M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne, objet de l’article 36, s’impose à nous, puisqu’elle est la traduction de notre engagement communautaire, auquel mon groupe est historiquement très attaché.
Le montant proposé pour 2020, de l’ordre de 21,3 milliards d’euros, relativement stable par rapport à 2019, est globalement satisfaisant, compte tenu des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques.
J’émettrai une première interrogation, devenue incontournable depuis quelques mois : quel sera l’impact de l’interminable feuilleton britannique du Brexit ? C’est une question que nous avons souvent évoquée ici. Aujourd’hui, nous sommes, hélas, toujours dans l’incertitude, tant nos amis Britanniques peinent à franchir le Rubicon ou, devrais-je plutôt dire, peinent à fermer la Manche… (Sourires.)
Ce que l’on sait, c’est que la non-participation du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne pour 2020, du fait d’une sortie sans accord, alourdirait la contribution française de 1 milliard à 2 milliards d’euros. La Commission européenne envisage un plan de coupes budgétaires, que vous avez raison de contester, madame la secrétaire d’État, car le Brexit ne doit pas conduire à bâtir une Europe au rabais, alors même qu’un départ britannique non négocié pourrait nous coûter 0,5 point de croissance.
Par conséquent, espérons que les Britanniques, réputés en rugby pour leur fair-play, quand ils veulent bien en faire preuve (Sourires.), s’acquitteront de leurs obligations financières, comme ils l’ont promis en 2017, l’accord d’octobre dernier n’ayant pas remis ce point en question.
Ma deuxième remarque concerne les fonds européens, qui conditionnent également le niveau du prélèvement sur recettes reversé à l’Union européenne. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur spécial, le rythme de consommation des crédits de la politique de cohésion n’est pas assez soutenu.
Parmi les causes identifiées de ce phénomène, on peut citer un retard accumulé dans la mise en œuvre de la politique de cohésion au début de la programmation. Ce fut déjà le cas avec le cadre financier pluriannuel 2007-2013 ; l’exécution budgétaire de l’année 2013 avait fait un bond de deux milliards d’euros par rapport à la prévision initiale. En 2020, nous serons également en fin de programmation pluriannuelle. Allons-nous connaître le même scénario ?
Quoi qu’il en soit, afin d’éviter ce décalage chronique, la réforme de simplification des fonds de cohésion proposée par la Commission doit intervenir au plus tôt. Les procédures de contrôle sont trop lourdes ; il faut les alléger. Mon groupe y est favorable, car nous souhaitons que ces fonds soient optimisés, pour qu’ils profitent pleinement à nos territoires.
Concernant la structure des ressources propres, le groupe du RDSE partage le principe défendu par la Commission de les voir complétées et modernisées. Cela pourrait permettre, d’une part, de combler le manque à gagner lié au Brexit, et, d’autre part, d’alléger la part des contributions du revenu national brut qui constitue près de 70 % des recettes totales.
Dans cette perspective, je soutiens le principe d’une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, ressource qui serait prélevée en contrepartie des avantages procurés par le marché unique. Hélas, la règle de l’unanimité au Conseil de l’Union européenne bloque toujours cette proposition.
Mon groupe est également très attentif au projet de taxe sur les services numériques, dévoilé par la Commission en 2018. La France est en pointe avec la taxe nationale que nous avons adoptée cet été, mais notre pays est quelque peu isolé au regard de l’enjeu économique. Dans ces conditions, un accord européen serait le bienvenu.
Enfin, mes chers collègues, comme vous le savez, l’exercice 2020 constitue le dernier du cadre pluriannuel en cours. Aussi, je souhaite terminer mon intervention, en évoquant le prochain cadre 2021-2027, qui traduira les nouvelles priorités de l’Union européenne.
Sans vouloir opposer ces nouvelles priorités aux anciennes, vous ne serez pas surprise, madame la secrétaire d’État, que je souligne mon attachement à la PAC et au maintien des moyens de cette dernière.
Chacun le sait, on demande toujours plus aux agriculteurs ! Ainsi, ce ne sont pas moins de vingt et un alinéas qui définissent les finalités de l’agriculture à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime : produire, bien sûr, mais aussi protéger les terres, aménager les territoires, garantir l’indépendance alimentaire, assurer la transition écologique, etc. La liste des missions qui incombent à nos agriculteurs à travers nos politiques publiques est longue, et tout cela dans un contexte de plus en plus concurrentiel.
Par conséquent, une baisse de 3 % en valeur des crédits de la PAC serait inacceptable. Au Sénat, le consensus est assez large, je le crois, sur cette attente. Mon groupe sera en tout cas particulièrement vigilant sur ce point, comme il l’a toujours été dès lors qu’il s’est agi d’œuvrer pour le renforcement de l’intégration européenne au bénéfice de nos concitoyens.
Nous voterons la contribution au budget de l’Union européenne prévue à l’article 36 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. André Gattolin et Simon Sutour applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, l’examen de cet article du projet de loi de finances relève d’une forme de rituel – un rituel rondement mené, mais dont le caractère sibyllin ne peut nous échapper.
Cet examen est un rituel, car il repose sur un article très concis de trente-quatre mots, dont trente-deux sont identiques à ceux de l’année précédente. Seules deux choses changent ; d’ailleurs, moins que de mots, il s’agit de chiffres, comme pour nous rappeler, si besoin était, que nous sommes ici dans un exercice plus comptable que véritablement législatif.
Le premier chiffre est totalement prévisible : c’est celui de l’année à venir et, à moins d’une décision visant à remplacer le calendrier grégorien par un autre, il en sera de même encore longtemps…
Le second chiffre, celui du montant des dépenses allouées, varie quant à lui d’une année sur l’autre, mais il est relativement prévisible aussi. Cette année, le montant affiché – environ 21,3 milliards d’euros – est presque inchangé par rapport à 2019. Il faut dire que cet appel à contribution nationale s’inscrit dans le cadre très contraint de l’élaboration du budget annuel européen, car l’Union, contrairement à ses États membres, ne peut pas recourir au déficit et à la dette pour se financer.
De plus, ce budget annuel est également strictement encadré par le fameux cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, défini, dans le cas présent, il y a déjà sept ans. L’exercice 2020 étant le dernier du CFP 2014-2020, il n’autorise aucune grande fantaisie budgétaire. Raison de plus, donc, pour que le rituel soit respecté !
C’est donc assez rituellement et avec la ferveur pro-européenne qui le caractérise que le groupe La République En Marche votera en faveur de cet article.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Merci !
M. André Gattolin. Le suspens étant limité, la liturgie républicaine n’interdit cependant pas le questionnement, parfois jusqu’au doute et à l’inquiétude. La plupart des orateurs qui m’ont précédé ont largement centré leur propos sur l’incertitude qui règne encore aujourd’hui quant à l’élaboration du CFP 2021-2027.
Ils ont eu raison de le faire. La perspective, proche, et plus encore les modalités de mise en œuvre du Brexit – accord ou pas accord ? Telle est la question… (Sourires.) – jettent une ombre inquiétante sur les perspectives budgétaires de l’Union européenne pour la décennie à venir, d’autant que le contexte international actuel et les menaces de guerre commerciale généralisée pèsent de tout leur poids sur le futur de nos économies.
À un an de son entrée en vigueur, le CFP 2021-2027 n’a donc toujours pas été adopté. Et la faute, si faute il y a, n’en revient pas uniquement au seul Brexit ; il y a aussi une explication plus endogène, propre à l’organisation européenne et liée à une concordance exceptionnelle des calendriers tant politiques et institutionnels que budgétaires de l’Union.
Pour la première fois, en effet, la décision finale sur les perspectives financières de l’Union européenne va revenir à un Parlement européen fraîchement élu et à une Commission elle-même fraîchement nommée, tous deux pour un mandat de cinq ans. Sur un plan démocratique, c’est une excellente chose : que dirions-nous, en France, si un Parlement récemment élu et un gouvernement nouvellement désigné étaient simplement chargés d’exécuter un cadre budgétaire fixé au long cours par leurs prédécesseurs ?
C’est pourtant le cas au niveau européen, où continue de régner cette ineptie politique consistant à fixer un cadre financier pour une durée de sept ans, quand tous les mandats représentatifs ou exécutifs de l’Union sont d’une durée de cinq ans.
Il faut le rappeler, c’est sur l’initiative de Jacques Delors que fut instauré, en 1988, le principe de perspectives financières européennes sur plusieurs années, ancêtre de ce que nous appelons aujourd’hui le cadre financier pluriannuel. C’était à l’époque une réponse – une très bonne réponse ! – aux crises qui survenaient quasi annuellement depuis le début des années 1980 lors de l’établissement du budget de l’Union.
Chaque grand État membre, surtout au lendemain d’élections victorieuses, se croyait autorisé d’exercer un chantage au budget européen s’il n’obtenait pas satisfaction quant à ses intérêts nationaux.
Nous le savons, la plus violente de ces crises fut celle qui fut provoquée par Margaret Thatcher en 1984 et à l’issue de laquelle le Royaume-Uni obtint son fameux chèque, un rabais sur sa contribution nationale qui entraîna un complexe système de « rabais sur le rabais », au profit tantôt de cinq, tantôt de six autres pays de l’Union. Et ce rabais sur le rabais perdure…
Au fil du temps, la part des contributions nationales dans le budget européen n’a cessé de s’accroître, en raison de la décroissance des ressources propres dites « traditionnelles ». Les tensions budgétaires, qui avaient décru grâce aux perspectives financières, se sont malheureusement accrues de nouveau, à la suite du grand élargissement et, surtout, de la crise financière de 2008. Elles se focalisent à présent sur la période d’élaboration des CFP.
La finalisation du CFP 2021-2027, malgré une situation économique quelque peu meilleure qu’au début des années 2010, risque de ne pas être de tout repos. Le départ du Royaume-Uni se soldera par la disparition d’un grand contributeur net au budget de l’Union, et il n’est pas acquis aujourd’hui que ce pays s’acquittera à cette occasion de la totalité de ses dettes.
Dans ce contexte, le débat actuel sur un éventuel élargissement à des pays financièrement débiteurs nets n’est, à l’évidence, pas facilité. Les ébauches actuelles du prochain CFP qui intègrent l’instauration de nouvelles ressources propres, non encore actées, à hauteur de 12 % du budget global envisagent déjà des arbitrages drastiques sur les budgets respectifs de la PAC et de la politique de cohésion.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. André Gattolin. C’est pourquoi, si nous ne nous accordons pas rapidement sur de nouvelles ressources propres, nous n’aurons d’autre choix que d’augmenter nos contributions nationales déjà élevées ou de réduire la voilure de nos ambitions, pourtant essentielles pour faire de nous un continent souverain. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution française au budget européen que nous examinons aujourd’hui et que le groupe Les Républicains approuvera sera la dernière de l’actuel cadre financier pluriannuel. Malheureusement, elle devrait également être la dernière à abonder un budget communautaire à vingt-huit.
En effet, un nouveau CFP prendra le relais à partir de 2021, mais un CFP amputé de la participation britannique, ce qui laissera un manque à gagner d’environ 5,5 milliards d’euros par an, soit 40 milliards d’euros sur sept ans.
Ce nouveau CFP a également pour ambition d’intégrer le consensus qui s’est dessiné ces dernières années autour de la nécessité d’une action commune plus forte dans des domaines tels que la défense, la sécurité intérieure, la gestion des frontières extérieures et des migrations, l’environnement et la lutte contre le changement climatique ou encore la recherche et l’innovation, notamment dans le secteur du numérique.
Face à l’équation financière qui découle de ces grands déterminants, la Commission européenne a présenté une proposition de budget qui a la particularité de pouvoir être interprétée, selon le point de vue que l’on adopte, soit comme une augmentation, soit comme une baisse par rapport au CFP actuel…
En effet, relativement à la richesse produite, le budget européen 2014-2020 représente 1 % du revenu national brut des États membres, mais si l’on retranche la participation britannique, ce pourcentage passe à 1,13 %, voire 1,16 % en y intégrant le fonds européen de développement qui aujourd’hui est hors budget et qui demain sera intégré au CFP. Or, pour la période 2021-2027, la Commission a proposé un budget pluriannuel équivalent à 1,11 % du revenu national brut (RNB).
On peut donc, selon cette approche, constater une contraction des moyens attribués à l’Union européenne. Toutefois, si l’on raisonne en termes absolus et en prix constants, c’est au contraire une hausse de 5 % que l’on observe par rapport à l’actuelle programmation budgétaire ramenée à vingt-sept États membres.
S’il existe donc un débat sur le niveau réel d’ambition de la proposition budgétaire de la Commission, une chose est certaine : les coupes proposées dans ces politiques traditionnelles que sont la PAC et la politique de cohésion sont d’une ampleur inédite.
Concernant la politique agricole, à laquelle mon groupe est très profondément attaché, une baisse des crédits de 15 % en termes réels est proposée, ce qui représente un trou de 7 milliards d’euros pour la « ferme France » et engage la pérennité des filières les plus fragiles, ainsi que la survie économique de nombre d’exploitations à travers notre pays.
Il s’agit en outre d’un véritable non-sens stratégique, qui remet notamment en cause notre capacité à répondre à l’enjeu alimentaire et environnemental du XXIe siècle, et ce au moment même où tous les grands pays producteurs de la planète ont fait le choix de renforcer leurs concours publics à l’agriculture.
L’orientation budgétaire suggérée par la Commission ne saurait donc à l’évidence être soutenue.
Plus généralement, face à l’ampleur des défis qui se posent à nous et qui ne pourront trouver de solutions pleinement satisfaisantes qu’à l’échelon européen, le manque d’ambition est sans doute une réponse qui n’est ni appropriée ni véritablement tenable.
Or le moins que l’on puisse dire, c’est que les ambitions budgétaires nourries par les États membres sont à ce stade toujours très éloignées les unes des autres, ce qui augure de discussions encore extrêmement difficiles. En effet, certains contributeurs nets souhaitent voir le plafond du CFP abaissé à 1 % du RNB à vingt-sept, quand nombre de bénéficiaires nets considèrent pour leur part avec bienveillance la proposition du Parlement européen de le porter à 1,3 %, notamment afin de préserver les dotations des politiques traditionnelles.
La France affiche pour sa part son volontarisme en la matière. Je m’interroge toutefois sur la capacité de notre pays à peser de tout son poids dans cet épineux débat, dès lors que notre crédibilité est entamée par de mauvaises performances.
Faut-il rappeler que, cette année encore, le projet de loi de finances inquiète nos partenaires par la croissance excessive des dépenses et l’absence d’effort structurel qu’il prévoit, ce qui ne peut qu’éloigner une nouvelle fois toute perspective de réduction de notre dette publique ?
Pour que la voix de la France ait une chance d’être entendue, il faut avant tout que notre pays s’engage sur le chemin du rétablissement de ses comptes publics. Dans le cas contraire, ses positions risquent fort de subir le même sort que celui qu’a connu sa proposition de budget de la zone euro, désormais réduite à peau de chagrin.
Relevons par ailleurs qu’une éventuelle progression du volume du CFP 2021-2027 ne sera pas neutre pour les finances nationales. En effet, si la composition du volet recettes du budget européen n’est pas modifiée, c’est la ressource d’équilibre RNB qui sera une nouvelle fois mobilisée à plein pour faire face aux besoins financiers de l’Union.
Pour notre pays, contributeur net dont le prélèvement sur recettes constitue tout de même le quatrième poste de dépenses de l’État, cela représenterait un effort supplémentaire particulièrement important. Celui-ci a été chiffré par la Commission européenne à environ 2 milliards d’euros par an en cas d’adoption de ses propositions, notamment sur les ressources propres, et par l’Assemblée nationale à environ 6 milliards d’euros dans le cas contraire.
Je souhaiterais souligner à ce titre que toute pression accrue sur nos finances publiques ne serait évidemment pas tolérable, si elle ne s’accompagnait pas – enfin ! – de la suppression définitive de tous les rabais et autres corrections dont bénéficient plusieurs États membres et dont la France supporte actuellement la charge la plus importante. Cette réforme ne peut plus être repoussée ; il y va non seulement de la transparence sur les ressources de l’Union, mais également du principe d’équité entre les États membres.
En tout état de cause, il sera malaisé de mobiliser encore davantage les contributions directes issues des budgets nationaux. Dès lors, et bien que ce sujet soit à l’évidence extrêmement sensible, le temps paraît venu de donner plus de place à de nouvelles ressources, véritablement propres.
La Commission a formulé des propositions sur cette question ; elles ont été rappelées. Gardons toutefois à l’esprit que le développement de nouvelles ressources propres ne devra pas conduire à alourdir l’imposition de nos entreprises, la France accusant déjà la deuxième fiscalité sur la production la plus élevée au monde – nous avons eu ce débat plus tôt cet après-midi.
Dès lors, un principe devrait être érigé en règle d’or : chaque euro prélevé au bénéfice de l’Union européenne devra diminuer d’autant la charge fiscale au niveau national.
Permettez-moi, pour ma part, de plaider pour une autre ressource potentielle, non susceptible de peser sur nos entreprises. Il s’agit de la mise en place d’une taxe carbone aux frontières, qui permettrait par ailleurs de servir un double objectif : économique, en luttant contre la concurrence déloyale dont souffrent les entreprises européennes, mais aussi environnemental, en réduisant la part du carbone importé et en incitant nos partenaires commerciaux à mener des politiques écologiques plus ambitieuses.
Plus largement, c’est l’instauration de taxes anti-dumping robustes dans tous les domaines, et pas seulement celui du climat, qui devrait être mise à l’ordre du jour européen.
Pour conclure, j’insisterai sur l’urgence d’accélérer les négociations sur le CFP. La perspective d’un accord a d’ores et déjà été reportée au mois de mars prochain. Or le temps presse, car la résolution de l’équation budgétaire conditionne encore l’adoption de nombreux programmes sectoriels. Par exemple, et même si ce n’est pas forcément un mal, au vu de l’orientation de la réforme proposée par la Commission, la mise en œuvre de la nouvelle PAC a d’ores et déjà été repoussée d’un an.
Or, comme nous l’avons vu lors de la précédente programmation, tout retard en la matière se traduit in fine par des difficultés supplémentaires pour les bénéficiaires des fonds européens sur le terrain.
Les chefs d’État et de gouvernement devront donc très vite dénouer le nœud gordien de la négociation budgétaire, s’accorder sur l’ambition qu’ils nourrissent pour l’action européenne et attribuer cette dernière des moyens cohérents avec les missions qui lui sont dévolues. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Simon Sutour. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder la contribution de la France au budget de l’Union européenne, je souhaite revenir sur deux aspects de notre politique européenne.
Je voudrais dire de nouveau combien nous regrettons le veto mis par le Président de la République à l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord lors du dernier Conseil européen. Il est triste que ne soit pas tenu l’engagement pris par notre pays vis-à-vis des États de l’ex-Yougoslavie ; cela affecte la crédibilité de la France en Europe. C’est aussi un problème que le Parlement n’ait pas été consulté et n’ait pu se prononcer sur cette question ; c’est pour cette raison que je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour évoquer ce sujet.
En revanche, nous nous félicitons de la prochaine réunion sur l’Ukraine qui aura lieu à Paris au début du mois de décembre prochain, en format Normandie, en présence de dirigeants de ce pays, de la Russie et de l’Allemagne. C’est un motif d’espoir pour la paix dans cette partie de l’Europe.
En ce qui concerne la contribution de la France au budget de l’Union européenne, celle-ci s’élèvera à 21,3 milliards d’euros pour la dernière année du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Pour le futur cadre financier, la présidence finlandaise continue ses négociations, en vue d’obtenir un accord d’ici à la fin de l’année.
Le départ du Royaume-Uni laisse un trou de 13 milliards d’euros par an – cela a été dit –, ce pays étant, il faut le rappeler, le deuxième contributeur net après l’Allemagne. En outre, on ne connaîtra que plus tard les effets du Brexit sur l’économie de l’Union, mais, à mon avis, nous ne pouvons guère être optimistes en la matière.
Sans de nouvelles ressources propres et à niveau de budget équivalent, la contribution de la France devrait mécaniquement augmenter – on parle de 6 milliards d’euros par an, ce qui n’est tout de même pas rien.
C’est la quadrature du cercle ! Nous devons en effet nous assurer que les nouvelles priorités stratégiques – défense, migrations, Green Deal européen… – sont prises en compte, mais que les politiques traditionnelles le sont aussi – je pense bien sûr à la PAC et à la politique de cohésion, mais aussi à Erasmus ou à la recherche. Les nouvelles priorités ne doivent pas nuire aux politiques traditionnelles, ni la transition écologique à la justice sociale.
Nous comprenons bien les contraintes nationales et européennes – il n’est jamais facile de bâtir un budget. Il est clair que l’intégration ne sera aboutie que lorsque l’Europe disposera enfin de ressources propres importantes. Ce sera le chantier majeur des prochaines années, mais encore faut-il qu’il soit lancé.
Les crises qu’a connues l’Europe ces dernières années, portées à leur paroxysme par le Brexit, et celles qu’elle connaîtra dans les années à venir, tant le monde actuel est incertain, ne doivent pas collectivement nous tétaniser, mais, au contraire, être l’occasion d’une nouvelle étape dans la construction européenne, avec beaucoup plus d’ambitions. C’est ce que nous attendons en particulier de notre pays.
Nous sommes particulièrement inquiets concernant l’avenir de la politique de cohésion et de la PAC.
En effet, selon les prévisions de l’ex-commission européenne, le budget pour la politique de cohésion, qui s’élève aujourd’hui à 352 milliards d’euros et représente un tiers du budget total de l’Union, devrait être revu à la baisse : près de 50 milliards d’euros de diminution, dont seuls 11 milliards sont effectivement liés à la disparition de la contribution britannique au budget. C’est bien sûr inacceptable ! Il existe donc bien, au-delà du Brexit, une volonté de réduire le budget de la politique de cohésion.
Nous demandons solennellement au Gouvernement d’agir pour que la politique de cohésion conserve un budget important. Nos territoires, notamment les plus fragiles, dépendent de ces fonds pour assurer la durabilité de leur environnement. Un affaiblissement des fonds structurels serait un bien mauvais calcul ; sans ces fonds, de nombreuses régions européennes verraient leur développement arrêté net.
En ce qui concerne la PAC, seconde victime de ce processus, l’exécutif européen a proposé une baisse de 5 %. La présidence finlandaise veut s’emparer de ce sujet et en faire une de ses priorités, mais elle se termine dans un mois… La France a besoin de la PAC et d’une réorientation de cette dernière pour accompagner les petites et moyennes exploitations agricoles, surtout en zone de montagne et, bien sûr, dans la zone méditerranéenne, éternelle sacrifiée en la matière !
Nous souhaitons que notre pays continue de bénéficier d’une enveloppe inchangée au titre de la PAC. La France n’est pas isolée ; la question de la transition de l’agriculture vers un modèle plus qualitatif, plus durable et respectueux de l’environnement reçoit partout des échos favorables.
Il nous semble que le renouvellement des instances européennes et l’infléchissement, tout à fait bienvenu, de la position de certains pays sur le montant du budget créent des occasions intéressantes pour que le futur budget de l’Union européenne soit ambitieux, tant en volume que par la qualité des politiques mises en œuvre. C’est le meilleur moyen de lutter contre ce que beaucoup qualifient de populisme.
Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain, très attaché à l’idée européenne, votera l’article 36 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et RDSE. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. J’essaierai d’y répondre dans la seconde partie de mon propos, mais, comme je suis chargée, au nom du Gouvernement, de vous demander d’autoriser le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne pour 2020, il me semble important de vous dire au préalable ce que celui-ci contient.
Nous aurons à apporter au budget européen en 2020 une somme estimée à 21,3 milliards d’euros, soit une quasi-stabilité par rapport au montant de la loi de finances initiale pour 2019. À ce stade, l’accord sur le budget pour 2020 intervenu, la semaine dernière, entre le Parlement européen et le Conseil n’est pas de nature à modifier cette prévision.
Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour revenir aux fondements de la contribution qu’il vous est demandé d’approuver.
J’entends très souvent, non pas ici au Sénat, mais ailleurs, des propos d’estrade qui sont à mon sens irresponsables : l’Europe coûterait cher à la France sans rien rapporter aux Français… De tels propos, assez inquiétants, ont été tenus notamment par des membres du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, où se déroulait le même débat que celui qui nous réunit aujourd’hui.
Oui, j’ai été étonnée, voire stupéfaite, de constater que, pour la première fois depuis la création de ce débat, le groupe Les Républicains choisissait de s’abstenir sur la contribution de la France au budget européen. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est très explicitement, sans ciller, sans se cacher, que le groupe Les Républicains a énoncé cette position inédite,…