M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre intérêt pour les plantes médicinales et leurs usages à la fois traditionnels et innovants. Ma question porte sur l’un de ces usages, particulièrement intéressant pour la transition de notre agriculture.
Vous le savez, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a permis aux agriculteurs d’utiliser, pour les plantes alimentaires, les huiles essentielles en tant que substances naturelles à usage biostimulant, via la réglementation sur les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).
C’est une réelle avancée, car il est absurde d’exiger une autorisation de mise sur le marché pour des produits par ailleurs vendus comme aliments. La santé des plantes par les plantes, plutôt que par les pesticides de synthèse, est une belle opportunité pour l’agroécologie ainsi que pour l’économie des territoires ruraux.
Or de récentes déclarations émanant de votre ministère laissent entendre qu’un nouvel arrêté pourrait exclure les huiles essentielles des PNPP composées de substances naturelles à usage biostimulant. Elles seraient alors soumises à de coûteuses autorisations de mise sur le marché, en tant que pesticides. Cette situation constituerait un recul incompréhensible et donnerait un coup d’arrêt au développement de pratiques vertueuses.
De nombreux paysans utilisent des huiles essentielles sur le terrain sans qu’aucun problème sanitaire soit constaté. Des PME développent des produits innovants et des entreprises agroalimentaires se tournent vers ces alternatives à la chimie.
Monsieur le ministre, à l’heure où chacun reconnaît la nécessité de réduire l’usage des pesticides de synthèse, pouvez-vous nous confirmer que les huiles essentielles resteront bien considérées comme des préparations naturelles peu préoccupantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Joël Labbé, je vous remercie de votre question. Nous nous sommes rencontrés il y a peu de temps pour évoquer ces sujets, sur lesquels vous travaillez depuis que vous avez été élu sénateur voilà plusieurs années – je pense notamment à l’herboristerie. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et la loi Égalim ont avancé dans cette direction.
À titre personnel, vous le savez, je partage votre position.
Cependant, la position du Gouvernement s’appuie, premièrement, sur la science et, deuxièmement, sur la transparence.
À cet égard, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit absolument rendre son rapport. Vous faites état de ce que vous avez entendu dire, mais il convient d’attendre ce rapport, où l’Agence devra établir la réalité de la situation. Parallèlement, le Gouvernement devra évidemment inscrire le sujet dans le débat public, pour que chacun soit bien informé.
L’avis de l’Anses sur le cahier des charges est attendu pour la fin du mois de mars prochain. Vous aurez donc votre réponse dans trois mois, monsieur le sénateur. Dans la foulée, nous prendrons un arrêté relatif au cahier des charges. La consultation publique sera mise en place juste après la fin du mois de mars, pour un résultat qui sera vraisemblablement connu d’ici à l’été. Nous devons être vigilants.
Nous partageons la même vision, monsieur le sénateur. Attendons l’avis de l’Anses et le résultat de la consultation publique. Vous aurez votre réponse dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Si la rédaction de l’arrêté n’était pas satisfaisante, je peux vous faire savoir que ça va bouger dans les campagnes ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne serai pas le dernier à organiser les mobilisations, parce qu’il y en a véritablement marre de cette situation où des substances naturelles subissent des contraintes au même titre que les pesticides ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
escalade militaire entre les états-unis et l’iran
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, l’engrenage militaire et guerrier tant redouté entre les États-Unis et l’Iran est désormais enclenché.
L’irresponsabilité de Donald Trump est immense. Après avoir torpillé l’accord sur le nucléaire iranien, il vient, avec l’assassinat ciblé du général Soleimani, de faire le choix délibéré d’attiser une nouvelle fois la guerre dans la région.
La riposte iranienne est la conséquence programmée de cette logique de guerre voulue par le président américain. Le feu vert donné à l’offensive turque en Syrie et peut-être très bientôt en Libye n’en était qu’un sinistre prélude…
La logique américaine est manifestement celle de la guerre sans fin au Moyen-Orient. Les guerres s’enchaînent depuis trente ans et aucun des conflits ne s’est réellement achevé sans que s’ouvre un nouveau front, augmentant sans cesse les destructions des sociétés.
De surcroît, cette logique vient de réussir le tour de force de ressouder la population derrière le régime autoritaire des mollahs en Iran, en reléguant au second plan les puissants mouvements de protestation populaire qui, en Irak, en Iran et au Liban, cherchent des voies de justice et de démocratie nouvelles.
La France, madame la secrétaire d’État, ne doit pas se laisser entraîner dans cette logique. La France ne peut pas s’en tenir à des déclarations appelant à la désescalade sans situer les responsabilités, sans condamner fermement l’initiative illégale prise par Trump, d’ailleurs largement condamnée aux États-Unis.
J’ai trois questions précises à vous poser, madame la secrétaire d’État.
Premièrement, la France exclut-elle réellement tout engagement militaire supplémentaire qui lui ferait emboîter le pas aux Américains ?
Deuxièmement, est-il exact que, dans les contacts au sein de l’OTAN et dans la conversation téléphonique entre le Président de la République et Donald Trump, la France ait assuré le président américain de son plein soutien dans cette affaire ?
Troisièmement, le Gouvernement – je m’adresse aussi au Premier ministre – est-il prêt, en tout état de cause, à titre exceptionnel et compte tenu de la gravité du moment présent, à saisir le Parlement d’une déclaration suivie d’un vote si la question se posait d’autoriser ou non un engagement supplémentaire des forces militaires françaises…
M. le président. Il faut conclure.
M. Pierre Laurent. … aux côtés des forces de l’OTAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, ce qui est en jeu aujourd’hui est bien, au fond, le résultat d’une mauvaise réaction iranienne à une mauvaise décision américaine de sortir de l’accord sur le nucléaire de 2015, le JCPoA, et d’imposer une logique de sanction maximale.
Je répète ici que nous ne soutenions pas cette décision américaine, qui date de mai 2018. Nous avons alerté la communauté internationale sur les risques que de mauvaises initiatives soient prises de part et d’autre. Nous avons d’ailleurs alerté, dès septembre 2017, sur le risque d’une escalade des tensions régionales et nous avons engagé des initiatives en faveur d’une nouvelle négociation globale qui préserve l’accord nucléaire et le complète par une négociation sur les missiles et la stabilité régionale.
On le sait, cette mauvaise réaction iranienne s’est d’abord traduite par des violations successives de l’accord nucléaire, aujourd’hui en danger, car il a été vidé de sa substance. Des actions de déstabilisation régionale ont également été conduites depuis six mois.
Ces mauvaises décisions mènent à la crise que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce contexte, nous avons dit qu’il était inacceptable que des attaques soient conduites contre la coalition qui lutte contre Daech, et contre celle-ci seulement, car la poursuite de la lutte contre Daech est un impératif de sécurité pour nous, pour l’Irak et pour la stabilité régionale. C’est à l’endroit des partenaires de la coalition contre Daech que nous avons exprimé notre solidarité, parce que des emprises utilisées par cette coalition qui lutte contre le terrorisme ont été attaquées. C’est à ce titre et à ce titre seulement que nous sommes solidaires.
Je fais une distinction très claire avec l’action américaine contre le général Soleimani, qui n’est pas une action de la coalition contre Daech. Elle a été décidée sans consultation de la France par les États-Unis, sur la base de considérations de sécurité nationale. Il s’agit donc d’une initiative américaine, de la seule responsabilité des États-Unis.
La priorité absolue, monsieur le sénateur, n’est pas d’engager une nouvelle épreuve de force. Elle n’est pas d’entrer dans une logique d’escalade. Elle est bien d’appeler les démocraties, notamment nos partenaires européens, à la désescalade, à la retenue et à la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
situation au moyen-orient
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, la tension monte entre l’Iran et les États-Unis : discours défiant la communauté internationale, violation des traités internationaux, tweets vindicatifs autant qu’irresponsables… Nous assistons, je le crois, à l’agonie de la diplomatie internationale, face à une politique unilatérale américaine quelque peu caractérisée par le « coup de menton », si je puis dire, sur les réseaux sociaux. Cette politique conduit à une impasse, comme l’illustre l’exemple de la Corée du Nord, qui poursuit ses programmes militaires.
Certes inquiets du contexte économique et social de notre pays, les Français n’en sont pas moins préoccupés par les questions internationales. Qu’il s’agisse des incendies en Amazonie et en Australie ou de l’intensification du programme nucléaire iranien, nos citoyens sont concernés.
Avec l’élimination du général Soleimani par une frappe américaine, puis la riposte de Téhéran sur deux bases où sont stationnés des soldats américains en Irak, la région est plongée dans une escalade des plus dangereuses.
La crise iranienne n’est que l’un des volets d’une situation générale profondément dégradée au Proche-Orient et au Moyen-Orient, sur laquelle nous avons finalement peu de prise.
Pourtant, jadis, la voix de la France portait et influait sur le cours des événements. La crise syrienne a montré que tel n’était plus le cas.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous ramener la diplomatie française et européenne dans le jeu ? Alors que le président américain a tweeté, voilà quelques minutes, « avoir l’armée la plus puissante et la mieux équipée du monde », menace qu’il avait déjà servie aux Nord-Coréens, pour le résultat que l’on connaît, il est primordial que la France mobilise ses partenaires européens et les alliés pour parvenir à la désescalade.
Comment entendez-vous assurer la stabilité régionale, de même que la sécurité des militaires français encore engagés dans la lutte contre Daech et la formation des forces irakiennes, qui est l’une des clés de la stabilisation de l’État irakien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Pascal Allizard, comme vous le dites avec raison, notre priorité est bien la sécurité de nos ressortissants et de nos militaires. Nous avons pris des mesures de vigilance renforcée dès vendredi dernier et de nouveau hier, s’agissant en particulier de l’Iran et l’Irak.
Vous m’interrogez sur les efforts que Jean-Yves Le Drian entreprend, avec le Président de la République et tout le Gouvernement, pour assurer la sécurité et la stabilité régionale, notamment au niveau européen.
Hier se sont tenues, à Bruxelles, des réunions associant le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et la France, autour du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, qui ont concerné les questions iranienne et irakienne, bien sûr, mais aussi le sujet libyen, qui, nous le savons, est lui aussi inquiétant.
Aujourd’hui, un collège spécial des commissaires européens se réunissait autour de Josep Borrell et d’Ursula von der Leyen pour aborder également cette question. Josep Borrell a convoqué un Conseil des affaires étrangères extraordinaire, qui se réunira dès ce vendredi : là aussi, nous pourrons, en Européens, poser un diagnostic, regarder la situation et réfléchir à ce que nous pouvons dorénavant faire, notamment pour peser en faveur d’une désescalade.
Une médiation a été engagée sur la survie de l’accord de Vienne de 2015, le JCPoA. Des tentatives ont été entreprises à Biarritz, puis aux Nations unies. Dans tous ces moments, nous montrons que le multilatéralisme n’est pas un vain mot.
Notre présence aux tables de négociations, le fait que Jean-Yves Le Drian soit de nouveau présent en Égypte aujourd’hui pour échanger sur la stabilité régionale et sur celle du bassin méditerranéen oriental sont des preuves que nous sommes à la manœuvre.
Vingt pays partenaires ont été mobilisés par le Président de la République et par Jean-Yves Le Drian depuis vendredi. Tous les représentants de ces pays nous ont dit partager notre vision, vouloir la désescalade et n’avoir aucun intérêt au conflit. Notre action principale consiste donc à rappeler les priorités : la désescalade à court terme, la lutte contre Daech et le terrorisme, qui peut partout et toujours resurgir, et, enfin, la protection contre la prolifération nucléaire, autre enjeu sur lequel, vous le savez, nous sommes pleinement engagés.
situation de l’hôpital public
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les personnels hospitaliers sont désormais mobilisés depuis des mois pour défendre l’accès aux soins et leurs conditions d’exercice. Ils expriment collectivement une vraie souffrance au travail.
Récemment, les internes ont choisi de rejoindre le mouvement, qui s’intensifie. Dans mon département du Finistère, des praticiens refusent de nouvelles assignations après avoir effectué 62 heures de travail au cours d’une même semaine.
La formation des futurs médecins est véritablement dégradée au vu des conditions dans lesquelles ils exercent.
« L’hôpital public se meurt » : c’est en ces termes que 660 médecins, menaçant de démissionner, vous ont alertée dans leur tribune parue le 15 décembre dernier, madame la ministre. Ils sont aujourd’hui 1 000 signataires !
Les annonces effectuées par votre Gouvernement à la fin du mois de novembre n’ont visiblement convaincu personne.
Nous avons la chance de disposer d’un système de soins parmi les meilleurs au monde et d’une organisation de notre système de santé qui nous est enviée. Nous nous devons de les préserver et de travailler à les faire évoluer positivement.
Les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et l’ensemble des personnels des hôpitaux vous le demandent : investissez réellement dans l’hôpital public !
Madame la ministre, ma question est simple : avez-vous un vrai projet d’avenir pour l’hôpital public ?
Quels sont les moyens que vous allez réellement consacrer pour que chaque citoyen français ait accès à un service de santé ? Allez-vous, oui ou non, revaloriser les salaires du secteur ? Allez-vous mettre un terme à la politique de fermeture de lits et augmenter les effectifs des personnels hospitaliers ? Il y a véritablement urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, je crois que nous poursuivons tous le même objectif : garantir l’accès à des soins de qualité pour tous les Français, dans tous les territoires, à la campagne comme à la ville.
À cet égard, la situation du secteur public hospitalier est évidemment une préoccupation que nous partageons.
Nous connaissons aussi les attentes des soignants, celles des patients, celles des élus, que vous représentez et qui expriment tous une inquiétude à propos de notre système de santé. En fait, celui-ci a été mis à mal, depuis de nombreuses années, par un désinvestissement – vous le savez – et par un manque de médecins lié à une politique de numerus clausus beaucoup trop restrictive dans les années 1990 et 2000. Nous en payons le prix aujourd’hui, ne parvenant pas à recruter des médecins dans beaucoup d’établissements.
Dès mon arrivée, j’ai travaillé à un plan global de transformation de notre système de santé, à la fois pour faire évoluer la médecine de ville, pour lutter contre la désertification médicale et pour redonner aux soignants l’envie d’exercer, notamment à l’hôpital public, en améliorant leur qualité de vie au travail et les rémunérations liées à certains engagements. Je pense à des protocoles de coopération. Je pense, par exemple, à la prime de 100 euros nets par mois que perçoivent aujourd’hui toutes les aides-soignantes en gériatrie, soit 40 000 personnes.
J’ai également souhaité réinvestir dans l’hôpital public. C’est l’objet du plan qui a été présenté par M. le Premier ministre il y a deux mois. Ce plan repose sur des budgets en hausse depuis cette année – nous nous sommes engagés à augmenter les budgets des trois prochaines années –, sur une visibilité accrue et sur une reprise partielle de la dette des hôpitaux, qui sera une bouffée d’air pour les établissements, qui pourront employer plus de personnels et rouvrir des lits. Pour répondre à votre question à ce sujet, il n’y a pas de politique volontaire de fermeture de lits dans notre pays, bien au contraire.
Au demeurant, une série de mesures ne suffit pas. C’est la totalité des mesures qui doit se déployer. Ce déploiement commence dès ce mois-ci, grâce au vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je pense, par exemple, au plan en faveur de l’investissement courant.
Je suis garante du déploiement de ces mesures et je veux montrer aux personnels qu’elles sont concrètes et rapides. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je crains malgré tout que ces mesures ne soient homéopathiques et que le résultat ne soit quasiment nul.
Il y a véritablement urgence ! Pensez aux 1 000 médecins qui menacent de démissionner. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
violences urbaines
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour le groupe Les Républicains.
Mme Esther Sittler. Monsieur le ministre de l’intérieur, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, des voitures ont brûlé dans de très nombreuses villes en France. Cela devient une « tradition » révoltante, à laquelle il est urgent de mettre un terme.
À Strasbourg, la situation a été particulièrement tendue : le maire estime à 220 le nombre de voitures brûlées et les policiers ont, bien sûr, été pris pour cibles.
Je viens de m’entretenir avec les responsables du SDIS du Bas-Rhin. Ce qu’ont vécu les pompiers ce soir-là donne une idée du niveau de violence dans certains quartiers et du niveau de haine chez certains de nos concitoyens.
À deux heures du matin, les sapeurs-pompiers ont fait face à une violence jusque-là inédite. Dans la Cité nucléaire, l’une des plus importantes de Strasbourg, les jeunes assaillants leur ont littéralement tendu un guet-apens, au moyen de barrages constitués de poubelles en flammes. Les pompiers racontent qu’ils ont été encerclés, le but étant de les lyncher.
Un sapeur-pompier a reçu un projectile à la tête, qui l’aurait à coup sûr tué s’il n’avait pas eu de casque. Sans la dextérité du chauffeur du camion, l’équipage à l’intérieur aurait été assailli et agressé. Il s’agissait non plus seulement de casser du matériel, mais de s’en prendre physiquement aux équipages.
Les sapeurs-pompiers ont témoigné de la préméditation de ces agressions, qui ont d’ailleurs été filmées par ces voyous.
Monsieur le ministre, je vous mets en garde : les propos indignés ne suffiront plus ! Les condamnations exprimées au journal de 20 heures ne suffiront pas davantage. Vous devez ouvrir les yeux et nous dire ce que vous comptez faire pour que ces nuits de violences ne se reproduisent plus.
Comment comptez-vous protéger nos pompiers ? Comment comptez-vous reconquérir ces enclaves qui échappent à la République et qui sont minées par le communautarisme ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous dire combien de voitures, en France, ont brûlé dans la nuit de la Saint-Sylvestre ? Les Français ont le droit de savoir et les élus ont besoin de connaître la réalité chiffrée. La presse, ce matin, évoquait 1 457 voitures brûlées, soit une augmentation de 13 % par rapport à l’an passé. Pouvez-vous nous le confirmer ?
J’attends, dans votre réponse, un chiffre précis,…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Esther Sittler. … car ce n’est pas en cachant le problème que vous le réglerez. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, comme l’année dernière, j’ai fait le choix de ne pas commenter le chiffre des voitures brûlées. C’est d’ailleurs le choix qu’avait également fait mon prédécesseur, Brice Hortefeux, qui, encore ce matin, a évoqué, dans les médias, une décision simple et intelligente.
Il s’agit d’éviter d’alimenter le concours imbécile entre quartiers, communes ou départements auquel participent quelques abrutis qui trouvent logique d’incendier les voitures de leurs voisins ou de leurs amis, dans leur propre quartier.
Il ne s’agit pas de cacher la vérité, qui est celle que vous avez évoquée, madame la sénatrice. La vérité est celle de ces violences insupportables, inacceptables, en particulier à Strasbourg et autour de Strasbourg, où le niveau de violence a été parmi les plus élevés cette année, comme votre question le montre bien – je ne puis que vous le confirmer.
Globalement, à l’échelle nationale, les violences contre nos forces de sécurité intérieure enregistrées le 31 décembre – à Strasbourg, elles ont débuté dès le 30 – ont diminué de près de 50 % cette année. Le nombre de voitures incendiées fait quant à lui l’objet de cette espèce de concours que j’ai dénoncé.
Il importe également de constater le niveau d’engagement de nos forces de sécurité intérieure : près de 290 agents ont été mobilisés à Strasbourg, en plus de celles et de ceux qui sont habituellement engagés sur le terrain, pour essayer de couvrir l’ensemble du territoire.
De la même façon, près de 10 000 gendarmes et policiers ont été engagés partout en France, soit le même niveau d’engagement que l’année dernière. Avec les sapeurs-pompiers, ce sont près de 15 000 femmes et hommes qui ont été engagés.
Nous devons encore renforcer cet effort. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés à lancer un plan de recrutement de près de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Comme vous le savez, ces personnels sont présents jour et nuit sur le terrain ! Pour eux, il n’y a ni Noël ni Saint-Sylvestre.
Nous devons également sécuriser l’action de nos sapeurs-pompiers. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que des conventions locales de sécurité soient établies partout, dans tous les quartiers difficiles, pour qu’ils n’aient à aucun moment à intervenir sans être protégés par les forces de sécurité intérieure.
Les deux minutes qui me sont allouées ne me permettent pas de répondre à toutes vos questions, madame la sénatrice. Quoi qu’il en soit, vous avez raison, nous devons mener un combat dans chaque mètre carré de notre territoire, pour que la République soit partout chez elle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
assassinat de sarah halimi et irresponsabilité pénale (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements prolongés.)
M. Jean-Marie Bockel. Madame la garde des sceaux, je veux évoquer la décision d’irresponsabilité pénale rendue par la cour d’appel de Paris au sujet de l’auteur de l’infâme assassinat antisémite de Sarah Halimi. Dans ce débat, la question pertinente qu’a posée Roger Karoutchi et la réponse que lui a apportée M. le Premier ministre, précisant l’état du droit, constituent des éléments importants.
Reste une question : que faire ? Que faire aujourd’hui pour que le grand rabbin de France, Haïm Korsia, ne soit plus obligé de déclarer : « Devrait-on déduire de cette décision que tout individu drogué serait doté d’un permis de tuer les Juifs ? » On pourrait poser la même question pour les meurtres perpétrés dans les églises ou dans tout autre lieu de culte, ainsi que pour les actes et crimes terroristes. Que faire pour que d’autres familles que la famille Halimi ne soient pas, demain, privées d’un procès public ?
Sans évidemment supprimer l’incontestable principe d’irresponsabilité pénale ni remettre en cause l’indépendance de la justice, ne pourrait-on pas, par la loi, en préciser la portée et les conséquences, pour éviter de telles situations, s’agissant notamment de faits de ce type, de manière que les décisions d’irresponsabilité soient prises dans le cadre d’un procès public et contradictoire ?
Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et SOCR.)