Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, pour une raison simple : nous avons déjà fait l’erreur une fois, nous avons été condamnés au niveau aussi bien national qu’européen, et il a fallu ensuite récupérer le montant de cette taxe jugée comme contraire à l’égalité devant l’impôt, m’obligeant à présenter devant vous une surtaxe de 3 % à l’impôt sur les sociétés pour récupérer le montant de cette taxe sur les dividendes, jugée illégale.
Nous avons fait l’erreur une fois ; ne la faisons pas deux fois !
En revanche, qu’il faille plus de justice fiscale, j’en suis le premier convaincu ! (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
Qu’il faille une fiscalité plus verte, nous sommes tout à fait prêts à aller dans ce sens dans le cadre du plan de relance ! Mais si vous voulez une fiscalité plus juste, aidez-moi, monsieur le sénateur – et je sais que votre groupe y est prêt –, à mettre en place une taxation digitale au niveau non seulement national, mais aussi européen.
Vous voulez aller chercher la richesse là où elle se trouve ? Ce sont les géants mondiaux du numérique qui ont fait les plus grands profits pendant cette crise économique ! Ce sont eux qu’il faut aller taxer et c’est cette taxation digitale qui sera juste.
Vous voulez une taxation verte ? Aidez-nous à mettre en place une taxation carbone aux frontières de l’Union européenne ! En effet, rien ne sert de décarboner notre industrie française si nous ne sommes pas capables de récupérer une taxation carbone sur les produits importés de l’extérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains.)
Vous voulez une taxation plus juste ? Aidez-nous à étendre, au niveau européen, la taxation sur les transactions financières qui a été mise en place en France ! Étendons-la, plutôt que de la limiter au strict plan national !
Vous voulez une taxation juste ? Aidez-nous à lutter contre l’évasion fiscale… (Rires sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Ne nous dites pas ça à nous !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et contre l’optimisation fiscale ! Je pense, ici, à l’instauration d’une taxation minimale à l’impôt sur les sociétés, pour laquelle nous nous battons au niveau international et avons déjà trouvé un accord avec l’Allemagne.
M. Fabien Gay. Grand numéro !
M. Bruno Le Maire, ministre. Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les chantiers à mettre en œuvre sont nombreux pour disposer d’une fiscalité plus juste, que ce soit à l’échelon national ou à l’échelon international. Pour cela, plus que réitérer les erreurs du passé, il faut inventer la fiscalité du futur ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je comprends bien la difficulté qui est la vôtre… Mais reprocher aux élus communistes républicains citoyens et écologistes de ne pas être à vos côtés dans la lutte contre l’évasion fiscale, c’est manquer de sérieux ! Franchement ! (Exclamations sur les travées du groupe LaREM.)
Vous pouvez sourire, monsieur le ministre ; l’opinion publique ne sourit pas, elle. On ne peut pas balayer d’un revers de main la question. Ainsi, il serait impossible de toucher à 4 % des dividendes des entreprises les plus importantes… Au cours des dix dernières années, les dividendes ont augmenté de 70 % ! Connaissez-vous une personne, mes chers collègues, un salarié ou un paysan, dont la rémunération a crû de 70 % au cours des dix dernières années ?
Ce n’est pas sérieux ! Chaque fois que l’on vous présente des propositions, dans le domaine social ou environnemental, impliquant un effort fiscal des plus riches, la réponse est toujours la même : non !
Vous faites là une opération de communication : c’est du capitalisme vert ! Je vous le dis, monsieur le ministre, je le dis au Gouvernement et je pourrais le dire de la même manière au Président de la République, vous pratiquez un populisme extrêmement dangereux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
bilan des élections municipales
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. « Et de droite, et de gauche » : c’était le mantra du candidat Macron en 2017 ! Le candidat devenu Président de la République, les Français ont vite constaté que son gouvernement – le vôtre, monsieur le Premier ministre – s’inspirait plutôt du principe « ni de gauche ni de gauche »,…
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme Laurence Rossignol. … et ce jusqu’au second tour des élections municipales où il est clairement passé à « et de droite, et de droite » ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
Tout cela a pu sembler un peu confus aux Français. En revanche, le message qui vous a été envoyé dimanche dernier est assez clair. C’est : « ni en marche ni en marche » ! (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Même si les élections intermédiaires sont souvent difficiles pour les gouvernements en place, celles de 2020 constituent une cuvée assez spectaculaire.
À quelques exceptions près, et pas des moindres – je profite de cette intervention, monsieur le Premier ministre, pour saluer de manière républicaine votre élection au Havre, d’autant que la dimension personnelle de cette élection est probablement importante –, la majorité ne conquiert aucune ville importante.
Elle en perd même certaines, qu’elle avait obtenues auparavant grâce à des transfuges, souvent issus, d’ailleurs, de nos propres rangs. Je pense à Lyon, Besançon ou encore Strasbourg. C’est arrivé, aussi, dans mon département…
C’est sans parler, bien sûr, des échecs de vos ministres, qui comptaient bien faire main basse sur la ville de Paris et qui, comme chacun le sait, ont eux aussi échoué.
Le taux d’abstention inédit, malgré vos promesses de réconcilier les Français et la démocratie, ne relativise pas pour autant la clarté du message adressé au Président de la République et à sa majorité.
Monsieur le Premier ministre, en campagne au Havre, vous avez dit aux Havrais que vous reviendriez en 2022. Ma question est simple : souhaitez-vous continuer à diriger la France, et avec quelle orientation politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement. (Protestations sur des travées du groupe SOCR.)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Vous avez l’air déçue, madame Rossignol…
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse au Premier ministre…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. La porte-parole du Gouvernement est inscrite sur le dérouleur, mais, comme c’est une question sérieuse, sans doute fallait-il que ce soit un homme qui y réponde…
M. Marc Fesneau, ministre. Je voudrais d’abord saluer toutes celles et ceux qui ont décidé, à l’occasion de ces élections municipales, comme de toutes les autres élections, de défendre leurs idées. Il n’y a rien de plus sain et de plus honorable en démocratie ! C’est pourquoi il convient de saluer toutes ces personnes ayant fait le choix de s’engager, qu’elles aient gagné ou perdu – gagner ou perdre, ainsi va le jeu démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mais un autre point devrait nous alerter, dont vous avez assez peu parlé, madame Rossignol. Il s’agit de l’abstention, une question importante pour nous. Alors que le maire est sans doute l’élu le plus apprécié, c’est au cours de cette élection que l’on a enregistré la plus forte abstention. Cela doit nous interroger !
Vous avez l’air, par ailleurs, de vouloir en faire un test national.
Si tel est le cas, alors permettez-moi de saluer les victoires de Gérald Darmanin, à Tourcoing, et d’Édouard Philippe, au Havre – je n’ose parler de ma propre élection dans ma commune… (MM. Martin Lévrier, Emmanuel Capus, Alain Cazabonne et Franck Menonville applaudissent.)
En tout cas, soit c’est un test national, soit c’est une élection locale ! Comme l’équation personnelle compte – vous l’avez dit vous-même –, faisons-en plutôt une élection locale !
Enfin, d’expérience, les batailles électorales invitent à la modestie et à la lucidité.
Comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste et républicain, il vous est arrivé de gagner des élections et d’en perdre !
Vous en avez perdu en 1997, en 2002, en 2007 ; moi aussi, j’en ai perdu… Des élections locales, des élections nationales… Tout cela devrait nous inviter à la modestie ! Certaines victoires ne sont pas vraiment ce qu’elles paraissent être et certaines défaites privent, parfois, de lucidité. Dans toutes les situations, ce travail de lucidité est à faire !
Mme Laurence Rossignol. C’est au Premier ministre que j’ai posé ma question !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous ne répondez pas à la question !
M. Marc Fesneau, ministre. Enfin, madame la sénatrice Rossignol, les résultats sont variables d’un département à l’autre, car, vous le savez comme moi, l’équation locale a compté.
La seule exigence que nous devons avoir, conformément à notre engagement d’élu, sur le plan national ou local, c’est de faire prévaloir l’intérêt national ou l’intérêt local. Maintenant qu’il y a des élus, il faut nous en féliciter et travailler avec eux pour faire avancer le pays. Les défis sont nombreux ; ensemble, nous pourrons les relever ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)
situation du secteur automobile et de l’entreprise borgwarner en particulier
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la crise économique frappe le secteur automobile. Le Gouvernement a déjà annoncé un plan conjuguant relance économique et transition écologique. Malgré tout, de nombreuses suppressions d’emplois sont à venir.
Je vais parler, en particulier, du département de la Corrèze, où nous apprenions brutalement, le 25 juin dernier, une très mauvaise nouvelle : l’entreprise BorgWarner, qui emploie 368 salariés, fermera son usine en 2022.
BorgWarner a racheté l’entreprise séculaire de Tulle en 1995, avant de transférer sa production sur une zone industrielle réalisée par le conseil départemental en 2005. Pendant plusieurs années, près de 700 salariés ont travaillé dans l’entreprise pour la fabrication de boîtes de vitesses à double embrayage, process abandonné dans les voitures électriques. La production est, à 95 %, destinée aux marques Volkswagen-Audi.
Malgré les alertes réitérées des syndicats, la direction n’a pas souhaité enclencher de diversification, préparant ainsi la délocalisation de l’entreprise.
Après la tristesse des employés, des familles et des responsables politiques devant cette catastrophe économique, les élus du bassin de Tulle – les parlementaires, dont mon collègue Claude Nougein, et le président du conseil départemental Pascal Coste – viennent aujourd’hui, par ma voix, vous demander d’aider la Corrèze et ce bassin de Tulle, sinistré, afin de trouver ensemble une solution de reprise du site et de ses employés.
La transition écologique devrait, dit-on, entraîner le développement de nouvelles productions… Cette entreprise avait été créée, en 1895, pour produire des cycles. Aujourd’hui, nous ne produisons en France que 700 000 vélos par an, soit un quart de notre consommation, alors que cette production atteint 2 millions d’exemplaires en Allemagne, en Italie et, même, au Portugal !
Dans un tel contexte, ma question est simple : comment pensez-vous, monsieur le ministre de l’économie et des finances, assurer une transition écologique véritablement solidaire, qui ne sacrifie pas les emplois et permette la survie de cette entreprise corrézienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Chasseing, la transition écologique est une nécessité absolue – je pense que tout le monde, ici, en est convaincu –, mais le défi auquel elle nous confronte est tout aussi considérable : il faut accompagner cette transition écologique d’une transition de l’industrie et des emplois.
Le site de BorgWarner à Tulle – je pourrais citer d’autres sites industriels du secteur de l’automobile, qui produisent des injecteurs diesel ou des pièces pour les véhicules thermiques – en est une illustration parfaite.
Avec 368 emplois, c’est le premier site industriel de Corrèze. L’annonce de sa fermeture – j’ai eu l’occasion d’appeler le président du conseil départemental de Corrèze, Pascal Coste, pour en parler – est donc un drame pour la ville de Tulle, mais aussi pour d’autres bassins d’emploi, comme la vallée de l’Arve et tous ses décolleteurs qui produisaient des pièces pour BorgWarner.
On voit bien comment cette transition écologique et ce passage du moteur thermique au moteur électrique ont un effet en cascade sur l’emploi, nous obligeant à trouver des solutions innovantes.
La solution est-elle de préserver, à tout prix, tous les emplois liés à la production de moteurs thermiques ? Certainement pas ! C’est l’assurance d’un drame social et économique encore plus important, à une vitesse que personne ne mesure ici.
La bonne solution, en revanche, consiste à trouver d’autres possibilités industrielles, à diversifier ces sites industriels, à former et qualifier les salariés.
Je demande donc aux responsables de BorgWarner, dans les deux ans qu’ils ont devant eux, de faire tout le nécessaire pour accompagner chaque salarié. Je prends l’engagement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avec les élus locaux, notamment le président du département, nous ferons tout – je dis bien : tout – pour trouver des solutions industrielles innovantes, permettant de garantir, non pas dans le domaine du véhicule thermique, mais sur d’autres activités, un avenir industriel à ce site de Tulle, en Corrèze. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – M. Pierre Louault applaudit également.)
parquet national financier
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.
La semaine dernière, un journal révélait que, pendant plusieurs années, les portables d’avocats de renom avaient été surveillés dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le parquet national financier (PNF).
Cette enquête, décidée pour une prétendue violation du secret professionnel, a été ordonnée alors que, quelques jours avant, le 26 février 2014, une information judiciaire avait été ouverte sur des faits connexes. Malgré l’absence de preuves, le parquet national financier l’a relancée en octobre 2016, sans succès non plus. En décembre 2019, un classement sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » est même prononcé.
Les conditions de cette enquête sont troublantes. Elle n’a pas été jointe au reste de la procédure pendant longtemps et ses résultats ont été cachés à la défense. Le PNF a agi comme une juridiction d’exception, qui nous rappelle les pires errements d’une justice livrée à elle-même.
L’autorité judiciaire ne saurait être hors contrôle ! Veiller à l’intégrité des comptes publics ou privés est une chose ; régler des comptes avec les hommes politiques en est une autre ! « La cour rend des arrêts, et non pas des services », disait un grand magistrat du XIXe siècle.
Cette imbrication malsaine du parquet national financier dans le jeu politique nous a même valu, voilà trois ans, une élection présidentielle insolite, où le favori n’a même pas été qualifié pour le second tour.
À la suite de propos tenus par l’ancienne procureure du PNF, le Président de la République a saisi le Conseil supérieur de la magistrature et vous, madame la garde des sceaux, avez demandé timidement un rapport circonstancié sur la nature précise de l’enquête qui a été menée. Il était temps de saisir l’inspection générale de la justice, car c’est l’existence même du PNF qui pose problème.
Madame la garde des sceaux, qu’entendez-vous faire face à cette crise de confiance envers la justice, pour que, après le « mur des cons », ne s’érige pas le « mur de la honte » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Cazabonne et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Charon, je comprends l’émotion qu’ont suscitée les propos de Mme Éliane Houlette, lors de son audition devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale.
Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République, qui est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, a sollicité un avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Pour ma part, j’ai partagé l’émoi et les interrogations suscitées par les révélations de l’hebdomadaire Le Point. C’est pourquoi j’ai demandé – et sans timidité aucune – un rapport à Mme la procureure générale de Paris, qui me l’a rendu hier soir.
À la lecture de ce rapport, j’ai immédiatement décidé de saisir l’inspection générale de la justice, afin que celle-ci puisse déterminer l’étendue et la proportionnalité des actes d’investigation, ainsi que le cadre procédural de l’enquête ayant été effectuée.
Pour autant, je crois important de ne pas faire d’amalgame, monsieur le sénateur, et je voudrais à cet égard rappeler trois points.
Premier point, si des dysfonctionnements sont révélés par l’inspection générale de la justice, il faudra les reconnaître, mais le parquet national financier est une institution garante de la souveraineté judiciaire de notre pays. Dans des dossiers tels que celui de HSBC ou de Google, il a vraiment montré son expertise et sa compétence, qui lui valent une reconnaissance internationale.
Deuxième point, dans aucune affaire, le Gouvernement n’a donné d’instruction individuelle à aucun magistrat. C’est important à redire, car c’est le gage de la confiance que les Français doivent avoir dans la justice. Nous donnons des instructions générales parce que la structuration hiérarchique du parquet à la française nous l’autorise, mais nous ne donnons pas d’instructions individuelles.
Troisième point, des réponses adaptées à ces situations seront apportées. Il est effectivement essentiel de ne pas laisser le doute s’installer. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai confiance dans la justice française ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
convention citoyenne pour le climat
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Président de la République recevait lundi les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat. Notre groupe tient à saluer la qualité des travaux menés par ce panel de citoyens, qui se sont engagés en faveur d’une transition écologique ambitieuse pour notre pays.
Le chef de l’État a indiqué reprendre 146 des 149 propositions formulées et souhaiter les transmettre « sans filtre » au Parlement pour ce qui relève de la loi. Un texte comprenant diverses mesures est ainsi annoncé pour la rentrée.
Nous aurions besoin d’éclaircissements sur ce point et, surtout, de l’assurance que ces mesures seront bien accompagnées des financements nécessaires sur le court terme, et pas seulement dans un cadre pluriannuel.
Sur le sujet, par exemple, de l’agriculture et de l’alimentation durables, qui me tient particulièrement à cœur, les enjeux économiques sont effectivement indissociables des enjeux environnementaux.
Il faut renforcer la lutte contre les inégalités sociales face à l’alimentation ; les agriculteurs doivent être accompagnés dans la transition agroécologique en termes d’aide financière, mais aussi de formation. Sans engagement résolu de l’État en la matière, les propositions formulées risquent de rester lettre morte.
« Il faut maintenir […] des usines partout sur le territoire, ne pas concentrer celles-ci dans les métropoles les mieux desservies » : je cite là les propos que le Président de la République a tenus, le 29 juin dernier, devant la Convention citoyenne pour le climat. Parallèlement, à Morlaix, dans le Finistère, la compagnie Hop !, compagnie régionale d’Air France, informe de la fermeture d’un site de maintenance aéronautique de 276 employés.
Monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous agir ? Il est encore temps d’éviter ce genre de désastres, dans des territoires en difficulté, et d’être véritablement en cohérence avec les engagements de la Convention citoyenne pour le climat. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, le Président de la République a reçu, lundi, les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat et il a été au rendez-vous, en reprenant en quasi-totalité – 146 sur 149 – leurs propositions.
Au-delà de cet engagement, il a annoncé un certain nombre de calendriers précis, avec, à la fois, un conseil de défense écologique organisé d’ici à la fin du mois pour prendre les mesures relevant du niveau réglementaire, donc du Gouvernement, et l’annonce de l’intégration dans le plan de relance d’un montant de 15 milliards d’euros supplémentaires destiné à accélérer la transition écologique.
J’espère que cela répond à votre question, car cette transition écologique, effectivement, exige des soutiens financiers, que ce soit pour permettre une transition plus rapide du modèle agricole, pour accentuer le rythme de la rénovation des bâtiments – notamment des passoires thermiques – ou pour accroître les investissements dans le transport ferroviaire.
Ces 15 milliards d’euros supplémentaires, donc, seront bien intégrés au plan de relance.
Enfin, un projet de loi spécifique sera présenté à la rentrée, texte que nous allons naturellement élaborer en concertation avec les élus, les parlementaires et les citoyens.
Je partage évidemment vos propos, monsieur le sénateur : cette évolution engendre des transformations profondes dans les territoires ; elle doit entraîner l’ensemble des Français et l’ensemble de ces territoires. C’est bien, en tout cas, le sens de la transition écologique et solidaire que nous voulons mener.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Le secteur de la santé, tout particulièrement l’hôpital public, fait face à des difficultés majeures depuis des années. Nous avons légitimement cru, après les grèves des urgences, la démission des chefs de services hospitaliers, la colère des personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais surtout après cette terrible crise sanitaire durant laquelle tous nos soignants ont été au front, jour et nuit, que vous les aviez enfin entendus et que les problèmes les plus urgents, notamment les dégradations des conditions de travail et les rémunérations insuffisantes, allaient être pris en considération.
Or il n’en est toujours rien aujourd’hui !
Le Ségur de la santé ne répond pas aux questions, car nos soignants sont de nouveau dans la rue. Ces mêmes soignants qui ont risqué, parfois perdu la vie pour nous sortir de la covid-19. Ces mêmes soignants que nous applaudissions tous les soirs à la même heure pour les remercier de leur dévouement et de leur engagement. Ces mêmes soignants qui sont en droit d’attendre mieux, et plus, que des médailles ou quelques primes.
Les faits et les chiffres sont là. En France, nos médecins hospitaliers sont payés 40 % de moins que leurs collègues allemands. Nos infirmiers, comme nos aides-soignants sont rémunérés 20 % de moins que leurs homologues européens. Mais cela va encore plus loin : l’administration a submergé la santé en France, tout particulièrement l’hôpital, où le personnel soignant et sachant a depuis longtemps perdu tout pouvoir. Oui, nous l’affirmons, notre système de santé actuel est d’abord malade de la sur-administration !
Il y a urgence à repenser toute l’organisation du travail des services publics de santé : les charges administratives ne doivent plus entacher leur quotidien ; la gouvernance des hôpitaux doit être reconsidérée ; les moyens humains et logistiques adaptés ; le management et la formation améliorés.
Le Gouvernement va me répondre qu’il vient, au travers du Ségur de la santé, d’annoncer des revalorisations. Ces dernières ne répondent pas aux attentes légitimes des professionnels de santé, qui n’ont pas de mots assez forts pour critiquer ce qui n’est toujours que du saupoudrage.
Pourquoi le Ségur de la santé élude-t-il les problèmes de gouvernance à l’hôpital ? Pourquoi renoncer à « dégraisser le mammouth administratif » ? Qu’attend-on pour remplacer ce qui est un plan de communication par une vraie réforme en profondeur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean Sol, vous interrogez le Gouvernement sur les concertations qui se tiennent à l’occasion du Ségur de la santé. Les objectifs annoncés, tant par le Premier ministre que par le ministre des solidarités et de la santé, sont clairs et nous ferons tout pour qu’ils soient tenus.
Vous avez rappelé les constats. C’est face à ces constats que nous avons, dans le cadre du Ségur de la santé, établi quatre piliers.
Le premier est la revalorisation des rémunérations et des carrières des soignants. Le Gouvernement est prêt à mettre 6 milliards d’euros par an sur la table pour restaurer l’attractivité de ces métiers et améliorer la qualité des soins. Cette proposition a été présentée, voilà quelques jours, aux partenaires sociaux représentant les personnels médicaux, les personnels paramédicaux, les internes et les étudiants.
Le deuxième est la relance de l’investissement et la définition de nouveaux modèles de financement. La reprise du tiers de la dette des hôpitaux, dont vous débattrez cet après-midi, mesdames, messieurs les sénateurs, représente un effort de 13 milliards d’euros pour la Nation. Dans le cadre du Ségur de la santé, nous discutons également d’un nouveau plan d’investissement pour les établissements de santé, les Ehpad et le numérique en santé.
Le troisième est le travail sur le système, notamment sur la gouvernance, pour apporter plus de souplesse et de simplicité. En effet, les soignants doivent soigner, et non crouler sous l’administration : c’est bien le cœur de la problématique traitée dans ce troisième pilier.
Le quatrième est la mise en place d’organisations plus proches des territoires et impliquant de manière plus collective l’hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social. Il s’agit donc de penser l’accès aux soins, au plus près des territoires, et de faire en sorte que tous les professionnels travaillent ensemble. C’est notre boussole !
Vous nous dites que tout cela prend du temps… Nous nous sommes donné 50 jours ; les négociations sont en cours. Actuellement, le ministre de la santé se trouve même avec l’ensemble des représentants et partenaires sociaux pour continuer à discuter et, d’ici à quelques jours, les annonces seront faites. (M. François Patriat applaudit.)
sommet du g5 au sahel