M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose deux exemples, parmi bien d’autres, de la situation dans laquelle se trouvent les gendarmes et que le budget 2020 ne permettra pas d’améliorer, tant s’en faut.
Connaissez-vous, monsieur le ministre, le « Bon Coin des gendarmes » ? C’est une sorte de bourse où ces derniers s’échangent des pièces de rechange ou des objets qui leur permettent, tout simplement, de continuer à remplir leurs missions malgré la pénurie de moyens dont ils souffrent…
Savez-vous, en outre, que, quelque part en France, des gendarmes ont dû se cotiser, à hauteur de 20 euros chacun, pour pouvoir remplacer le moteur de leur véhicule en panne ?
Certes, des postes seront encore créés en 2020, mais, une fois de plus, les moyens de fonctionnement de la gendarmerie nationale stagneront, et les fonds consacrés aux investissements baisseront.
Quant aux crédits prévus pour les réservistes, qui sont désormais essentiels au plein accomplissement des missions de la gendarmerie, ils seront également, une fois de plus, en forte baisse en 2020.
La gravité de la situation s’explique non seulement par une insuffisance des crédits, mais aussi, plus que jamais, par la réserve de précaution, ce mécanisme, auquel s’ajoute le surgel ministériel, est en effet particulièrement dommageable pour la gendarmerie, dont une grande part des dépenses sont contraintes, comme le paiement des loyers ou des fluides.
Ce sont donc les véhicules et l’immobilier, dont les crédits sont déjà calculés au plus juste, qui sont affectés massivement par ce gel. Avez-vous des pistes, monsieur le ministre, pour résoudre cette difficulté majeure que le directeur général de la gendarmerie évoque chaque année ?
Le dernier sujet que je souhaite aborder est celui de la présence territoriale de la gendarmerie. Certaines propositions formulées à l’issue des ateliers d’idéation du début de l’année peuvent inquiéter, d’autant que nous savons qu’elles sont tout à fait prises au sérieux.
J’ai en particulier à l’esprit la réduction de plus du tiers du nombre de brigades, au moment où les Français réclament avec force plus de services publics dans nos territoires. Que penser de la solution de rechange évoquée, c’est-à-dire le regroupement des brigades avec d’autres services publics dans le cadre du réseau des maisons France Services ? Je ne suis pas certain que la sécurité gagne beaucoup à un tel mélange des genres !
M. Jérôme Bascher. En effet, c’est n’importe quoi !
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. Pour l’ensemble de ces raisons, et dans l’attente d’une loi de programmation qui nous permettra enfin de prévoir, pour nos forces de sécurité, des moyens et une organisation en accord avec leur mission, la commission a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par rendre hommage à nos gendarmes, qui ont dû faire face à des situations particulièrement difficiles en 2019, en matière de maintien de l’ordre, notamment face à quelques éléments du mouvement des « gilets jaunes ».
Je reviens sur les propos de Philippe Paul, qui a évoqué l’éventualité d’une loi de programmation. Nous savons que des travaux d’élaboration d’un Livre blanc de la sécurité intérieure sont en cours.
Or il est essentiel que ce Livre blanc se traduise, ensuite, par une loi d’orientation et de programmation. Nous l’avons fait pour la défense, nous devons le faire pour la sécurité intérieure !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis. Il est indispensable que cette future loi comporte une programmation financière mettant en adéquation les moyens de la gendarmerie et de la police nationale avec leurs missions. Monsieur le ministre, est-ce bien ce qui est prévu ?
Il existe actuellement un écart de plus en plus douloureux entre ce qui est demandé à nos gendarmes et les outils qui sont mis à leur disposition. S’agissant des véhicules, par exemple, environ 1 900 unités ont été livrées en 2019, pour 2 800 inscrites au budget, et seulement 1 550 sont envisagées pour 2020. C’est très insuffisant !
Les réponses que vos services nous ont faites sont claires à ce sujet : le nombre idéal de remplacements serait de 2 800 véhicules par an, représentant un coût de 60 millions d’euros environ. Il manque donc 20 millions d’euros dans le budget 2020 pour offrir un outil de travail décent à nos gendarmes. Un tel montant ne devrait pas être inatteignable !
S’agissant de l’immobilier, le constat est malheureusement identique : avec une baisse des crédits en 2020, nous sommes très loin des 300 millions d’euros devant être dégagés annuellement pour entretenir décemment le parc domanial.
Les gendarmes sont particulièrement affectés par cette insuffisance qui touche, bien sûr, leurs familles. Nous avons recueilli maints témoignages édifiants sur l’état de délabrement qui règne dans certaines casernes, alors que, faut-il le rappeler, 80 % d’entre elles ont plus de cinquante ans.
Mes chers collègues, nous en sommes tous conscients, nos forces de sécurité ont besoin d’être fortement soutenues dans une période difficile, dans laquelle, après avoir été encensées à la suite des attentats, elles sont parfois la cible de mécontentements diffus.
Ainsi, au 30 juin de cette année, la gendarmerie a enregistré une augmentation de 11,5 % des agressions physiques par rapport à l’an passé, une hausse de 3,7 % du nombre de blessés à la suite d’agressions armées et une progression de 11,4 % du nombre de blessés à la suite d’agressions sans arme.
Parce que nous soutenons nos gendarmes, il est indispensable que, avec l’accroissement des effectifs, soit entreprise une augmentation plus importante des crédits consacrés au matériel, ainsi qu’une amélioration globale de leurs conditions de logement.
Merci par avance, monsieur le ministre, de les entendre, après nous avoir écoutés !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs exercices, notre commission regrette, en dépit des efforts consentis pour le budget de la sécurité, l’approche déséquilibrée du Gouvernement, qui privilégie le renforcement des effectifs au détriment de l’amélioration des conditions de travail des policiers et des gendarmes.
Alors même que les revendications de nos forces de l’ordre n’ont jamais été aussi fortes, le projet de loi de finances pour 2020 ne déroge malheureusement pas à la règle.
Pour aller à l’essentiel, j’insisterai sur trois sujets d’inquiétudes soulevés par notre commission.
Le premier concerne les crédits d’investissement, qui chuteront, à périmètre constant, de 13,6 % dans la police et de 17,4 % dans la gendarmerie. Cette année encore, monsieur le ministre, le compte n’y est pas : comment espérez-vous garantir à nos forces une modernisation de leurs parcs automobiles et améliorer leur situation immobilière avec des dotations en baisse ?
J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle : il est illusoire de penser qu’augmenter le nombre de nos policiers et de nos gendarmes suffira à renforcer leur capacité opérationnelle, si l’on n’entretient pas, dans le même temps, leurs moyens d’intervention.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. Le deuxième sujet concerne le financement des réserves de la police et de la gendarmerie.
Depuis deux ans, les enveloppes qui leur sont allouées sont systématiquement ponctionnées, pour financer les recrutements et les mesures de revalorisation salariale. Je regrette vivement qu’aucune amélioration ne soit prévue dans ce domaine pour 2020 : les crédits connaîtront une baisse importante, de 11 % dans la police et de 30 % dans la gendarmerie.
Ces coupes budgétaires risquent d’appauvrir, à terme, le vivier des réservistes, dont l’appui aux forces de sécurité est pourtant devenu essentiel.
Enfin, je dirai quelques mots sur les conséquences des nombreuses créations de postes souhaitées par le Gouvernement sur les dispositifs de recrutement et de formation de la police et de la gendarmerie.
Pour absorber l’augmentation des entrées en école, les dispositifs de formation ont été adaptés, parfois dans l’urgence, avec des conséquences qu’il est encore difficile d’évaluer. Il est heureux que des mesures de plus long terme aient été prises pour renforcer durablement la capacité d’accueil des écoles, mais j’ai pu constater qu’il existait un risque réel de saturation.
Au-delà de l’insuffisance des budgets de fonctionnement des écoles, c’est surtout l’appauvrissement des viviers de recrutement et la baisse des niveaux de sélectivité des concours qui inquiètent, à juste titre, nos collègues.
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de recruter en nombre ; il s’agit aussi de recruter en qualité. À défaut, c’est la sécurité des Français que vous risquez de dégrader encore plus.
Vous l’avez compris, la commission des lois a émis, à la lumière de ces éléments, un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » hors programme « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ne disposant que de trois minutes, je ne vais pas décrire ce budget qui stagne ou répéter que la sécurité civile est devenue le parent pauvre de la sécurité. Nous le savons tous.
Je vais aller à l’essentiel en évoquant deux points, à commencer par les suites de l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette décision a reconnu la qualité de travailleur à un sapeur-pompier volontaire belge et pourrait remettre entièrement en cause notre modèle de sécurité civile.
Lors de son audition, Laurent Nunez a indiqué vouloir exploiter les dérogations offertes par la directive de 2003 sur le temps de travail pour nous sortir de l’ornière. Or il s’agit, selon moi, d’une solution de facilité, dont la seule conséquence sera d’entériner le fait que les sapeurs-pompiers volontaires sont bel et bien des travailleurs.
La seule véritable issue pérenne est l’adoption d’une directive européenne ad hoc, destinée à l’engagement citoyen. Un projet est déjà rédigé ; il n’attend que votre soutien, monsieur le ministre.
Mon deuxième point concerne l’investissement des SDIS.
En 2016, la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires s’est traduite par une diminution significative du montant de la participation versée à ce titre par l’État aux départements, en contrepartie de l’abondement d’un fonds à hauteur de cette économie, dédié au soutien aux investissements structurants des SDIS. L’idée était de rendre à la sécurité civile ce qui lui appartenait déjà.
Cet engagement logique n’a tenu qu’une seule année : depuis lors, les économies restent, mais le montant du fonds n’a, quant à lui, cessé de diminuer. Sur quatre ans, la différence s’élève à 60 millions d’euros, soit plus de 10 % du budget annuel de la sécurité civile.
Comment expliquer cette baisse, alors que les investissements des SDIS sont au plus mal et que le budget du programme « Sécurité civile » ne représente que 2,5 % de celui de la mission « Sécurités » ? Pour nos SDIS et nos sapeurs-pompiers, ce n’est plus une perte, c’est un hold-up !
Au début du mois de septembre, monsieur le ministre, vous annonciez un plan en faveur de la sécurité des sapeurs-pompiers. La commission des lois du Sénat s’intéresse également à ce sujet central et la mission d’information qu’elle a créée, dont je suis corapporteur, rendra son rapport le 11 décembre.
Monsieur le ministre, la sécurité de nos sapeurs-pompiers est largement tributaire de la qualité des équipements qui les protègent. Aussi, mes collègues corapporteurs et moi-même vous demandons un geste simple, évident, frappé au coin du bon sens : rendez à la sécurité civile et aux pompiers l’argent qu’ils vous ont fait économiser et fléchez cette somme, en priorité, vers les investissements nécessaires pour assurer leur sécurité. Je vous laisse compter combien de parebrises feuilletés, de caméras piétons et de gilets pare-lames on achète avec 60 millions d’euros !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’avis de la commission des lois sur l’adoption des crédits du programme sécurité civile est défavorable. En ce qui me concerne, le mien l’est également et le demeurera tant que ce problème ne sera pas réglé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier nos rapporteurs spéciaux et nos rapporteurs pour avis. Ceux-ci nous ont apporté en peu de temps beaucoup d’informations et nous ont fait part de réflexions que nous pouvons partager, même si nos conclusions présentent quelques nuances avec les leurs.
Mon groupe entend en effet saluer un budget qui répond à un objectif politique.
L’engagement avait été pris d’augmenter les effectifs de la police et de la gendarmerie, peu d’entre nous seraient prêts à en discuter le bien-fondé. Il est en cours de réalisation, avec les particularités attachées à l’arrivée dans une profession nécessitant – ô combien ! – une formation : un délai est nécessaire avant la mise en activité sur le terrain des personnels recrutés.
Des coûts budgétaires associés à cette politique sont à la hauteur de l’objectif en matière de personnels. Il faut savoir ce que l’on veut : le Gouvernement, conformément aux engagements pris par le Président de la République, souhaite accroître les effectifs, c’est ce qui est en train de se produire. En outre, des plans d’amélioration des rémunérations sous différentes formes sont engagés, certains en cours depuis plusieurs années, mais enrichis depuis deux ans. Ils emportent également des répercussions budgétaires.
S’il me semble logique d’en prendre acte, en émettant éventuellement quelques avertissements, nous ne pouvons qu’approuver cette politique, sur laquelle nous nous sentons engagés.
Mes chers collègues, nous sommes tous placés devant un défi de cohérence au cours des discussions budgétaires. Nous sommes en effet préoccupés par la maîtrise des dépenses publiques, mais nous souhaitons également, sur chaque budget en débat, une augmentation des crédits. Chacun doit donc assumer sa part de responsabilité.
Pour notre part, tout en constatant que se poursuit la maîtrise des déficits, nous approuvons les effets budgétaires de la priorité accordée à la sécurité publique, au même titre qu’à la défense et à l’éducation.
En revanche, nous entendons les observations de nos collègues rapporteurs sur le besoin de crédits consacrés au matériel et à l’investissement et nous attendons que le ministre nous fasse part de son plan pour le renforcement de ces domaines.
Pour revenir d’un mot sur le personnel, nous souhaitons exprimer notre vigilance sur les effectifs en tension opérationnelle, c’est-à-dire ceux de la police et de la gendarmerie nationale. Nous savons tous à quel point ces personnels ont subi des surcharges et nous savons que le ministre et son secrétaire d’État sont au contact des forces et très attentifs aux risques qui résultent de cette situation de sursollicitation.
Monsieur le ministre, nous sommes à votre écoute pour savoir comment vous entendez poursuivre l’opération de résorption des heures supplémentaires et gérer les récupérations et les prises de congés de manière que l’ambiance sociale, professionnelle et humaine à l’intérieur des unités retrouve une certaine sérénité face aux sollicitations opérationnelles intenses, que nous savons tous justifiées.
À ce sujet, le développement de la réserve dans la police nationale et dans la gendarmerie reste, à mes yeux, un point fort nécessaire de la politique de ressources humaines. Sur ce point également, nous sommes à l’écoute du Gouvernement.
C’est sur la base de cette position politique simple que notre groupe fera exception – si j’ai bien compris – et approuvera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon propos vous paraître un peu répétitif, mais je partage le constat des rapporteurs qui se sont exprimés précédemment : l’examen des crédits de la mission « Sécurités » est pour le moins décevant.
L’augmentation des moyens, avec une progression à hauteur de 3,7 % en autorisations d’engagement et de 3,9 % en crédits de paiement, ne se situe pas là où nous l’attendions.
S’agissant du budget des forces de sécurité, le Gouvernement s’entête dans un choix qui a pourtant fait les preuves de son inefficience, en renforçant les effectifs de police et de gendarmerie, d’un côté, avec la création de 1 888 emplois supplémentaires, tout en négligeant, de l’autre, leurs conditions de travail, avec des dotations de fonctionnement et d’investissement sous-budgétées.
Certes, le recrutement au sein de la police nationale et de la gendarmerie ne cesse d’augmenter, mais à quel prix et dans quel but ? À lire les observations du rapporteur spécial de la commission des finances, je ne suis guère rassurée : « l’évolution des dépenses de personnel des programmes “Police nationale” et “Gendarmerie nationale” n’apparaît ni soutenable ni maîtrisée ».
La commande purement politique de ces schémas d’emplois apparaît même largement contre-productive et en totale inadéquation avec les besoins de nos forces de l’ordre, puisque, si les dépenses de fonctionnement et d’investissement sont en diminution, atteignant un niveau plancher, cela résulte toujours, selon le rapporteur spécial, « du dérapage des dépenses de personnel ».
Pour compenser la hausse des effectifs et les mesures d’accompagnement des policiers en 2020, monsieur le ministre de l’intérieur, vous taillez donc dans les dépenses d’équipement et d’investissement des forces de l’ordre, alors même que la hausse des dépenses de personnel du ministère de l’intérieur avait déjà été sévèrement taclée par la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution du budget de 2018.
Les magistrats mettaient même en garde contre un effet de ciseau obligeant la place Beauvau à sabrer dans les budgets d’équipements, au risque d’affecter la capacité opérationnelle des troupes.
En outre, il conviendrait de mieux écouter les professionnels eux-mêmes. Je rappelle que les plus de 20 000 policiers descendus dans la rue le mois dernier manifestaient non pas pour une revalorisation des effectifs, mais bien pour une amélioration de leurs conditions de travail et la défense de leurs retraites, ainsi que pour une loi de programmation ambitieuse pour un service public de qualité.
Or les dépenses de fonctionnement en autorisations d’engagement diminuent de 16 %, quand les dépenses d’investissement chutent de 23 %. Il est clair, monsieur le ministre, que votre réponse à leurs attentes est, pour le moins, à côté de la plaque – passez-moi l’expression…
L’augmentation des dépenses de personnel est loin d’empêcher la persistance d’un climat délétère, surtout au sein de la police nationale, et la prégnance de risques psychosociaux, dont témoigne, tragiquement, le nombre record de suicides dans la profession.
Ce grand malaise résulte aussi – je ne cesse de le répéter – de la perte de sens du métier ressentie par nombre d’agents de nos forces de l’ordre. Ce problème, monsieur le ministre, aurait pu trouver une réponse partielle dans la création de votre fameuse police de sécurité du quotidien, mais celle-ci, malgré les 350 contrats opérationnels de protection conclus, semble une coquille vide : qu’en est-il, réellement, des objectifs atteints par cette police ? Je m’interroge grandement et je pense ne pas être la seule…
Je m’interroge également sur le budget envisagé pour la sécurité civile de notre pays, compte tenu de la stagnation inquiétante des crédits alloués à ce programme – moins de 2,5 % du total des crédits de la mission. Ces professionnels, si indispensables, sont dans l’attente d’améliorations importantes de leurs conditions de travail.
Les sapeurs-pompiers, eux aussi, ont exprimé leur légitime colère dans la rue, avec les représailles déplorables que l’on connaît. Vos réponses, monsieur le ministre, consistant à reporter les décisions sur les collectivités territoriales, ne répondent pas aux attentes. La revalorisation de la prime de feu, par exemple, aurait constitué une première réponse, très attendue, à la souffrance des pompiers, confrontés à un écart grandissant entre l’accroissement des missions et la stagnation des effectifs.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Sécurités », dont la hausse ne répond qu’à une commande politique d’augmentation des effectifs, au détriment de conditions de travail qui ne cessent de se détériorer. Monsieur le ministre, les professionnels sont à bout de souffle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Catherine Troendlé. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Sécurités » pour 2020 progressent, à périmètre constant, de 3,7 % en autorisations d’engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.
Quoiqu’ils soient réels, ces efforts paraissent bien modestes au regard du contexte sécuritaire, particulièrement tendu, et n’apportent pas de réponse satisfaisante à la dégradation des conditions de travail des policiers et des gendarmes.
En effet, la prégnance de la menace terroriste, l’importance de la pression migratoire à laquelle notre pays fait face depuis, désormais, plus de quatre ans et le maintien d’un niveau élevé de délinquance impliquent une mobilisation sans précédent des forces de sécurité intérieure sur notre territoire. Si les effectifs des forces de police et de gendarmerie ont été renforcés au cours des derniers exercices budgétaires, des efforts restent à fournir en ce qui concerne les moyens matériels pour parvenir au niveau exigé par l’aggravation de la situation.
L’effort budgétaire demeure toujours en deçà des attentes et des besoins des forces de sécurité intérieure, dont les conditions matérielles continuent de se dégrader. La hausse des crédits paraît très insuffisante aussi compte tenu des violences urbaines récurrentes auxquelles les forces de l’ordre sont aujourd’hui confrontées.
Votre budget, monsieur le ministre, pourrait et devrait être plus ambitieux ! À son niveau actuel, il suscite des inquiétudes, car il ne permettra ni de remédier au vieillissement des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie ni de poursuivre la remise à niveau des équipements des forces de sécurité. Il ne permettra pas non plus la rénovation du parc immobilier, souvent dans un état de délabrement avancé.
L’importante dégradation de la situation matérielle de nos forces de sécurité contribue bien évidemment au mal-être croissant au sein de la police et de la gendarmerie nationales. Il est donc regrettable que, cette année comme les précédentes, on privilégie le seul renforcement des effectifs, au détriment de l’entretien des équipements et des moyens d’intervention.
De fait, la priorité donnée aux dépenses de masse salariale pèse fortement sur les dotations de fonctionnement et d’investissement, qui continuent globalement à diminuer.
Avant de conclure, je souhaite rendre hommage, à cette tribune, aux hommes et aux femmes qui, tous les jours, souvent au péril de leur vie, veillent sur notre sécurité. Je salue leur engagement au service de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, votre budget ne prévoit pas suffisamment de moyens matériels pour la police et la gendarmerie nationales. Il ne prend pas assez la mesure de la dégradation du contexte sécuritaire dans notre pays. Même si des actions sont menées et que les problèmes sont aussi l’héritage de vos prédécesseurs, le groupe Les Indépendants ne votera pas les crédits de la mission « Sécurités ».
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie mon collègue Philippe Bonnecarrère d’avoir bien voulu me céder la moitié de son temps de parole, le temps d’un témoignage.
Je tiens, avant tout, à rendre hommage à nos forces de police et de gendarmerie.
Monsieur le ministre, je parlerai de terrorisme, un sujet sur lequel je travaille beaucoup. Nous attendions depuis longtemps la publication du document transversal sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation ; il vient enfin d’être publié, ce dont je vous remercie, et sera extrêmement utile.
Le renseignement est au cœur des dispositifs de lutte contre le terrorisme. Compte tenu des enjeux de sécurité, nous devrions disposer d’éléments chiffrés sur les moyens de nos services. La confidentialité est compréhensible, évidemment, mais, les enjeux étant tels, il me semble que nous pourrions avoir connaissance de quelques données, au moins au travers de la délégation parlementaire au renseignement.
On a beaucoup parlé des moyens qui font défaut ; je voudrais, moi, parler des résultats. En 2018, plus de 20 000 personnes ont été suivies et 2 594 prises en compte. Quant aux salles de prières radicales salafistes, 2 133 ont été identifiées, suivies et surveillées. Au total, depuis deux ans, 42 000 situations environ sont traitées, ce qui est un résultat tout à fait important.
Depuis 2012, de même, 54 lieux de culte radicaux ont fait l’objet d’une procédure de fermeture, dont 35 ont été complètement fermés, notamment depuis la loi du 30 octobre 2017.
En matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, je crois que le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, montre une vraie volonté de faire plus et mieux.
Je vous suggère de procéder à des évaluations du comité de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Vous avez lié le sort de ce comité à celui de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, ce qui peut poser un certain nombre de problèmes. De plus, nous manquons d’évaluations. Nous ne pourrons pas avancer dans la lutte contre la radicalisation si nous ne disposons pas de davantage d’évaluations des outils mis en œuvre.
C’est probablement la raison pour laquelle le groupe Les Républicains du Sénat a demandé une commission d’enquête sur la radicalisation. Je ne suis pas tout à fait sûre que nous arrivions à plus de résultats… Je pense que nous devons travailler ensemble et, de ce point de vue, monsieur le ministre, je vous assure du soutien du groupe Union Centriste aux mesures que vous pourriez prendre pour lutter contre la radicalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Richard applaudit également.)