M. le président. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons a des conséquences redoutables sur la vie de nos concitoyens. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent aujourd’hui dans des situations de grande précarité et d’insécurité pour leur avenir.
Face à l’urgence sociale, la question de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, prenant en compte l’incidence de la crise sur les comptes sociaux, aurait mérité d’être inscrite à l’ordre du jour du Parlement. Le Gouvernement n’a pas fait ce choix ; il s’est contenté de nous soumettre un troisième projet de loi de finances rectificative en nous martelant deux chiffres : une récession de 11 % et une dette représentant 120 % du PIB en 2020.
Nous écoutons le ministre nous dire, comme il aime à le répéter pour développer son discours sur les finances publiques, que nous nous sommes endettés pour sauver notre économie et que cette « dette covid », nous devrons la rembourser.
Toutefois, je souhaite le rappeler au Gouvernement, c’est lui qui a fait le choix politique d’un financement intégral par le déficit, donc par la dette. D’autres options étaient possibles, car l’on voit bien se dessiner le risque que l’on procède à un dégonflement des dettes publiques par des politiques d’austérité réduisant les dépenses publiques et les politiques sociales. Cela se traduirait nécessairement par une chute de l’activité, donc une baisse des recettes fiscales ; par conséquent, le ratio de la dette par rapport au PIB ne baisserait pas.
C’est au contraire par des ressources fiscales nouvelles qu’il faudrait aborder le sujet de la réduction de la dette, en privilégiant la taxation des hauts revenus, des hauts patrimoines et des entreprises multinationales, ainsi que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Doit-on évoquer l’actualité et le scandale des 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux obtenus par Apple, en Irlande, à cause du laxisme en matière de lutte contre les paradis fiscaux européens ?
Augmenter la fiscalité pesant sur les plus riches, c’est possible. N’avez-vous pas entendu, à l’échelon international, l’appel des Millionnaires pour l’humanité à ce sujet ? Il faut au plus vite rétablir l’ISF ; il faut revenir sur la flat tax, qui plafonne la fiscalité sur les dividendes et assujettir ceux-ci à l’impôt sur le revenu, car rien ne justifie que ce type de revenu fasse l’objet d’un traitement avantageux.
Ce sont autant de pistes que nous aurions aimé voir apparaître dans ce nouveau PLFR. Malheureusement, il n’en est rien. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen du texte.
Il faut relancer notre pays par le biais des territoires, de tous les territoires, c’est-à-dire par les territoires urbains, qui ont besoin de logements, de services, d’équipements et d’accompagnement dans la formation et l’emploi. Il s’agit donc de renforcer la politique de la ville. C’est-à-dire aussi par les territoires ruraux. Je ne cesserai de rappeler, dans cet hémicycle et au-delà, que nos territoires ruraux sont une chance et un atout pour l’avenir de notre pays. Ils sont à même d’apporter les solutions aux problèmes que rencontre notre société, par leurs capacités d’accueil, les réseaux, les équipements et les services déjà présents et souvent non saturés. Ils offrent également des réponses alternatives aux phénomènes de concentration, de saturation et de pollution qui touchent les territoires urbains.
À cet égard, nous proposerons de voter le financement d’un nouveau programme, intitulé Villages du futur, pour favoriser le développement des villages constituant des pôles de centralité pour leur territoire et de ceux qui participent au maillage nécessaire pour fournir à la population les équipements, infrastructures et services indispensables.
Je proposerai également de réévaluer la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui constitue le soutien le plus efficace aux petites communes et participe ainsi indiscutablement à la cohésion des territoires. C’est aussi répondre aux attentes des populations urbaines souhaitant réaliser leur rêve de campagne, comme l’ont montré les flux de population lors du confinement.
Il ne peut y avoir de relance de notre économie sans soutien, via des dispositifs d’exonération fiscale et sociale, à nos zones rurales et aux entreprises qui souhaitent s’y installer et aux services qui y sont implantés. C’est le sens des amendements que nous défendrons, afin de proroger le bénéfice du classement en zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les communes sortantes, jusqu’au 31 décembre 2021.
Pour financer les actions à destination de ces territoires, pourquoi ne pas envisager des rural bonds, afin d’orienter l’épargne locale en faveur de l’investissement dans les territoires ruraux ?
Je souhaite poursuivre mon intervention en évoquant deux sujets essentiels, insuffisamment pris en compte dans le projet de loi qui nous est soumis : la jeunesse et la transition écologique.
Il y a urgence à répondre à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché de l’emploi dans les prochaines semaines, ainsi qu’à l’angoisse de ceux qui basculent déjà dans la précarité.
Le Président de la République a fait des annonces ce 14 juillet. Nous avons entendu hier et tout à l’heure celles du Premier ministre, que vous avez reprises, monsieur le ministre.
Afin d’être à la hauteur des enjeux, nous vous proposerons d’aller plus loin, en retenant deux dispositifs, une « prime rebond premier emploi », pour toutes les entreprises qui embauchent un jeune, et une « aide rebond premier emploi », à destination des jeunes disposant de faibles ressources et en recherche d’emploi.
En matière d’emploi, chaque jour, les plans sociaux tombent en cascade sur le pays, que ce soit au sein d’Air France, d’Airbus, d’Alstom ou de Sanofi ou d’entreprises plus modestes. Il devient urgent de réconcilier les différents acteurs de l’économie. Pour cela, nous avons besoin d’un nouvel esprit d’entreprise qui amplifie les efforts en faveur de plus de justice sociale, d’écologie et d’emploi. Il revient à l’État de n’accorder son soutien qu’aux entreprises qui poursuivent ces objectifs et qui renoncent à verser des dividendes à leurs actionnaires en 2020.
Sur le plan de la transition écologique, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle doit être engagée rapidement, elle n’est toujours pas au programme du « monde d’après ». Dans les faits, est-il encore raisonnable de renflouer des multinationales polluantes, en toute opacité, sans contrôle démocratique, sans contraintes ni réelles contreparties exigées de leur part ? On ne peut injecter des dizaines de milliards d’euros dans l’économie et dans les entreprises, sous forme de prêts ou d’aides diverses, sans exiger des garanties pour le maintien de l’emploi et signer des engagements environnementaux forts.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Patrice Joly. Enfin, que dire du soutien à nos collectivités locales, qui sont les parents pauvres de ce budget, alors même qu’elles vont subir une perte évaluée à 7,5 milliards d’euros ?
Je veux évoquer plus particulièrement les départements : après avoir assumé matériellement et financièrement les dispositifs de protection, on leur demande, dans l’urgence, de porter la responsabilité exclusive du financement des primes dont devrait légitimement bénéficier le personnel des Ehpad et des services à domicile. Les départements prennent également en charge l’accompagnement des personnes en difficulté. La réforme de l’assurance chômage fait peser sur eux un risque financier sérieux. De même, l’augmentation importante du nombre de nouveaux demandeurs d’emploi entraînera un accroissement du RSA qu’ils devront assumer. Or, pour l’heure, en matière de soutien concret aux départements, il n’existe essentiellement que des avances, lesquelles ne leur permettront pas de rétablir leurs équilibres financiers.
Dans un récent rapport, le Haut Conseil des finances publiques recommande d’aider les collectivités à accompagner les acteurs locaux sur le terrain. Notre pays a besoin d’un investissement massif pour soutenir les communes, les conseils départementaux et les conseils régionaux dans leurs projets de transition écologique sur divers thèmes – mobilités alternatives, rénovation énergétique des bâtiments publics, agriculture locale de qualité, économie circulaire notamment.
Vous l’aurez compris, ce PLFR porte un plan de soutien inachevé du point de vue économique, social et écologique. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous espérons que les solutions que nous vous proposerons lors de nos débats retiendront toute votre attention et bénéficieront de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Guyane vit actuellement une situation unique au sein de la République. C’est le seul territoire français à continuer à être frappé de plein fouet et avec virulence par la pandémie.
Les derniers chiffres, qui sont tombés aujourd’hui, sont très éloquents. Pour une population de 280 000 habitants, on compte 6 393 cas confirmés, avec un R0 oscillant entre 2,5 et 3, 166 patients hospitalisés, dont 26 en réanimation, 12 évacuations sanitaires vers les Antilles – les lits en réanimation font souvent défaut en Guyane, ce qui nécessite d’évacuer nos malades vers les Antilles – et 34 décès. Et le pic épidémique n’est prévu que pour la fin du mois !
Sur le plan économique, la situation est tout aussi inédite, avec un confinement qui n’a, en fait, jamais cessé depuis le 17 mars. En effet, le déconfinement de juin s’est vite traduit par un confinement ciblé, avec des restrictions sévères, comme la mise en quarantaine de quartiers et de villages ou l’instauration d’un couvre-feu. Les conséquences sont dramatiques : nombreuses disparitions d’entreprises, augmentation du chômage, accentuation de la précarité, recul de l’activité de plus de 25 %…
Aussi, si je salue les mesures déjà prises par le Gouvernement pour compenser les effets de la crise et celles qui sont proposées dans ce PLFR 3 pour les entreprises et les collectivités locales, la situation des collectivités de Guyane appelle une attention particulière, en raison de ce contexte si singulier dans lequel elles continuent d’évoluer. L’état d’urgence sanitaire y a d’ailleurs été prorogé et est toujours en vigueur, comme à Mayotte.
Le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre des outre-mer ont pu s’en rendre compte lors de leur tout récent déplacement en Guyane. Élus locaux, syndicats, collectifs citoyens, socioprofessionnels, tous se sont mobilisés pour leur présenter des demandes légitimes et précises, avec une attente très forte de réponses concrètes et positives. Si certaines de ces demandes peuvent être satisfaites par décret, comme un fléchage des fonds de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) mieux adapté aux réalités des départements et régions d’outre-mer, d’autres sont d’ordre législatif et peuvent déjà entrer dans le champ de ce PLFR 3.
Aussi, je compte sur vous, mes chers collègues, pour soutenir mes amendements, qui se justifient tous par la nécessité d’éviter un scénario catastrophe sur le plan social pour la Guyane. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je veux d’abord remercier tous les intervenants de leurs propos et de leurs propositions. Je ne doute pas que, lors de l’examen des amendements, nous essaierons d’apporter des réponses et de trouver des consensus chaque fois que c’est possible.
Je veux m’arrêter sur quelques points qui ont fait l’objet de questions récurrentes.
Premièrement, pour ce qui concerne l’articulation entre le PLFR 3, le plan de relance et le projet de loi de finances pour 2021, nous avons fait le choix, eu égard au calendrier, de ne pas présenter de PLFR 4. L’examen du troisième PLFR va nous occuper jusqu’à la fin du mois de juillet. Le PLF sera ensuite présenté au conseil des ministres à la fin du mois de septembre prochain, avec des mesures de financement.
Cela ne signifie pas que nous n’avons pas d’autres outils ou d’autres véhicules pour assurer le financement de mesures en 2020. En effet, nous avons la possibilité de redéployer un certain nombre de crédits. Surtout, nous disposons d’un projet de loi de finances rectificative de fin d’exercice, que nous utilisons traditionnellement pour adapter la fin de gestion. Cette dernière sera aussi l’occasion d’augmenter autant que nécessaire les crédits dont nous avons besoin.
Nous veillons à ce que toutes les mesures qui ont été annoncées soient financées. Vous pardonnerez, j’en suis convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère non pas acrobatique, mais parfois un peu compliqué de ce financement. Nous nous adaptons à la crise, à ses conséquences et nous veillons à ce que les dispositifs qui ont été mis en place soient alimentés, pour qu’ils puissent être financés tout au long de la crise. Nous évoquerons également avec vous, pendant ce débat, le financement des mesures annoncées par le Premier ministre et le Président de la République, sachant que certaines d’entre elles feront l’objet de financements soit dans le cadre de la fin de gestion, soit au moyen de redéploiements.
Je tiens à préciser, notamment pour rassurer celles et ceux qui s’inquiéteraient d’une impossibilité de financer les mesures de relance sur la fin de l’exercice 2020, que les premières mesures mises en œuvre – je pense, par exemple, à la prime pour l’apprentissage – sont contenues dans ce PLFR et pourront donc être financées, mais aussi que nous savons pertinemment que les investissements qui seraient décidés aujourd’hui ne donneront pas lieu à décaissement avant le début de l’année 2021. De cette manière, nous savons que nous pouvons sécuriser les financements des différentes actions.
Deuxièmement, je tiens à revenir sur un certain nombre d’interrogations qui ont pu être exprimées.
M. Dallier, comme lors de l’examen du PLFR 2, a évoqué l’équilibre du Fonds national d’aide au logement. Ainsi que je l’ai indiqué, notre perspective est celle de la réforme des APL. Lorsque nous mettrons en œuvre cette réforme, nous tiendrons compte des conséquences budgétaires qui ont été évoquées à l’occasion de la discussion du PLFR 2 pour honorer les engagements pris et prendre en considération le retard. Le PLFR de fin de gestion nous permettra de procéder à ces corrections. Nous ne le faisons pas à ce stade, considérant qu’il est trop tôt pour prendre de telles dispositions, mais nous travaillons toujours à la mise en œuvre de la réforme des APL.
Je veux également aborder la question des collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de chacun des articles les concernant, mais je veux souligner le caractère totalement inédit des mesures que nous proposons. À aucun moment de l’histoire récente, les conséquences d’une crise n’ont été compensées auprès des collectivités sous forme de garantie de ressources. La dernière crise systémique que nous ayons connue, celle de 2008-2009, s’était traduite, pour les collectivités, par la possibilité d’anticiper le versement d’une annuité de FCTVA en recettes d’investissement. À aucun moment n’avait été évoquée une compensation des pertes de recettes, qu’elles soient fiscales ou domaniales.
La garantie de recettes sur un niveau moyen calculé sur trois ans que nous mettons en œuvre est donc inédite. Si nous avons retenu cette période de trois ans, c’est à la fois dans un souci de lissage, pour tenir compte de variations qui peuvent être exceptionnelles dans certaines collectivités, mais aussi parce que c’est la durée habituelle pour l’évaluation des transferts de charges, notamment dans le cadre de l’intercommunalité.
Je veux dire à M. le sénateur Menonville que le versement de 1 000 euros minimum ne répond pas à une logique d’aide forfaitaire aux collectivités, puisque nous prenons en charge la différence entre les recettes perçues en 2020 et la moyenne des recettes des trois dernières années. En revanche, l’Assemblée nationale a adopté, avec le soutien du Gouvernement, une mesure selon laquelle ce versement sera au minimum de 1 000 euros pour les collectivités bénéficiaires. Cependant, les collectivités dont les recettes, en 2020, seront égales ou supérieures à la moyenne de celles des trois années précédentes ne seront pas éligibles à un versement. Nous ne pouvons pas admettre la comparaison avec le fonds de solidarité et une forme de versement forfaitaire.
J’entends les demandes de modification des dates butoirs pour les délibérations des collectivités tant pour la CFE que pour certaines exonérations sur des recettes domaniales. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je le dis d’emblée : nous sommes allés au bout des délais que nous pouvons imposer à la direction générale des finances publiques (DGFiP). En raison de la crise, nous sommes aujourd’hui déjà très en retard par rapport aux délais habituels. Reporter les dates butoirs de délibération mettrait les services des finances publiques dans l’impossibilité de respecter un certain nombre d’étapes à venir. Je pense notamment aux conséquences qu’un report pourrait avoir d’ici à quelques mois sur la production des états 1259, qui sont attendus par les collectivités.
C’est la raison pour laquelle nous communiquons actuellement – nous savons gré au Parlement de nous le pardonner – auprès des élus pour les inciter à délibérer, y compris de manière anticipée par rapport à l’adoption des dispositions par le Parlement. Ce n’est pas une formule totalement classique, j’en conviens bien volontiers, mais c’est la seule que nous ayons trouvée pour permettre aux collectivités de procéder aux délibérations, puis de régulariser celles-ci.
Nombre d’entre vous ont évoqué les départements, considérant qu’il aurait peut-être été préférable que ceux-ci soient accompagnés au moyen non d’une avance remboursable, mais d’une subvention. Nous avons discuté de la formule de l’avance remboursable avec le bureau de l’ADF, avec lequel nous travaillons à la fois sur des sujets extrêmement récurrents, comme le financement des minima sociaux, et sur une forme de clause de retour à bonne fortune. En effet, nous avons aussi en tête que, lors de la dernière crise systémique de 2008-2009, les DMTO avaient diminué de 10 à 11 % la première année et de 25 % la deuxième année, mais qu’ils avaient augmenté de 30 % dès 2010 et de nouveau de 25 % en 2011. Autrement dit, l’inversion des cycles en matière de DMTO peut être extrêmement rapide, ce qui nous amène à considérer que les avances, telles que nous les avons pensées, sont tout à fait opportunes et pertinentes pour répondre aux difficultés des départements.
Je terminerai en évoquant des points plus généraux.
Nous sommes effectivement dans une situation extrêmement particulière, avec une dette qui va atteindre 120 % du PIB et un déficit qui s’élève à 220 milliards d’euros, soit 11 % de celui-ci.
M. le sénateur Delahaye nous dit que nous aurions dû proposer des gels ou des baisses de dépenses. Je note cependant que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les propositions en ce sens ne sont pas légion, pour ne pas dire qu’elles sont inexistantes, ce qui est bien normal : il faudrait alors préciser quelles sont les dépenses que l’on diminue…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut supprimer les ARS !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous avons fait le choix du financement de la dette résultant de la covid par un endettement.
M. le sénateur Joly a plaidé pour le rétablissement d’un certain nombre d’impôts ou pour l’augmentation de la contribution des plus riches, en nous faisant le reproche – il n’y a pas d’autre terme, mais les reproches sont normaux quand l’on débat – d’avoir privilégié le choix du financement des mesures d’urgence et de relance par la dette.
Dès ce stade, nous engageons, indépendamment du plan de relance, plus de 130 milliards d’euros de crédits et nous allons engager une centaine de milliards d’euros pour la relance, dont il faut convenir qu’une partie sera mobilisée par Bpifrance et la Caisse des dépôts et qu’une partie pourra aussi être prise en charge dans le cadre du plan européen. Cela signifie que, si nous avions recours à la fiscalité pour financer ces mesures d’urgence et d’accompagnement, ce n’est pas un choc, mais un tsunami fiscal que subiraient les Français et les entreprises ! Si je suis votre logique, monsieur le sénateur, il faudrait trouver une centaine de milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, ce qui conduirait à l’asphyxie, à la thrombose du système économique.
Les chocs économiques et fiscaux qu’ont connus les Français à la fois en 2012-2013 et en 2010 nous incitent plutôt à faire le pari de la croissance et au minimum du maintien, voire de la baisse du poids des prélèvements obligatoires sur la production, pour favoriser le retour de la croissance, sur la base des perspectives relativement positives pour l’année prochaine qu’ont tracées l’Insee ou le FMI. Cela nous paraît la meilleure façon de faire, y compris en travaillant sur la question du cantonnement.
C’est ce qui nous amène d’ailleurs – je le dis en écho à ce qu’a dit M. le sénateur Dallier – à considérer qu’un milliard reste un milliard et que, bien qu’extrêmement particulière, la situation, qui nécessite des crédits et un engagement massif pour répondre à la dette, ne doit pas nous détourner de la nécessité d’une forme de rigueur – c’est à dessein que je ne parle pas d’austérité, notre pays ne l’ayant jamais connue. En effet, il convient de veiller à ce que, au-delà des crédits ponctuels engagés pour faire face à la crise, nous soyons les plus proches possible de la trajectoire triennale qui a été fixée et des engagements que nous avons pris. C’est l’une des conditions de la solidité et de la crédibilité de la signature de notre pays sur les marchés financiers.
On peut nous reprocher d’être à leur merci, mais il faut aussi reconnaître que c’est sur les marchés financiers que nous trouvons les financements nécessaires pour répondre à la crise, mais aussi, plus généralement et plus traditionnellement, pour assurer le financement de l’État. Alors que nous empruntons encore aujourd’hui dans des conditions tout à fait favorables, l’une des lignes de conduite que nous devons observer consiste à garantir la crédibilité de cette signature, pour que les choses soient tenables. C’est ce qui nous amène, sur des crédits qui peuvent avoir un caractère récurrent, à nous en tenir à une certaine rigueur. C’est ce qui m’amène désormais, dans les relations que je peux avoir avec mes collègues pour la préparation du PLF pour 2021, à faire preuve de cette même attention à ce que la trajectoire pluriannuelle soit la mieux respectée possible.
Monsieur le sénateur Patient, je veux vous remercier de vos propos et vous dire l’attention du Gouvernement à la situation de la Guyane et, au-delà, de l’outre-mer. Vous avez très justement noté que, à l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion de défendre des amendements visant à ce que les dispositifs principaux de lutte contre la crise, comme le fonds de solidarité, les prêts garantis, ou encore le dispositif plein et maximal de chômage partiel, soient prolongés, en Guyane, non pas jusqu’à une date butoir arrêtée par la loi, mais jusqu’au dernier jour du dernier mois au cours duquel nous aurons constaté l’état d’urgence, de manière que la durée de ces dispositifs soit adaptée à la situation de ce territoire. Cela dit, je sais que d’autres engagements sont attendus.
Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez estimé que les indicateurs sociaux donnaient le signe qu’il faut agir. Je ne doute donc pas que je pourrai compter sur votre soutien sur un certain nombre de dispositifs. Je pense notamment aux dispositions du projet de loi de finances rectificative qui tendent à soutenir soit l’embauche des plus jeunes, soit l’accompagnement des jeunes précaires, en particulier des étudiants. Je vous rejoins sur la nécessité de faire attention à ces indicateurs. Les dispositions que nous prenons visent à apporter une réponse.
Pour terminer, je fais mien le constat par lequel M. le sénateur Collin a ouvert son propos : la bataille reste à gagner. C’est une évidence. Nous espérons aussi que le plan de relance que nous aurons l’occasion de présenter dès la rentrée, avant même que le projet de loi de finances soit soumis au conseil des ministres, nous fournira des armes supplémentaires pour gagner cette bataille. (MM. Julien Bargeton et Yvon Collin applaudissent.)
M. le président. La discussion générale est close.
Je rappelle que la discussion des articles commencera demain, à onze heures.
Je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à dix-huit heures pour les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)