compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Gatel,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Adapter la France aux dérèglements climatiques

Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur les conclusions du rapport d’information Adapter la France aux dérèglements climatiques à lhorizon 2050 : urgence déclarée.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que les auteurs de la demande disposent d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective, auteur de la demande.

M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inertie du système climatique mondial fait que l’histoire du climat des trente prochaines années est déjà écrite dans ses grandes lignes.

S’il est indispensable que tous les pays, particulièrement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, prennent des mesures d’atténuation pour éviter un effondrement climatique dans la deuxième partie du siècle, ces mesures n’auront pas un effet immédiat sur les évolutions climatiques en cours. Toutes les prévisions montrent que nous n’éviterons pas, d’ici à 2050, un réchauffement global de l’ordre de 2 degrés par rapport à la période préindustrielle. La France doit donc se préparer à absorber un choc climatique inévitable.

Le rapport que j’ai réalisé avec Ronan Dantec décrit ce que signifie concrètement un tel réchauffement pour notre pays, nos territoires et nos concitoyens. Nous y dressons la carte de France des dérèglements climatiques à venir et de leurs impacts, notamment en matière de risques naturels, de canicule, de sécheresse des sols ou de tensions sur les ressources hydriques. Nous identifions les défis économiques, sanitaires et sociétaux que la France, dans sa diversité territoriale, devra relever pour faire face à cette situation. Enfin, nous formulons dix-huit propositions pour donner un nouvel élan à nos politiques d’adaptation climatique, notamment au niveau des territoires, car c’est en grande partie à ce niveau que se jouera le succès de l’adaptation.

Je voudrais, pour lancer le débat de notre assemblée autour de ce rapport, évoquer plus particulièrement trois enjeux.

Le premier concerne l’adaptation du bâti et de l’urbanisme.

Dans les outre-mer, le sujet central est l’évolution des normes de construction et des mécanismes d’assurance pour tenir compte d’un risque cyclonique qui va s’intensifier.

Dans les zones soumises à un risque d’inondation ou de submersion, l’évolution des normes et des mécanismes assurantiels constitue également un objectif central.

Mais c’est sur un troisième point que je voudrais surtout insister ici : l’adaptation du bâti à des vagues de chaleur plus intenses, plus longues et plus fréquentes. L’importance de cet enjeu a été soulignée par les deux canicules historiques de cet été. Il est particulièrement marqué en ville en raison du phénomène d’îlot de chaleur urbain. Il va devenir plus aigu à cause du réchauffement, mais aussi du vieillissement de la population. Or, jusqu’à présent, ce sujet est resté assez largement absent des réflexions des professionnels et des pouvoirs publics.

Nous proposons donc d’inscrire la question du confort thermique d’été au centre de la définition de la norme RT 2020. Cela peut être l’occasion d’engager l’évolution des représentations et des pratiques de l’ensemble des acteurs de la chaîne de la construction. Notre réflexion doit également inclure la question des outils et des moyens financiers nécessaires pour soutenir la transformation du bâti, notamment à l’occasion des rénovations.

Un deuxième enjeu majeur de l’adaptation concerne les politiques de l’eau.

Il y a un consensus pour dire qu’elles doivent donner la priorité à une utilisation plus économe de la ressource, ainsi qu’aux solutions fondées sur la nature, telles que la désartificialisation des sols, la restauration des haies ou la préservation des zones humides. Nous n’y parviendrons pas sans faire évoluer les mécanismes de tarification de l’eau. C’est un chantier nécessaire, mais sensible.

Cela ne se fera pas non plus sans préserver les moyens des agences de l’eau et, à ce sujet, j’attire l’attention du Gouvernement sur les dangers des mesures budgétaires de court terme.

Par ailleurs, parce que les politiques de l’eau se définissent concrètement au niveau des bassins hydrographiques, il est indispensable de mobiliser plus activement tous les acteurs concernés localement pour faire émerger, sur cette question, des visions communes et des projets de territoire. Des exercices de prospective, comme Garonne 2050, peuvent aider à enclencher ces dynamiques locales.

Enfin, il faut oser poser la question du stockage. Pourrons-nous faire face partout aux besoins uniquement par des mesures d’économie de la ressource ou d’autres qui s’appuient sur la nature ? Je n’en suis pas sûr. Il ne faut donc pas exclure a priori les solutions de stockage, mais plutôt soumettre chaque projet à une condition : faire la preuve qu’il est nécessaire et que sa réalisation ne se fait pas au détriment de solutions d’adaptation alternatives.

M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Je terminerai par l’adaptation de l’agriculture. Ce secteur sera le plus perturbé par le changement climatique. Pour autant, nous ne devons pas adopter une position défensive et pessimiste. J’ai la conviction que l’agriculture constitue un atout dans la transition climatique. Elle n’est pas le problème, mais une partie de la solution, si elle engage les transformations nécessaires.

En même temps, l’agriculture française est vulnérable ; elle est confrontée à une concurrence internationale féroce de pays qui ne respectent pas toujours des normes aussi exigeantes que celles qui lui sont imposées. Il n’y aura donc pas d’adaptation de notre agriculture, si nous ne soutenons pas les agriculteurs par un plan national d’adaptation.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Nous soulignons ainsi qu’il faut intégrer l’enjeu de l’irrigation de manière responsable, en développant le stockage de surface, là où il est nécessaire, mais en le conditionnant à des pratiques agricoles plus économes de l’eau et plus respectueuses de la biodiversité.

Enfin, il faut faire évoluer les mécanismes de couverture assurantielle pour qu’ils deviennent un outil incitatif qui encourage les exploitants agricoles à réaliser les efforts d’adaptation nécessaires. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, mes chers collègues, comme l’a indiqué Jean-Yves Roux, notre rapport présente, sans faux-semblant, l’ampleur des défis que notre pays doit relever pour faire face aux effets d’un réchauffement global d’environ 2 degrés en 2050 par rapport à l’ère préindustrielle.

Notre rapport n’est ni catastrophiste ni fataliste ; il est néanmoins sévère sur les retards pris dans la mobilisation des acteurs publics et des filières économiques, au-delà de quelques grandes structures scientifiques qui, pour leur part, sont engagées dans la réflexion et produisent des préconisations précises.

Il montre ainsi que les défis de l’adaptation au changement climatique ne sont pas insurmontables. Nous avançons dix-huit propositions pour la mener avec succès. Mon collègue Jean-Yves Roux a présenté plusieurs réponses sectorielles, concernant notamment l’agriculture ou le bâti. J’évoquerai pour ma part des leviers d’action plus transversaux.

Le premier d’entre eux est une mobilisation plus large des territoires dans les politiques d’adaptation.

Nous en avons fait une priorité du deuxième plan national d’adaptation au changement climatique – Pnacc 2 –, en appelant les territoires à adosser un volet précis lié à l’adaptation dans leurs plans climat-air-énergie territoriaux – PCAET. Mais vous n’ignorez pas, madame la ministre, le retard pris dans leur élaboration et leur adoption. Il est plus que temps de systématiser l’engagement des territoires au-delà des quelques collectivités pionnières, car c’est à cette échelle que se construisent les réponses pertinentes.

Chaque territoire a en effet ses vulnérabilités particulières ; il a ses ressources propres et son projet de développement spécifique. L’adaptation ne peut donc pas être uniforme : elle se construit sur la base d’un diagnostic territorial précis, propose des réponses sur mesure et s’appuie sur un projet porté et partagé localement.

Pour autant, les territoires ont besoin d’accompagnement sur les méthodologies et l’ingénierie. L’État doit être à leurs côtés, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – Ademe – et l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique – Onerc – ayant également un rôle très important à jouer.

Il faut aussi conforter la fonction d’orientation stratégique des régions par la généralisation de prospectives régionales sur l’excellent modèle aquitain AcclimaTerra – on ne le citera jamais assez ! – ; ces prospectives portent un diagnostic précis des évolutions prévisibles à l’échelle de la région. Nous avons besoin de démonstrateurs régionaux et de contractualisation d’objectifs d’adaptation dans les financements régionaux.

Le deuxième levier transversal de mobilisation sur lequel je veux insister est le soutien à la recherche et la simplification de l’accès aux données. Dans toutes les auditions réalisées avec le milieu scientifique, nous avons entendu le même cri d’alarme : les crédits ne sont pas à la hauteur des enjeux de connaissance ; même des crédits de coordination modestes ont été supprimés – j’ai souvent alerté le Gouvernement à ce sujet –, ce qui provoque l’incompréhension de la communauté scientifique.

Or nous avons évidemment besoin d’évaluer tous les impacts du changement climatique sur la nature, la santé et l’économie et de comprendre les évolutions dans le temps, facteur clé des stratégies d’adaptation. Nous avons donc besoin de connaissances pour nourrir notre action et nous avons surtout besoin que ces données soient rendues plus accessibles aux acteurs de terrain – c’est la clé de la mobilisation.

Nous faisons pour cela plusieurs propositions : accentuer le soutien financier à la recherche et à l’expertise scientifiques ; accorder un accès gratuit, et surtout beaucoup plus facile, aux données nécessaires à l’élaboration des politiques d’adaptation territoriales, notamment aux scénarios de Météo France. Il y a, dans le Pnacc 2, l’idée d’un grand portail d’information de l’adaptation. Il doit associer l’ensemble des services et opérateurs compétents de l’État et être un véritable guichet unique d’un service public de l’adaptation – c’est une véritable priorité.

Le troisième point essentiel concerne l’utilisation accrue du secteur assurantiel comme levier de transformation. Il faut s’engager dans une évolution des modalités de prise en charge par les assurances du coût des sinistres climatiques. Ce n’est pas seulement une question d’enveloppe globale, mais aussi de modulation des franchises et des primes. Le secteur assurantiel doit contribuer aux évolutions en cours et à l’adaptation des territoires et des acteurs. L’existence d’une sécurité, d’un parapluie, ne doit pas constituer de fait un facteur d’immobilisme et de retard dans la prise en compte des risques. Nous aurons évidemment ce débat, lorsque nous évoquerons l’extension de l’assurance agricole.

Je conclurai en évoquant une dernière proposition forte de notre rapport : un projet de loi-cadre sur l’adaptation de la France au changement climatique devrait être présenté au Parlement. Son examen pourrait être l’occasion d’inscrire enfin ce thème au cœur du débat public et d’en examiner de façon cohérente et transversale tous les aspects.

Jean-Yves Roux a cité il y a quelques instants la question de l’eau. C’est un excellent exemple. Sur ce point, sans un compromis dynamique et une compréhension mutuelle entre acteurs, nous allons à l’affrontement – nous en avons déjà de douloureux exemples.

Cette loi doit fournir le cadre de cette concertation et donnera un signal fort sur le caractère prioritaire des politiques d’adaptation, en renforçant aussi, évidemment, la place du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer la qualité de ce rapport qui dresse un constat sans appel, mais lucide, des impacts déjà observés en France et de ceux à venir. Ces constats sont cohérents avec les bilans que le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a dressés dans ses trois derniers rapports spéciaux parus en octobre 2018 et en août et septembre 2019.

On peut les résumer ainsi : nous devons poursuivre avec acharnement la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, mais nous devons également nous préparer aux impacts que nos émissions passées rendent désormais inéluctables.

Je souhaite vous présenter l’action conduite par le Gouvernement et l’accélération que j’ai l’intention de lui donner.

La France est l’un des pays les plus avancés en matière de planification de l’adaptation : après une stratégie nationale en 2006, elle s’est dotée d’un premier plan d’action en 2011.

En décembre 2018, le Gouvernement a publié le deuxième plan national d’adaptation au changement climatique, le Pnacc 2. Axe 19 du plan climat, il a pour objectif général de mettre en œuvre les actions nécessaires pour adapter la France dès 2050 à une hausse de la température moyenne de la Terre de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle, en cohérence avec les objectifs de l’accord de Paris, mais à un horizon temporel plus proche de façon à ne pas exclure des scénarios de changement climatique plus pessimistes.

Le Pnacc 2 comporte quatre priorités : la territorialisation de la politique d’adaptation, l’implication des filières économiques, le recours aux solutions fondées sur la nature et les outre-mer. Il comprend cinquante-huit actions réparties en six domaines : gouvernance ; prévention et résilience ; nature et milieux ; filières économiques ; connaissance et information ; international.

Les douze ministères concernés prévoient de consacrer 1,5 milliard d’euros sur cinq ans pour engager les actions de ce plan contre 171 millions d’euros pour le précédent, enveloppe à laquelle s’ajoutent les 500 millions d’euros par an que les agences de l’eau et leurs comités de bassin ont prévu d’investir à travers leur onzième programme d’intervention 2019-2024 dans des actions d’adaptation au changement climatique.

Les leçons tirées du premier plan national d’adaptation au changement climatique nous ont montré qu’un suivi régulier du plan était nécessaire pour s’assurer de sa bonne mise en œuvre par les nombreux acteurs impliqués. C’est pourquoi il fait l’objet d’une déclinaison opérationnelle avec un programme de travail annuel présenté à la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, le CNTE, chargée de son suivi – elle est présidée par M. le sénateur Ronan Dantec.

Le bilan d’avancement du plan sera également présenté chaque année à la commission spécialisée et fera l’objet d’un avis du CNTE. Une série d’indicateurs de suivi est en cours en définition avec la commission spécialisée et une application informatique de suivi des actions a été développée par mes services et mise à la disposition des pilotes ministériels.

Depuis décembre dernier, de nombreuses actions ont d’ores et déjà été lancées. On peut ainsi citer : le développement avec le Cérema – Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement –, l’Ademe et Météo France d’un centre de ressources sur l’adaptation au changement climatique qui sera prêt en novembre prochain ; l’intégration du climat futur dans les modélisations de la stratégie nationale bas carbone ; le suivi de l’élaboration de trois normes internationales ISO sur l’adaptation au changement climatique ; le lancement avec l’Ademe et le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, de plusieurs études ; et le renforcement des actions de prévention des risques naturels, tant en métropole qu’outre-mer.

L’élaboration du Pnacc 2 ayant fait l’objet d’une concertation de deux ans avec près de trois cents représentants de la société civile, experts, représentants des collectivités territoriales et des ministères concernés, il est cohérent avec les dix-huit propositions de la délégation à la prospective du Sénat.

On y retrouve notamment des actions relatives à l’éducation et la formation, ce qui rejoint la proposition 2 du Sénat, la volonté de synergie entre les actions d’atténuation et d’adaptation – proposition 3 –, le portage de cette problématique au niveau européen – proposition 4 –, la formation des élus – proposition 12 –, l’intégration du confort d’été dans les travaux sur la prochaine réglementation des bâtiments neufs – proposition 16 – et la question de la ressource en eau.

Il me semble cependant que nous devons accélérer nos efforts. Les épisodes récents de canicule et de sécheresse ont rappelé que la France est d’ores et déjà exposée aux conséquences du changement climatique et que notre niveau de préparation à ces impacts doit encore être amélioré.

Les territoires d’outre-mer sont particulièrement concernés par le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer. La submersion marine peut y être aggravée par les cyclones. Le cyclone Irma a également mis en lumière les risques auxquels ces territoires sont exposés.

C’est pourquoi je souhaite que le Pnacc 2 soit renforcé et que sa mise en œuvre soit accélérée. Plusieurs actions nouvelles ou anticipées seront donc lancées.

Je souhaite tout d’abord qu’un retour d’expérience exhaustif des deux épisodes de canicule de 2019 soit réalisé. Il permettra de vérifier si le contexte législatif et réglementaire actuel est suffisant pour anticiper les impacts présents et à venir du changement climatique. Il permettra également d’analyser la façon dont le plan national canicule pourrait être étendu aux impacts autres que sanitaires selon les niveaux de vigilance de Météo France.

La question du confort d’été devra également être intégrée dans le champ des réflexions en cours sur la rénovation des bâtiments publics. Un kit d’information ainsi qu’un parcours de formation seront proposés aux nouveaux élus communaux et intercommunaux en 2020 dans le cadre de leur droit à la formation.

La prévention des risques naturels est évidemment un enjeu crucial. Bientôt dix ans après la tempête Xynthia, nous ferons un point des nombreuses actions conduites et de ce qui doit être renforcé dans un contexte de hausse accrue du niveau des mers que le récent rapport du GIEC a bien mis en valeur la semaine dernière. Je veillerai à ce que les moyens requis, qui bénéficient en premier lieu aux collectivités locales, acteurs majeurs de la prévention des risques, soient préservés, accrus si besoin, et utilisés le plus efficacement possible au travers du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, le FPRNM.

Enfin, pour les territoires de montagnes, nous allons finaliser un plan de prévention des risques d’origine glaciaire et périglaciaire.

Les suites du Livre bleu des outre-mer mettent en avant la question de l’encadrement des constructions pour diminuer la vulnérabilité aux cyclones.

Je souhaite aussi que la résilience de nos systèmes de transports, déjà dotés de plans de continuité, entre autres, à la SNCF et à la RATP, soit renforcée au niveau des infrastructures, des matériels et de la gestion des pics de chaleur.

Des actions sont conduites sur les réseaux électriques, tant pour les situations de forte chaleur que pour celles liées à des inondations. Un bilan sera utilement conduit pour voir si des accélérations sont nécessaires.

Et nous avons bien d’autres idées ; je ne les citerai pas maintenant, mais je pourrai le faire durant notre débat.

Je tiens à saluer la qualité du rapport présenté par MM. les sénateurs Dantec et Roux. C’est un sujet transversal qui concerne l’ensemble des ministères ; ils doivent naturellement être mobilisés, mais le Gouvernement ne pourra pas à lui seul réussir l’adaptation de la France au changement climatique. Je souhaite une mobilisation de tous les acteurs. Le rôle des collectivités territoriales, que ce soit à travers les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou les plans climat-air-énergie territoriaux, doit être rappelé et soutenu.

Il pourrait être utile de faire un point régulier sur ces aspects, par exemple en organisant un séminaire annuel à destination des collectivités locales et de leurs associations, ainsi que des parlementaires intéressés.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour réussir l’adaptation de notre pays au changement climatique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi quau banc des commissions.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. L’adaptation au réchauffement climatique est une nécessité que j’ai envie d’illustrer par un sujet concret.

Ce week-end, j’étais invité à la pendaison de crémaillère d’un logement particulièrement intéressant : un bâtiment comportant plusieurs logis, intégré dans son environnement, économe en foncier, écologique et local.

Ses matériaux sont issus du territoire : du bois de nos forêts, des blocs de chanvre pour les murs, de la terre issue des fondations pour les enduits et une toiture végétalisée intégrant des panneaux solaires et permettant la récupération d’eau. Ces matériaux biosourcés, trouvés sur place, peu chers, peu transformés, dont le bilan carbone est extrêmement faible, permettent de stocker des quantités de carbone considérables.

Ces logements passifs, grâce à une isolation performante qui procure un confort thermique inégalable été comme hiver, ne nécessitent pas ou peu de chauffage. Cette maison respire, son hygrométrie lui permet de rafraîchir et d’assainir l’air ambiant. Pas besoin de système de ventilation gourmand en énergie ni de climatisation.

Et si, demain, cette maison devait être démolie, elle retournerait là d’où elle vient, le sol ! Pas ou peu de déchets, puisque ces matériaux complètement biodégradables termineront leur cycle.

Pour l’alimentation, nous utilisons l’expression « du champ à l’assiette », ici, ce serait plutôt « du champ au logis », avec la création de formes architecturales propres à chaque territoire, s’éloignant de l’uniformisation qui a déjà gommé les spécificités de nos régions.

Ces habitations, madame la ministre, n’ont rien d’exceptionnel ; elles relèvent simplement du bon sens, principe qui est cher à cette assemblée. Et pourtant, ce type de construction est encore marginal. Il est nécessaire de lever les obstacles pour créer de véritables filières locales, faciliter la labélisation et la délivrance d’avis techniques pour ces matériaux, accompagner la mise en place d’une gestion durable de la ressource en bois, valoriser l’utilisation de la paille ou la culture du chanvre encore entravée par une réglementation absurde, ou encore adapter la formation des artisans en lien avec les besoins et les capacités de leur territoire plutôt qu’avec la standardisation des géants du BTP.

Il s’agit d’une réponse concrète et d’une politique sociale et écologique, une politique qui peut être développée à l’échelon local à condition que l’ingénierie et les moyens financiers soient disponibles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Développer des filières de matériaux biosourcés présente un intérêt évident, à la croisée des enjeux d’atténuation et d’adaptation, et la France avance sur ces sujets.

Par exemple, s’agissant du chanvre, nous sommes le premier pays producteur en Europe avec 50 % de la surface totale cultivée et 1 280 agriculteurs concernés. C’est une ressource très intéressante qui repose sur une agronomie saine, efficace et sans produits phytosanitaires et qui permet d’améliorer la capacité en eau des sols, en les fractionnant en profondeur. Le chanvre peut être utilisé à la fois pour l’alimentation, pour le béton avec ses tiges et pour l’isolation avec son enveloppe extérieure. Par ailleurs, cette production en circuit court fournit des emplois qui sont non délocalisables.

Je pense que la France pourrait se fixer l’objectif de devenir leader dans ce domaine. Je précise que l’État investit beaucoup pour les produits biosourcés : ainsi, 200 000 euros sont prévus dans le programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique.

La construction en bois présente aussi de nombreux atouts : c’est un levier de développement économique des territoires ruraux et forestiers qui permet de stocker du carbone, ce qui constitue un levier important pour nos objectifs de neutralité carbone.

C’est pourquoi la France s’est dotée, en 2017, d’un cadre stratégique pour l’ensemble de la filière au travers du programme national de la forêt et du bois qui précise les orientations stratégiques liées à la forêt et à l’ensemble de la filière bois. Les objectifs sont ambitieux : adapter les forêts au changement climatique, conserver le potentiel d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et sécuriser en qualité, en quantité et en régularité les approvisionnements en bois de l’industrie.

La nouvelle réglementation environnementale des bâtiments permettra de valoriser le stockage du carbone biogénique dans l’évaluation environnementale des bâtiments neufs.

Je pense que nous pouvons encore progresser en la matière et nous devrons suivre avec attention la mise en œuvre de ce programme.