Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’hydrogène est l’une des grandes révolutions technologiques de ce début de siècle ; il représente une opportunité stratégique pour contribuer à la décarbonation de notre économie, particulièrement dans l’industrie et la mobilité lourde. Il représente une opportunité, que la France ne peut manquer, pour le climat, l’emploi et nos territoires. Telle est l’ambition du Gouvernement, que je suis venue rappeler aujourd’hui.
Notre pays a fait très tôt le pari du soutien à cette filière d’avenir : en 2018, Nicolas Hulot annonçait un premier plan Hydrogène, doté de plus de 100 millions d’euros, mobilisés via le programme d’investissements d’avenir (PIA). La crise actuelle a souligné le besoin criant d’aller encore plus loin et beaucoup plus vite et la nécessité de changer d’échelle pour faire face aux enjeux de nos usages et de notre consommation énergétique, tant du point de vue de l’impact environnemental que de notre souveraineté.
Une France neutre en carbone, ce sera d’abord une France qui améliore la santé de ses habitants. La crise sanitaire que nous vivons le rappelle violemment, la santé environnementale sera l’un des défis de notre temps. Ce sera aussi une France plus résiliente, donc plus souveraine dans ses choix présents et à venir. Ce sera également la France plus verte que réclament nos concitoyens, notamment les jeunes générations. Cette transition, ce nouveau regard sur le mix énergétique, fait sens et nous sommes très attendus sur ces sujets. Ce sera enfin une France taillée pour répondre aux défis. Il s’agit de cette fameuse résilience que nous appelons tous de nos vœux. Les moyens exceptionnels qui sont mobilisés doivent nous permettre d’aborder cette nécessaire transition.
Changer d’échelle et faire de notre pays un champion de l’hydrogène : tel est l’objectif de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France que nous avons présentée. Celle-ci traduit des ambitions, mais prévoit aussi et surtout des moyens sans précédent.
Notre ambition est de développer une filière française de premier ordre dans la chaîne de valeur, de construire des usines d’électrolyseurs et de composants clés dans nos territoires, de faire émerger et de déployer sur l’ensemble du territoire des solutions d’hydrogène décarboné. Nous visons 6,5 gigawatts de puissance installée d’ici à 2030. Cet objectif ambitieux permettra, d’ici à la fin de la décennie, d’éviter l’émission de près de 6 millions de tonnes de CO2 par an.
Ce sera bon pour le climat et pour l’économie française, car la mise en œuvre de la stratégie pourrait représenter, à terme, la création de 50 000 à 100 000 emplois indirects et une valeur ajoutée de plusieurs milliards d’euros.
Cette stratégie repose sur la mobilisation de moyens sans précédent, sur un soutien public de 7 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 2 milliards d’euros mobilisables très prochainement, pour ne pas dire dès à présent : en 2021 et 2022. Cet investissement massif sera gage de notre succès, vous l’avez dit ; il faut absolument aller vite et fort, pour déployer les marchés les plus matures, soutenir la recherche et l’innovation sur les segments d’avenir, en pensant notamment aux nouveaux usages industriels et au stockage d’énergie.
L’hydrogène est une solution de décarbonation de l’industrie, mais également de la mobilité. On peut effectivement avoir quelques réserves sur la voiture à hydrogène. Malgré les grands espoirs que celle-ci suscite, elle ne constitue sans doute pas, en tout cas aujourd’hui, une réponse à nos problèmes les plus immédiats. En effet, la mobilité individuelle à base d’hydrogène entraîne une perte énergétique très importante, le rendement étant inférieur à 30 %, contre 70 % pour les batteries électriques.
Dès lors, le choix qui s’impose consiste à concentrer la stratégie de l’hydrogène sur les usages de mobilité lourde : bus, camions et, bien sûr, trains sur les lignes non électrifiées.
L’exemple du train montre bien que l’hydrogène est aussi une solution d’avenir pour nos territoires – on y revient –, non seulement parce qu’il permettra de créer des emplois et de développer nos entreprises, mais également de revitaliser nos villes petites et moyennes, en renforçant le lien qui les unit et en leur donnant une nouvelle attractivité verte, grâce à des déplacements neutres.
Je pense évidemment aux lignes interrégionales. Le parc du transport express régional (TER) est actuellement composé de plus de 2 000 trains, dont entre 400 et 500 fonctionnent au diesel et arriveront à mi-vie à la fin de la décennie. On peut donc évidemment voir en l’hydrogène une solution d’avenir pour ces lignes absolument essentielles, tout en étant en accord avec nos objectifs climatiques.
En 2018, la première exploitation commerciale, en Allemagne, d’un train de voyageurs à hydrogène a démontré que c’était faisable. Ce pays l’a fait, nous pouvons donc espérer y parvenir également. Par conséquent, l’État a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour aider à l’émergence de la mobilité à l’hydrogène dans le ferroviaire, pour lever tous les verrous techniques et organisationnels et pour préparer la mise en service des premières rames d’ici à cinq ans. Quatre régions pionnières de l’hydrogène et du TER de demain ont été retenues : le Grand Est – en tant que Haut-Marnaise, je m’en félicite –, la Bourgogne-Franche-Comté, l’Occitanie et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ainsi, vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition du Gouvernement est bien de relever le pari de l’hydrogène, afin que notre stratégie se déploie rapidement et avec force. Les premiers appels à projets ont été lancés le 15 octobre dernier pour créer, d’abord, des hubs territoriaux de l’hydrogène – de véritables écosystèmes de l’hydrogène dans nos territoires –, avec 275 millions d’euros sur deux ans, et, ensuite, des briques technologiques et des démonstrateurs, dont nous avons besoin, avec 350 millions d’euros sur la période 2020-2023.
L’hydrogène est, pour notre pays, l’opportunité stratégique de décarboner l’industrie et les transports et de créer de l’emploi dans nos territoires. C’est sans doute un moment historique ; nous devons être au rendez-vous de l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d’État, j’ai eu la chance de participer, le 2 septembre dernier, au déplacement d’une délégation de la Commission de régulation de l’énergie à Dunkerque et à Cappelle-la-Grande visant à discuter, avec plusieurs partenaires, de la place de l’hydrogène dans la décarbonation des réseaux énergétiques et du retour d’expérience sur la gestion des réseaux par injection d’hydrogène pour décarboner les énergies (Grhyd).
Plusieurs aspects de ce projet expérimental unique, lancé en 2014 pour une période de six ans, l’injection d’hydrogène ayant été arrêté en mars 2020, ont été évoqués : la sécurité de la distribution de cette nouvelle énergie à taux fixe et variable, la perception par les habitants de la consommation de ce nouveau gaz et le modèle économique nécessaire au développement de la technologie que l’on appelle le « power to gas ».
À l’issue de ces six années d’expérimentation, les onze partenaires sont unanimes : la mise en œuvre du projet Grhyd, véritable test sur le terrain, a permis de démontrer la pertinence technique de l’utilisation d’une énergie fondée sur l’hydrogène vert pour les habitations. En bref, ce projet a permis de valider les technologies et l’efficacité du power to gas, en toute sécurité, et d’évaluer les bénéfices environnementaux d’une telle filière. Tous ces éléments seront de précieux enseignements pour la suite, lors du développement du power to gas à l’échelle locale et nationale, voire internationale.
Quelque 100 logements et la chaufferie d’un centre de soins ont été alimentés par un nouveau gaz, composé d’une part variable d’hydrogène – à hauteur de 20 % au maximum – et de gaz naturel, avec des résultats plus que pertinents en termes de réduction des émissions de polluants atmosphériques. Ce projet est un succès, même s’il reste quelques champs à examiner avant de pouvoir généraliser l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel.
La question de l’acceptabilité sociale de l’hydrogène est l’une des clés de la réussite du déploiement de ce gaz dans nos maisons et dans notre vie quotidienne. La participation citoyenne aux discussions sur l’hydrogène et la diffusion des connaissances scientifiques auprès du public constituent donc des enjeux essentiels. À cet égard, l’expérience menée avec les habitants du petit village de Cappelle-la-Grande est riche d’enseignements.
Aussi est-il essentiel que le plan Hydrogène puisse intégrer des outils de participation citoyenne. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Marchand, nous sommes convaincus que l’acceptabilité est un élément clé pour le développement de la filière hydrogène.
Nous devons développer à la fois des acteurs de taille significative pour faire face à la concurrence mondiale et tout un réseau de projets au plus proche des territoires. C’est pourquoi nous devons soutenir en priorité le développement d’écosystèmes locaux, caractérisés par une production et une consommation dans une zone géographique proche.
L’Ademe, l’Agence de la transition écologique, a ainsi transmis aux conseils régionaux une proposition afin de contribuer à l’émergence et au soutien des dossiers dans le cadre de l’appel à projets pour constituer des écosystèmes territoriaux. Nous portons une attention particulière aux enjeux de sécurité dans cette filière en veillant à ce que la réglementation soit adaptée aux évolutions rapides et à ce qu’elle préserve la sûreté des installations.
Comme pour de nombreux projets, la conception en amont, ainsi que les procédures réglementaires d’autorisation devront être particulièrement soignées. Elles devront favoriser la mise en relation des acteurs, dont les futurs consommateurs d’hydrogène, pour que se mette en place un véritable projet de territoire ; elles devront aussi prendre en compte les enjeux environnementaux, typiquement la consommation d’eau des électrolyseurs, et veiller à une concertation de qualité avec les riverains et les collectivités locales.
Le projet Grhyd que vous évoquez a été soutenu par l’Ademe. Il vise à réaliser un premier démonstrateur d’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel et à développer l’acceptabilité locale. Une aide de près de 5 millions d’euros sur 15 millions d’investissements a ainsi été apportée à cet effet. Comme vous le soulignez, c’est une première étape pour l’injection ; de nombreux autres projets de démonstrateurs sont à l’étude pour en déterminer le potentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la secrétaire d’État, la région Occitanie a l’ambition de devenir la première région d’Europe à énergie positive d’ici à 2050.
Pour cette transition énergétique, elle mise sur un volet hydrogène très ambitieux. Pionnière, elle est labellisée Territoire d’hydrogène depuis 2016. Son plan de développement Hydrogène vert destiné à favoriser de nouvelles productions et de nouveaux usages est doté de 150 millions d’euros d’ici à 2030 et pourrait générer jusqu’à un milliard d’euros d’investissements.
Déjà, les projets HyDéO, HyPort à l’aéroport de Toulouse-Blagnac ou encore Hyd’Occ à Port-La-Nouvelle sont lancés. L’achat de trois trains hybrides à hydrogène est programmé, ce qui est une grande première. La région prévoit aussi la mise en circulation de 3 250 véhicules à hydrogène d’ici à 2030. À Gignac, dans l’Hérault, une station de distribution va s’installer. À Béziers, grâce aux électrolyseurs développés par le Commissariat à l’énergie atomique, un site produira en 2021 de l’hydrogène vert trois à quatre fois moins cher qu’aujourd’hui. Dans ces conditions, cette énergie devient très compétitive face aux hydrocarbures et aussi en termes de bilan carbone.
Notre collègue Éric Gold compte dans son département un champion industriel, Michelin, qui est engagé dans la filière hydrogène et qui entend devenir l’un des leaders mondiaux de la mobilité. Ce n’est sans doute pas un hasard si la région Auvergne-Rhône-Alpes concentre 80 % des acteurs de la filière hydrogène en France.
Pour relever ce défi, il faudra cependant résoudre une équation qui reste encore floue, celle de l’équipement de notre territoire en stations de distribution pour approvisionner les véhicules grand public en hydrogène. Madame la secrétaire d’État, avez-vous prévu un plan national de déploiement de telles stations de distribution ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Bilhac, la stratégie nationale de l’hydrogène vise d’abord à décarboner l’industrie et la mobilité lourde, non à accroître la production de véhicules à hydrogène pour les particuliers.
En effet, pour différentes raisons, l’hydrogène s’adresse plus directement à une mobilité lourde. D’une part, il permet une autonomie bien supérieure – entre 600 et 700 kilomètres – à celle que permettent les batteries électriques – entre 300 et 400 kilomètres. D’autre part, le temps nécessaire pour faire le plein d’hydrogène est comparable à celui d’un plein classique de diesel, quand il faut plusieurs heures pour recharger une batterie.
Le véhicule léger à batterie, qui progresse très rapidement, y compris en termes d’autonomie, nous semble répondre de mieux en mieux aux besoins de la mobilité individuelle. Il est bien plus avancé que le véhicule léger à hydrogène, tout en étant moins cher.
En matière de transports, la stratégie nationale fixe comme objectif prioritaire de décarboner la mobilité lourde, ce qui aura un impact plus important, en accompagnant l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière hydrogène, de la production par électrolyse à la station de distribution, lesquelles permettront de ravitailler en hydrogène les véhicules des flottes professionnelles, comme les bus, les autocars, les poids lourds et les véhicules utilitaires.
Le soutien au marché de la mobilité lourde concernera les composants et les opérations locales de déploiement cofinancées par l’État et les collectivités territoriales. D’ailleurs, l’appel à projets Briques technologiques permettra, entre autres, de soutenir les porteurs de projets pour industrialiser la production de stations de ravitaillement. L’appel à projets Écosystèmes territoriaux permettra quant à lui de soutenir notamment les infrastructures de distribution d’hydrogène à l’intention des flottes professionnelles.
À plus long terme, d’ici à une dizaine d’années, quand les procédés de production des différents systèmes seront devenus très compétitifs, l’hydrogène pourra éventuellement s’adresser aux véhicules destinés à l’usage des particuliers. D’ici là, les investissements prévus pour la mobilité contribueront à préparer les infrastructures de ravitaillement sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Mon inquiétude est que nous renouvelions l’erreur que nous avons commise avec les véhicules électriques : les citoyens, surtout dans les territoires ruraux, ne s’équipent pas parce qu’il leur faudrait parcourir des kilomètres et des kilomètres pour trouver une borne de recharge. Les véhicules hybrides, électriques et à hydrogène, étant l’avenir, il faut, pour qu’ils soient un succès, que les gens puissent se ravitailler près de chez eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, nous remercions tout d’abord le groupe du RDSE d’avoir proposé l’organisation de ce débat sur l’hydrogène, qui nous donne l’occasion d’insister sur l’importance du développement et du maintien de l’industrie sur notre territoire.
Si l’hydrogène comme solution de remplacement et comme moyen de réduire l’empreinte carbone des carburants est prometteur, il pose encore un certain nombre de questions. Dans le secteur de l’aviation par exemple, son poids risque d’entraîner une réduction du nombre de passagers et donc une hausse du coût des billets. D’autres questions se posent en ce qui concerne l’automobile et le train.
Aussi, pour que la France devienne un champion de l’hydrogène, des investissements massifs doivent être réalisés. Surtout, une filière industrielle complète et publique doit impérativement être constituée, tant en termes de recherche et de développement que de production et de réalisation d’installations.
La constitution d’une filière publique est nécessaire pour éviter un gaspillage de l’argent public. C’est d’autant plus le cas que, à l’heure actuelle, la production d’hydrogène est majoritairement réalisée à partir de gaz naturel, une tonne d’hydrogène étant produite pour dix tonnes de CO2 émis. De fait, pour produire de l’hydrogène de façon décarbonée, il serait nécessaire en l’état actuel de relancer la filière nucléaire.
Seule la mise en place d’une filière industrielle complète permettra de faire de l’hydrogène une alternative aux carburants véritablement avantageuse, que ce soit pour l’environnement, pour notre souveraineté, pour le développement de nos territoires ou la création d’emplois.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, au-delà des 2 milliards d’euros prévus d’ici à 2022 dans le plan de relance, quelle stratégie industrielle intégrée comptez-vous mettre en place pour que naisse une véritable filière stratégique et de services permettant de produire de l’hydrogène de manière propre ? Sur quel opérateur allez-vous vous appuyer pour la construire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fabien Gay, la France a la conviction que l’hydrogène produit par électrolyse sera, dans les années à venir, un vecteur clé de décarbonation du secteur industriel, en particulier pour développer et déployer des solutions de mobilité lourde sans émission.
Les 7 milliards d’euros de soutien public d’ici à 2030 vont permettre d’alimenter une stratégie d’offre et de demande équilibrée.
D’une part, la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène permettra de soutenir les industriels français sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière – électrolyseurs, piles à combustible, constructeurs de véhicules pour la mobilité lourde, systèmes sous-jacents… – afin qu’ils puissent mettre sur le marché des systèmes fiables, robustes, performants et produits à des cadences industrielles.
D’autre part, et en parallèle, la stratégie nationale a pour ambition de soutenir le déploiement sur le territoire d’infrastructures de production et de distribution d’hydrogène pour décarboner l’industrie et la mobilité lourde.
Les outils mis en place dans le cadre de cette stratégie visent donc à soutenir l’industrialisation des composants clés sur le territoire, notamment celle des électrolyseurs, ainsi que le déploiement des solutions à un rythme compatible avec les acteurs français, tout en donnant à ces derniers de la visibilité. Par exemple, les appels à projets Écosystèmes territoriaux de l’Ademe prévoient une éligibilité progressive de certains segments de mobilité, comme les camions.
Enfin, un appel à projets Briques technologiques et démonstrateurs, destiné à soutenir l’innovation, a été lancé le 14 octobre. Financé à hauteur de 350 millions d’euros, il vise à développer et à améliorer les composants et les systèmes liés à la production et au transport de l’hydrogène. Il permettra aussi de soutenir des pilotes et des démonstrateurs à grande échelle sur le territoire national. Un appel à projets pour développer des écosystèmes territoriaux de l’hydrogène a également été lancé le 14 octobre. Financé à hauteur de 275 millions d’euros, il permettra de soutenir des investissements dans la production et la distribution d’hydrogène décarboné.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais je pense que nous devrons poursuivre ce débat, parce que vous n’avez pas vraiment répondu à mes questions, qui étaient pourtant précises.
Ainsi, le Président de la République a nommé un haut-commissaire au plan qui doit travailler sur la question de la souveraineté industrielle. Va-t-il travailler sur la filière de l’hydrogène ?
Ensuite, allez-vous construire une filière industrielle, dans laquelle le secteur public aura toute sa place, alors que vous êtes justement en train de démanteler de grandes entreprises publiques comme EDF ou Engie, celle-ci devant même, malheureusement, être privatisée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la secrétaire d’État, je tiens à mon tour à remercier le groupe du RDSE pour ce débat, qui est particulièrement d’actualité, à l’heure où la transition écologique devient plus urgente que jamais.
Dans ce contexte, l’un des enjeux environnementaux des dix prochaines années est de décarboner l’industrie et la mobilité lourde. Or, de ce point de vue, l’hydrogène dispose de nombreux atouts, même si ses débuts sont encore timides, faute d’une industrialisation à grande échelle.
Toutefois, une approche durable de cette énergie implique de remplacer l’hydrogène dit « gris » – sa production dépend d’énergies fossiles et génère des émissions de gaz à effet de serre – par de l’hydrogène décarboné. Ce dernier est produit par électrolyse à partir d’eau et d’électricité verte – celle-ci provient d’énergies renouvelables comme l’éolien, le photovoltaïque ou l’hydroélectricité.
D’ores et déjà, des collectivités ont franchi le pas ; c’est le cas de la communauté d’agglomération paloise qui a, par exemple, mis récemment en service une flotte de bus équipés d’une motorisation à hydrogène, dont la production est issue de l’hydroélectricité certifiée d’origine, provenant des barrages de la Société hydroélectrique du Midi situés dans la vallée pyrénéenne voisine.
Le choix de l’hydroélectricité, qui n’est pas une énergie renouvelable intermittente, contrairement au photovoltaïque et à l’éolien, est tout à fait pertinent pour verdir la production d’hydrogène. Malheureusement, l’hydroélectricité est rare en dehors des grands barrages existants et les certificats d’origine sont discutables.
Aussi, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il de relancer le développement, tant attendu sur l’ensemble du territoire, de la petite hydroélectricité, en parallèle des efforts qu’il fournit pour la filière de l’hydrogène ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Saint-Pé, la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène est fondée sur une production décarbonée à partir d’électricité elle-même décarbonée et renouvelable.
La petite hydroélectricité contribue à l’atteinte des objectifs énergétiques nationaux comme au développement économique des territoires. Pour ces raisons, la petite hydroélectricité fait l’objet, au même titre que plusieurs autres filières d’énergie renouvelable, d’un soutien clair du Gouvernement via à la fois un arrêté tarifaire et des appels d’offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique.
Toutefois, la multiplication de ces installations dans les cours d’eau peut avoir, par effet de cumul, des effets importants sur l’environnement. En effet, les seuils fragmentent les cours d’eau et empêchent, plus ou moins fortement, le déplacement des espèces qui est nécessaire à l’accomplissement de leur cycle de vie. Ils peuvent également ralentir les eaux qui se réchauffent alors plus vite l’été, perdent en oxygène et créent des habitats de milieux stagnants, lesquels favorisent malheureusement des espèces moins exigeantes et moins diversifiées, parfois incompatibles avec le bon état des cours d’eau. Ces retenues peuvent en outre ennoyer des habitats, qu’il faut ensuite reconquérir pour restaurer une biodiversité aquatique.
Le développement de la petite hydroélectricité devra donc être sélectif et limité et faire l’objet d’une réflexion à l’échelle du cours d’eau sur la proportionnalité des impacts par rapport à la production électrique générée.
Je souligne aussi que, compte tenu de la taille et de la puissance de ces installations, elles ne pourront jouer qu’un rôle limité dans l’atteinte des objectifs nationaux. La production d’hydrogène nécessitant des puissances relativement importantes, le couplage petite hydroélectricité–électrolyseurs sera, me semble-t-il, un cas rare.
De ce fait, la contribution de cette ressource renouvelable restera vraisemblablement limitée pour le système électrique, a fortiori pour le développement de la filière hydrogène, consommatrice d’électricité décarbonée et renouvelable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, notre avenir énergétique est dans le mix électrique. À cet égard, l’hydrogène vert est un vecteur de premier plan pour réussir la transition énergétique.
L’hydrogène peut être produit par électrolyse de l’eau, grâce à l’électricité produite en période creuse en provenance d’installations d’énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque… C’est alors de l’hydrogène vert, par essence renouvelable et décarboné, mais aussi facilement stockable puisque c’est un gaz.
Si les propositions législatives de l’Union européenne pour une Europe climatiquement neutre sont en cours, plusieurs pays membres ont déjà demandé à la Commission de garantir la traçabilité de l’hydrogène renouvelable. Pour être en accord avec nos engagements climatiques pris dans le cadre de l’accord de Paris, nous devons produire de l’hydrogène vert.
Développer une filière compétitive en France est donc non seulement une nécessité écologique, mais aussi une question de souveraineté. Pour être compétitive en la matière, la France doit avoir un plan ambitieux et cohérent de structuration de cette filière. C’est un défi en raison du coût élevé de la production par électrolyse de l’eau et de la chute du prix des énergies fossiles, deux éléments qui favorisent la production d’hydrogène par vaporeformage.
Nous devons être en mesure de rendre le prix de l’hydrogène vert suffisamment attractif pour favoriser les investissements dans les infrastructures.
Nos territoires sont la clé du dynamisme et de l’équilibre de cette filière, dont le potentiel est non négligeable pour le marché de l’emploi. C’est depuis les territoires, avec les collectivités, que devront se développer les projets qu’il faut dès lors accompagner par une stratégie nationale simplifiée et une politique forte de soutien. C’est ainsi que nous entrerons dans une dynamique vertueuse, condition sine qua non de l’équilibre financier de la filière.
Ma question porte sur les électrolyseurs. Où en est-on dans le développement de cette technologie d’avenir ? Des fabricants français sont-ils d’ores et déjà prêts à se lancer dans l’aventure ? Proposeront-ils des modèles avec des volumes différents, adaptés aux besoins territoriaux ?