M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd’hui sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019, alors même que nous venons tout juste de terminer l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2020. Voilà qui nous oblige à un troublant exercice d’aller-retour dans le temps.
Cette superposition chronologique découle du désaccord survenu à l’issue de la première lecture. L’Assemblée nationale avait adopté sans modifications le texte du Gouvernement qui ne contenait ni mesure fiscale ni décret d’avance, conformément à la vocation initiale du PLFR.
De son côté, le Sénat a souhaité adopter un texte légèrement amendé. Je rappelle que le groupe Les Indépendants avait fait le choix de s’abstenir lors du vote en première lecture.
Nous n’avons en effet pas bien compris la position du Sénat : d’un côté, certains reprochaient au Gouvernement sa prétendue incapacité à réduire la dépense publique et l’exhortaient à toujours plus de sincérité et de rigueur dans l’exécution du budget, de l’autre, on amendait un PLFR qui ne contient pas de mesure politique, pour y supprimer des annulations de crédits, et donc imposer de nouvelles dépenses, tout en saluant la sincérité dans l’exécution du budget. Ce n’est pas facile à comprendre !
Le groupe Les Indépendants se réjouit, toutefois, que les discussions de la commission mixte paritaire aient pu aboutir et, en particulier, que le point soulevé par le Sénat concernant la mission « Défense » ait été éclairci. Il s’agit, nous l’avons compris et le ministre l’avait exposé, de marchés passés par la direction générale de l’armement (DGA) et renégociés en sa faveur, concernant 250 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui, pour les acteurs concernés, ne relève pas seulement de l’épaisseur du trait.
Nous avions déjà soulevé ce point en première lecture. Mon groupe continuera à veiller à ce que nos forces armées, qui sont aujourd’hui confrontées à une période d’instabilité géopolitique inédite, ne pâtissent pas de la volatilité budgétaire qui caractérise notre pays. En ce jour, plus qu’en tout autre, nous savons le prix qu’elles payent pour défendre notre liberté.
Le même principe guidera l’action du groupe Les Indépendants lors des discussions sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2020. Il est toujours facile de prôner dans le discours plus de rigueur sur les grands équilibres et de montrer du doigt quelques grands chiffres, tels que le taux d’endettement ou le déficit public.
C’est, cependant, lorsqu’il faut décider mission par mission, ligne par ligne, des crédits qui diminueront, lorsqu’il faut assumer d’importantes économies, que les positions politiques se cristallisent.
Cette année encore, la ligne de mon groupe sera claire : nous soutiendrons toutes les mesures qui réduisent la dépense publique, sauf celles qui visent l’exercice des missions régaliennes de l’État, au premier rang desquelles figurent l’armée et la justice.
M. Jean-François Husson. Ça ne fera pas grand-chose !
M. Emmanuel Capus. Dans ce cas, nous délaissons bien volontiers une approche comptable pour adopter des positions plus responsables, car le premier rôle de l’État est d’assurer la liberté de nos compatriotes, laquelle n’existe pas sans la sécurité.
Nous veillerons tout particulièrement à ce que cette approche ne conduise à l’abandon d’aucun de nos territoires au risque de faire vaciller la République une et indivisible.
Certes, nous ne sommes pas réunis ce soir pour parler de politique générale, mais c’est toute la vertu d’un PLFR sincère et réduit à sa vocation initiale – solder les comptes de l’année qui s’achève – que de redonner du sens à nos débats et de renforcer nos engagements politiques. À quoi bon, sinon, discourir à l’automne sur les crédits de paiement et les autorisations d’engagement de toutes les missions, pour se dédire un an plus tard ? Nous risquerions fort, alors, d’affaiblir la voix du Parlement qui autorise l’État à lever l’impôt.
C’est pourquoi l’engagement du Gouvernement à présenter chaque année un PLFR dépourvu de toute disposition fiscale et de tout décret d’avance contribue à renforcer cette voix lors des débats budgétaires. Nous formons le vœu que le Gouvernement maintienne cette pratique dans les années à venir.
En tout état de cause, le groupe Les Indépendants votera le projet de loi de finances rectificative pour 2019 tel qu’issu des discussions de la commission mixte paritaire. (MM. Joël Guerriau et Marc Laménie applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste est particulièrement satisfait que la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 ait été conclusive.
Nous avions déjà apprécié que ce texte, comme l’an passé, ne contienne pas de mesures fiscales nouvelles et procède simplement à des ajustements de crédits, ce qui le rend plus efficient. De telles dispositions relèvent en effet plutôt du projet de loi de finances.
Rappelons le contexte. Notre croissance, 1,3 %, reste supérieure à celle de la zone euro, un point plutôt positif. Le pouvoir d’achat a été amélioré cette année de 2,3 % selon les estimations ; le prix du pétrole est, certes, resté relativement bas, mais différentes mesures ont également été engagées en faveur des Français : la réduction de la pression fiscale, notamment par le biais de la réforme de la taxe d’habitation, que nous apprécions, comme de la baisse des impôts et des mesures liées à la prime d’activité, lesquelles ont rencontré le succès, avec 1,25 million de bénéficiaires supplémentaires. Du pouvoir d’achat a donc pu être donné à un certain nombre de foyers dont les moyens restaient modestes.
Le marché du travail est extrêmement dynamique, comme l’indique la diminution du nombre de demandeurs d’emploi. C’est particulièrement intéressant pour l’avenir, car le chômage constitue, depuis de nombreuses années, le sujet sur lequel les gouvernements engagent l’essentiel de leur lutte et de leurs politiques. Aujourd’hui, nous obtenons enfin des résultats.
Le camarade Pascal Savoldelli déplorait que les étudiants exercent des « jobs », mais j’apprécie, quant à moi, qu’ils puissent travailler et ainsi connaître concrètement la vie professionnelle. L’apprentissage est sans doute l’un des meilleurs moyens d’acquérir une qualification professionnelle permettant d’aborder l’avenir dans les meilleures conditions.
L’investissement des entreprises reste relativement soutenu, grâce aux taux d’intérêt bas. C’est un signe d’avenir, mais beaucoup reste encore à faire : il faut continuer à encourager les entreprises à investir et j’espère que les mesures contenues dans le projet de loi de finances, notamment le suramortissement, leur permettront de s’engager dans cette voie, car c’est essentiel pour améliorer la productivité.
Citons, parmi les bonnes nouvelles de cette année 2019, la privatisation de la Française des jeux, qui rencontre finalement un vrai succès populaire. C’est une bonne chose, tant il est bienvenu d’orienter l’épargne, toujours très importante, des Français – 14,8 % ! – vers l’économie productive et les entreprises.
Ces succès ont été obtenus notamment grâce à l’action de réduction des charges sociales engagée par le Gouvernement. Monsieur le secrétaire d’État, il faut continuer dans ce sens, car le coût du travail en France est encore parmi les plus élevés d’Europe. Si les exonérations de charges disponibles sur les bas salaires nous permettent d’être particulièrement compétitifs, en considérant notre masse salariale globale, il apparaît que le coût du travail pèse encore considérablement sur la compétitivité de nos entreprises.
Le groupe Union Centriste souhaite que le Gouvernement poursuive dans le sens d’une réduction des charges sociales, afin d’améliorer encore la compétitivité des entreprises.
S’agissant de ce projet de loi de finances rectificative, mon groupe n’était pas favorable à engager des dépenses supplémentaires et s’était donc abstenu, comme le groupe Les Indépendants, sur un certain nombre de propositions.
Nous prenons acte avec satisfaction du compromis qui a été trouvé avec l’Assemblée nationale, notamment sur l’alimentation du programme ITER ou du programme « Patrimoines », même si nous ne sommes pas certains de pouvoir consommer l’ensemble des crédits.
Formons le vœu que cet épisode nous rende attentifs à la situation de nos finances publiques, ainsi que nous le disons depuis jeudi dernier. Nous devons rester concentrés sur la nécessité de réaliser des économies. Si la baisse des impôts permet aux Français d’alléger un peu leurs charges, l’État doit également être exemplaire et s’engager dans la diminution de ses dépenses.
Cela dit, le groupe Union Centriste votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2019. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur le PLFR pour 2019 a donc été conclusive. Il est bon que les deux chambres du Parlement s’entendent de temps en temps sur des solutions de compromis, et nous ne pouvons qu’en être satisfaits, au moins sur la forme.
Cependant, nous ne souscrivons pas à l’accord trouvé, qui ne nous satisfait pas davantage que le texte qui nous avait été transmis par l’Assemblée nationale, et nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative, pour plusieurs raisons.
Sur le plan de la forme, qui révèle parfois le fond, je tiens à faire part de notre étonnement quant au déroulement de la CMP. Quatre amendements avaient été adoptés par la Haute Assemblée, monsieur le rapporteur général, mais vous avez indiqué qu’il s’agissait de trois amendements du Sénat et d’un amendement « socialiste » !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’origine socialiste !
M. Patrick Kanner. C’est ballot, parce que quand un amendement est voté, il n’est plus socialiste, il est celui du Sénat. Cette conduite est regrettable et contraire aux usages de notre maison. La majorité sénatoriale, qui avait pourtant adopté cet amendement en séance,…
M. Emmanuel Capus. Par erreur !
M. Patrick Kanner. … malgré votre opposition, aurait-elle fait marche arrière ? C’est dommage : il s’agissait de rétablir 35 millions d’euros de crédits pour le programme « Vie étudiante ».
Au-delà de la forme, que nous tenions à évoquer, sur le fond, ce PLFR est caractérisé par des recettes largement supérieures à ce qui était prévu dans la loi de finances initiale.
Nous en sommes heureux pour notre pays et pour nos concitoyens, mais – parce qu’il y a un « mais » – nous n’avons toujours pas réussi à trouver ces recettes supplémentaires. Se cachent-elles dans le désendettement de notre pays ? Apparemment non : celui-ci n’a jamais été aussi élevé, malgré l’effet d’aubaine des taux d’intérêt négatifs. Nous avons donc espéré, monsieur le secrétaire d’État, que vous aviez musclé certaines politiques publiques dont notre pays a tant besoin.
Nous avons cherché du côté de la transition écologique, nous n’avons rien trouvé, non plus que du côté des moyens dédiés à l’hôpital. En revanche, nous avons constaté la grogne, parfaitement légitime, des personnels hospitaliers qui se sentent oubliés par l’État. Nous avons alors cherché du côté de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, en vain : pas l’ombre d’un euro supplémentaire.
Je pourrai multiplier les exemples, mais, au final, votre politique fait penser, comme l’a affirmé notre chef de file, Claude Raynal, aux Shadoks : plus vous pompez, monsieur le secrétaire d’État, plus il ne se passe rien, mais vous continuez pourtant à pomper, avec une conviction et un entrain dont je vous félicite. (Sourires.)
Nous considérons, en particulier, que la problématique de la vie étudiante aurait mérité un autre sort. Nous connaissons tous la technique budgétaire : le fait que le Sénat adopte un amendement rétablissant des crédits annulés vous conduisait à disposer d’une enveloppe à dépenser avant le 31 décembre.
C’est dans cette logique, sans doute, que vous avez choisi, lors de la commission mixte paritaire, de revenir sur ce déblocage de crédits, comme sur d’autres que le Sénat vous avait proposés. Il faut le dire très clairement : nous sommes dubitatifs, pour ne pas dire choqués, par cette décision et par la logique qui la sous-tend.
Comme le rapporteur général de l’Assemblée nationale l’a indiqué, les crédits du loto du patrimoine ont été maintenus in fine, sans doute grâce à la pression médiatique de Stéphane Bern. Cela veut-il dire, mes chers collègues, que ce dernier, pour qui j’ai le plus grand respect, vaudrait davantage que les étudiants qui manifestent et protestent actuellement ? Il serait possible de dépenser de l’argent pour le loto du patrimoine, mais pas pour les étudiants ? Nous aurons la réponse le 5 décembre !
Voulez-vous nous faire croire, monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’était pas possible de prendre une décision d’urgence visant ponctuellement à octroyer des fonds supplémentaires aux bénéficiaires des crédits du programme « Vie étudiante », en attendant de pouvoir trouver une solution plus durable ? Là encore, nous aurons la réponse le 5 décembre !
La vérité, c’est que si vous en aviez eu la volonté politique, vous auriez pu octroyer une aide d’urgence aux étudiants les plus en difficultés. Soyons sérieux, ce n’est pas une ligne de crédits de moins de 35 millions d’euros qui aurait changé les équilibres budgétaires de l’exercice 2019.
La politique, c’est faire des choix, et nous ne pouvons qu’être en désaccord avec les vôtres, qui renforcent les plus forts et fragilisent les plus faibles, non sans un certain cynisme.
M. Julien Bargeton. Quelle caricature !
M. Patrick Kanner. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe socialiste et républicain vote contre le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue d’une navette parlementaire à grande vitesse, nous examinons ce soir les conclusions de la commission mixte paritaire sur le collectif budgétaire pour 2019, au milieu de la discussion du projet de loi de finances pour 2020. Merci à ceux qui sont présents et qui ont préféré le PLFR au match de football opposant le Real de Madrid au Paris-Saint-Germain ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, Les Indépendants et LaREM.)
M. Jérôme Bascher. Quel est le score ?
M. Jean-Claude Requier. Je salue à mon tour cette commission mixte paritaire conclusive, un événement suffisamment rare pour mériter que l’on s’en réjouisse et qui renforce collectivement le Parlement. Souvenons-nous que, l’an dernier, le Sénat avait rejeté le texte dès le vote sur l’article d’équilibre.
Les deux chambres n’ont rien à gagner à s’ignorer l’une l’autre ou à se faire concurrence. Il serait heureux qu’une telle issue soit plus fréquente, sans rien renier des spécificités de chaque assemblée.
De façon plus prosaïque, cet accord a le grand mérite de nous faire gagner du temps dans un agenda législatif chargé.
Avec ses trois amendements adoptés en première lecture, le Sénat a joué son rôle de contrôle de l’exécution des crédits. Il a été entendu. Nous avons ainsi montré notre vigilance quant au respect de l’autorisation donnée en loi de finances initiale.
Le projet de loi de finances rectificative permet au Parlement d’augmenter les crédits, ou plutôt d’annuler des annulations, sans risquer de tomber sous le coup du redoutable article 40 de la Constitution : la marge de manœuvre est très faible, mais il a su l’utiliser.
L’amélioration du solde, de 10 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, est une excellente nouvelle, même si elle est surtout due à la baisse de la charge de la dette par le jeu de taux d’intérêt nuls, voire négatifs, sur lesquels nous n’avons pas prise.
Ces 10 milliards d’euros signifient que la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réduction de cotisations, pour un coût annoncé de 20 milliards d’euros, sera finalement couverte à 50 %. D’autres dépenses ont été engagées pour répondre au mouvement des « gilets jaunes », mais elles pèsent davantage sur les comptes sociaux.
La baisse de 1 milliard d’euros des dépenses représente une économie importante, même si la route vers l’équilibre des finances publiques reste longue. Le plus important, pour l’heure, demeure la soutenabilité de notre dette, dépendante de taux d’intérêt qui, je le répète, échappent à notre maîtrise.
L’évolution des effectifs de la fonction publique d’État aura été nulle en 2019, ce qui marque une inflexion importante par rapport aux annonces du début de mandat, mais à laquelle on pouvait tout à fait s’attendre, compte tenu de la complexité du sujet et des limites d’une approche purement comptable.
Plus que par des baisses ou des hausses d’effectifs ou de moyens, trop importants dans certaines administrations, notamment centrales, trop faibles dans d’autres, les politiques publiques passent par une définition claire des missions et des priorités et par une stratégie.
Comme en première lecture, je salue l’amélioration de la budgétisation des opérations extérieures (OPEX), dont les surcoûts font l’objet d’un financement interministériel – le sujet, certes, peut sembler secondaire après le drame de la nuit dernière au Mali.
Je constate la hausse des crédits de l’agriculture pour assurer des contrôles sanitaires en vue de l’ineffable Brexit, qui montre que les autorités s’organisent pour affronter les difficultés qu’il pourrait engendrer, quoi qu’il advienne.
Je salue le refinancement de 13 millions d’euros de la contribution française à ITER, projet majeur avec lequel se joue une partie de notre avenir énergétique et que nous devons encourager.
Les autres mesures d’ouverture ou d’annulation de crédits, la perte de recettes de 400 millions d’euros du compte d’affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit CAS « radars », pour les raisons que l’on connaît, celle de 1 milliard d’euros du CAS « Transition énergétique » et, de façon plus générale, la plus grande sincérité budgétaire ont déjà été soulignées en première lecture.
L’Assemblée nationale a lancé des travaux pour améliorer l’examen des lois de finances, voire réformer la loi organique relative aux lois de finances. De manière générale, nous gagnerions à ce que les grandes mesures fiscales soient annoncées plus tôt dans l’année, par exemple à l’été, plutôt qu’à l’automne. Ce calendrier rendrait sa fonction originelle au débat d’orientation des finances publiques de juin ou juillet, aujourd’hui, il faut le dire, bien indigent.
Les membres du groupe du RDSE voteront très majoritairement les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les textes budgétaires se chevauchent, et, je dois le dire, leur examen aura été cette année particulièrement décousu.
Encore jeune dans la fonction parlementaire, je découvre les règles qui fixent le calendrier et les modalités d’examen des lois de finances. Le Parlement a besoin de plus de temps, de conditions d’examen plus favorables et d’outils d’évaluation plus performants, tant sur les grandes données macroéconomiques que sur l’impact des mesures qu’il propose.
Sur le plan du calendrier, je trouve surprenant que le budget de la Nation soit examiné un week-end, ce qui oblige les services à des efforts particuliers – je salue leur engagement pour que notre démocratie puisse s’exercer – et conduit à un examen des amendements, pourtant filtrés avec zèle, dans des conditions peu soutenables.
Quoi qu’il en soit, notre tâche est grandement facilitée par la décision du Gouvernement, reconduite cette année, de ne pas présenter d’articles fiscaux dans le projet de loi de finances rectificative. Nous renouons ainsi avec la vocation initiale de ce texte : clore la gestion de l’exercice en cours. En présentant un texte qui respecte ce cadre, le Gouvernement respecte l’autorisation budgétaire donnée dans la loi de finances initiale.
Rappelons-nous la pratique passée : les lois de finances rectificatives se multipliaient comme autant de coups de canif dans l’autorisation parlementaire, au risque de cantonner le Parlement dans un rôle de ratification des décisions financières du Gouvernement.
Par ailleurs, nous avons collectivement salué l’absence de sous-budgétisation et de décrets d’avance, ainsi que la diminution des mises en réserve de crédits.
Le projet de loi de finances rectificative valide les choix économiques du Gouvernement et de la majorité. Ainsi, 800 millions d’euros de crédits supplémentaires sont ouverts pour la prime d’activité, dont le montant global atteint désormais 9 milliards d’euros, contre 3,5 milliards d’euros environ en 2017. Preuve que l’aide au retour à l’emploi fonctionne, grâce à la baisse du chômage, mais aussi à la lutte du Gouvernement contre le non-recours.
Les ouvertures de crédits visent aussi à couvrir le dynamisme de la prime à la conversion et du bonus écologique, qui permettent aux Français d’acheter des véhicules propres. Cette tendance montre la volonté des Français d’agir pour la transition écologique.
S’agissant de la vie étudiante, nos collègues Savoldelli et Kanner ont fait une petite fixation sur 35 millions d’euros…
M. Patrick Kanner. Ce sont les étudiants qui vont faire une fixation !
M. Didier Rambaud. Je me permets de leur rappeler que 5,7 milliards d’euros sont prévus pour les étudiants de notre pays (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) et que, depuis deux ans, nous prenons en leur faveur des mesures concrètes, comme la suppression de la cotisation sociale étudiante, qui se montait à 217 euros par étudiant, le gel de la hausse des frais d’inscription et la revalorisation des bourses sur critères sociaux.
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
M. Pascal Savoldelli. Tout va bien, alors ?
M. Didier Rambaud. Du point de vue budgétaire, le solde du déficit public est amélioré de 10 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. À 2,2 %, le déficit de la France atteint un niveau qu’on n’avait pas connu depuis vingt ans.
M. Philippe Dallier. Il faudra voir… Cela reste une prévision !
M. Didier Rambaud. En même temps, la baisse des prélèvements obligatoires, de plus d’un point déjà depuis 2017, est supérieure à la prévision inscrite en loi de programmation.
Ces raisons, je crois, expliquent notre volonté commune de trouver un accord sur ce texte.
Par ailleurs, le Sénat a utilement contribué au texte en corrigeant le projet initial. Ses apports rappellent à tous l’utilité du bicamérisme : en particulier, la seconde lecture nous permet d’examiner les textes transmis par le Gouvernement avec davantage de temps que l’Assemblée nationale. Je pense aussi à l’expertise que chacun ici a développée au fil des ans et des rapports.
Notre groupe soutient donc le projet de loi de finances rectificative pour 2019 et l’accord trouvé pour son adoption ! (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, m’exprimant en dernier, je craignais de devoir reconnaître que tout avait été dit… En fait, je m’étonne de la diversité de nos appréciations sur un texte qui comportait peu d’éléments encore en discussion.
Je me réjouis de vivre un moment presque historique dans la vie du Parlement, puisque, si j’en crois M. le secrétaire d’État, aucune commission mixte paritaire sur un tel texte n’avait été conclusive depuis 2010.
En dépit du calendrier resserré dans lequel nous avons dû examiner ce collectif budgétaire, je me réjouis aussi, comme M. Delcros, qu’il ne comporte pas de mesure fiscale nouvelle.
J’en ai terminé, monsieur le secrétaire d’État, avec les motifs de satisfaction… (Sourires.)
M. Julien Bargeton. C’était court ! (Nouveaux sourires.)
Mme Christine Lavarde. Ce qui vaut pour la forme ne vaut pas pour le fond, malheureusement… De fait, l’absence de redressement de la situation structurelle des comptes publics de l’État en 2019 est confirmée.
Une croissance annuelle de 1,3 %, inférieure de 0,1 point à la prévision du projet de loi de finances initial, 97,6 milliards d’euros de déficit budgétaire, contre 96,3 milliards d’euros prévus en septembre dernier, une dette publique qui augmente de 98,4 à 98,8 points de PIB : les chiffres sont là, et ils ne sont pas bons !
M. François Bonhomme. Certes non !
Mme Christine Lavarde. Certes, les recettes sont révisées à la hausse, de 1,6 milliard d’euros pour l’impôt sur le revenu et de 3,5 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés, du fait, notamment, de la réforme du prélèvement de l’impôt sur le revenu et de la transformation du CICE en baisse de charges.
Mais les dépenses suivent le même mouvement, augmentant de 2 milliards d’euros entre fin septembre et novembre. Voilà qui confirme l’abandon par le Gouvernement de ses promesses d’économies. Monsieur le secrétaire d’État, où sont passées les économies de 1,5 milliard d’euros annoncées pour compenser les 5 milliards d’euros de baisse de l’impôt sur le revenu ?
En outre, ce projet de loi de finances rectificative de fin d’année comportait d’importantes annulations de crédits avant les modifications intervenues en commission mixte paritaire, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, hors masse salariale, sur des crédits mis en réserve. De ce point de vue, les deux apports du Sénat au texte issu de la commission mixte paritaire sont indéniablement positifs et doivent être salués.
Nous nous félicitons notamment du rétablissement des crédits du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». Il faut tout de même rappeler que le Gouvernement n’avait pas jugé utile de justifier cette annulation, portant sur 29,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25,5 millions d’euros en crédits de paiement, des montants à rapporter à la recette du loto du patrimoine. Remerciez le Sénat, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir attiré l’attention de l’Assemblée nationale sur ce point. Je ne crois pas que les millions de Français qui ont joué pour contribuer à la restauration de notre patrimoine auraient apprécié d’être ainsi floués…
Quant à la mission « Recherche et enseignement supérieur », le Sénat a rétabli 13 millions d’euros qui seront engagés au titre de la contribution française au projet ITER. Il s’agit seulement de permettre à la France de respecter ses engagements internationaux, ce qui relève du bon sens. D’ailleurs, l’Assemblée nationale est convenue du bien-fondé de cet amendement du Sénat.
Notre groupe se réjouit de ces avancées et du succès de la commission mixte paritaire, suffisamment rare sur un texte budgétaire pour être souligné. Nous voterons les conclusions soumises à notre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)