M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui le texte issu des travaux que vous avez menés de concert avec les députés en commission mixte paritaire.
Je suis heureuse et assez émue d’être devant vous aujourd’hui : c’est ici que l’examen de ce texte a commencé et c’est ici qu’il s’achève. Il s’agit, finalement, d’un parcours circulaire !
À toutes les étapes de la discussion, j’ai été convaincue de la nécessité de préserver votre ouvrage. En effet, malgré quelques désaccords, nos heures de débats ont permis l’ajout d’éléments très importants au texte, et je suis ravie que l’accord construit soit le fruit d’un travail équitablement partagé entre les deux chambres. Je tiens à vous en remercier.
Je ne vais pas récrire l’histoire : notre collaboration n’a pas été un long fleuve tranquille…
M. Cyril Pellevat. En effet !
M. Claude Kern. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Certes, mais justement, grâce à nos désaccords, malgré nos positions parfois éloignées, malgré des invectives inutiles, je suis fière de ce texte anti-gaspillage pour une économie circulaire, dont, ensemble, nous avons révélé tout le potentiel.
Rappelez-vous : en septembre dernier, le projet de loi initial, resserré, compact et dense, était composé de treize articles. Tel était le choix du Gouvernement : vous laisser la possibilité d’inclure toutes les riches contributions issues de votre travail pour et avec les collectivités territoriales. Le texte sur lequel vous vous prononcerez dans quelques minutes a vu sa taille multipliée par dix, en grande partie grâce à vos ajouts.
Ce texte, vous et moi pouvons en être fiers. À son échelle, il va changer la vie des Français. Il va aussi améliorer la vie des élus locaux, pour lesquels vous vous battez au quotidien !
M. François Bonhomme. C’est trop gentil !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Bien sûr, je pense d’abord aux moyens nouveaux que nous accordons à la lutte contre les dépôts sauvages. Certes, on a beaucoup parlé de la consigne, mais s’il y a un domaine dans lequel il y a énormément à faire, c’est bien celui-là. Au total, 70 % des déchets sont issus des activités du bâtiment et de la construction.
À ce titre, je salue une fois de plus le travail remarquable mené par Marta de Cidrac. Au reste, madame la rapporteure, c’est notamment dans votre territoire que j’ai pu constater par moi-même, littéralement, la mer de déchets sauvages à laquelle sont confrontés certains élus locaux.
Ce fléau, nous l’endiguerons grâce aux dispositions que vous avez introduites, comme l’attribution de nouveaux moyens de police et de répression aux maires et aux présidents d’intercommunalité. Nous l’endiguerons aussi grâce à la mise en place de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits du bâtiment. C’est un levier indispensable de financement de la reprise gratuite des déchets triés et du nettoyage des décharges existantes.
J’évoquerai également les fonds de réparation et de réemploi solidaire. Ils vont abonder différents types de structures, localement, partout dans les territoires, tout en promouvant efficacement la lutte contre le gaspillage. Ils constituent un très bel exemple du résultat auquel peut aboutir une discussion constructive entre le Gouvernement et le Parlement : la satisfaction d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens ; en d’autres termes, la satisfaction du travail bien fait, même s’il faut encore en assurer la mise en œuvre, comme nous nous y attacherons collectivement.
Enfin, nous avons pu nous accorder sur le « fameux » sujet de la consigne ; je ne peux que m’en réjouir. Nous avons, me semble-t-il, trouvé une position d’équilibre. En vertu du présent texte, les collectivités territoriales auront, dans un premier temps, le délai nécessaire pour exploiter au maximum le potentiel des outils et technologies dont elles disposent aujourd’hui – l’extension des consignes de tri –, et, dans un second temps, nous procéderons à une analyse objective de la situation. Cette analyse pourrait conduire à la mise en œuvre d’un dispositif de consigne qui soit un accélérateur de la transition écologique.
Les Français exigent de nous des actes se traduisant dans leur quotidien, et les collectivités territoriales nous demandent de veiller à ce que leurs investissements puissent être maintenus. Je l’ai dit au cours de nos débats : jamais il n’a été question de les remettre en cause. Même si je l’avais voulu, je ne l’aurais pas pu, grâce à la loi Grenelle de 2009 et à la directive européenne.
Un certain nombre d’interdictions et d’obligations d’information que vous aviez proposées ont été rejetées en seconde délibération. À cette occasion, j’avais affirmé mes réserves concernant ces mesures : j’approuvais les objectifs, mais doutais des moyens. Comme vous avez pu le constater, nous ne les avons pas abandonnées. Elles ont été retravaillées par l’Assemblée nationale et réintroduites dans le texte. C’est là une nouvelle preuve de la grande qualité du travail conjoint de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Ainsi, nous avons pris des mesures fortes au sujet des perturbateurs endocriniens, pour rendre leur présence dans la composition des produits entièrement transparente. Nous avons mis en place une stratégie de sortie du plastique à usage unique en vingt ans, et il ne s’agit pas seulement des plastiques superflus, comme les pailles, les touillettes et les emballages jetables de la restauration rapide. Ces mesures seront mises en œuvre dans les mois à venir, selon une stratégie fondée sur des plans quinquennaux, dont le premier sera publié dans les prochains mois.
De surcroît – c’est une demande de la Haute Assemblée que j’ai faite mienne –, le déploiement de la consigne pour recyclage sera assorti d’un objectif de réduction de la commercialisation des bouteilles en plastique et de développement d’emballages réutilisables. D’ici à dix ans, le nombre de bouteilles en plastique commercialisées sera divisé par deux, soit près de 7,5 milliards de bouteilles en plastique en moins !
Nous avons également interdit la mise sur le marché d’une série de microplastiques intentionnellement ajoutés : je pense aux produits cosmétiques rincés, aux dispositifs médicaux, aux détergents, ou encore aux produits d’entretien. Pour lutter contre la dissémination du plastique dans la nature, nous allons, une nouvelle fois, jouer un rôle pionnier : la France sera la première nation à imposer l’installation de filtres à microfibres de plastique sur tous les lave-linge neufs commercialisés sur le territoire, ce dès le 31 décembre 2024.
M. François Bonhomme. Quelle audace !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Ce projet de loi consacre notre volonté collective de construire une écologie du quotidien, une écologie du rassemblement, qui ouvre la porte à des transformations systémiques tout en valorisant chaque geste citoyen. Sont jetées les bases d’une écologie qui ne renonce pas à l’économie de nos ressources. Nous pouvons collectivement en être fiers. À présent, concentrons-nous sur la mise en œuvre de ces mesures, pour obtenir les résultats concrets que nous demandent les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme la rapporteure, Mme Colette Mélot et M. Éric Gold applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat doit aujourd’hui se prononcer sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. La discussion de ce texte important intervient dans un contexte mondial inquiétant quant à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’agenda 2030.
Le 21 janvier dernier, lors du forum économique mondial de Davos, l’ONG Circle Economy lançait un véritable cri d’alarme : « Aujourd’hui, l’économie mondiale n’est que circulaire de 8,6 %. Il y a tout juste deux ans, elle l’était de 9,1 %. L’écart mondial de circularité se creuse. Il y a des raisons à cette tendance négative, mais le résultat reste le même : les nouvelles ne sont pas seulement mauvaises, elles sont pires. La tendance négative globale peut s’expliquer par plusieurs tendances profondément ancrées dans la tradition de l’économie linéaire, qui consiste à “créer des déchets”. Nous avons désespérément besoin de solutions transformatrices et correctrices ; le changement est une obligation. »
Ce changement, c’est celui qui s’incarne au travers du texte que nous allons voter aujourd’hui. Il traduit la volonté de prévenir une dégradation environnementale accélérée tout en luttant contre les inégalités sociales. L’objectif final est de créer un espace opérationnel écologiquement sûr et socialement juste pour nos concitoyens.
Comme le prévoient les objectifs de développement durable et l’accord de Paris, les pays ont un rôle pivot à jouer.
Madame la secrétaire d’État, ce texte nous permettra d’accélérer le changement de notre modèle de production et de consommation afin de réduire le volume de nos déchets et de préserver notre environnement.
Après les lectures successives au Sénat et à l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire s’est réunie le 8 janvier dernier. Elle est parvenue à un accord adopté à l’unanimité.
Nous avons travaillé en bonne intelligence avec nos collègues députés. Je salue en particulier les efforts de notre rapporteure, Marta de Cidrac, avec qui les échanges ont été nombreux et marqués par un souci permanent d’écoute et de partage.
En dépit de divergences sur certaines mesures, nous pouvons nous féliciter que, grâce à des débats riches, l’objectif commun de la transition écologique nous ait rassemblés. Ainsi, nous avons pu aboutir à une commission mixte paritaire conclusive alliant ambition et pragmatisme.
Le texte auquel nous sommes parvenus me semble parfaitement équilibré. Nous avons conservé les dispositions essentielles adoptées par l’une et l’autre chambres, notamment nombre d’avancées défendues par la Haute Assemblée.
Je le rappelle à mon tour : le projet de loi a été considérablement enrichi par le débat parlementaire, passant de 13 à 130 articles. Avec ce texte, nous devrions donc disposer, en définitive, de tous les outils nécessaires pour revenir sur le modèle linéaire du « produire, consommer, jeter ».
Le premier impératif est de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne. Les mesures que nous avons adoptées pour l’information des consommateurs vont dans ce sens, avec des obligations d’étiquetage et la création de nouveaux indices de réparabilité et de durabilité, qui auront des répercussions dans notre vie quotidienne : les consommateurs seront éclairés quant aux conséquences de leurs choix, et ce premier pas a toute son importance.
Nous responsabilisons aussi les producteurs en appliquant largement le principe pollueur-payeur et en créant de nouvelles filières REP. Cela va de pair avec l’institution des fonds pour le réemploi et la réparation, que je salue même si nous aurions pu aller plus loin dans ce domaine.
Nous avons également engagé un combat contre le gaspillage indécent de ressources que constitue l’utilisation du plastique à usage unique et accru les possibilités et les obligations en matière de recours au réemploi, par toute une série d’objectifs et de mesures concrètes. Nous avons renforcé la lutte contre le gaspillage alimentaire et adopté des mesures pour mettre un terme à la pratique scandaleuse de la destruction des invendus non alimentaires.
La commission mixte paritaire a confirmé le renforcement du pouvoir des maires et des collectivités territoriales pour lutter contre les dépôts sauvages.
Enfin, s’agissant du tri et de la consigne pour réemploi, réutilisation ou recyclage, qui ont suscité tant de débats passionnés, pour ne pas dire plus, la commission mixte paritaire est parvenue, me semble-t-il, à un accord équilibré. La voie médiane trouvée avec nos collègues députés devrait permettre d’atteindre nos objectifs de recyclage tout en respectant les demandes des collectivités territoriales, qui avaient, plus que légitimement, exprimé des inquiétudes. Elles ont été entendues, et je me réjouis que cette solution, plaçant les collectivités au cœur du dispositif, ait été trouvée.
Oui, le travail parlementaire a permis de donner à ce texte une ampleur que nous ne soupçonnions peut-être pas en engageant nos travaux. C’est là une nouvelle preuve de l’intérêt du débat parlementaire, qui, lorsqu’il est constructif, fait toujours prévaloir l’intérêt général.
Madame la secrétaire d’État, avec ce texte, notre pays se dote d’une boîte à outils qui doit lui permettre d’avancer à marche forcée, partagée et raisonnée vers une transition écologique que nous appelons tous de nos vœux et des modèles de consommation plus vertueux.
Le texte voté, il importera d’en déployer sans tarder les avancées et les mesures sur tout le territoire national, pour une véritable mobilisation générale des comportements.
À cet égard, mettre en œuvre, à l’instar de la démarche France Mobilités, déployée pour assurer le « service après vote » de la loi d’orientation des mobilités, une démarche « France Circularité », faisant des parlementaires des ambassadeurs de ce texte, me paraît plus qu’indiqué. Bien entendu, vous nous trouveriez à vos côtés si cette proposition devait être retenue.
Notre pays est riche d’un écosystème circulaire innovant et performant. Nous disposons d’un savoir-faire, mais le faire-savoir est essentiel pour partager toujours davantage la nécessaire transition écologique. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
Lutter contre le gaspillage et pour une économie circulaire : voilà ce qui nous rassemble aujourd’hui. Vous pouvez compter sur l’engagement du groupe La République En Marche pour relever à vos côtés ce beau défi, madame la secrétaire d’État ! (Mme la rapporteure et M. Éric Gold applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un euphémisme que de dire que ce projet de loi a suscité le débat : à preuve, il est passé de 13 à 130 articles. Fait rare, son examen au Sénat s’est même terminé par une seconde délibération, qui nous a laissé un goût amer puisqu’il s’agissait de revenir, à la hussarde, sur plusieurs avancées.
Au total, nous avons tout de même voté ce texte, compte tenu des progrès notables qu’il comporte : fait assez rare pour être souligné, dix-huit de nos amendements ont été adoptés !
Par ailleurs, dans sa grande sagesse, le Sénat a rejeté la consigne pour recyclage plastique, qui suscitait l’indignation légitime des acteurs du secteur. Il faut le dire, cette mesure reflétait la puissance des lobbies qui, avec votre complicité, madame la secrétaire d’État (Mme la secrétaire d’État proteste.), avaient trouvé le moyen de faire de nouveaux profits en menaçant l’équilibre du service public des déchets, géré par les collectivités territoriales, et en faisant payer deux fois les ménages, au prétexte de la transition écologique…
L’Assemblée nationale a respecté les travaux du Sénat et introduit quelques ajouts intéressants. Toutefois, nous regrettons l’opacité des travaux de la commission mixte paritaire et la quasi-absence de possibilité, pour les parlementaires, d’y intervenir.
Sur le fond, je commencerai par une remarque générale : certes, ce texte contient des mesures positives, mais il manque d’une vision globale et cohérente. Il est vain d’imaginer promouvoir réellement l’économie circulaire sans agir de manière plus forte sur notre modèle de production et en appréhendant ces questions sous le seul angle de la réglementation de la consommation.
Soyons clairs : à nos yeux, poser la question de la surproduction, entraînant la surconsommation et donc la multiplication des déchets, exige une remise en cause globale du système dans lequel nous vivons, qui, intrinsèquement, se fonde sur l’exploitation des ressources et la destruction de notre environnement. On n’en est pas là ! Comme le disait un ancien ministre, il s’agit là d’un ordre « cannibale », contraire à toute idée de transition écologique sérieuse, puisque la finitude est elle-même source de profits, hors toute considération sociale ou sanitaire.
Il est vraiment temps de reprendre la main. Que produit-on, pour qui et dans quelles conditions ? Il nous appartient de répondre à ces questions, sans laisser aux marchés financiers et aux accords de libre-échange le soin de le faire.
Madame la secrétaire d’État, vous qualifiez ce discours de « populisme vert » (Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation.), mais le vrai populisme, c’est de continuer à faire croire que l’on peut, par de simples mesurettes, écarter le péril écologique. Du fait de cette schizophrénie, ce texte ne permettra pas de réduire drastiquement les déchets à la source.
Au-delà de cette remarque générale, plusieurs points positifs sont à souligner. Je pense à la lutte contre l’obsolescence programmée, et notamment logicielle, à la définition du vrac et à sa promotion, à la lutte contre le suremballage et le gaspillage des invendus par la création d’un fonds de réemploi, même si la portée de cet outil a été fortement limitée. Je pense également à la promotion du réemploi dans la commande publique et à l’interdiction de certains usages des plastiques.
Nous avons un regret au sujet des filières REP : nous souhaitions élargir leur gouvernance, afin d’y apporter de la transparence et de mieux prendre en compte l’intérêt des consommateurs. Nous avions également alerté, sans succès, quant aux conditions de travail des salariés de ces filières, qui souffrent d’exposition à des matières nocives pour la santé.
Deux sujets ont particulièrement polarisé nos débats : la lutte contre le plastique et la consigne.
Le Sénat avait adopté notre amendement tendant à rétablir la véritable consigne, c’est-à-dire celle du verre dans les cafés, hôtels et restaurants, qui prévalait jusqu’en 1989. La seconde délibération est revenue sur cet acquis, mais, à nos yeux, la seule consigne qui ait du sens est la consigne pour réemploi, donc celle du verre. En définitive, le compromis trouvé en commission mixte paritaire renvoie à plus tard la mise en œuvre de la fausse consigne pour recyclage, laissant le temps aux collectivités territoriales d’atteindre les objectifs définis par l’Union européenne. Ce flou artistique suscite notre méfiance.
Au sujet du plastique, les débats ont permis de sortir de la seule problématique du recyclage, pour aller vers une interdiction pure et simple.
Nous sommes satisfaits d’avoir pu élargir les termes du débat en passant d’une discussion sur les contenants, objets ou activités spécifiques, comme la restauration ou le plastique oxodégradable, à la définition d’un objectif global de sortie du plastique à usage unique. Beaucoup reste à faire et, évidemment, la date de 2040 apparaît lointaine, mais les termes du débat de fond sont du moins posés. Il faut aller vers la fin du plastique : nous avions déposé un amendement en ce sens, dont le dispositif a été supprimé en seconde délibération, à la demande du Gouvernement, avant d’être repris à son compte par ce dernier, qui en a fait, à l’Assemblée nationale, la mesure phare du texte…
Pour l’heure, malgré nos griefs, nous voterons ce projet de loi, même s’il conserve de nombreuses incohérences, en espérant que les nombreux décrets d’application ne viendront pas en raboter l’ambition ! (Mme la rapporteure applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une loi contre le gaspillage et pour la mise en place d’une économie circulaire était nécessaire pour protéger notre environnement et lutter contre la pollution, due notamment à nos déchets.
Nous ne cessons de le rappeler depuis des mois, et je le redis avec force en ce mois de janvier 2020 : les prévisions pour 2050 en matière de réchauffement climatique dessinent un horizon déjà visible ; il est urgent d’agir !
Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire ait abouti à un accord. Nous partageons nombre des ambitions inscrites dans le texte qu’elle a adopté, et nous espérons que les compromis trouvés seront efficaces. Nous resterons toutefois attentifs aux évolutions et aux effets attendus.
Le groupe Les Indépendants a, dès le début des discussions, mis en avant l’enjeu primordial du régime de la responsabilité élargie du producteur. Nous avions affirmé l’importante d’une ouverture et d’une extension de ce régime à davantage d’acteurs. Nous saluons dès lors l’augmentation du nombre de filières REP.
Comme on a pu le constater, les discussions se sont focalisées sur la question de la consigne. Sur ce point, le compromis trouvé nous semble équilibré. Les collectivités territoriales ayant mis en place des dispositifs spécifiques auront la possibilité de produire des résultats et d’amortir leurs investissements.
Si les objectifs intermédiaires ne sont pas atteints, des consignes de bouteilles plastiques seront mises en place en 2023. Dans mon département, la Seine-et-Marne, de nombreuses collectivités territoriales ont investi et le système fonctionne très bien ; il faut donc rassurer toutes les collectivités à ce sujet. Nous le répétons, ce sont les dispositifs les plus efficaces qu’il faudra mettre en œuvre.
D’autres mesures importantes ont été prises. Je n’en citerai que quelques-unes : la réduction du gaspillage des médicaments et du gaspillage alimentaire, la promotion du réemploi et de la réparabilité ou encore l’information des consommateurs, clé de la compréhension et des choix éclairés ; nous devons donc poursuivre les efforts en ce sens.
Nous saluons également les dispositions prises afin d’aider les communes à lutter contre les dépôts sauvages. Il s’agit d’un point important pour nos territoires et pour nos maires.
La fin des emballages plastiques à usage unique à l’horizon 2040 en France est une avancée, même si nous aurions préféré que ce changement intervienne plus rapidement, car la biodiversité, notamment marine, est menacée.
Nous saluons aussi la fixation de l’objectif de 100 % de plastique recyclé en 2025.
Ces deux dernières mesures relèvent de la nécessité, pour la France, de prendre des engagements forts en la matière.
Comme nous avons pu le dire, chacun d’entre nous est concerné par les évolutions et les efforts à mettre en œuvre. L’État, les industriels et les citoyens, qui sont aussi des consommateurs, doivent contribuer à la circularité de notre économie. Notre vigilance et nos comportements nous engagent pour la protection de notre environnement, qui, comme nous le voyons chaque jour, se détériore. Il reste encore tant à faire !
Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais nous gardons à l’esprit que la pose de cette première pierre de l’édifice de l’économie circulaire nous oblige à bâtir un dispositif plus vaste dont l’efficacité doit être certaine. Il y va de notre futur ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (M. Claude Kern applaudit.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui le parcours législatif d’un texte attendu et nécessaire. L’économie circulaire, jusqu’alors abordée par petites touches dans différents textes, fait enfin l’objet d’une loi spécifique.
De nombreuses mesures vont dans le bon sens, en matière d’information du consommateur, d’interdiction de l’élimination des invendus, de réparabilité, de disponibilité des pièces détachées, d’élargissement des REP, de reprise des produits usagés ou encore d’éco-modulation. C’est pourquoi la majorité du groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption de ce texte.
Des défis demeurent toutefois devant nous, notamment en matière de prévention des déchets. Le meilleur des déchets, nous le savons, c’est celui qu’on ne produit pas ! Le texte renforce un certain nombre de contraintes imposées aux producteurs, mais ne va pas jusqu’à préconiser, en particulier, les bonnes pratiques en matière d’entretien et d’usage. Pour autant, il nous faut aujourd’hui faire évoluer les comportements en profondeur et responsabiliser davantage le citoyen-consommateur.
Nous avons également à relever des défis en matière d’optimisation de la collecte, de tri et de recyclage de tous les déchets. Dans cette perspective, quel meilleur outil que les services publics de gestion globale des déchets qui existent sur tous les territoires ? Vous le savez, madame la secrétaire d’État, aux yeux d’une majorité de sénateurs et d’élus des collectivités locales, la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique est une mesure à double tranchant ; c’est d’ailleurs pourquoi ce sujet a pris une place aussi importante dans nos débats.
Sous prétexte de permettre la collecte de 90 % des bouteilles en plastique d’ici à 2029, elle conduit à cautionner, de fait, la poursuite de l’usage du plastique par les industriels de la boisson pendant les dix années à venir, elle met à la charge du consommateur un coût supplémentaire, elle induit une démultiplication des circuits de collecte, elle déstabilise, techniquement et financièrement, les services publics existants qui assurent la gestion de tous les déchets.
Certes, nous l’avons dit, le système actuel de collecte doit être amélioré, mais il est fondé sur un maillage territorial construit et modernisé depuis plus de vingt ans par les collectivités de proximité, qui sont responsables et réactives. Des efforts financiers colossaux ont été consentis pour mutualiser des dispositifs de collecte, de tri et de recyclage permettant la prise en charge de l’ensemble des déchets des ménages sur tous les territoires, à des coûts supportables pour les contribuables locaux.
L’extension des consignes de tri en cours de déploiement et le tri cinq flux hors foyer, à ce jour insuffisamment répandu dans les commerces et les entreprises, doivent faciliter la collecte dans les années à venir et permettre d’améliorer les performances, déjà proches de 90 % dans certains territoires innovants.
Enfin, pour développer les dispositifs de proximité existants, mutualisés, économes et efficaces, économiquement comme écologiquement, nous comptons sur votre vigilance, madame la secrétaire d’État, à l’égard de la gouvernance des éco-organismes, et singulièrement de Citeo, qui doit renforcer la collégialité en son sein pour créer un climat de confiance et soutenir davantage les collectivités.
Il nous semblerait intéressant que le Sénat, voire les deux chambres du Parlement, mette en place, comme pour la loi Égalim, un groupe de suivi de l’application du présent texte, chargé de s’assurer du respect des engagements de chacun et de veiller à la soutenabilité tant environnementale qu’économique des mesures mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.