M. Loïc Hervé. C’est bien vrai !
Mme Jocelyne Guidez. Je l’ai dit en introduction, même s’il est loin d’être à la hauteur, ce PLFSS présente quelques avancées. S’opposer n’est autre que proposer, car « une opposition sans proposition n’est qu’un mouvement d’humeur », pour reprendre les mots de Robert Sabatier. J’espère que nous serons écoutés.
Par conséquent, le groupe Union Centriste votera le texte issu de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire induit des bouleversements dont on trouve la marque dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Mais cela ne saurait faire oublier que la pandémie est survenue dans un contexte en partie dégradé par les précédentes lois de financement votées sous ce gouvernement.
Ces dernières ont en effet contribué à affaiblir les piliers de la sécurité sociale, qui a pourtant été, une fois de plus, le meilleur rempart contre les conséquences de la crise. La sécurité sociale s’est révélée un recours pour la gérer : elle a financé les congés maladie des personnes vulnérables, tout comme les congés pour garde d’enfant. Elle n’a donc pas uniquement assuré la prise en charge des soins et des congés des personnes effectivement malades. En ce sens, elle a parfaitement joué son rôle d’amortisseur social et a permis à l’économie de continuer à tourner.
L’exécutif n’a pas pour autant renoncé aux pratiques qui la fragilisent, comme en témoigne le présent texte. Celui-ci comporte, certes, une avancée qui doit être saluée, à savoir l’allongement du congé paternité rémunéré, qui passe de quatorze jours à vingt-huit jours.
Toutefois, indépendamment de cette mesure bienvenue, le présent projet de loi nous préoccupe à plusieurs titres. Je pense à l’évolution de l’Ondam, aux contours de la cinquième branche et à la manière dont ce texte traduit le choix de gestion du Gouvernement concernant la dette de la covid-19.
Nous nous souvenons très bien avoir ferraillé l’année dernière contre la décision gouvernementale de s’attaquer à l’autonomie budgétaire de la sécurité sociale. Vous aviez en effet opéré, monsieur le ministre, une rupture avec la pratique de la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales héritées de la loi Veil, laquelle garantissait cette autonomie budgétaire.
La sécurité sociale est alors devenue une variable d’ajustement du budget de l’État, ce qui témoigne d’un recul de la solidarité collective. Le Gouvernement a ainsi inauguré une politique revenant à faire supporter par la sécurité sociale le poids de ses choix de gestion erratiques, notamment lors de la crise des gilets jaunes.
Une telle logique de vampirisation, qui vise à faire porter par la sécurité sociale des dettes et des dépenses qui ne sont pas les siennes, se poursuit encore aujourd’hui, comme en témoigne le choix du Gouvernement concernant la dette liée à la gestion de la crise sanitaire. Ce dernier a en effet chargé la Cades d’assumer le paiement de cette dette, alors que celle-ci est financée non seulement par la CRDS, mais aussi par la CSG, initialement destinée à financer la sécurité sociale.
Le remboursement accéléré de la dette sociale conduit de fait à priver les caisses de la sécurité sociale de recettes courantes qui lui servent à payer ses dépenses de tous les jours. Vous avez aggravé cette logique en faisant adopter cet été des lois organiques et ordinaires relatives à la dette sociale et en organisant de nouveaux transferts vers la Cades, aux dépens de la sécurité sociale, pour un montant total de 136 milliards d’euros.
La Cades devait s’éteindre en 2024, et tout le monde comptait sur la manne des cotisations CRDS et CSG pour financer l’hôpital ou la dépendance.
Venons-en maintenant à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale. Au demeurant, c’est une bonne nouvelle, mais elle n’est accompagnée d’aucune ressource nouvelle, alors que les besoins évalués par le rapport Libault oscillent entre 11 milliards et 25 milliards d’euros.
Au contraire, c’est un jeu de bonneteau auquel se prête le Gouvernement dans le cadre de la mise en place du cinquième risque ou, plus charitablement, un travail de tuyauterie. L’exécutif fait en effet le choix de réorienter, au sein de la sécurité sociale, des recettes qui alimentaient, via la CSG, d’autres branches, pour les injecter dans la gestion de l’autonomie.
Ce sont notamment la Caisse nationale d’assurance maladie et le Fonds de solidarité vieillesse qui sont les victimes de cette entreprise. La CNAM s’en tire particulièrement mal, car ses recettes détournées vers la nouvelle branche ne sont pas intégralement compensées.
Toutefois, ces jeux de transferts de CSG fragilisent aussi l’architecte du Fonds de solidarité vieillesse. On est loin de la sanctuarisation de ses ressources, alors même que l’ampleur de la crise sociale qui se profile menace de le mettre en difficulté.
Par ailleurs, le Gouvernement s’attaque également aux principes de la sécurité sociale par le biais des modalités de création de la cinquième branche. Il est en effet significatif que l’organisme destiné à gérer le cinquième risque, la CNSA, ne soit en rien paritaire.
Je rejoins ici certains économistes ou collègues, qui dénoncent une cinquième branche ressemblant à un système de sécurité sociale, mais sans obéir à sa logique. La CNSA est en effet une caisse, mais aucun représentant des partenaires sociaux ne siège à son conseil d’administration. Elle est par ailleurs financée par une contribution sociale qui n’a pas le statut de cotisation.
Je m’inquiète aussi de la promotion par la majorité sénatoriale d’une réforme des retraites paramétrique visant à accélérer les mesures Touraine sur l’allongement de la durée de cotisation. Nous aurons sans doute l’occasion d’en débattre. Pour nous, cette question n’a pas lieu d’être. Toucher aux retraites dans le contexte actuel, ce serait ajouter de la division dans une période de crise intense, où la confiance, pourtant indispensable, est déjà mise à mal.
Nous n’avons aucune visibilité sur le point d’atterrissage de cette crise, et il est impossible de naviguer à l’aveugle dans le cadre de réformes qui nous engagent pour des décennies. On ne revient jamais sur des réformes qui amputent des droits !
J’en appelle donc à la plus grande vigilance, pour éviter que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ne devienne un instrument de fragilisation supplémentaire de la sécurité sociale.
Par ailleurs, M. le ministre de la santé vient de l’assurer, personne ne restera sur le bord du chemin. Mais ils sont nombreux ceux qui restent sur le bord du chemin ! Je pense notamment aux jeunes de moins de 25 ans, aux intermittents de l’emploi et aux salariés des services d’aide à domicile. Nous ne manquerons pas d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis 2014, les familles ont subi la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé s’élève à 3,4 milliards d’euros.
Je veux parler de la suppression de la prestation partagée d’éducation de l’enfant majorée, qui représente 490 millions d’euros non perçus entre 2014 et 2019, de la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, dont l’effet cumulé depuis 2014 s’élève à plus de 900 millions d’euros, et de l’alignement du montant et du plafond de l’allocation de base sur le complément familial, qui représente 260 millions d’euros non perçus entre 2018 et 2019.
L’accumulation de ces mesures fait perdre à la branche famille son rôle essentiel de compensation des charges de famille. Certes, le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de toutes ces mesures, mais il n’a pas renoncé à l’héritage et n’a fait que poursuivre la dégradation de la politique familiale.
Pour mémoire, le PLFSS pour 2019 prévoyait un excédent significatif pour la branche famille de 1,2 milliard d’euros. Pour autant, cette situation financière favorable ne s’est pas accompagnée d’un véritable renforcement du soutien apporté aux familles. Au contraire, la principale mesure visait à sous-revaloriser l’ensemble des prestations familiales à 0,3 % pour une durée de deux ans.
Dans le PLFSS pour 2021, il aurait été opportun de donner un coup de pouce aux familles, plutôt que de prévoir l’allongement du congé paternité, qui est une mesure certes sympathique, mais qui n’apparaît pas comme essentielle.
L’allongement du congé paternité participe au développement de notre politique familiale, tout en favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes, ce dont je me réjouis.
Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article 35 du texte tend à instituer le caractère obligatoire du congé pour naissance et d’une partie du congé paternité. Aux termes du projet de loi, l’emploi du salarié pendant le congé de naissance et la première période de quatre jours du congé paternité serait interdit.
L’interdiction d’emploi pendant le congé paternité ne semble pas nécessaire. Cette mesure trop contraignante risque d’être parfois difficilement applicable dans certaines entreprises. De surcroît, une telle obligation contrevient à la liberté de choix du père.
Le fractionnement du congé paternité pèsera sur le fonctionnement des entreprises. Les absences courtes et répétées seront source de difficultés au sein des entreprises, notamment dans les PME et TPE, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas épargnées par la crise. C’est pourquoi je proposerai le fractionnement de ce congé en deux périodes. Ce nombre pourra éventuellement être augmenté avec l’accord de l’employeur ou lorsqu’une convention ou un accord collectif le prévoira.
Je tiens à saluer le retour du versement de la prime à la naissance avant le septième mois et me réjouis de constater que l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le versement de la prime de naissance avant la naissance de l’enfant.
Je me réjouis également de constater que l’actuelle majorité rejoint l’ancien monde, tout en regrettant que cette mesure intervienne si tardivement, alors que le Gouvernement aurait très bien pu la prendre par décret, pour revenir à la situation antérieure. Que de temps perdu, au détriment des familles modestes, qui comptent sur cette prime pour l’arrivée de leur enfant dans de bonnes conditions !
Dans ce PLFSS, mes chers collègues, il manque des propositions courageuses. Des mesures pour lutter contre la fraude aux prestations sociales auraient mérité d’être introduites. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour alerter le Gouvernement sur l’ampleur considérable de cette fraude. Plusieurs parlementaires et la Cour des comptes ont produit des rapports accablants.
À la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Ces fraudes, qui gangrènent notre pays, représentent à la fois une atteinte au principe de solidarité et un coût financier élevé.
En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté un milliard d’euros de préjudices à ce titre. Toutefois, il ne s’agirait là que de la pointe émergée de l’iceberg, puisque ce chiffre d’un milliard d’euros est celui de la fraude détectée. Le préjudice lié à la fraude « non détectée » serait de l’ordre de 14 à 45 milliards d’euros.
Seule la branche famille procède à une estimation de la fraude aux prestations. La Cour des comptes s’est déclarée incapable de chiffrer précisément l’ensemble des détournements, mais estime que, pour la seule branche famille, la fraude s’élève à 2,3 milliards d’euros, soit 3,2 % des prestations.
La lutte contre la fraude aux prestations sociales est un impératif d’efficacité économique et de justice sociale. Avant tout, il est urgent d’estimer le montant de cette fraude, non seulement pour la branche famille, mais aussi pour l’assurance maladie, la branche vieillesse et Pôle emploi, afin de lutter plus efficacement contre la fraude et les irrégularités.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il faire des propositions en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire qui a frappé et frappe encore notre pays a balayé d’un revers de main les prévisions et les objectifs des précédents exercices et écarté en conséquence la perspective d’un retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux.
Alors que le dernier PLFSS annonçait pour 2020 un déficit prévisionnel de 5,1 milliards d’euros, les prévisions d’exécution pour l’année 2020 font apparaître cette année un déficit de 49 milliards d’euros, chiffre jamais atteint, qui demeure à ce jour encore incertain.
Une telle détérioration s’explique à la fois par une baisse des recettes du régime général, provoquée par le recul de la masse salariale, et par des dépenses exceptionnelles s’élevant à 15 milliards d’euros environ, engagées par l’assurance maladie pour répondre à la crise de la covid-19.
La branche maladie devait ainsi enregistrer cette année, avant que les chiffres révisés du Gouvernement ne nous parviennent, une baisse de 4,8 % de ses recettes par rapport à 2019, et voir dans le même temps ses dépenses augmenter de 9,4 %, pour s’établir à 237 milliards d’euros.
Néanmoins, ce texte traduit surtout dans la loi les engagements du Ségur de la Santé. En réponse à l’urgence économique et sociale, il est ainsi prévu des revalorisations inédites pour le personnel des établissements de santé et des Ehpad, et l’ajout en conséquence de plus de 8 milliards d’euros à la trajectoire de l’Ondam pour 2020-2023.
Il comprend en outre un plan d’investissement de 19 milliards d’euros correspondant, entre autres, au programme d’aides à l’investissement en santé. Enfin, 4,3 milliards d’euros seront intégrés à l’Ondam à titre préventif.
L’article 13 prévoit, pour soutenir la compétitivité des entreprises de la production agricole, le prolongement du dispositif d’exonération lié à l’emploi des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, les TO-DE.
Ce texte entérine enfin la création d’une cinquième branche consacrée à l’autonomie. Nous en avions débattu longuement en juillet dernier, avant d’en adopter le principe. Les articles 16 et 18 déterminent sa gouvernance et les prémices de son financement. Nous nous félicitons de voir se concrétiser une réforme attendue et maintes fois retardée.
Au-delà des chiffres, ce texte prévoit un certain nombre de mesures sociales concrètes, qui amélioreront la qualité de vie de nos concitoyens et que le manque de temps m’oblige à évoquer rapidement.
L’article 30 tend à pérenniser et développer l’offre de maisons de naissance. Les structures existantes ont démontré que cette nouvelle offre de santé périnatale répond à une demande sociale forte et à de réels besoins. Cet article nécessite néanmoins quelques ajustements, que nous vous soumettrons par voie d’amendement.
L’article 35 prévoit l’allongement du congé paternité de quatorze à vingt-huit jours, dont sept obligatoires, conformément aux travaux de la Commission d’experts pour les 1 000 premiers jours. Citons également la prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations ou le soutien au développement des hôtels hospitaliers.
Mes chers collègues, le moment présent nous invite à la plus grande humilité. Cette situation sanitaire nouvelle et dramatique, pour laquelle il n’existe pas de mode opératoire connu, réclame plus que jamais notre unité.
Ce PLFSS 2021 marque ainsi, dans notre pays, un tournant historique de l’approche budgétaire des dépenses sanitaires. Nous devons, en toutes circonstances, veiller à ce que la part des dépenses de santé laissée à la charge des ménages reste la plus faible possible. Rappelons ici que notre pays consacre près de 11,5 % de son PIB pour ses dépenses courantes de santé, bien au-delà de la moyenne européenne.
Voilà, en quelques mots, un rapide survol du PLFSS pour 2021. Le RDPI soutiendra ce texte, qu’il juge exigeant, sincère et, dois-je le souligner, ambitieux et courageux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS n’est pas anodin.
Le 29 janvier 2020, l’OMS publiait ses premières recommandations concernant le port du masque dans les établissements de santé, pour les soins à domicile et dans les lieux publics. Les réponses tardives apportées par l’État depuis le début de la pandémie donnent le sentiment que l’exécutif est régulièrement pris de court, et qu’il est dépassé par la propagation du covid-19. Pourtant, selon le verbatim du Président de la République, « nous sommes en guerre ».
Dans cette guerre, les soignants ont été envoyés au combat contre la covid-19 sans armes, sans masques et sans surblouses. Des milliers d’entre eux ont été contaminés à l’hôpital et dans les cabinets médicaux. Plus de cinquante médecins sont décédés. Au mois de mars dernier, 4 000 médecins libéraux ont dû faire l’objet d’un arrêt de travail en raison de la covid, privant ainsi les Français de nombreux médecins de proximité au moment où l’épidémie se propageait.
Le Gouvernement a sous-estimé l’ampleur de la crise sanitaire et il a perdu la bataille des masques. Je le rappelle, plusieurs ministres considéraient les masques comme inutiles, et affirmaient de façon péremptoire que les Français ne sauraient pas s’en servir !
Le Gouvernement a aussi échoué dans la mise en œuvre de sa stratégie de dépistage.
Mes chers collègues, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est-il à la hauteur de la crise ?
Ce texte intègre les conclusions des accords du Ségur signés en juillet dernier avec les partenaires sociaux. Il prévoit 8,8 milliards d’euros pour la revalorisation des traitements des personnels des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Néanmoins, le Ségur de la santé a été en réalité le Ségur de l’hôpital, dont les médecins et les soignants de ville ont malheureusement été écartés. Si le Ségur de la santé soutient l’hôpital public, qui en a vraiment besoin, il ne prévoit en revanche aucune mesure susceptible de rassurer la médecine libérale.
Bien entendu, je soutiens les mesures prévues pour augmenter la rémunération des soignants et investir dans les hôpitaux. Mais je regrette que, dans ce PLFSS, il n’y ait pas un mot, pas un acte, pour ceux qui ont aussi payé un lourd tribut à la covid-19 ! Les libéraux restent les grands oubliés.
Pourtant, récemment, face à la brutale aggravation de la crise sanitaire, dans une lettre adressée aux médecins libéraux, M. le ministre de la santé écrit qu’ils sont « en première ligne pour prendre en charge les patients, pour rappeler inlassablement les gestes barrières et répondre aux interrogations que se posent tous les jours nos concitoyens ».
Le Président de la République a lui aussi lancé un appel en direction des médecins libéraux, pour prendre en charge les patients covid en amont et en aval de l’hôpital.
Or, en dépit de cet appel, et au moment où nous faisons face à une deuxième vague de l’épidémie, est annoncé le report à 2023 de la convention médicale. Pour les professionnels libéraux, c’est inacceptable. Pour quelle raison les actes ne seraient-ils pas revalorisés pendant sept ans ?
Les textes organisant la vie conventionnelle prévoient un lancement du processus de négociation dès janvier 2021, soit trois mois avant les élections qui doivent conduire à revoir la représentativité des différents syndicats signataires. Il convient donc, selon le Gouvernement, de proroger la convention actuelle, afin que la négociation de la prochaine convention médicale puisse se dérouler à l’issue de ce processus électoral.
Madame, monsieur les ministres, les élections des unions régionales des professionnels de santé (URPS) doivent avoir lieu au printemps 2021. Pourquoi, alors, prolonger la convention de deux ans supplémentaires ? Existerait-il une raison officieuse ? Considéreriez-vous, par exemple, qu’il serait plus opportun de conduire les négociations conventionnelles après les élections présidentielles et législatives de 2022 ?
Au regard de la crise sanitaire que nous traversons et de l’engagement des médecins libéraux, je regrette que ce PLFSS n’ait pas apporté d’améliorations substantielles à la situation de la médecine libérale.
Actuellement, les ARS font des déprogrammations dans le privé et engagent les cliniques à rediriger leurs salariés vers les hôpitaux publics. Les médecins se retrouvent sans activité et sans revenus, ce qui est un comble compte tenu de la gravité de la situation et compte tenu, aussi, de vos engagements !
L’investissement dans le système de soins que traduit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reste essentiellement ciblé sur l’hôpital.
Concernant les soins de ville, ce PLFSS contient très peu de mesures structurantes, alors que la crise actuelle montre l’importance cruciale de la prévention et de la coordination des parcours en amont de l’hôpital.
Madame, monsieur les ministres, le secteur de la santé repose sur deux piliers : le public et le libéral.
Alors que nous traversons la pire crise sanitaire de notre histoire moderne, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale doit permettre d’actionner tous les leviers nécessaires pour protéger l’ensemble de nos concitoyens. Les Français doivent plus que jamais avoir confiance dans le bouclier que représente notre système de protection sociale.
Pourquoi négliger les acteurs de santé de proximité qui, partout sur le territoire, se sont battus aux côtés de l’hôpital public avec une grande disponibilité ? La deuxième vague a commencé ; toutes les compétences, toutes les énergies, doivent être mobilisées. C’est votre responsabilité que d’y veiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, je n’ai pas de citation de Sun Tzu à opposer au sénateur Milon, qui a évoqué cet auteur, mais j’ai le regret de lui indiquer que la phrase qu’il a attribuée à L’Art de la guerre est très fréquemment présentée comme apocryphe.
Ce que Sun Tzu souligne bel et bien, en revanche, dans L’Art de la guerre, c’est l’importance de se connaître soi-même aussi bien que son ennemi… On peut y voir une façon d’appeler chacun à affronter ses propres contradictions en matière de financement de la sécurité sociale, que ce soit quand on critique un objectif sans proposer de moyens à la hauteur ou quand on remet en cause les moyens mobilisés alors que l’on en partage l’objectif.
Je ne pourrai répondre à l’ensemble des intervenants ; je voudrais simplement les remercier tous de la qualité et de la diversité de leurs interventions et revenir de manière synthétique sur un certain nombre de points.
Premièrement, pour ce qui est de la trajectoire des finances sociales, celle que nous vous présentons est évidemment dégradée.
Cette dégradation, pour l’année 2020 comme pour les années 2021 et suivantes, s’explique essentiellement par la baisse des recettes de la sécurité sociale. Le déficit de l’année 2020 est particulièrement élevé : 49 milliards d’euros si l’on intègre les amendements que le Gouvernement aura l’occasion de vous présenter pour tenir compte d’une baisse supplémentaire des recettes à hauteur de 1,6 milliard d’euros et d’un abondement supplémentaire à hauteur de 800 millions d’euros.
Nous vous présenterons ces amendements de rectification du niveau des recettes, du tableau d’équilibre et de l’abondement des dépenses avec une volonté de sincérisation et de transparence que l’on retrouve dans notre proposition de tenir compte de la rectification de nos hypothèses macroéconomiques.
Si cette trajectoire est dégradée du côté des recettes, elle est aussi extrêmement impactée – pardonnez-moi pour ce barbarisme – par des dépenses que nous faisons à la fois pour répondre à la crise, vous l’avez dit, mais aussi pour mettre en œuvre les accords du Ségur. Je me dois de souligner que, indépendamment de ces mesures liées au Ségur ou à la réponse à la crise, l’Ondam hospitalier est en hausse, pour 2021, de 2,4 %, ce qui est strictement conforme aux trajectoires décidées dans le cadre des accords pluriannuels qui avaient été passés.
Deuxièmement, je souhaite m’arrêter sur une question qui fait l’objet de débats extrêmement récurrents entre, d’une part, le Gouvernement, sa majorité parlementaire à l’Assemblée nationale et les groupes qui le soutiennent au Sénat, et, d’autre part, la majorité sénatoriale. Il s’agit des périmètres.
J’entends les remarques de M. le rapporteur général sur Santé publique France, même si nous ne partageons pas la conviction qui est la sienne en la matière, tout comme j’entends les arguments de ceux qui revendiquent une forme d’étanchéité entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Néanmoins, j’ai eu l’occasion de dire, en réponse à Mme la sénatrice Cohen, que nous ne partagions pas tout à fait cette approche, que je qualifierai de « puriste », de la séparation des comptes ; nous savons, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission, qu’il y a là un point de divergence, en tout cas de débat, entre nous.
Je voudrais cependant souligner, en réponse à Mme la sénatrice Lubin, qu’en aucun cas le PLFSS pour 2020 n’était l’inauguration d’un manquement à la loi Veil en matière de compensation des exonérations.
L’an dernier, j’avais eu l’occasion de dire que cette non-compensation auprès de la sécurité sociale du coût lié à l’exonération des heures supplémentaires, que le Sénat avait dans sa grande majorité dénoncée, était la onzième entorse faite au principe posé par la loi Veil, les exceptions les plus notables intervenues précédemment datant de 2014 et de 2015 – je le dis pour mémoire, à l’attention de Mme Lubin notamment.
Troisièmement, j’évoquerai la question de la fraude. Vous êtes nombreux à avoir exprimé votre souhait d’y travailler. Nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes demandé par votre commission des affaires sociales ; nous tenons compte également des rapports parlementaires qui ont été rédigés, et nous nous appuyons sur eux.
Tout cela a été le terreau des six amendements adoptés par l’Assemblée nationale. Nous allons continuer ce travail ; un certain nombre de propositions que vous faites, ainsi que d’autres, que défend le Gouvernement, peuvent faire consensus, me semble-t-il, là où il s’agit de rendre la lutte contre la fraude plus efficace et plus utile à l’ensemble de nos concitoyens.
Je me permets simplement une remarque, que m’inspirent les propos de certains de vos rapporteurs : nous sommes tout à fait favorables à travailler à la lutte contre la fraude en matière de finances sociales ; certains d’entre vous ont évoqué la fraude aux prestations. Mais je veux souligner qu’il nous faut aussi lutter contre la fraude aux cotisations.