M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Pascal Martin, je voudrais d’abord rappeler que la suppression de la taxe d’habitation est avant tout une baisse d’impôts d’un niveau qui n’a pas été atteint depuis très longtemps : ce sont 18 milliards d’euros que nous rendons aux Français. Dans votre département de la Seine-Maritime, cela représente un gain de 559 euros en moyenne par foyer fiscal.
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas la question !
Mme Sophie Primas. Et la dette des départements ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’était un engagement de campagne du Président de la République, il est tenu.
Par ailleurs, la lisibilité de l’impôt est nettement améliorée puisque, pour le contribuable local, la taxe foncière ne sera désormais perçue que par le bloc communal.
En ce qui concerne les départements, le transfert aux communes de la taxe sur le foncier bâti sera compensé par une fraction de TVA – je dis bien par une fraction de TVA, mais vous l’avez dit vous-même – et non par un montant. À l’inverse d’une dotation, cette compensation dynamique garantit l’autonomie financière des départements.
En outre, le système est plus équitable. Il faut insister sur ce point : riche ou pauvre, quelle que soit la dynamique foncière, chaque département verra progresser de la même manière ses ressources chaque année. Cette réforme n’a donc pas aggravé le problème du niveau de ressources des départements.
Nous partageons le constat selon lequel il faut favoriser une plus grande solidarité entre les départements par des mécanismes renforcés de péréquation, monsieur le sénateur. C’est pour cela que le Gouvernement a proposé un amendement, adopté vendredi par l’Assemblée nationale, visant à attribuer aux départements une fraction de TVA supplémentaire de 250 millions d’euros qui sera répartie de manière péréquée dès l’origine. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. Je ferai deux remarques, madame la ministre.
Premièrement, la fraction de TVA ne prendra malheureusement pas en compte l’évolution démographique et l’effort de construction de chaque département.
Deuxièmement, il serait légitime qu’en cas de baisse du produit de la TVA à l’échelle nationale les recettes attendues pour les départements soient a minima garanties. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
mesures américaines prises contre les exportations européennes
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d’État, vendredi dernier, M. Trump a imposé de nouvelles sanctions douanières contre des produits d’exportation européens d’une valeur de 7,5 milliards de dollars, dont 1 milliard pour la France. Cela fait suite à une décision de l’OMC relative au financement des développements d’Airbus.
Je ferai trois remarques.
Tout d’abord, les États-Unis n’accordent aucune estime à l’OMC. Ils ont même cherché à la démolir en refusant de nommer les juges. Il est curieux de constater que, soudain pris de vertu, ils appliquent avec le plus grand enthousiasme et la plus grande sévérité les décisions de l’OMC.
Ensuite, les États-Unis imposent leur législation économique et financière à travers le monde à tous les pays – l’exemple de l’Iran est dans tous les esprits – et il faut dire que l’Europe n’y répond que mollement.
Enfin, à ma connaissance, le gouvernement fédéral américain déverse des centaines de milliards de dollars dans l’industrie aéronautique américaine sous prétexte de contrats d’étude et de recherche.
Pour la France, sont concernés par ces sanctions les « avions finis », avec une surtaxe de 10 %, les vins tranquilles – le champagne et le Vouvray ne sont pas concernés, ce dont je me réjouis –, et les fromages.
Nous ne pouvons que regretter le refus de négocier des États-Unis. Dans cet affrontement bilatéral, M. Trump joue le jeu de la Chine. Sans doute aurons-nous à prendre des mesures de sauvegarde ou de compensation pour les exportateurs français. Peut-être pourrez-vous nous en dire un mot, madame la secrétaire d’État ?
L’OMC devrait donner la possibilité à l’Europe d’imposer des sanctions en 2020…
M. le président. Votre question !
M. Richard Yung. … mais je crains que cela ne soit trop tard. J’espère – peut-être pourrez-vous nous rassurer sur ce point –, que l’Europe prendra des mesures bien avant 2020. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Yung, effectivement, les droits de douane additionnels qui ont été décidés par les États-Unis font suite à une décision rendue par l’OMC dans le cadre d’un contentieux engagé en 2004, c’est-à-dire il y a plus de quinze ans. Vous l’avez rappelé, ces droits touchent des produits importés depuis l’Union européenne, d’une valeur de 7,5 milliards de dollars par an, dans les secteurs de l’aéronautique, de l’agriculture et de la viticulture.
Le Gouvernement, en particulier Jean-Baptiste Lemoyne, Didier Guillaume et Bruno Le Maire, est pleinement mobilisé. Par ailleurs, la visite plus que symbolique de la Chancelière Merkel et du Président de la République chez Airbus et le conseil des ministres franco-allemands qui a suivi visaient notamment à rappeler le soutien que nous apportons à Airbus.
L’Union européenne serait fondée à imposer des droits de douane contre les États-Unis dans le contentieux parallèle contre Boeing, mais le calendrier n’est pas très favorable puisque nous attendons la confirmation par l’OMC des montants que nous pourrions imposer, confirmation que nous n’obtiendrons pas avant quelques mois, et probablement pas avant 2020.
Notre préférence va à une résolution à l’amiable de ces contentieux. L’escalade des tensions avec un allié et un partenaire ne nous semble pas souhaitable, car elle aurait un impact encore plus négatif sur nos économies, notre commerce et notre industrie aéronautique.
Nous continuons donc à proposer aux États-Unis de dialoguer. Dans cette affaire vieille de plus de quinze ans, l’Union européenne et les États-Unis ont été condamnés. Nous pensons qu’au lieu d’imposer des droits de douane nous devrions travailler ensemble à un compromis équilibré pour mieux encadrer les futures subventions aéronautiques. Nous savons que l’État chinois ne se prive pas de subventionner massivement ses propres constructeurs, et donc de renforcer ses positions. Il est le grand bénéficiaire de cette affaire – c’est tout le paradoxe.
Nous regrettons que les États-Unis aient jusqu’ici refusé d’engager les discussions vers un compromis. J’appelle très solennellement devant vous l’administration américaine à entamer des négociations le plus vite possible, sans quoi nous prendrons des mesures de rétorsion.
Dans cette attente, lors du dernier conseil des ministres à Bruxelles, Didier Guillaume a mobilisé la Commission européenne pour que nous puissions protéger les viticulteurs et les agriculteurs les plus impactés par des mesures que nous savons très ciblées. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
taxation des vins français par les états-unis
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le Premier ministre, l’organe de règlement des différends de l’OMC a confirmé la semaine dernière qu’il autorisait les États-Unis à augmenter les taxes sur les biens et les services européens dans le cadre du dossier des subventions Airbus.
Le président Trump a choisi de réserver un traitement de faveur au deuxième poste, excédentaire de 11,7 milliards d’euros, de notre balance commerciale française : le vin. Les droits de douane sont désormais en hausse de 25 % pour les vins dits tranquilles ; 25 %, sur un marché qui brasse plus de 3 milliards d’euros par an conquis par des années de ténacité, tandis que les Américains, eux, ont stoppé nos exportations quasiment en une seconde.
La viticulture française est aujourd’hui la victime collatérale d’un conflit industriel qui ne la concerne pas. C’est une nouvelle épreuve pour une filière entrée dans une forte zone de turbulences. À l’étranger, nos marchés sont moroses : instabilité politique à Hong Kong, obligeant à l’annulation du Wine Festival ; interminable Brexit ; écroulement du marché chinois sur lequel, il y a cinq ans, la viticulture faisait déjà les frais d’un conflit avec l’Union européenne sur les panneaux photovoltaïques ; contexte national en berne, également.
Attaquée de toutes parts sur ses propres terres par l’urbanisation rampante, par la pression sociétale sur l’environnement et la traçabilité des produits, mais aussi par la raréfaction de la main-d’œuvre et les problématiques de transmission, le modèle viticole français est sérieusement ébranlé. Le « viti-bashing » fait son œuvre et sape le moral des vignerons.
La filière viticole fait pourtant tant d’efforts… Malgré les déchaînements climatiques, elle concourt largement à ce que la France soit, pour la troisième année consécutive, considérée comme ayant l’alimentation la plus durable du monde.
Que faire, monsieur le Premier ministre, pour le vin, qui occupe une place si particulière dans la culture française ainsi que dans notre économie, puisque la filière représente plus de 500 000 emplois directs et indirects ? Les élus du vin et des terroirs, regroupés au sein d’une association dont je suis la coprésidente, vous ont proposé il y a quelques semaines l’organisation en urgence d’un Grenelle de la viticulture. Allez-vous y répondre par l’affirmative ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Gisèle Jourda et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. (Marques d’étonnement.) Pardon ! J’ai confondu avec le pinard militaire ! (Rires.)
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Voyez, je ne m’en suis pas si mal sorti ! (Nouveaux rires. – Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président, il ne s’agit que du vin tranquille ! (Sourires.)
Madame la sénatrice, Amélie de Montchalin a répondu à M. Yung sur la situation globale de l’ensemble des filières. Je vous répondrai donc plus particulièrement concernant le vin français. Mme la secrétaire d’État l’a dit, le Gouvernement est tout entier mobilisé.
Bruno Le Maire était à Washington il y a encore quelques heures pour essayer de faire bouger la position des Américains, ce qui, vraisemblablement, sera difficile.
Nous ne souhaitons pas attendre six mois pour imposer à notre tour d’autres sanctions – une telle course à l’échalote n’aurait rien de bon.
Nous privilégions donc les solutions de compromis, mais nous ne sommes pas totalement assurés qu’elles arrivent immédiatement.
Aussi avons-nous essayé de mobiliser à la fois la Commission européenne et des positions françaises. Lors du conseil des ministres de l’agriculture du 14 octobre dernier, je suis intervenu au nom de l’Italie, de l’Espagne et de la France pour solliciter la solidarité des États membres. J’ai demandé au commissaire à l’agriculture, Phil Hogan, encore en poste pour quelques jours, que l’Europe prenne des décisions.
Il faut absolument prendre des décisions fortes : premièrement, exprimer une solidarité européenne ; deuxièmement, instaurer des aides économiques au maintien ; troisièmement, rechercher de nouveaux marchés ; à défaut, la filière viticole connaîtra de grosses difficultés.
Aujourd’hui, toutes les régions sont touchées. Pour les vins d’entrée de gamme et de volume qui sont visés, on parle de plus de 300 millions d’euros. Si rien ne venait en compensation, je pense que la filière viticole qui, comme vous le disiez justement, rencontre déjà quelques difficultés, aurait du mal à s’en relever.
C’est pourquoi j’ai envoyé aujourd’hui un nouveau courrier au commissaire européen pour lui demander que la Commission finance la mise en œuvre rapide des programmes de promotion – c’est absolument indispensable ; que des garanties soient apportées aux opérateurs mettant en œuvre ces mêmes mesures, parce qu’aujourd’hui les opérateurs sont sur la brèche ; et enfin, que la solidarité européenne s’exerce au regard des décisions de l’OMC.
J’ai reçu hier l’ensemble des représentants de la filière viticole. Ils ont des propositions à faire. Nous sommes en train de les étudier afin d’avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
situation au burkina faso
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur le Burkina Faso. Ce pays, miné par le développement du terrorisme islamique, est au bord de l’effondrement. Un tiers de son territoire est déjà aux mains des djihadistes.
Alors que, selon l’ONU, on comptait fin août 290 000 déplacés, ils seront probablement 500 000 à la fin de l’année ; 3 000 écoles sont déjà fermées, de même que tous les hôpitaux et dispensaires des zones concernées.
Le pire est que l’influence des terroristes ne cesse de grandir. Désormais, ce sont des attaques quasi quotidiennes qui frappent le pays, avec leur cortège de pertes humaines, militaires et civiles.
L’armée nationale est malheureusement impuissante à endiguer cette progression. Le risque est de voir le scénario malien se rejouer dans ce pays. Cela est d’autant plus grave que le Burkina Faso n’est pas n’importe quel pays : il est assurément un verrou stratégique pour bloquer l’expansion du terrorisme vers les pays du golfe de Guinée, tels que le Togo, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Ghana qui s’inquiètent à juste titre.
Les pays de la Cédéao ont d’ailleurs solennellement tiré la sonnette d’alarme lors d’un sommet extraordinaire mi-septembre à Ouagadougou.
Monsieur le Premier ministre, mes questions à cet égard sont simples.
Tout d’abord, cinq ans après le succès de l’opération Serval, qui avait permis d’empêcher le renversement de l’État au Mali, et compte tenu de la gravité de la situation au Burkina Faso, que compte entreprendre la France ?
Ensuite, le Président de la République a annoncé à la fin de l’été « un nouveau partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel », qui peut assurément concerner des pays européens, mais également la Cédéao, laquelle s’est notamment engagée à financer une nouvelle force régionale à côté du G5 Sahel : pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Enfin, dans la mesure où c’est la pauvreté plus que le fondamentalisme religieux – on le sait – qui fait basculer la population dans le terrorisme, n’y a-t-il pas lieu d’accroître plus encore, et plus spécifiquement, l’aide au développement versée à ce pays, en liaison avec tous les acteurs possibles au niveau national, mais aussi au niveau international ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes LaREM, UC, RDSE et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur le sénateur, vous posez une question importante et décrivez une situation, celle du Burkina Faso actuellement, qui est effectivement très difficile.
Dans ce pays, les attaques terroristes se multiplient, les victimes civiles et militaires se multiplient également puisque, le week-end dernier encore, quatre militaires et un policier ont été tués.
Vous décrivez aussi une détérioration de la situation humanitaire. C’est une réalité : on dénombre 250 000 déplacés et, peut-être, 1,2 million de personnes qui auraient besoin d’une aide humanitaire dans ce pays.
Bien entendu, nous soutenons le Burkina Faso de différentes façons.
Tout d’abord, nous le soutenons sur le plan militaire, puisqu’il existe une coopération bilatérale, qui a été renforcée fin 2018. Nous sommes aux côtés de ce pays dans le domaine du renseignement, ainsi qu’en matière d’appui au feu et d’appui au commandement, afin de l’aider à lutter plus efficacement contre le terrorisme.
Nous sommes également aux côtés du Burkina Faso dans le cadre du G5 Sahel, qui permet à l’Europe de venir en soutien des cinq pays de la zone et de former leurs armées.
Ensuite, comme l’a dit le Président de la République lors du sommet de Biarritz, nous les soutenons au travers du partenariat stratégique pour la sécurité et la stabilité au Sahel, notre ambition étant que la communauté internationale développe les capacités de chaque pays à se défendre et se protéger dans cette région.
Enfin, nous soutenons le Burkina Faso via l’augmentation de nos efforts en matière d’aide au développement. Ainsi, l’Agence française de développement, l’AFD, versera 160 millions d’euros à ce pays en 2019 – dont 100 millions d’euros de dons – contre 100 millions d’euros en 2018, crédits destinés à favoriser l’entrepreneuriat et l’éducation. L’Alliance Sahel, qui est une initiative franco-allemande, vise également à améliorer l’efficacité de l’aide au développement.
Nous mettons toutes ces initiatives en ordre de marche, si je puis dire, et ce le plus efficacement possible, mais je suis d’accord avec vous pour dire que le travail est immense. Nous devons rester humbles devant la tâche,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. … et surtout particulièrement actifs.
Je vous sais vous-même attentif à la situation de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mmes Françoise Laborde et Michèle Vullien applaudissent également.)
congrès des départements de france
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Le fait que la quasi-totalité des présidentes et présidents des départements de France ait quitté la salle lors de leur congrès annuel, alors que la ministre représentant le Gouvernement s’exprimait, est pour le moins inhabituel et lourd de sens.
Ces élus, dans leur diversité politique, ont ainsi voulu dénoncer la mise sous tutelle des budgets départementaux, engagée avec le pacte de Cahors fin 2017 et confirmée dans le projet de loi de finances pour 2020.
Ils s’inquiètent à bon droit de la fin de leur autonomie fiscale avec le transfert de la taxe foncière aux communes pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Ils ne se satisfont pas de l’octroi d’une part de TVA en compensation de cette perte, et ce pour trois raisons.
Vendu comme dynamique par le Gouvernement, cet impôt est de fait très aléatoire. De plus, son rendement s’inverse mécaniquement en période de crise, alors même que toute crise engendre plus de précarité et donc plus de dépenses de solidarité versées par les départements.
Par ailleurs, la TVA étant payée de la même façon par les très riches et les très pauvres, puisqu’il s’agit d’une taxe sur la consommation, ils estiment choquant, et on les comprend, de voir les plus fragiles payer pour des politiques sociales dont ils sont censés être les bénéficiaires.
Enfin, ils dénoncent la remise en cause inacceptable de l’histoire et des principes de la décentralisation via la mise à mal de leur autonomie financière et fiscale.
Quelle suite le Gouvernement entend-il réserver à leurs légitimes inquiétudes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Perol-Dumont, peut-être trouverez-vous intéressant le fait que les impôts payés par les habitants de votre département baisseront en moyenne de… (Vives protestations sur de nombreuses travées.)
Mme Éliane Assassi. Et pour les autres départements ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Perol-Dumont, puisque vous avez parlé des personnes en difficulté, préoccupation que je partage, vous serez peut-être intéressée de savoir que, dans votre département, les impôts baisseront en moyenne de 744 euros par foyer fiscal. (Mêmes mouvements.)
Par ailleurs, il a effectivement été décidé de compenser la perte de la taxe sur le foncier bâti par une fraction de TVA, dont le montant s’élève à 15 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 250 millions d’euros de bonus.
Je voudrais préciser, ce que je n’ai pas eu le temps de faire tout à l’heure, que la dynamique de cette enveloppe de 250 millions d’euros – elle est en effet aussi dynamique que les autres ressources – sera garantie par une clause de sauvegarde qui permettra de prévenir tout accident susceptible de survenir dans un département. Il s’agit d’un élément de solidarité supplémentaire.
J’insiste sur le fait que la fraction de TVA dont je parle est véritablement dynamique. Il ne s’agit pas d’une dotation, contrairement à ce que j’entends souvent.
Permettez-moi de faire une comparaison, puisque M. Martin a évoqué la taxe professionnelle tout à l’heure : je vous rappelle que la part « salaire » de cette taxe a été supprimée en 1999 et a été remplacée par une dotation, une vraie, sans aucune dynamique de croissance, et que nous en constatons encore les effets aujourd’hui.
Je précise également qu’une clause de sauvegarde garantit que la fraction de TVA versée ne sera jamais inférieure à celle qui sera versée en 2021.
Enfin, et j’en termine, les recettes de TVA augmentent en moyenne de 3 % par an depuis dix ans, et ce malgré les difficultés liées à la crise de 2009-2010,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … c’est-à-dire qu’elles s’accroissent plus vite que celles qui sont issues de la taxe sur le foncier bâti. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. François Patriat. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Décidément, madame la ministre, à écouter votre réponse, malgré le mouvement des « gilets jaunes » né à l’automne dernier, malgré les dernières estimations de l’Insee sur l’augmentation inquiétante des inégalités et de la pauvreté dans ce pays cette dernière année, le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la fracture sociale et territoriale qui s’aggrave dangereusement dans notre pays.
Vous pouvez toujours supprimer l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, mais casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la température ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Vous seriez bien avisée, plutôt que de maltraiter les départements, de travailler avec eux, à leurs côtés, chacun à sa place, chacun dans son rôle, pour plus de cohésion sociale et territoriale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, UC et Les Républicains.)
situation des agriculteurs
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Le 11 octobre 2017, le Président de la République déclarait que les États généraux de l’alimentation avaient deux objectifs : « le premier, de permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé, de permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement ; et le second, de permettre à chacune et chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre ».
Il ajoutait qu’il n’était « plus possible aujourd’hui qu’en France, un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par an ». Il aurait dû dire « par mois » !
Aujourd’hui, où en sommes-nous ?
Monsieur le ministre, vous avez fait naître beaucoup d’espoir. Vous nous avez parlé de la montée en gamme de l’agriculture française.
Mais la seule chose que les agriculteurs ont vue, ce sont des contraintes supplémentaires, des charges supplémentaires, 80 intrusions dans des élevages pour démontrer la maltraitance des animaux ! En revanche, jamais on n’a diffusé de vidéo montrant un agriculteur pleurer devant un animal qui venait de périr.
On a fait croire aux agriculteurs à une montée en gamme, et ils ont récolté les accords du Mercosur et le CETA.
Vous voyez, monsieur le ministre, il y avait beaucoup d’attentes, beaucoup d’espoir. Vous l’avez vous-même reconnu cette semaine : les agriculteurs n’ont pas récolté les fruits de la loi Égalim. Rien dans la montée en gamme que vous avez promise n’est arrivé jusqu’aux agriculteurs. Qu’allez-vous répondre à ces agriculteurs, chez qui vous avez fait naître tant d’espoir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Daniel Gremillet, je partage votre inquiétude. Je souhaite vous dire que le Gouvernement est tout entier derrière les agriculteurs (Marques d’exaspération sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR.) lorsque ceux-ci sont montrés du doigt, insultés et violentés, lorsque des bâtiments d’élevage sont incendiés : c’est inacceptable et cela doit s’arrêter !
Mme Françoise Férat. Cela ne suffit pas !
M. Didier Guillaume, ministre. La garde des sceaux est intervenue en donnant instruction à tous les procureurs de faire cesser tout cela.
Les États généraux de l’alimentation ont soulevé un espoir immense qui s’est concrétisé par la décision unanime du monde agricole, des industries agroalimentaires, des entreprises de transformation, des coopératives et des responsables politiques de changer la façon de faire. Tout le monde était d’accord pour dire que la première chose à changer, c’était le prix payé aux agriculteurs.
Il est absolument inacceptable qu’un agriculteur vende son lait et sa viande au-dessous du prix de revient, de ce que cela lui coûte. (On le confirme véhémentement à droite et à gauche, tout en reprochant au ministre de laisser faire.)
Ce n’est pas en criant que vous ferez monter le prix du lait ou le prix de la viande, mais en rencontrant les filières, comme je le fais depuis lundi, et encore ce matin. Toutes les filières souhaitent aujourd’hui que le coût de production que les agriculteurs ont eux-mêmes fixé soit respecté. Mais, je suis désolé, ce n’est pas le Gouvernement qui le fait respecter, c’est le marché ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)