M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous indique tout d’abord que le groupe Les Républicains votera le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence tel qu’issu des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
J’entends à la fois l’enthousiasme et l’absence de surprise face à ces propos… Je m’en doutais un peu ! (Sourires.)
L’avantage que me confère ma position de dernier orateur est de ne pas avoir besoin de développer très longuement les motifs pour lesquels le groupe Les Républicains votera ce texte.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande, face à la situation sanitaire du pays, de l’autoriser à faire usage de l’état d’urgence pour une durée de plus d’un mois. Nous en sommes d’accord sur le principe, mais nous divergeons sur les modalités.
Sur le principe, notre rapporteur Philippe Bas a déjà signalé que jamais le Parlement, jamais le Sénat n’a manqué au Gouvernement – je dirais même : au pays – lorsqu’il s’est agi de lui donner les moyens de gouverner dans cette crise. Le désaccord porte sur les façons d’exercer ces moyens.
D’une part, il nous est demandé de nous dessaisir de notre pouvoir législatif, en donnant au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnances.
Nous aurions à nous dessaisir de ce pouvoir – sur des domaines qui sont naturellement les nôtres –, alors que la situation ne le justifie pas et que nous sommes en mesure d’agir sur ces domaines. Le Parlement l’a fait ! Il a pris, dans le cadre de ce projet de loi, un certain nombre de mesures relevant de domaines pour lesquels le Gouvernement demandait une habilitation à légiférer par ordonnances.
D’autre part, il nous est également demandé de nous dessaisir de nos pouvoirs, en renonçant pendant plusieurs mois à examiner la situation et à revoir les pouvoirs accordés au Gouvernement pour faire face à la situation sanitaire de ce pays.
Le fait que le Gouvernement ne veuille pas venir rendre des comptes devant le Parlement, mais également obtenir de sa part une confirmation de sa légitimité n’est pas acceptable. D’où la décision prise en commission des lois – et que nous approuvons – de réduire la durée de l’état d’urgence, telle que fixée dans le projet gouvernemental.
Je résumerai assez simplement les choses : le Gouvernement nous demande de lui donner les moyens de mener la mission qui lui est confiée par les institutions ; souffrez, monsieur le secrétaire d’État, que la représentation nationale exerce la sienne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Françoise Gatel. C’est le mot qui convient !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas, monsieur le rapporteur, qu’il y ait entre nous – entre le Gouvernement et le Sénat – un quelconque malentendu ou une quelconque ambiguïté… Le Gouvernement n’a jamais dit que vous auriez dit ce que vous dites n’avoir jamais dit ! (Sourires.)
Le Gouvernement n’a jamais dit que vous souhaitiez mettre fin au confinement ou à l’état d’urgence au 8 décembre. Que ce soit bien clair !
Le Gouvernement n’a jamais dit que le Sénat aurait pris en otage ce texte. Au contraire, j’ai salué à la tribune l’exigence démocratique que vous appeliez de vos vœux, et que nous partageons évidemment : celle du contrôle exercé par le Parlement. J’ai souligné que celui-ci se montrait à la hauteur du défi historique que nous affrontons tous collectivement, avec exigence et responsabilité.
Alors non, madame la sénatrice Éliane Assassi, aucune invective, aucune entreprise de culpabilisation de notre part ! Le Sénat n’est pas pour nous une simple chambre d’enregistrement, comme j’ai pu l’entendre, et c’est bien dans le respect du Sénat et du débat démocratique que le Gouvernement présente un certain nombre d’amendements sur des points qui lui paraissent essentiels et dont nous débattrons. Nous ne laissons pas filer le débat, en attendant la lecture définitive de demain !
Par ailleurs, les parlementaires disposent toujours de moyens de contrôle. Aux questions d’actualité au Gouvernement s’ajoutent les auditions, les missions, les commissions d’enquête qui ont été instituées, et à l’Assemblée nationale, et ici, au Sénat.
L’article L. 3131-13 du code de la santé publique, modifié et voté par vos soins lors de l’examen de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 – la loi ayant instauré le premier état d’urgence –, prévoit en outre que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire ». Chaque semaine, le Gouvernement informe donc le président de chaque chambre de l’ensemble des mesures prises par lui-même au titre de l’état d’urgence. Cela participe, aussi, du contrôle de son action par le Parlement.
Je n’insisterai pas sur les éléments de fond de notre opposition – nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure. Néanmoins, monsieur le rapporteur, vous avez fait un parallèle entre un certain nombre de corps de métier, citant la cordonnerie et l’école. Vous savez probablement mieux que moi, pour avoir été l’un de mes illustres prédécesseurs au portefeuille de la protection de l’enfance, à quel point il est important que les écoles restent ouvertes lors de ce nouveau confinement. Vous savez les conséquences que cela peut avoir, en termes de décrochage scolaire comme de violences exercées sur les enfants.
C’était une très forte préoccupation lors du premier confinement, c’est une évolution dont nous devons nous féliciter pour ce second confinement : les écoles demeurent ouvertes. Pour autant, nous devons rester vigilants quant aux violences qui pourraient survenir dans le cercle familial, celles-ci risquant tout de même de s’accroître dans les semaines à venir.
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 1er
I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 31 janvier 2021 inclus.
I bis. – Pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, l’application des mesures prévues au 2° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu’elles ont pour conséquence d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, ne peut être autorisée au-delà du 8 décembre 2020 que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du même code.
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 3131-15 est ainsi modifié :
a) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Limiter ou interdire les rassemblements, activités ou réunions sur la voie publique ainsi que dans les lieux ouverts au public ; »
b) Le 8° est abrogé ;
1° bis Après le I du même article L. 3131-15, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Le Premier ministre ne peut interdire, en application du 2° du I du présent article, aux personnes de sortir de leur domicile plus de douze heures par vingt-quatre heures qu’en vertu d’une disposition expresse prévue dans le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-13 ou dans la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-14. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 3131-17, après le mot : « déroule, », sont insérés les mots : « pendant plus de douze heures par vingt-quatre heures, » ;
3° Au premier alinéa des articles L. 3821-11 et L. 3841-2, la référence : « n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » est remplacée par la référence : « n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ».
III. – Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans le département peut, pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé en application du I du présent article, à titre dérogatoire et lorsque la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie, autoriser l’ouverture de commerces de vente au détail.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous proposons ici de supprimer l’article 1er, dont l’objet est d’autoriser la poursuite de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 janvier, date arrêtée par la commission des lois du Sénat, mais qui sera rétablie, bien évidemment, au 16 février par l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot.
Mais le débat qui nous occupe ne se résume pas à une simple question de délai ; c’est véritablement une question de fond qui se pose.
Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes clairement opposés au régime juridique de l’état d’urgence sanitaire créé par la loi du 23 mars 2020. Tout simplement parce que tous les outils juridiques étaient déjà à la portée du Gouvernement pour lui permettre de gérer la crise sanitaire. Or celui-ci a choisi de concentrer des pouvoirs exorbitants du droit commun entre les mains du Premier ministre, du ministre des solidarités et de la santé et des préfets habilités.
En outre, nous sommes prévenus, ce régime pour l’heure dérogatoire et, de fait, d’exception, reconduit plusieurs fois, finira par être inscrit dans le droit commun. L’exposé des motifs du texte initial du Gouvernement est clair en cela : « Avant la fin du régime proposé et la fin du régime transitoire qui prendra le relais jusqu’au 1er avril prochain, un projet de loi venant pérenniser des mesures de gestion de la crise sanitaire sera soumis au Parlement. » Et donc adopté !
Un tel fonctionnement vertical n’a que trop duré ! Nous souhaitons donc, aujourd’hui, réintroduire de l’équilibre entre les pouvoirs, ce qui nous apparaît indispensable à l’équilibre même de notre démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 16 février 2021 inclus.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi dans la version transmise au Sénat, avec une prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus.
Compte tenu de l’évolution récente de la situation sanitaire et des spécificités de la période hivernale, dans laquelle nous entrons, pour la circulation du virus, cette échéance est mieux adaptée aux circonstances.
En outre, le présent amendement tend à supprimer la disposition prévoyant une autorisation spécifique du législateur pour la mise en œuvre de mesures de confinement au-delà du 8 décembre.
Cet ajout ne nous semble pas opportun, dès lors que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois exige déjà une autorisation du Parlement et que les mesures d’interdiction de sortie du domicile comptent parmi les facultés prévues par le régime de l’état d’urgence sanitaire.
Par ailleurs, l’échéance du 8 décembre 2020 retenue en commission impliquerait en réalité la présentation, dès les prochains jours, d’un nouveau projet de loi, sans que cet exercice, nous semble-t-il, permette réellement au Parlement de disposer d’éléments nouveaux sur la situation en cours.
Je me permets de revenir brièvement sur la question des commerces de proximité.
Une évolution récente du cadre réglementaire a permis de prévenir toute différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, concernant les activités pour lesquelles ces derniers ne sont pas autorisés à ouvrir.
Compte tenu de la situation sanitaire et du partage entre lois et règlements, le Gouvernement est ainsi opposé à l’introduction dans la loi d’une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce sujet.
Enfin, il sera possible de discuter des enseignements à tirer de la mise en œuvre du régime de l’état d’urgence sanitaire à l’occasion de l’examen du projet de loi visant à créer un régime pérenne de gestion de l’urgence sanitaire. De ce fait, le Gouvernement ne juge pas nécessaire ou opportun de procéder, dès à présent, à une modification de l’article L. 3131–15 du code de la santé publique.
Tels sont les différents objectifs que nous visons en présentant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous sommes ici au cœur de notre désaccord, monsieur le secrétaire d’État…
Vous avez de la mémoire, et il n’est pas besoin de se plonger très loin dans le passé pour se souvenir qu’en période de crise le Parlement est capable d’intervenir très vite !
Il me semble ainsi que le Gouvernement se trouvait dans un certain embarras à la fin de l’année 2018. Il y avait des mouvements de rue, et des actes de vandalisme terribles ont été commis, qui ont bouleversé les Français. Devant l’atteinte aux biens dans le quartier de l’Étoile, nos compatriotes et nous-mêmes étions saisis par une profonde émotion. Il fallait absolument que ces désordres cessent.
Juste avant Noël, le Gouvernement a présenté un projet de loi. Vous souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État, en combien de jours celui-ci a été adopté ?… Je m’en souviens, j’étais là : trois jours !
Au cours des sept derniers mois, vous n’avez pas jugé impossible de saisir le Parlement à cinq reprises, dont une fois pour retirer de l’ordre du jour le texte que vous aviez présenté. Cela ne nous a pas empêchés d’en débattre longuement, et l’Assemblée nationale de l’adopter.
Bref, l’idée que saisir le Parlement serait du temps perdu, que le Gouvernement ne dispose pas de ce temps précieux est contradictoire avec votre propre pratique, comme elle est tout à fait opposée à ce qui fait l’essence même de la démocratie.
En larguant les amarres du débat parlementaire, en voulant s’affranchir pendant six mois de tout retour devant le Parlement, le Gouvernement prend un grand risque : celui de la solitude, de l’isolement ; celui d’une verticalité excessive, dans laquelle ne reste plus rien entre le Président de la République et le peuple ; celui de la négation de cette représentation nationale que nous incarnons en partie, avec l’Assemblée nationale, et qui représente la diversité des Français et de leur territoire.
Ce risque, monsieur le secrétaire d’État, vous avez tort de le prendre. Ce risque de la solitude, ce risque de l’unilatéralisme, qui peut verser dans l’autoritarisme quand il s’agit d’exercer des pouvoirs exceptionnels, restreignant les libertés individuelles et publiques, eh bien ce risque, vous ne devriez pas le prendre. Vous n’auriez même pas dû déposer cet amendement ce soir !
L’avis est défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’appuie la position de notre rapporteur, Philippe Bas, en le remerciant, ainsi que tous nos collègues de la commission des lois, pour le travail qu’ils ont accompli dans un temps très réduit.
M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !
M. Marc Laménie. Monsieur le secrétaire d’État, on peut comprendre votre amendement, mais, de votre côté, vous gagneriez à faire confiance au Parlement, en particulier au Sénat, représentant des territoires et de leurs élus.
De mars à mai, nous avons vécu un vrai confinement, mais, cette fois, la situation est tout à fait différente, ne serait-ce que parce que de nombreuses personnes sont contraintes de se déplacer. Dans ce contexte, la fermeture des commerces dits « non essentiels » provoque une incompréhension dont nous sommes nombreux, sur toutes les travées, à nous faire l’écho depuis la première lecture.
Les commerçants nous sollicitent en nombre ; j’ai moi-même reçu de nombreux témoignages, par exemple de coiffeurs. Autant, au printemps, il n’y avait ni masques ni gel, autant, depuis lors, ils ont investi. Aujourd’hui, ils se tournent vers leurs parlementaires, vers leurs maires aussi, dont certains ont pris des arrêtés, parce qu’ils sont désemparés.
Nous sommes conscients qu’il faut privilégier la santé – tout le monde en convient –, mais pas n’importe comment : n’oubliez pas le bon sens et faites confiance au Parlement ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Franck Menonville. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, nonobstant le respect républicain qui vous est dû et que je vous accorde avec beaucoup de sincérité, je ne souscris pas du tout à votre amendement. Je remercie au contraire le président Buffet d’avoir rappelé la position du Sénat, qui se montre très responsable, très citoyen et très républicain ; je remercie aussi le rapporteur Bas pour son complément d’explications.
Sans être outrancièrement dramatique, je pense que notre pays vit des moments extrêmement difficiles. La crise sanitaire est grave : le Sénat le sait et donne au Gouvernement tous les moyens nécessaires. Aujourd’hui, une crise économique et une crise sociale frappent violemment.
Monsieur le secrétaire d’État, cette situation ne pourra être surmontée, notre pays ne pourra guérir que si le peuple, notre peuple, a confiance en vous, confiance dans ses leaders. C’est ensemble que nous le ferons.
Ne sous-estimez donc pas les alertes que nous formulons au Sénat. Déjà, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, notre collègue Jean-François Husson avait alerté le Gouvernement sur la crise qui allait venir de la non-acceptabilité de certaines mesures par les gens qui vivent loin des villes et qui allaient se voir taxer parce qu’ils ne peuvent qu’utiliser leur voiture.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
Mme Françoise Gatel. Aujourd’hui, prenez au sérieux, avec gravité même, l’alerte très responsable que nous lançons par nos positions : il n’y aura pas de victoire dans ce pays sans confiance et sans acceptabilité !
Or personne ne peut comprendre qu’on puisse aller à la boulangerie, mais non pas acheter un livre. Ouvrir une librairie, ce n’est pas inciter des millions de gens à fréquenter un espace commercial…
Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, la situation est sérieuse et grave : que personne n’insulte le Sénat, qui est fort courageux de tenir la position qu’il tient ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le rapporteur, il y a quelques instants, a souligné à l’intention du Gouvernement la nécessité de faire preuve d’honnêteté dans les arguments avancés. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je suis très frappée – le mot est au-dessous de ce que je pense – de lire dans l’exposé des motifs de votre amendement une allégation inexacte et qui attribue au Sénat une intention qui n’est pas la sienne.
Voici ce qui est écrit : « Compte tenu de la situation sanitaire, et du partage entre la loi et le règlement, le Gouvernement est opposé à l’introduction dans la loi d’une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. »
C’est faux, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Eh oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … et vous avez sans doute mal lu le texte de la commission : il est simplement prévu, à la deuxième ligne du dernier alinéa de l’article 1er, qu’un décret « peut, pendant l’état d’urgence sanitaire prorogé en application du I du présent article, à titre dérogatoire et lorsque la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie, autoriser l’ouverture de commerces de vente au détail ».
Cette disposition respecte parfaitement le partage entre la loi et le règlement et ne comporte absolument aucune injonction à l’égard du Gouvernement. Les raisons de votre opposition au texte que nous avons adopté en commission vous appartiennent, mais ne nous faites pas de mauvais procès ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, nous avons déjà débattu de ce point en première lecture. Le III de l’article 1er du texte de la commission est ainsi formulé : « Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans le département… » Soit cette disposition n’est pas normative, soit il s’agit d’une injonction ; c’est ce que le Gouvernement fait observer dans son exposé des motifs. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. Vincent Éblé. Il s’agit d’encadrer !
Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol. C’est de la légistique !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Dans l’interview récente qu’il a donnée – et qui est beaucoup citée… –, M. le rapporteur dit : « Le Gouvernement est parfaitement légitime. » Je l’en remercie… Le Gouvernement a parfaitement le droit aussi d’exercer son droit d’amendement, en application de l’article 41-1 de la Constitution. (Exclamations.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Qui dit le contraire ?
M. Jean-François Husson. Vous vous trompez d’assemblée, vous n’êtes pas à l’Assemblée nationale !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. M. le rapporteur a dit que je n’aurais pas dû déposer cet amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. En effet !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Eh bien, je lui réponds que j’ai le droit de le faire. (Nouvelles exclamations.)
Je vais même vous dire pourquoi je l’ai fait : c’est au nom du respect du débat, du respect du Sénat, pour que la discussion ait lieu et que M. le rapporteur et l’ensemble d’entre vous puissiez développer vos arguments. Si je n’avais pas déposé cet amendement, vous m’auriez reproché, à l’inverse, d’attendre la lecture définitive par l’Assemblée nationale…
M. Philippe Bas, rapporteur. Oh non !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’assume donc parfaitement d’avoir déposé cet amendement, par respect pour cette institution et pour le débat : nous avons pu exposer les raisons de fond qui nous opposent.
M. Vincent Éblé. Il est encore temps de le retirer ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous pouvez y compter !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, je fais pleine confiance au Sénat pour faire usage de tous les moyens dont il dispose pour contrôler le Gouvernement !
M. Jean-François Husson. Pas de chance… (Sourires.)
M. Vincent Éblé. Il fallait que le résultat soit clair ; il l’est !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier 2021
par la date :
14 décembre 2020
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Ce qui est bien, c’est que ce débat est aimable…
Beaucoup a déjà été dit sur la nécessité, dans cette situation de crise sanitaire, d’un contrôle attentif et précis du Parlement. C’est pourquoi la prolongation du régime d’exception que représente l’état d’urgence sanitaire doit être relativement limitée, comme je l’ai souligné dans la discussion générale.
En outre, compte tenu de l’évolution rapide de la situation sanitaire dans notre pays, il paraît nécessaire que le Parlement se réunisse dans un délai d’un mois après la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour reconduire ou non des mesures largement dérogatoires à notre droit commun.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er janvier
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
à titre dérogatoire et
La parole est à Mme Esther Benbassa.