M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Sans préjuger la fin de mon propos, l’amendement n° 428 rectifié bis tend effectivement à couvrir les indépendants, alors que le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, qui fait l’objet de l’article 13 bis, ne couvre que les employeurs dans le domaine agricole.
Cela étant, le Gouvernement est défavorable à ces dispositions comme il était défavorable à l’adoption de l’article 13 bis à l’Assemblée nationale.
Nous avons mis en place un système d’exonération de cotisations patronales et de crédits pour le paiement des cotisations salariales applicable à l’intégralité du secteur économique, sous réserve de pouvoir démontrer une perte d’activité de 50 % pour les secteurs S1 bis et d’être fermé par décision administrative pour le secteur S1. Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble du secteur agricole et, évidemment, à la viticulture.
L’Assemblée nationale a adopté un dispositif propre à la viticulture, alors que l’amendement n° 803 rectifié de M. Pla dont nous discutons ici s’appliquerait à la totalité du champ de l’agriculture. Ce dispositif nous paraît présenter un certain nombre de difficultés ou de failles.
Tout d’abord, il est différent de celui qui est applicable à la totalité des secteurs économiques S1 bis et S1 du fait d’une barémisation des exonérations en fonction des pertes de chiffre d’affaires par tranches de 10 %, de 20 % et de 30 % selon les cas.
Ensuite, nous craignons un problème constitutionnel de rupture d’égalité dans la mesure où le secteur viticole, par l’article 13 bis, et, si d’aventure votre assemblée adoptait l’amendement n° 803 rectifié bis, le secteur agricole en général se verraient appliquer des conditions d’exonération différentes des autres activités économiques, ce qui ne se justifie pas en termes de droit. J’ai eu l’occasion de souligner devant l’Assemblée nationale que nous nous interrogions sur la constitutionnalité de l’amendement qui a été adopté et qui est devenu l’article 13 bis. Cet argument vaut également devant le Sénat.
Enfin, autre difficulté pour la question des indépendants, dans un certain nombre de cas, l’adoption de l’amendement n° 428 rectifié bis proposé par Mme Delattre pourrait amener une prise en charge moins favorable pour les viticulteurs indépendants que ce que nous prévoyons dans le dispositif d’exonération déjà acté par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne les indépendants et uniquement eux, nous avons prévu, dans la mesure où la cotisation est annuelle, un dispositif d’exonération forfaitaire à hauteur de 600 euros par mois. L’application du dispositif prévu dans l’amendement n° 428 rectifié bis aux indépendants du secteur de la viticulture – je concentre mon propos sur celui-ci puisque j’ai entendu M. le rapporteur dire que la commission avait un tropisme favorable pour cet amendement – pourrait amener certains indépendants de la viticulture à bénéficier d’une exonération totalement proratisée à leur activité de l’année précédente ou des mois précédents, avec un montant d’exonération inférieur au forfait de 600 euros par mois. Voilà la différence négative pour les indépendants.
La différence positive, mais j’ai exprimé ma crainte sur le caractère constitutionnel d’une telle mesure, serait pour les indépendants qui ne pourraient justifier d’une perte de chiffre d’affaires de 50 % : dans le dispositif tel qu’il est acté par le Gouvernement, ils n’ont droit à aucune exonération, alors qu’ici ils pourraient en bénéficier d’une dès une perte de chiffre d’affaires supérieure à 20 %. Néanmoins, il y aurait des gagnants et des perdants pour les indépendants du secteur viticole.
Cela étant, et en nous en tenant aux arguments que nous avons développés en vain devant l’Assemblée nationale, nous considérons que la différence de traitement proposée au travers de ces amendements, comme d’ailleurs la différence de traitement intégrée dans l’article 13 bis, ne se justifie pas entre les secteurs économiques. Le dispositif que nous avons prévu s’applique à l’ensemble des secteurs économiques sans risque juridique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Si l’analyse de M. le ministre est pertinente, il s’agit tout de même d’une activité particulière, qui, de ce fait, mérite un traitement particulier. Il y a aussi le problème des stocks. Nombre de vins ne se boivent pas dans l’année, il faut les conserver un certain temps, parfois très longtemps. C’est ce qui explique que de nombreuses entreprises ont un chiffre d’affaires inférieur aux stocks constitués à l’intérieur de leurs caves, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Certains montages financiers peuvent aider à amortir les mauvaises années, mais face à une crise telle que celle-là ce sont des pans entiers qui tombent !
Prenons l’exemple du Champagne, qui génère 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires global dans l’ensemble de l’économie. Quand vous avez 30 % en moins, c’est un chiffre considérable : c’est tout un secteur qui s’effondre par pans entiers, surtout s’il est constitué par de petites exploitations, avec des surfaces minimes. C’est un exemple, mais il y en a d’autres. Voilà pourquoi les vignerons indépendants méritent l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée.
Il me semble, monsieur le rapporteur général, que c’est l’amendement n° 427 rectifié bis qui est le plus proche de l’article 13 bis, car il reprend les mêmes bases d’exonérations que lui. Nous pourrions, avec les explications données par M. le ministre, concentrer nos votes sur cet amendement. Ainsi, nous aurions une disposition spécifique pour les indépendants.
Il y aura certes des gagnants et des perdants, mais je crois que les gagnants seront plus nombreux que les perdants. D’ailleurs, quand on parle de gagnants, il faut mettre des guillemets, car ils seront juste moins perdants ! Quoi qu’il en soit, le nombre de bénéficiaires pourrait satisfaire la profession et l’ensemble de la filière. De nombreux territoires sont concernés.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Monsieur le ministre, nous n’avons pas la même analyse. À la question de savoir si les filières agricoles subissent des dommages nécessitant des mesures particulières, nous répondons clairement oui. Cependant notre réponse vaut pour l’ensemble des filières, y compris pour les non-salariés dont nous débattons ce matin.
La filière horticole subit de graves dommages et traverse de grandes difficultés. Pourquoi ne pourrait-elle pas bénéficier du même dispositif ? Idem pour les producteurs de fromages et la filière avicole. L’ensemble des filières agricoles méritent que l’on apporte à leurs difficultés une réponse commune en termes de dispositifs de réduction des charges.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement de mon collègue Sebastien Pla, qui s’adresse à l’ensemble de ces filières. Si nous adoptions un dispositif ne concernant qu’une seule filière, que dirions-nous aux autres ? Comment justifier une telle inégalité de traitement ? Il n’y a nulle raison objective à pareille différenciation. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur Savary, j’ai certes concentré mon propos sur les amendements nos 427 rectifié bis et 428 rectifié bis, en écho aux propos de M. le rapporteur général et à l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, mais ce n’était nullement une invitation à les adopter : je maintiens mon avis défavorable pour un certain nombre de raisons que j’ai évoquées.
Je souligne que, en matière de dispositifs d’exonérations de cotisations, la difficulté que nous rencontrons et à laquelle nous sommes particulièrement attentifs, c’est que ces exonérations ne soient pas considérées comme des aides d’État. C’est pourquoi nous avons conçu cette aide à partir de règles uniques pour tous les secteurs d’activité économique et de manière extrêmement limitée dans le temps.
J’ajoute que la plupart des amendements – c’est une question de forme, mais cela peut compter – ne sont pas d’une totale clarté sur les périodes d’application entre 2020 et 2021, même si je présume qu’il s’agit plutôt de 2020. Le risque d’une confusion sur la période d’application renforce le caractère juridiquement fragile d’un tel dispositif. Je le souligne par précaution et pour la clarté du débat.
Un mot également d’un argument que je n’ai pas évoqué dans ma première intervention. Au-delà des exonérations et sur la question des stocks en particulier, je rappelle à votre assemblée que nous avons d’ores et déjà rendu disponibles plus de 210 millions d’euros de crédits pour la distillation de crise, auxquels s’ajoute une quarantaine de millions d’euros pour aider les différents acteurs de la filière. Je pense notamment à ceux de la transformation. (M. René-Paul Savary s’exclame) Je vois que M. Savary réagit, j’imagine qu’il considère que c’est insuffisant. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas laisser penser que nous n’avons rien fait en la matière.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. La vigne est impactée, mais les départements d’élevage sont aussi confrontés à une mévente de bovins et d’ovins. On a évoqué également le cas des horticulteurs, nombreux autour des villes moyennes. Le dispositif défendu par René-Paul Savary devrait pouvoir les concerner. Il serait opportun de voter un amendement pour regrouper l’ensemble des filières afin que tous les travailleurs indépendants soient aidés.
Mme le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’ai demandé au nom de la commission l’avis du Gouvernement. Chacun est maintenant en capacité de choisir. Je maintiens que l’amendement n° 428 rectifié bis tend à fixer un seuil d’activation clair à 40 % de perte de chiffre d’affaires. Il est le seul à pouvoir prospérer et à ne pas être retoqué par le Conseil constitutionnel. Sagesse.
Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je m’exprimerai cette fois sur l’amendement n° 428 rectifié bis. Je comprends les arguments du rapporteur général. L’adoption de cet amendement constituerait une avancée dans ce contexte particulier. Les deux amendements de Nathalie Delattre et de Daniel Laurent sont rattachés à l’article 13 bis. Voilà pourquoi nous nous arcboutons sur la spécificité du secteur viticole, qui est le sujet qui nous anime aujourd’hui. C’est bien volontiers sinon que nous aurions soutenu l’ensemble des autres filières. Monsieur le rapporteur général, cette aide serait déjà un effort significatif et je me rallie à votre proposition : je retire l’amendement n° 427 rectifié bis.
Mme le président. L’amendement n° 427 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 803 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13 bis, et l’amendement n° 663 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 490 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Lurel et Antiste, Mme Conconne, M. Pla, Mme Préville et MM. Temal et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-13 du code de sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-13-… ainsi rédigé :
« Art L. 241-13-…. – I.- Les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, à l’exception des cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, qui sont assises sur des gains et rémunérations tels que définis à l’article L. 242-1 du même code ou à l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, font l’objet d’une exonération totale ou partielle dans les conditions prévues au II du présent article.
« II. – Cette exonération est assise au titre de l’année 2021 sur les revenus d’activité versés aux salariés mentionnés au 1° et aux 6° à 10° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime exerçant leur activité principale dans le secteur de la culture de la plante de canne à sucre, mentionnée à l’annexe II du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
« Elle est appliquée sur le montant de cotisations et contributions sociales mentionnées au présent I restant dues après application de la réduction prévue au I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ou de toute autre exonération de cotisations sociales ou de taux spécifiques, d’assiettes et de montants forfaitaires de cotisations, à hauteur de :
« 1° 100 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2020 d’au moins 60 % par rapport à l’année précédente ;
« 2° 50 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2020 d’au moins 40 % par rapport à l’année précédente ;
« 3° 25 % pour les entreprises qui ont constaté une baisse de chiffre d’affaires en 2020 d’au moins 20 % par rapport à l’année précédente.
« Une remise peut être accordée par le directeur de l’organisme de recouvrement dont relèvent les travailleurs à ceux des employeurs dont l’activité a été réduite au cours de la période d’activité par rapport à la même période de l’année précédente et qui ne peuvent pas bénéficier du présent dispositif d’exonération. Le niveau de la remise ne peut excéder le sixième des sommes dues au titre de l’année 2020.
« La réduction d’activité est appréciée selon les modalités définies par décret pour le bénéfice du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.
« III. - Les conditions de la mise en œuvre du présent article sont fixées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Une fois de plus, je commencerai mon propos en répétant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Loin de moi donc l’idée de défendre la consommation d’alcool et d’y inciter nos concitoyens. Il s’agit simplement de sauver des filières qui utilisent de la main-d’œuvre locale dans nos départements de Guadeloupe et de Martinique.
La filière canne-sucre-rhum nécessite que l’on prenne en compte à la fois les difficultés des entreprises, mais aussi le taux de chômage dans nos territoires.
Cet amendement vise à mettre en place une exonération de la charge patronale pour les entreprises qui pourront justifier d’une véritable perte de recettes et de chiffre d’affaires. Le salon de l’agriculture a dû être annulé à un moment où tout le monde pensait pouvoir non seulement écouler une partie de sa marchandise, mais aussi prendre des contacts.
Comme l’a fait remarquer M. le ministre, un certain nombre d’événements n’ont pu avoir lieu, dans nos différents territoires, comme les mariages. Les restaurants et les bars ont dû rester fermés, ce qui a entraîné, de manière évidente, des pertes de recettes considérables.
Mon amendement vise à ce que les entreprises puissent bénéficier d’une exonération de charges, dès lors qu’elles produiront des éléments prouvant qu’elles ont subi des pertes. Beaucoup d’entre elles ont eu du mal à maintenir leur niveau d’activité, par rapport à l’année dernière, pas seulement dans nos territoires, mais aussi partout ailleurs.
Monsieur le ministre, la commission a demandé l’avis du Gouvernement. J’espère donc que vous prendrez en compte ces difficultés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je souhaite effectivement entendre l’avis du Gouvernement. Les difficultés sont les mêmes que dans la viticulture. Pourquoi donc, à perte de chiffre d’affaires égale, les employeurs du secteur de la canne à sucre devraient-ils recevoir une compensation différente de celle dont bénéficient les autres employeurs du pays ?
En outre, le système proposé n’est pas forcément plus avantageux que celui du droit commun, défini à l’article 6 ter. Par conséquent, nous nous heurtons à une difficulté constitutionnelle, comme je l’ai déjà dit au sujet de la viticulture. Cependant, alors que l’amendement précédent reste cohérent avec ce que nous avons voté préalablement, nous en viendrions, si nous continuions dans la voie de celui-ci, à créer des systèmes spécifiques pour toutes les filières agricoles. Or je ne suis pas certain que cela soit plus avantageux que le dispositif de droit commun défini à l’article 6 ter.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement partage les interrogations de M. le rapporteur général.
De plus, indépendamment de l’article 6 ter et du dispositif de droit commun applicable à toutes les activités économiques, la filière de la canne à sucre bénéficie aussi d’actions spécifiques en sa faveur. Le Gouvernement mobilise en effet 75 millions d’euros sur les fonds de l’Union européenne, dont 30,4 millions d’euros à destination des sucreries des départements d’outre-mer, et 56 millions d’euros pour aider spécifiquement les producteurs de cannes à sucre. S’y ajoute une aide d’État de 38 millions d’euros, réservée exclusivement aux sucreries des départements d’outre-mer qui fabriquent du sucre destiné à être raffiné.
Par conséquent, le montant total des aides que reçoit la filière de la canne à sucre avoisine les 200 millions d’euros de crédits d’intervention, dont – je le répète– 75 millions prélevés sur des fonds européens et 125 millions qui sont des fonds d’État.
Ces dispositions sectorielles nous paraissent plus justifiées et plus pertinentes qu’une mesure dérogatoire en matière d’exonération, qui ne manquerait pas de susciter des inquiétudes et des interrogations d’ordre juridique, comme l’a rappelé M. le rapporteur général et comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion d’amendements portant sur d’autres filières.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Je voterai l’amendement de Mme Jasmin. Les dispositions que M. le ministre a citées s’appliquent depuis longtemps pour aider la filière, en situation normale. Or nous vivons une situation exceptionnelle, dans laquelle les producteurs de canne à sucre, et ceux d’autres produits locaux, font face à des handicaps redoublés.
La fermeture quasi totale des frontières affecte le tourisme, qui constitue un débouché important pour la filière, que ce soit pour les achats de rhum ou pour les visites de distilleries.
De plus, alors qu’aucun Gouvernement ne résisterait à un taux de 25 % de chômage en France, c’est pourtant ce que nous vivons. Par conséquent, toutes les situations doivent être examinées de très près, quel que soit le secteur concerné.
Dans la mesure où les outre-mer sont dans la périphérie, certaines situations qui les caractérisent ne peuvent pas entrer dans le champ global de la normalité. Tel est l’objet de ces discussions. Il faut « toucher du doigt » la situation, il faut venir voir comment les choses se passent !
Nous « résistons » parce que nous sommes des combattants, et parce que nous savons que ce grand pays qu’est la France nous soutient. Cependant, nous sommes amenés parfois, et même souvent, à nous débrouiller seuls et à ne compter que sur notre travail.
Par conséquent, je vous invite à sortir du cliché global pour envisager notre situation comme un cliché spécifique, à la périphérie.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je soutiendrai l’amendement de Victoire Jasmin tout comme l’intervention de Dominique Théophile.
En effet, qui mieux que nous peut connaître la situation de nos pays ? Nous, nous la connaissons à fond ! Nous venons dans cet hémicycle, chaque fois pleins d’enthousiasme, après avoir « fait la tournée » des réalités de ces pays-là. Dans ce que nous exprimons devant vous, pas de vue de l’esprit, pas d’impressions, ni de coquetterie, mais tout traduit notre travail assidu sur le terrain, bottes aux pieds, pour aller au plus près des exploitations, avant de passer des heures en réunion.
On peut bien faire étalage des dizaines de millions de ceci ou de cela… La réalité sur le terrain est tout autre ! Le délai d’instruction des dossiers est de deux ans et demi, et je ne parle pas des nombreux blocages de l’administration : on demande et on redemande les mêmes documents, les mêmes papiers et les mêmes procédures, toute la journée, aux mêmes exploitants.
Dans la canne à sucre, une saison, c’est six mois. Il faut que « ça pousse » en six mois, et que ce soit récolté ! Pourtant, celui qui aura planté en 2018 devra attendre jusqu’à 2020 ou 2021 pour toucher les fameuses aides que M. le ministre vient d’énumérer. Voilà la réalité !
Pendant ce temps, il faut payer les salariés et maintenir une activité touristique, car toutes les distilleries ont su développer, avec excellence, le « spiritourisme ». Face aux difficultés, la seule réponse du Gouvernement, c’est qu’il y a déjà des aides.
Cette année est exceptionnelle. En pleine saison touristique, on a arrêté toute desserte de nos destinations. La mesure n’a rien d’anormal et nous la comprenons, car nous sommes en confinement, pour faire face à une épidémie mondiale inédite.
Cependant tout un secteur s’est écroulé. Nous demandons donc, aujourd’hui, une contribution au quotidien pour passer l’orage et franchir la difficulté. Encore une fois, je dois me résigner, car je m’attends à l’avis défavorable, à ce que cet amendement soit rejeté. Encore une fois, je vous dirai : « au suivant » !
Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Non, monsieur le ministre, le droit commun n’est pas plus favorable que ce que prévoit cet amendement. J’ai passé la majeure partie de ma vie professionnelle à travailler dans le secteur de la canne à sucre, comme dirigeant d’une chambre consulaire. Les crédits que vous mentionnez – M. Théophile l’a très bien dit – correspondent à des aides accordées en temps normal, période pendant laquelle la fiscalité des exploitations agricoles dans les outre-mer s’exerce souvent au forfait. En effet, le régime du bénéfice agricole forfaitaire continue de prévaloir et s’applique quelle que soit la conjoncture. Des exceptions existaient pour les exploitations de bananes d’une superficie supérieure à dix hectares, mais elles ont été supprimées.
Le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Poséi) représente une aide d’environ 130 millions d’euros, dont l’essentiel va à d’autres cultures que la canne à sucre.
Depuis quinze ans, le prix de la tonne de canne est pratiquement bloqué, diminuant d’autant ce qui revient aux producteurs. Ces derniers sont arrivés au bout des efforts de productivité qu’ils peuvent fournir pour dégager une marge. La seule solution reste d’alléger le compte d’exploitation, ce qui implique de supprimer ou d’exonérer pour un temps les cotisations.
Monsieur le ministre, vous mentionnez plus de 200 millions d’euros d’aides. Très sincèrement, j’aimerais voir le détail de ces chiffres, car ils ne correspondent pas à ceux qui nous sont communiqués.
Dans un souci d’égalité de traitement et par symétrie avec les mesures que nous avons votées au sujet d’un certain nombre de spéculations agricoles, il serait de bonne politique d’aider la filière agricole, en particulier la filière de la canne à sucre.
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. J’aurais aimé dire quelques mots sur le Poséi que M. Lurel a mentionné.
Cependant, mes chers collègues, je veux surtout que vous preniez la mesure de l’amendement que nous examinons, car il concerne des territoires où il n’y a pas beaucoup d’emplois. Il ne s’agit ni de pleurer ni de tendre la main pour mendier. Nous demandons simplement que les rares entreprises qui font appel à la main-d’œuvre locale puissent bénéficier d’un « petit souffle » en 2020, année où les difficultés ont été exceptionnelles, notamment en matière de tourisme, comme l’a expliqué le sénateur Théophile.
Le Gouvernement a donné un avis défavorable à mon amendement. Mes chers collègues, je fais appel à vous au nom de tous ces jeunes Ultramarins qui viennent chercher du travail en métropole, faute de trouver un emploi local. La canne à sucre est l’un des rares secteurs où les entreprises font appel à la main-d’œuvre locale. Il faut les encourager, c’est une évidence. C’est pourquoi je vous demande de voter cet amendement.
Mme le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement, qui s’inscrit en symétrie avec l’article 13 bis.
Mme le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Au plus fort de la crise, la production de gel hydroalcoolique a principalement été réservée aux besoins de la métropole. Outre-mer, les distilleries se sont mobilisées pour produire l’alcool à 90 degrés nécessaire à la fabrication, sur place, de ce gel à destination des populations ultramarines. Par conséquent, nous pourrions, en contrepartie, faire un geste exceptionnel en faveur de cette filière. Je voterai l’amendement de Mme Jasmin.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 490 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)