francophones non homologuées soit reconduite. Il s’agit de plus de 300 écoles, qui s’adressent à toutes les catégories sociales sur l’ensemble du territoire libanais. Nous confirmez-vous, monsieur le ministre, que le soutien apporté par l’État à ces écoles grâce au fonds de soutien récemment institué sera intégralement reconduit en 2021 ?
En conclusion, je veux souligner que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a été très actif en 2020 pour soutenir nos réseaux à l’étranger. Ces réseaux n’ont pas d’équivalent dans le monde ; leur rôle est crucial pour promouvoir l’image de la France et ses valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour cet exercice budgétaire, nous avons resserré notre focale sur deux sujets.
Je traiterai du premier, à savoir la résistance du réseau consulaire et la situation des Français de l’étranger face à la crise sanitaire ; mon collègue Guillaume Gontard s’exprimera sur le second, la situation particulière des Français résidant au Royaume-Uni à la veille de la mise en œuvre du Brexit.
La crise sanitaire a été pour le réseau consulaire un véritable test de résilience, un stress test, pour le dire en bon français. À mes yeux, ce test a réussi : le réseau consulaire est parvenu à organiser au printemps dernier le rapatriement de 370 000 voyageurs français, et des mesures ont été prises en faveur des 2,5 millions de Français qui vivent à l’étranger, de manière à les accompagner pendant cette période difficile.
Des ajustements ont bien sûr été nécessaires, avec le report en 2021 des élections consulaires, du soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, le Stafe, et du centre d’accueil administratif mondial, qui est très attendu.
Par ailleurs, des crédits additionnels de 100 millions d’euros ont été ouverts en juillet dernier sur le programme 151, dont 50 millions d’euros pour le financement d’un secours occasionnel de solidarité, ou SOS, et 50 millions d’euros pour les bourses scolaires. Représentant 27 % de l’enveloppe initiale, cette majoration est un très bon signal, mais elle ne sera que très faiblement consommée en 2020.
Pour 2021, si nous approuvons la hausse de 17 % de la dotation pour l’aide sociale, le principal enjeu dans un contexte sanitaire aussi incertain reste selon nous de disposer des crédits non utilisés de cette rallonge de 100 millions d’euros.
Avons-nous été écoutés ? Nous venons d’apprendre que 42 millions des 50 millions d’euros destinés aux bourses seront versés à l’AEFE dès 2020 : tant mieux et merci, monsieur le ministre ! Pour le secours occasionnel de solidarité, dont le report des crédits est toujours en discussion, il ne faudra pas oublier que cette possibilité a précisément justifié que les crédits du programme 151 n’augmentent pas, contrairement à ceux des autres programmes de la mission.
Par ailleurs, la crise sanitaire a renforcé l’intérêt de la dématérialisation de l’administration consulaire. La possibilité de recourir au vote électronique pour les élections consulaires de mai 2021, enfin sécurisée grâce à la reprise de l’entreprise attributaire, qui était devenue insolvable, pourrait se révéler très utile.
De même, toutes les dématérialisations de formalités et de procédures offriront certaines économies et facilitations pour les usagers, mais renforceront surtout la résilience des administrations consulaires.
Parmi les chantiers toujours en cours en 2021, citons la poursuite de la dématérialisation de l’état civil, la montée en puissance de l’application France Visas et le centre d’accueil administratif mondial joignable à toute heure.
Tous les chantiers concourant au consulat numérique doivent être encouragés, mais sans oublier que bénéficier d’un réseau consulaire physique parmi les plus denses au monde – le troisième, pour être exact – s’est révélé un trésor inestimable pour nos compatriotes.
Notre commission est donc favorable à l’adoption des crédits du programme 151.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la plus importante des communautés françaises à l’étranger, avec 300 000 personnes, se trouve au Royaume-Uni. À la veille du Brexit, leur situation mérite que l’on s’y attarde.
Nous prolongeons ainsi la veille constructive qu’exerce le groupe de suivi de la nouvelle relation eurobritannique du Sénat, initiative commune à notre commission et à celle des affaires européennes.
En vertu de l’accord de retrait d’octobre 2019, tout citoyen français arrivé au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020 et voulant y rester doit demander un statut de résident – pre-settled status pour une durée de résidence inférieure à cinq ans, settled status au-delà – avant le 30 juin 2021, faute de quoi sa résidence sera illégale.
La moitié des Français concernés auraient déjà formulé leur demande, sachant que la procédure, gratuite, dématérialisée et généralement rapide, est ouverte depuis le 30 mars 2019.
Hélas, cette procédure entièrement numérisée, impliquant le scannage du passeport et du visage, voire le téléchargement de pièces justificatives, n’est pas accessible à tous. Une demande en format papier reste possible, mais c’est au prix d’un détour procédural plutôt alambiqué.
La principale inquiétude concerne les personnes vulnérables, âgées, isolées, ou précaires, ainsi que les enfants placés en famille d’accueil. Heureusement, le consulat de France s’emploie très activement à les identifier. Par ailleurs, les autorités britanniques viennent de garantir que le butoir de juin 2021 sera apprécié avec souplesse et bienveillance.
Cependant, une seconde difficulté surgit : la preuve de l’obtention du statut est, elle aussi, dématérialisée, ce qui n’est pas rassurant ; d’ailleurs, notre commission avait déjà déploré cette perspective l’an dernier.
Le véritable point d’attention concerne ainsi la période qui suivra le mois de janvier 2021, quand les droits seront différents selon la date d’arrivée au Royaume-Uni – avant ou après le 31 décembre 2020 –, sachant que la preuve de l’obtention du statut ne sera pas exigible avant le 30 juin 2021.
Certes, en cas de difficulté, l’Independant Monitoring Authority, instance de suivi de l’application des dispositions relatives aux droits des citoyens européens à partir de 2021, pourra faciliter les échanges avec les représentations diplomatiques et consulaires.
Quoi qu’il en soit, nous comptons sur le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, sous couvert de l’Union européenne, pour veiller à ce que la situation des plus fragiles soit préservée, que soit respectée la date du 30 juin 2021 et qu’aucun aléa ne pèse sur les moyens de preuve de la qualité de résident européen.
Notre commission a donc émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme « Français de l’étranger et action consulaire ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme il a déjà été rappelé, l’année 2020 a vu nos réseaux de diplomatie culturelle et d’influence mis à rude épreuve par la crise sanitaire.
La quasi-totalité des établissements d’enseignement français à l’étranger, des instituts culturels et des alliances françaises a dû fermer ses portes et réorganiser ses activités à distance. Sur le terrain, les équipes ont fait preuve d’une remarquable capacité de mobilisation et d’adaptation. Qu’elles en soient ici remerciées !
Les conséquences économiques de la pandémie ont fragilisé un grand nombre de familles scolarisant leurs enfants dans notre réseau d’enseignement et provoqué une forte diminution des ressources propres des établissements. Je tiens à souligner que, face à un risque majeur de crise sociale et financière, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est montré à l’écoute et réactif.
Son plan de soutien, dont les crédits ont été adoptés au sein de la troisième loi de finances rectificative, représente un effort considérable de l’État. Les aides mises en œuvre ont été salutaires pour les parents d’élèves et les établissements.
Nous avons cependant été alertés sur des disparités d’application des mesures, certains postes ayant une lecture personnelle, voire restrictive, des instructions qu’ils reçoivent du ministère. Aussi souhaiterions-nous, monsieur le ministre, recevoir vos explications sur ce qui semble être un problème de communication.
Globalement, notre réseau d’enseignement apparaît aujourd’hui en moins mauvaise santé que l’on aurait pu le craindre. La plus grande vigilance s’impose toutefois, d’une part, parce que la situation demeure très instable et évolutive, et, d’autre part, parce que certains établissements sont dans un état plus critique que d’autres.
La stabilisation du budget consacré à ce réseau l’année prochaine – hors l’enveloppe spécifique prévue pour la sécurisation des établissements – constitue une garantie importante, mais elle ne permettra sans doute pas de couvrir à la fois les effets de la crise et l’expansion du réseau.
Notre commission continue de penser que l’objectif présidentiel de doublement des effectifs est peu réaliste. Surtout, il nous semble que priorité doit être donnée, dans le contexte actuel, à la sauvegarde et à la consolidation des établissements existants.
Notre réseau culturel est lui aussi fortement fragilisé. L’incertitude sur les dates de réouverture et sur la capacité des instituts et des alliances à retrouver leurs publics constitue un véritable défi. En l’absence d’amélioration de la situation sanitaire, leurs réserves financières pourraient être entièrement épuisées d’ici au début de l’année prochaine, laissant craindre des fermetures définitives.
Le ministère a procédé à des redéploiements de crédits en leur faveur. Cette gestion pragmatique doit être saluée, mais elle ne suffira pas à répondre aux besoins. Monsieur le ministre, envisagez-vous des aides exceptionnelles pour les instituts et les alliances les plus vulnérables ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185. Nous serons toutefois vigilants quant aux conséquences encore non stabilisées de la crise, afin de ne pas laisser des dommages irréversibles atteindre nos réseaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous le savons, l’exercice comptable est un passage obligé lors de l’examen des missions budgétaires, mais je fais le choix de ne pas m’attarder sur le détail des crédits, que nos collègues rapporteurs ont très bien exposé.
Je salue la hausse d’un peu plus de 2 % des crédits de paiement et des autorisations d’engagement qui sont consacrés à l’action extérieure de la France.
J’ose espérer que cette augmentation des moyens de la mission, par ailleurs renforcés au gré des dernières lois de finances rectificatives pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire, consolidera nos capacités d’action dans le monde, au moins dans le domaine opérationnel.
Ainsi, j’observe avec satisfaction la stabilisation – enfin ! – du schéma d’emploi du quai d’Orsay, après plusieurs années de forte décrue de ses effectifs.
Au plus fort de la pandémie, en mars dernier, nous avions mesuré, ô combien, l’importance de conserver des services consulaires efficaces et réactifs, lorsque nos compatriotes installés en dehors de notre territoire sont en difficulté et ont besoin d’être protégés.
La sanctuarisation des moyens du réseau diplomatique, le soutien d’urgence à notre diplomatie culturelle, notamment vers l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger, ou encore le niveau de nos contributions versées au titre de nos engagements à la sécurité internationale, tout cela, monsieur le ministre, va dans le bon sens ! Ces choix politiques ont été transformés afin de conforter le rayonnement de la France dans le monde.
Mes chers collègues, quittons quelques minutes ces questions budgétaires et permettez-moi de m’interroger sur notre place actuelle dans le monde.
Lors de son premier discours de chef d’État, en 1981, François Mitterrand avait déclaré : « Il est dans la nature d’une grande Nation de concevoir de grands desseins. »
M. Rachid Temal. C’était en 1981 !
M. Jean-Noël Guérini. Quels sont, aujourd’hui, les desseins diplomatiques de la France ?
À l’occasion de l’examen de la proposition de résolution sur le Haut-Karabagh, j’ai souligné que notre pays a les moyens d’affronter certaines situations, certes complexes, sans se réfugier dans une coupable neutralité. Dois-je rappeler quelques-unes des orientations stratégiques inscrites dans le bleu budgétaire annexé au projet de loi de finances ? On y trouve « Agir en faveur de la paix et de la stabilité », ou encore « Défendre la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit ».
Ces axes reposent sur des choix philosophiques qui nous engagent. J’apprécie, monsieur le ministre, les efforts et l’énergie que vous déployez en ce sens.
Il vous plaît de rappeler que la France a le devoir de jouer le rôle de puissance d’équilibre. Nous apprécions les difficultés que ce rôle implique dans le contexte géopolitique que nous connaissons, celui du retour des grandes puissances et de son corollaire, la contestation du multilatéralisme. En effet, lorsque la Russie prend la main, si je puis m’exprimer ainsi, afin d’obtenir un cessez-le-feu entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le groupe de Minsk est marginalisé ; de fait, l’action de la France l’est également.
Au Proche-Orient, devons-nous nous contenter d’être transformés en spectateurs passifs, qui assistent, médusés, à la provocante tournée en Cisjordanie occupée de Mike Pompeo, représentant d’un président battu et sur le départ ?