M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les crédits du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », augmentent : nous vous en donnons acte, madame la ministre, et cette hausse explique que nous soyons favorables à l’adoption des crédits de la mission.
Malgré cette évolution positive, je voudrais apporter une nuance et exprimer une réserve.
La nuance, légère, concerne les crédits pour les études amont : certes, ceux-ci progresseront de 62,5 millions d’euros pour s’établir à 821 millions d’euros, mais cette progression est légèrement inférieure à ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire de 2018. On attendait en effet à l’époque 832 millions de crédits pour les études amont en 2020.
Vous vous souvenez, madame la ministre, que nous avions justement souhaité inscrire cette trajectoire dans la LPM. Cet écart n’est pas considérable, mais, à l’approche de la révision de la loi de programmation de 2021 et de marches de progression beaucoup plus ambitieuses, ce décalage retient notre attention. Je m’interroge sur notre capacité humaine et technique à dépenser.
Quant à la réserve que je veux exprimer sur ces crédits, au nom de la commission des affaires étrangères, elle concerne la situation de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). Cet établissement incarne une forme d’excellence française en matière aéronautique.
Nous appelions l’an passé à en reconsidérer les moyens. En début d’année, nous avons cru avoir été entendus, puisque vous aviez semblé envisager des perspectives favorables lors de votre visite à l’Onera. Malheureusement, nous ne retrouvons pas cette inflexion dans le projet de loi de finances.
D’une part, la subvention n’évolue pas favorablement – elle est quasi stable –, d’autre part, nous entendons dire que l’Onera, contrairement aux années précédentes, ne serait plus exempté de la mise en réserve de crédits, ce qui diminuerait encore son budget disponible de 2 millions d’euros.
Par ailleurs, en cette période de hausse des crédits, on constate que l’Onera perdra 12 équivalents temps plein (ETP) en 2020.
Cette cure prolongée d’austérité budgétaire a des conséquences importantes sur les ressources humaines de l’Office. Une étude montre que, si l’on voulait rémunérer les personnels de l’Onera au montant auquel ils seraient payés à la DGA, il faudrait 5 millions d’euros supplémentaires pour combler l’écart, ce qui pose des problèmes en termes de masse salariale et de niveau de rémunération.
Rappelons que, dans le même temps, le budget de l’équivalent allemand de l’Onera progresse régulièrement. Il est passé de 130 millions d’euros au début de la décennie à 180 millions d’euros en 2017. Madame la ministre, nous avons du mal à comprendre cette situation, d’autant plus quand on entend dire qu’une partie des études sur le SCAF pourraient être confiées au DLR allemand plutôt qu’à l’Onera. Entendez-vous revoir à la hausse la subvention de l’Office ? L’excellence technologique de l’Onera sera-t-elle reconnue dans l’attribution des études du SCAF ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le niveau des menaces n’a pas diminué, comme nous en avons fait le constat au début de la semaine dernière. Il justifie les efforts entrepris dans le domaine du renseignement. Les crédits inscrits aux programmes 144 et 212 pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) concrétisent ce renforcement.
Je formulerai deux observations.
Première observation, le projet de loi de finances pour 2020 traduit le lancement de programmes d’investissements capacitaires : les crédits s’accroissent de 13 % pour la DGSE et de 49 % pour la DRSD en autorisations d’engagement.
Pour la DGSE, cette hausse concerne principalement les grands programmes interministériels et la cyberdéfense, qui font également l’objet, en cours d’exercice, de transferts de crédits complémentaires des services du Premier ministre et des armées.
En effet, la France ne s’est pas dotée d’un service technique de renseignement comme la National Security Agency (NSA) aux États-Unis ou le Government Communications Headquarters (GCHQ) en Grande-Bretagne. Les grands programmes sont développés par la direction technique de la DGSE au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement, et certaines capacités cyber sont partagées avec les armées. Il est donc logique que le financement de ces programmes soit mutualisé.
Pour la DRSD, l’enjeu est de renforcer les capacités, tant pour la mise en œuvre des missions de contre-ingérence que pour la détection et la réduction des vulnérabilités dans le secteur de la défense.
Dans l’un et l’autre des services, l’accent est également mis sur les capacités en termes de cyberdéfense.
Seconde observation, les améliorations constatées en matière de gestion des ressources humaines doivent être soulignées.
Les effectifs de la DGSE comme de la DRSD progressent conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire. Grâce aux dispositions prises, tant pour améliorer la communication et le recrutement que pour fidéliser certains agents, y compris à travers un assouplissement des règles de rémunération, en 2020, la DRSD devrait combler l’important retard accumulé par rapport à son schéma d’emplois.
Toutefois, dans les deux services, la baisse significative des personnels militaires, qui est due à la difficulté des armées à fournir les personnels nécessaires après des années de déflation et à la difficulté actuelle de remontée en puissance, reste préoccupante, surtout au niveau des sous-officiers. Tous les postes ne peuvent pas être occupés par des civils contractuels, en particulier dans certaines spécialités ou pour pourvoir certaines fonctions déployées à l’extérieur dans les zones de guerre. Faudrait-il créer une filière « renseignement » au sein des armées, madame la ministre ?
Enfin, les difficultés de recrutement et de fidélisation dans les spécialités où le vivier est limité demeurent. Au-delà des rémunérations, le problème a un aspect structurel dans un certain nombre de spécialités. Il me paraît nécessaire que des politiques d’orientation et d’incitation soient mises en œuvre pour promouvoir les filières de formation scientifique et linguistique, ce qui permettrait de réduire ces tensions. Où en êtes-vous, madame la ministre, du dialogue avec les universités et les grandes écoles ? (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Christine Prunaud, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter les conclusions de notre collègue et ami Jean-Marie Bockel sur le programme 178, « Préparation et emploi des forces », en ce jour si particulier pour lui et sa famille :
« Le programme 178 voit ses crédits de paiement augmenter de 13,8 % par rapport à 2019 pour s’établir à 10 milliards d’euros, soit 1,21 milliard d’euros supplémentaires en crédits de paiement. Cette progression profite aux opérations extérieures, dont le financement croît de 250 millions d’euros pour atteindre 850 millions d’euros.
« La poursuite du « resoclage » budgétaire des surcoûts des OPEX devait s’accompagner d’une hausse à due proportion de l’enveloppe globale des crédits du programme. Or tel n’est pas le cas, et les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2020 pour les OPEX seront encore insuffisants.
« Dans ce contexte, la commission des affaires étrangères recommande vivement que cette disposition soit enfin appliquée en 2020. L’autre facteur d’explication de la hausse du budget du programme 178 est le transfert de crédits d’infrastructures depuis le programme 212, soit 879 millions d’euros. La mise à disposition de ces crédits s’inscrit dans le cadre de la réforme visant à responsabiliser les commandements, qui seront en mesure de prioriser leurs besoins.
« Cette réforme redonne globalement des leviers aux commandants des bases de défense et aux armées sans pour autant remettre en question les structures organisationnelles des soutiens dont la « militarité » est réaffirmée pour restaurer la cohérence organique des armées.
« La contraction des crédits alloués à l’entretien programmé du matériel pour 2020 est surprenante au vu des résultats décevants en termes de disponibilité technique opérationnelle.
« La verticalisation et la globalisation des marchés d’entretien des équipements aéronautiques constituent un changement de pratique qui ne fonctionnera que si la performance est au rendez-vous.
« Il conviendra également de veiller au maintien des compétences en régie de l’État et des possibilités de mise en concurrence ultérieure. »
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’activité opérationnelle, gage de l’excellence et de la sécurité de nos militaires, reste inférieure de près de 10 % aux objectifs fixés.
La commission des affaires étrangères le déplore et s’inquiète, car la remontée tarde : les jeunes équipages de l’armée de l’air peinent à se qualifier, l’entraînement est un enjeu majeur de la marine, et l’opération Sentinelle pèse sur la capacité d’entraînement de l’armée de terre.
L’allongement de la durée de mise en œuvre des contrats opérationnels est non plus un risque, mais une réalité.
L’actualisation de 2021 doit être le grand rendez-vous de la préparation opérationnelle. Des objectifs annuels d’évolution devront être fixés selon l’article 7 de la loi de programmation militaire. Nous y serons très attentifs.
Enfin, la commission s’inquiète de la consolidation des services de soutien, éternels sacrifiés, subissant de plein fouet les réductions de personnel quand le nombre de soutenus s’accroît de nouveau.
Certes, la remontée des effectifs du service de santé des armées, que vous et nous avons longtemps appelé de nos vœux, madame la ministre, est enfin prévue, mais ce service reste très fragile. Pour preuve, il manque encore cent médecins.
Dans ce contexte, il faut soutenir la modification des décrets permettant la prise en compte de la spécificité des missions du service de santé des armées – je sais que vous défendez cette démarche –, notamment l’abaissement de deux ans à un an de l’ancienneté requise des infirmiers menant les entretiens préparant les dons du sang et l’aménagement des conditions de dépôt d’urgence du plasma lyophilisé universel.
La commission des affaires étrangères souhaite vivement être présente aux côtés des services de soutien.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis des crédits du titre 2 du programme 212, « Soutien de la politique de la défense », je voudrais mettre l’accent sur deux préoccupations.
Première préoccupation, l’attractivité des forces armées est à l’origine des difficultés que nous avons connues pour consommer les crédits du titre 2 ces dernières années. Je rappelle que, en 2018, 155 millions d’euros de crédits n’avaient pu être dépensés, principalement en raison de la sous-réalisation des cibles d’effectifs liée à un nombre de départs plus important que prévu et à des difficultés de recrutement. Ces problèmes nous préoccupent, car ils compromettent l’effectivité de la remontée en puissance affichée par la loi de programmation militaire.
Pour corriger cette sous-consommation, des mesures d’ordre technique et organisationnel ont été prises. Ainsi, les modèles de valorisation des crédits de titre 2 ont été actualisés, afin de tendre vers des prévisions de dépenses plus faciles à atteindre. Par ailleurs, le directeur des ressources humaines du ministère des armées a été désigné comme seul responsable de programme, pour permettre un meilleur pilotage de la masse salariale.
Dans le même temps, l’attractivité mobilise tous les efforts de la politique des ressources humaines avec des mesures budgétaires, notamment la prime de lien au service, une attention portée au parcours professionnel et à l’intérêt du métier, la recherche d’une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, en particulier à travers la mise en œuvre du plan Famille, sans oublier la politique de reconversion. Ces efforts doivent être poursuivis et amplifiés. C’est d’autant plus nécessaire que les projets de réforme de la nouvelle politique de rémunération des militaires et des retraites suscitent des inquiétudes.
La seconde préoccupation sur laquelle je souhaite insister concerne l’incidence du projet du service national universel sur le programme 212.
En 2019, les armées ont été sollicitées dans le cadre de l’expérimentation conduite dans treize départements au profit de 2 000 jeunes. Au titre de la phase 1, qui correspond à un séjour de cohésion de deux semaines en internat, elles ont fourni de l’appui et du conseil, aidé au recrutement des cadres, formé les directeurs de centres et les cadres de compagnie. Enfin, elles ont conçu et animé un module consacré à la défense et à la mémoire nationales. Elles ont aussi contribué à la phase 2, en proposant des missions d’intérêt général sur le modèle des préparations militaires.
Au total, en 2019, trois équivalents temps plein auront été mobilisés. Pour 2020, avec l’extension de l’expérimentation à 20 000 jeunes, l’impact sur les effectifs des armées est évalué à une vingtaine d’emplois. Si cet effort peut sembler raisonnable, il faut noter qu’aucun crédit supplémentaire n’est envisagé pour le financer, en contradiction avec ce que prévoit la loi de programmation.
Et nous sommes inquiets pour la suite. En effet, en cas de généralisation, la demande adressée aux armées pour la formation des cadres va mécaniquement augmenter. Qu’il s’agisse de la phase 1 ou de la phase 2, on peut craindre que les armées ne soient davantage sollicitées compte tenu de l’offre structurée qu’elles sont seules à même de produire, a fortiori en cas de défaillance des autres acteurs.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis. Qu’il s’agisse du pilotage, du statut et de la qualité des cadres, de l’organisation, de la logistique et des capacités d’accueil, les échos que nous avons recueillis jusqu’à présent donnent le sentiment d’un dispositif qui avance à tâtons. Il est fragile et n’est pas taillé pour passer le cap de la généralisation. De plus, les prévisions budgétaires me paraissent sous-estimées.
Auparavant, il faudra qu’un bilan honnête soit tiré de cette expérimentation…
M. le président. Mon cher collègue, il faut vraiment conclure !
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis. … et que le Parlement soit enfin consulté sur ce projet d’envergure, dont le coût annuel dépasse 1,5 milliard d’euros. (MM. Emmanuel Capus et Olivier Cigolotti applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la politique immobilière du ministère des armées.
Une augmentation des investissements en faveur de l’hébergement est prévue après des années de sous-investissement, ce qui est une bonne chose. Des interrogations demeurent cependant.
S’agissant du logement des familles, il faut évoquer l’enjeu de l’arrivée à expiration en 2020 de la concession de l’ex-Société nationale immobilière (SNI) sur les logements du ministère. Nous le savons bien, le parc est ancien et vétuste, et sa localisation ne correspond plus aux priorités en raison de la délocalisation des bases de défense. Madame la ministre, où en est la négociation avec l’ex-SNI ? Comment répondre aux besoins des familles ?
Ma seconde remarque porte sur les produits immobiliers du ministère des armées.
Le Sénat a précisé à l’article 3 de la loi de programmation miliaire que le ministère devait bénéficier de l’ensemble du produit de ses cessions immobilières et de ses redevances et loyers.
Nous suivrons deux développements.
Dans le cadre du plan Place au soleil, 2 000 hectares de terrain des armées seront mis à disposition pour la production d’électricité photovoltaïque. Comment le ministère bénéficiera-t-il, au sein du compte d’affectation spéciale, de droits de consommation équivalents aux produits perçus à ce titre ? En clair, percevra-t-il bien les redevances ?
S’agissant du Val-de-Grâce, l’ancien hôpital devrait être conservé jusqu’aux jeux Olympiques de 2024. Tant mieux, parce que plus de 500 militaires sont aujourd’hui hébergés sur ce site. Pour la suite, nous nous interrogeons.
Nous voulons que soit prise en compte la proposition des associations professionnelles de militaires qui défendent un projet pour le Val-de-Grâce, lequel mériterait d’être considéré.
Cela étant, le bâtiment pourrait être transféré à un autre ministère. Si tel est le cas, la cession devrait évidemment se faire moyennant une contrepartie versée au ministère des armées. Nous souhaiterions que ce point soit précisé, car nous gardons en mémoire la mauvaise expérience de la cession de la première fraction de l’îlot Saint-Germain, pour laquelle il n’y avait pas eu de juste retour pour le ministère de la défense ni en hébergements ni en recettes. Quelles assurances avez-vous, madame la ministre, qu’il en ira autrement pour le Val-de-Grâce ?
Comme je suis un élu de banlieue, je terminerai en disant que je préfère que les militaires soient logés dans Paris intra-muros plutôt que dans nos départements respectifs. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le tragique accident survenu au Mali, le 25 novembre dernier, et l’hommage national que nous avons rendu aujourd’hui à nos soldats morts pour la France nous rappellent la cruauté du monde dans lequel nous vivons et l’adversité à laquelle doivent faire face nos militaires. Mon groupe s’incline devant le courage de ces hommes et face à la douleur des familles qui ont perdu un être cher.
Que ce soit dans la bande sahélo-saharienne, au Levant ou ailleurs, les crises se multiplient à l’échelle internationale, leur intensité va croissante et leur nature même évolue.
Madame la ministre, les échanges que nous avons eus à l’occasion du Forum de Dakar ont tous sans exception rappelé la nécessité de notre engagement au Mali, comme, plus généralement, en Afrique de l’Ouest. En outre, sur notre territoire, la menace terroriste demeure prégnante et ne saurait souffrir le moindre relâchement.
Dans ce contexte, le niveau d’engagement de nos armées est particulièrement soutenu depuis plusieurs années et ne devrait pas être amené à fléchir.
Répondant à ces besoins importants et croissants, fidèle à la trajectoire budgétaire tracée par la loi de programmation militaire, le budget que nous examinons aujourd’hui est au rendez-vous des engagements qui ont été pris, et nous ne pouvons, madame la ministre, que saluer votre détermination.
Ce budget prévoit, en effet, une augmentation de 1,7 milliard d’euros des moyens accordés à la défense, avec des crédits de paiement en hausse de 4,5 %, s’établissant à 37,5 milliards d’euros. C’est pour nous une grande satisfaction !
Nous nous félicitons que ce budget de remontée en puissance et de modernisation permette tout d’abord de continuer le renouvellement des capacités opérationnelles de nos armées. Je pense à la livraison, prévue en 2020, d’un sous-marin d’attaque de nouvelle génération, le Suffren, de 128 blindés Griffon, de 4 blindés Jaguar, ou encore d’un avion ravitailleur MRTT supplémentaire.
Cette arrivée de matériels témoigne des efforts et des progrès effectués en termes d’innovation. Nous en avions besoin !
Cet accent mis sur l’innovation se traduit également par la prise en compte des nouveaux champs de conflictualité que sont le cyber, l’intelligence artificielle et le renseignement.
L’affectation dans ces domaines de 300 postes créés cette année et les 821 millions d’euros spécifiquement dédiés aux crédits d’études amont, afin de concevoir de nouvelles technologies adaptées aux conflits futurs, en attestent.
Par ailleurs, ce budget pour 2020 est tout particulièrement remarquable par son effort de sincérisation, qui se traduit par l’inscription, au titre des crédits alloués aux missions intérieures et aux opérations extérieures, d’un montant de 1,1 milliard d’euros, contre 850 millions en 2019.
Cela permettra, notamment, une amélioration dans l’exécution des crédits votés, ainsi que des débats plus apaisés, nous l’espérons, sur la fin d’exécution budgétaire. Restons néanmoins vigilants, car le coût des OPEX pour les crédits du programme 178 demeure sous-évalué à ce jour. La question de la prise en charge de l’intégralité des surcoûts risque donc encore de se poser.
C’est pourquoi le maintien du principe de la solidarité financière interministérielle, inscrit dans la loi de programmation militaire sur l’initiative du Sénat, nous semble essentiel.
Vous aurez compris, madame la ministre, la satisfaction que nous ressentons à la lecture de ce budget. Mais, vous le savez, nous sommes d’éternels insatisfaits… J’attirerai donc votre attention sur quelques points de vigilance.
Le premier point concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels et la préparation opérationnelle.
En effet, le niveau de sollicitation de certains équipements au cours de ces dernières années a été bien supérieur à ce que prévoyaient les contrats opérationnels. De plus, la technologie de nos équipements modernes nécessite une main-d’œuvre et des infrastructures bien plus coûteuses que celles de nos équipements précédents. En conséquence, la disponibilité technique opérationnelle et, plus encore, la disponibilité technique de nos matériels ont dangereusement chuté, et ce dans les trois armées.
Ce fait pose de lourds problèmes pour les entraînements ou les déploiements d’urgence, avec un risque de baisse de qualité de nos forces.
Nous nous inquiétons donc de voir les crédits alloués à l’entretien programmé des matériels diminuer de 3,72 %. C’est pour le moins un mauvais signal !
Par ailleurs, nous nous inquiétons de la stagnation de la préparation opérationnelle depuis 2018.
La mobilisation induite par l’opération Sentinelle ainsi que le nombre important d’OPEX sont notamment à l’origine des difficultés de réalisation des formations ou exercices prévus.
Ces entraînements constituent un pilier des compétences, de l’efficacité et de la sécurité des personnels. Ils restent pourtant inférieurs, de près de 10 %, aux objectifs fixés.
Le maintien en condition opérationnelle et la préparation opérationnelle de nos forces sont trop importants pour que cette situation se pérennise.
Il nous semble primordial d’accorder davantage d’attention à ces sujets, afin de préserver la capacité de nos armées à répondre aux sollicitations futures, sur des théâtres d’opérations toujours plus nombreux.
Le deuxième point concerne la fidélisation de nos forces.
Plusieurs chantiers déterminants restent à achever, concernant la qualité du soutien santé, la politique de rémunération, ou encore la réforme des retraites. Le plan Famille, lancé voilà deux ans, dont les crédits représentent 80 millions d’euros pour l’année à venir, est également essentiel à cette démarche de fidélisation.
Si certaines de ces mesures sont perçues de façon très positive par les militaires – je pense au déploiement du wifi en garnison ou à la facilitation des démarches de déménagement –, des avis plus contrastés ont été exprimés sur la situation du logement et les conditions d’hébergement dans les enceintes militaires, dont l’amélioration se fait quelque peu attendre.
Le troisième point, enfin, concerne la coopération avec nos partenaires européens.
Alors qu’approche le dixième anniversaire des accords de Lancaster House, le contexte encore flou du Brexit chez nos voisins britanniques rend crucial le besoin de réaffirmer et d’entretenir une coopération bilatérale solide et une capacité à travailler en interopérabilité.
Le projet du SCAF conduit avec l’Allemagne connaît des avancées, mais il doit cependant toujours faire face à d’importants obstacles, notamment industriels. Des divergences essentielles existent à propos de la propriété intellectuelle, ou encore du choix des motoristes.
Au vu de l’importance d’une telle entreprise, espérons que ces obstacles seront rapidement surmontés.
Ces remarques se veulent constructives, madame la ministre. Elles ne sauraient remettre en cause le soutien que nous vous apportons sur ce budget pour 2020. Ainsi, en ce jour anniversaire de la bataille d’Austerlitz, le groupe Union Centriste votera unanimement les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, treize de nos soldats viennent de payer de leur vie leur engagement au service de la France. Comme tous les Français, je m’associe à l’hommage rendu à ces hommes, dont la disparation touche la communauté nationale.
Ces disparitions ont rappelé, ô combien cruellement, les dangers et les risques de l’engagement de nos forces militaires sur les théâtres extérieurs, dans une lutte de chaque instant contre le terrorisme.
Comme vous, j’ai entendu les voix discordantes de bonnes âmes qui s’interrogent sur la présence de la France au Mali. J’ose le dire aujourd’hui fermement : elles ne sont pas les bienvenues !
La France ne se bat pas simplement pour le Mali ; elle se bat pour la sécurité d’une région entière et, au-delà, pour celle de notre pays et de l’Europe. J’entends être clair : ce serait une étrange manière de lutter contre le terrorisme de vouloir aujourd’hui se retirer de ce territoire et d’offrir ainsi une base aux terroristes ! La sécurité des Français et des Européens, ce n’est pas de la poudre de perlimpinpin…
S’il me paraît difficile de remettre en cause l’opportunité stratégique de l’opération Barkhane, pour autant, la question d’une coordination européenne de la lutte contre le djihadisme en Afrique est plus que jamais d’actualité. C’est pourquoi, aujourd’hui, je souhaite mettre deux axes en exergue.
En premier lieu, il est nécessaire d’amener enfin les pays européens à s’engager à nos côtés, pour notre sécurité commune.
Nous entendons, de-ci de-là, bien des commentaires sur notre isolement au Mali. C’est, osons le dire, faire peu de cas des opérations de formation de l’armée malienne menées par l’Union européenne depuis 2013, ou encore du soutien américain en termes de renseignement grâce aux drones Reaper.
Reconnaissons néanmoins que, dans les opérations de combat, la France reste, hélas, le seul pays occidental qui se retrouve véritablement sur le terrain. Aussi, madame la ministre, nous vous encourageons à accentuer vos efforts pour bâtir une coalition des forces spéciales européennes.
En second lieu, pour coller à la discussion budgétaire qui nous réunit, il convient de s’interroger sur l’adaptation de notre armée sur le plan opérationnel au profil de l’ennemi qui nous préoccupe désormais, le combattant menant une guerre « asymétrique ».
Dans ce cadre, et pour l’armée de terre, nous attendons le plan stratégique qui devrait tirer les conséquences de l’évolution de ces interventions. J’ose espérer qu’il nous sera présenté l’année prochaine, conformément au calendrier annoncé !
Ce qui est certain, c’est que face à des organisations armées qui s’adaptent et font preuve d’une agressivité sans cesse renouvelée il faudra sans cesse nous réinventer.
L’intensité des interventions – je pense plus particulièrement aux OPEX – soulève moult questions, et je fais mienne cette formule, datant de 2017, du général François Lecointre, chef d’état-major des armées : « L’armée française avait été une armée de non-emploi pendant toute la guerre froide, elle est devenue une armée d’emploi, elle est même une armée extrêmement employée ». Trop peut-être, au regard des moyens dont elle disposait !
L’effort budgétaire consenti pour la défense doit être à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui.
C’est chose faite, puisque le budget pour 2020 de la mission « Défense » s’inscrit dans la trajectoire fixée par la dernière loi de programmation militaire, avec 1,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires par rapport à 2019.
Je salue la poursuite des commandes et livraisons qui devaient garantir la modernisation de notre armée : les blindés Griffon, très attendus, ou encore le sous-marin Suffren, un exemple d’excellence technologique.
Pour autant, j’ai souhaité reprendre quelques-unes des observations des rapporteurs.
Il s’agit, d’abord, de la baisse de 3,72 % des crédits de paiement d’entretien programmé du matériel, associée à l’état vieillissant des flottes.
Il s’agit, ensuite, de l’A400M, pour lequel les progrès en termes de disponibilité ne sont pas assez rapides.
Il s’agit, enfin, des inquiétudes récurrentes sur les conditions de vie des militaires, malgré les efforts et l’attention toute particulière, madame la ministre, que vous portez aux familles.
Vous rappelez régulièrement que nous sommes face à un budget à hauteur d’homme, et près de 80 millions d’euros seront affectés au plan Famille, contre 57 millions d’euros en 2019.
Toutefois, ces efforts sont-ils à la hauteur des sacrifices que nous demandons à ces femmes et à ces hommes qui se battent pour nos valeurs, pour la démocratie, pour la France et pour l’Europe ?
Il importe, en ces temps de doute, d’incertitude et d’inquiétude, de ne pas relâcher l’effort sur la ressource humaine, qui, en l’occurrence, est le nerf de la guerre !
Si l’actualité démontre parfois avec gravité ce que signifie l’engagement, elle rappelle aussi, avec ces drames, le courage et le dévouement de celles et de ceux qui servent notre pays.
Ces réserves exprimées, madame la ministre, mes chers collègues, et parce que la mission va dans le bon sens, celui d’un accroissement constant des moyens accordés à nos armées, le groupe du RDSE approuve les crédits de la mission « Défense » pour 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants.)