M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Vous nous avez demandé, monsieur le ministre, dans quelle direction nous voulions aller. La réponse du Sénat a été très claire – nous en avons décidé ensemble. Vous avez parlé plusieurs fois de compétitivité ; ce que nous voulons, c’est sortir du modèle européen dans lequel on demande aux paysans français d’être en compétition avec les paysans des autres pays.
M. Daniel Gremillet. Il ne faut pas mentir aux paysans ni aux consommateurs ; il faut les rassurer, paysans et consommateurs, sur le fait que ce qui est décidé en France correspond bien à ce que les seconds auront dans l’assiette, et que c’est bien sur cette base-là que les premiers seront rémunérés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte de la ratification par les parlements nationaux d’accords commerciaux comme le CETA, l’Accord économique et commercial global, le débat proposé par nos collègues du groupe LR est bienvenu.
À quelles conditions le haut niveau d’exigences normatives demandé aux agriculteurs et aux industriels de l’agroalimentaire français peut-il contribuer au développement de nos exportations ?
C’est la question générale qui vous est posée, monsieur le ministre, et je voudrais l’illustrer à partir de certains enjeux du CETA.
Pour les producteurs et les industriels, la prise en compte des normes sanitaires et environnementales des produits échangés est fondamentale dans le modèle alimentaire européen. Elle est un facteur important de la compétitivité française.
Par exemple, s’agissant de la sécurité sanitaire et phytosanitaire et du respect du principe de précaution, les bovins, au Canada, sont nourris de fourrages composés notamment d’ingrédients interdits dans les élevages européens : des hormones, des farines animales, des antibiotiques activateurs de croissance et des OGM.
À cela s’ajoute le fait qu’une centaine de pays membres de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, ont appelé l’Union européenne, en juillet dernier, à reconsidérer son approche en matière de réglementation des pesticides, celle-ci étant jugée excessivement restrictive au commerce et considérée comme leur portant un préjudice disproportionné.
Même si l’Union européenne a rappelé que le niveau de protection de la santé de sa population ne pouvait être compromis, et que le principe de précaution devait être respecté, la tentation est forte de ménager les partenaires commerciaux, d’édulcorer ou de reporter des mesures ambitieuses pour la sécurité et la santé des consommateurs européens.
Afin de préserver et de développer les positions à l’export de l’agriculture et de l’agroalimentaire français, comment et sur quels points, monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il faire des concessions sans sacrifier les principes de qualité et de protection auxquels sont attachés nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, la volonté du gouvernement français, comme la vôtre, est à la fois de protéger le consommateur et de développer l’agriculture. On peut penser ce que l’on veut du principe de précaution, mais il doit être maintenu !
Aujourd’hui, il est interdit d’importer des animaux de l’étranger qui sont nourris avec des farines animales. Nous n’en importons donc pas, c’est absolument sûr, car nous effectuons des contrôles.
L’Union européenne interdit l’importation de viande traitée aux hormones. Si de la viande aux hormones entre sur notre territoire, c’est qu’il y a de la fraude et que nous ne sommes pas assez puissants.
M. Fabien Gay. Comment vous le savez ?
M. Didier Guillaume, ministre. Parce que nous effectuons des contrôles ! (M. Fabien Gay s’esclaffe.)
Mme Cécile Cukierman. On l’a vu !
M. Didier Guillaume, ministre. Oui, on l’a vu, et les contrôles fonctionnent très bien !
Il serait dommage que les parlementaires contribuent eux aussi à l’agri-bashing en affirmant que rien ne va et qu’il n’y a aucun contrôle !
Les denrées alimentaires ne doivent contenir aucun résidu de médicament vétérinaire. Nous nous efforçons là aussi d’effectuer des contrôles. Que l’on ne croie pas aux contrôles, c’est une chose, mais il est faux de dire qu’il n’y en a pas assez ! Chaque fois qu’une filière le demande, les services français réalisent des contrôles qui sont, évidemment, de nature documentaire, car on ne peut pas tout contrôler.
Vous m’avez interrogé sur les accords commerciaux et sur le CETA. Je n’ignore pas qu’il existe entre nous une divergence de fond ou de forme. Sans recommencer le débat dans son intégralité, le CETA a démarré sous Nicolas Sarkozy, il a été acté sous François Hollande et il est en train d’être validé sous Emmanuel Macron. Voilà la réalité, même si, aujourd’hui, tout le monde n’y est pas favorable.
Le CETA n’est pas encore mis en place, mais des accords avec le Canada existent déjà. En tout état de cause, nous nous efforçons de contrôler du mieux possible les denrées qui entrent en France. J’aurai l’occasion de le préciser tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. J’attire votre attention sur la participation de l’État français via le secrétariat général des affaires européennes au Codex alimentarius. On n’en parle jamais, mais cette affaire a son importance, car il s’agit d’un dispositif normatif qui touche à la qualité des produits agricoles et alimentaires.
J’attire également votre attention sur le risque que pourrait constituer la nouvelle gouvernance de la PAC en matière de subsidiarité dans le domaine du verdissement. Il existe en effet un danger d’accentuer la concurrence entre États membres de l’Union européenne, ce qui ajouterait de la difficulté à la difficulté.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, l’agriculture française souffre d’une concurrence que l’on peut qualifier de déloyale de la part de pays moins exigeants sur le plan tant social qu’environnemental. Une part bien trop importante de notre alimentation est importée, avec des conséquences sur la qualité des produits et sur les revenus de nos agriculteurs.
Pour autant, la réponse ne peut en aucun cas résider dans l’affaiblissement de notre réglementation qui protège à la fois la qualité de notre alimentation, notre environnement, mais aussi la santé tant des citoyens que de nos agriculteurs. Au contraire, je fais partie de ceux qui défendent le renforcement de ces exigences. Selon moi, une part de la solution à la problématique posée aujourd’hui réside dans la relocalisation de l’alimentation. Il s’agit d’une attente sociétale profonde, qui a besoin d’être soutenue et accompagnée par les pouvoirs publics.
Or on constate trop souvent des signaux allant dans le sens contraire. Le vote du CETA par l’Assemblée nationale en fait partie : les accords de libre-échange entraînent, on le sait, une course aux prix toujours plus bas et au moins-disant.
À l’opposé, les projets alimentaires territoriaux constituent, j’en suis convaincu, un outil efficace pour créer des dynamiques de relocalisation. Ces projets alimentaires territoriaux sont encore trop peu nombreux et souffrent d’un manque de moyens. Pourtant cette animation territoriale est plus que jamais nécessaire, notamment depuis que la loi Égalim a prévu un objectif de 50 % de produits de qualité et de 20 % de bio en restauration collective d’ici à 2022.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : dans le cadre du prochain projet de loi de finances, soutiendrez-vous une augmentation significative du budget des projets alimentaires territoriaux, notamment en vue d’atteindre les objectifs de la loi Égalim concernant la restauration collective ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, avec votre permission je dirai un mot, avant de vous répondre, à M. Montaugé sur le Codex alimentarius, dont j’ai oublié de parler tout à l’heure. En mars prochain, le comité du Codex alimentarius sur les principes généraux, que la France préside, se réunira de nouveau. Nous allons évidemment y travailler.
Monsieur Labbé, le Parlement votera ce qu’il votera, mais je ne soutiendrai pas lors du prochain projet de loi de finances une augmentation budgétaire sur ce sujet des projets alimentaires territoriaux. Je l’ai souligné l’année dernière, on donne déjà assez d’argent. On ne peut pas faire toujours plus : ce n’est pas avec plus d’argent que l’on avancera dans cette direction, mais c’est avec davantage de volonté !
Les projets alimentaires territoriaux peuvent très bien se mettre en place tels qu’ils ont été décidés dans la loi Égalim. Oui, il existe des difficultés. Certes, l’agriculture ne va pas toujours très bien. Mais, pour la troisième année consécutive, la France s’est vu décerner le prix de l’agriculture la plus durable du monde !
Combien de temps allons-nous battre notre coulpe et pleurer en disant que notre agriculture n’est pas bonne ? Pourquoi vouloir ajouter toujours plus de contraintes et de normes ? Notre agriculture est résiliente, elle est forte, elle doit aller plus loin, mais elle est aussi la plus durable du monde depuis trois ans ! Si nous ne le disons pas, comment allons-nous remonter le moral aux agriculteurs ?
Mme Sophie Primas. Elle n’est pas suffisamment rémunératrice !
M. Didier Guillaume, ministre. Clamons-le haut et fort : l’alimentation française est sûre, saine et tracée. Elle nous est enviée par l’Europe entière !
Pour rebondir sur l’intervention de M. Duplomb, nous ne voulons pas d’une agriculture pour les riches et d’une autre pour les pauvres. L’agriculture qui fournit l’industrie agroalimentaire est aussi bonne que l’autre. Il y a des circuits courts et il y a l’industrie agroalimentaire : chacun doit y trouver son compte et il importe surtout que, quel que soit le niveau de la chaîne, l’alimentation soit tracée. C’est bien le cas en France !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je suis déçu de votre réponse. Les projets alimentaires territoriaux sont des outils extraordinaires de relocalisation et ils ont besoin de moyens. (Marques d’approbation sur des travées du groupe SOCR.)
Si l’on veut limiter les importations, il faut gagner les marchés nationaux, en particulier les marchés locaux. Que nous importions plus de 40 % de notre consommation de viande de volaille alors que nous sommes un pays exportateur de volaille qui subventionne par de l’argent public de grands poulaillers-usines, cela ne tient plus. Soyons cohérents et donnons-nous les moyens de notre politique ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens sont aujourd’hui de plus en plus attentifs à leur mode de consommation. Ils souhaitent pouvoir contrôler et maîtriser les produits dans leur assiette, en connaissant leur provenance et leur mode de production.
L’étiquetage des produits a été une avancée considérable. Il a permis d’assurer une traçabilité effective selon des normes françaises et européennes. Il a également permis de sécuriser le consommateur dans ses choix.
Depuis quelque temps, les applications mobiles fleurissent parallèlement pour répondre à ce besoin d’information et de traçabilité. De consommateur à « consomm’acteur », la responsabilité sociale et environnementale de notre consommation est devenue un acte citoyen.
Grâce à des outils divers et variés, le consommateur s’émancipe des produits et des modes de vie que le marché avait pu concevoir pour lui. Il devient autonome dans ses choix et contribue in fine à la régulation de la société de consommation. Il devient un véritable acteur de marché.
Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : comment pouvons-nous accompagner nos agriculteurs et nos producteurs face à cette révolution numérique tout en respectant le choix du consommateur d’être informé ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, cette question sur l’alimentation est particulièrement importante. Nous avons deux tâches.
Premièrement, disons-le tout de go, il faut informer et éduquer le consommateur. Ce que je voudrais, c’est que les personnes qui écrivent des tribunes sur l’alimentation, lorsqu’ils poussent leurs chariots en grande surface, fassent le choix du patriotisme économique, du patriotisme alimentaire et du patriotisme agricole ! (M. Raymond Vall applaudit.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Bruno Sido. Eh non !
M. Didier Guillaume, ministre. C’est tout le travail que nous menons dans les lycées agricoles ; nous changeons l’ensemble des programmes, notamment sur l’alimentation qui est une donnée essentielle.
Deuxièmement, en admettant que les consommateurs veuillent bien faire acte de patriotisme, encore faut-il qu’ils puissent le faire ! Or, malheureusement, il n’y a pas assez d’informations sur les produits et l’étiquetage n’est pas suffisant. Nous avons évoqué ce problème au niveau européen et nous avons obtenu jusqu’en 2020 une expérimentation, notamment sur le miel. La France veut poursuivre ce travail à l’échelle européenne et à l’échelle nationale.
Je ne vais pas souvent faire les courses, à part en été, lorsque je suis en congé, mais j’ai pu constater comme tout le monde que l’octogone bleu, blanc, rouge sur les produits fabriqués en France ne signifie pas grand-chose. Si on lit l’emballage, la viande peut provenir de l’étranger, et on y a ajouté seulement un peu de sel et de poivre en France. Ce n’est pas acceptable !
C’est pourquoi le Gouvernement veut engager un grand travail sur l’étiquetage, en relation avec le Parlement. Ça va tanguer, je sais que tout le monde n’est pas d’accord, mais il faut que le consommateur soit informé et que l’agriculteur puisse dire qu’il ne soutient pas tel produit et qu’il défend plutôt tel autre, qui vaut peut-être 3 centimes de plus !
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour la réplique.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces informations. J’espère que tout le monde suivra. La traçabilité est aujourd’hui très importante pour le consommateur, mais elle doit aussi se faire en fonction des producteurs. Il importe que l’équilibre soit respecté.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de remercier notre collègue Laurent Duplomb de ce débat. Il y a deux faits d’actualité lorsqu’on parle d’agriculture. Le premier est la question de la libéralisation du secteur avec son pendant, la paupérisation accrue du monde agricole. Le second concerne le libre-échange.
Monsieur le ministre, vous êtes un fervent défenseur des traités de libre-échange. Vous l’étiez déjà quand vous étiez sénateur, vous l’êtes maintenant en tant que ministre de l’agriculture. D’ailleurs, je m’interroge, quand sera ratifié le CETA ? Il devait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 4 novembre. Or nous avons appris que ce ne serait plus le cas. Quelle en est la raison ? Le Gouvernement a-t-il senti que dans le monde agricole et la population française le débat est en train de prendre et que le texte pourrait être retoqué dans notre assemblée ?
Lorsqu’on parle de libre-échange se posent évidemment des questions sociales et environnementales. Mais les consommateurs se posent également la question de la traçabilité. Vous nous répondez par une fable : les contrôles seront suffisants. Sauf qu’en juillet dernier un rapport sénatorial sur l’affaire des « faux steaks », dont vous n’avez peut-être pas eu connaissance puisque vous ne nous avez pas répondu, pointait du doigt le fait que FranceAgriMer était dans l’incapacité de dire, dans le cadre d’un marché public passé par vos services, dans un marché intra-européen, avec une entreprise polonaise, si les 10 000 carcasses utilisées pour fabriquer ces steaks étaient polonaises, néo-zélandaises, brésiliennes ou canadiennes !
Comment espérez-vous nous faire croire que, demain, avec le libre-échange, avec treize traités internationaux, vous pourrez assurer la traçabilité de tous les produits ? S’agit-il d’une fable ou croyez-vous réellement à ce que vous nous racontez ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, j’y crois fermement !
Les applaudissements sur toutes les travées qui ont ponctué la fin votre intervention prouvent que vous êtes tous défavorables au CETA. Aujourd’hui, rien n’est encore signé. Pourtant, les problèmes sur lesquels vous mettez l’accent se posent déjà. Arrêtons donc de toujours nous faire peur !
Le Mercosur ne sera pas ratifié et j’ai le sentiment – il ne faut pas être grand clerc pour s’en apercevoir – que le Sénat ne devrait pas voter le CETA. Néanmoins, je le redis : tous les problèmes dont vous parlez existent déjà.
Certes, le groupe CRCE a toujours été opposé aux traités de libre-échange, mais les autres groupes y ont plutôt été favorables.
Mme Sophie Primas. Pas à n’importe quelles conditions !
M. Didier Guillaume, ministre. Exactement, il s’agissait de traités de libre-échange régulés. Mais la réalité est là : tout le monde est contre le CETA, sauf qu’une grande partie de votre hémicycle est favorable aux traités de libre-échange.
Les contrôles doivent se faire. En ce qui concerne les faux steaks, l’appel d’offres que vous évoquez n’est pas en cause et vous savez très bien que le ministère de l’agriculture n’est pas fautif. Nous sommes d’ailleurs en train de réétudier l’ensemble du système pour voir comment en passer un nouveau.
Je réagirai à ce qu’a dit tout à l’heure M. Duplomb : sur 3 113 lots d’animaux vivants contrôlés, 30 sont non conformes ; sur 39 583 d’origine animale, 315 ; sur 2 721 lots d’aliments pour animaux d’origine non animale, 4. Je pourrais continuer ainsi. Or votre rapport fait état de 25 % de produits non conformes.
M. Laurent Duplomb. Ce sont les chiffres de la Cour des comptes ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
M. Didier Guillaume, ministre. Vous n’avez pas toujours pris pour argent comptant les rapports de la Cour des comptes, monsieur Karoutchi !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Didier Guillaume, ministre. D’après mes services, les chiffres réels sont vingt fois inférieurs à ceux que vous citez : selon les contrôles effectués par le ministère de l’agriculture, les produits non conformes seraient de l’ordre de 1 %.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je ne formalise pas que vous préfériez répondre à mon collègue Laurent Duplomb plutôt qu’à ma question. (Sourires.)
Je partage une chose avec lui : la conviction que vous êtes en train de construire une agriculture et une alimentation à deux vitesses. Il y aura, d’un côté, ceux qui pourront se payer la montée en gamme et, de l’autre, la majeure partie des gens, c’est-à-dire ceux qui devront acheter à manger au prix le plus bas et dans les conditions environnementales les plus sévères.
Vous n’avez pas répondu sur le fond à ma question parce que vous savez que la traçabilité sera impossible à mettre en œuvre, d’autant que vous n’accordez que peu de moyens aux contrôles. C’est donc une fable que vous êtes en train de nous raconter. Nous ne voulons faire peur à personne, nous décrivons simplement ce qui se passe en réalité, y compris dans le marché intra-européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et LR.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y a bien un secteur où la France n’a pas à rougir d’être comparée à ses voisins, c’est bien l’agriculture. Notre pays est de loin le premier producteur de l’Union européenne pour la production tant végétale qu’animale. Nous devançons largement l’Allemagne et l’Italie, nos deux principaux compétiteurs européens.
L’image de l’agriculture française et de notre agroalimentaire est excellente à l’étranger. Elle contribue au rayonnement international de notre pays. Notre filière dégage depuis plusieurs décennies des excédents qui soutiennent notre balance commerciale, laquelle demeure malheureusement structurellement déficitaire. Comme l’aéronautique, la chimie et le luxe, la filière agricole donne à la France de solides arguments à faire valoir sur la scène internationale.
Cependant, cette position se fragilise et la situation se dégrade dangereusement. Alors que nous étions encore troisième exportateur mondial il y a quinze ans, nous avons rétrogradé à la sixième place. Ce recul s’articule en outre avec une augmentation continue et significative des importations, notamment intra-européennes. À ce rythme, la France pourrait connaître son premier déficit commercial agricole en 2023. C’est parfaitement impensable !
Il est urgent d’enrayer cette tendance avant que notre agriculture ne décroche pour de bon. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer la compétitivité de notre agriculture, et pour lutter contre les surtranspositions de normes européennes et les mesures franco-françaises qui freinent notre compétitivité ? À quand un choc de compétitivité pour soulager nos agriculteurs et leur permettre de lutter à armes égales avec leurs homologues européens ?
Nos agriculteurs n’ont pas peur de la compétition, mais ils veulent pouvoir concourir avec les mêmes règles ou à tout le moins avec des règles équitables ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – M. Yves Bouloux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Menonville, le Gouvernement n’a aucunement la volonté de surtransposer ni d’accrocher des boulets aux pieds des agriculteurs. Bien au contraire, nous voulons libéraliser le plus possible le secteur. Vous le voyez bien, sur tous ces sujets, entre deux questions qui se suivent, vous exprimez des positions totalement opposées !
Nous voulons donner des moyens fiscaux aux agriculteurs. Je l’ai évoqué tout à l’heure, nous avons décidé une baisse des charges sans précédent et des exonérations de TO-DE. Nous avons mis en place l’épargne de précaution et lancé le grand plan d’investissement.
Monsieur Duplomb, nous constatons effectivement que notre balance commerciale est en train de se dégrader. Le Président de la République nous a donc demandé de travailler à la mise en place du pacte productif, notamment pour les industries et les entreprises agroalimentaires, qui ont d’énormes problèmes à la fois en termes de recrutement et pour avancer.
Monsieur Menonville, notre volonté n’est pas de peser sur les agriculteurs. Nous voulons que la compétitivité soit la plus forte possible. Nous travaillons à l’échelle européenne afin que l’Europe monte en gamme dans la même direction que nous. Nous avons fait un pas sur les travailleurs détachés il y a un an et demi, alors que tout le monde prédisait que ce serait impossible. Nous devons à présent engager la deuxième étape en matière de travailleurs détachés. Notre objectif, évidemment, est de ne pas importer l’alimentation que nous ne voulons pas produire en France. C’est tout le sens des contrôles que nous effectuerons dans le cadre du CETA.
L’année dernière, 100 000 contrôles ont été réalisés. Certains pensent que c’est trop ; d’autres se plaignent que ce n’est pas assez. Pas moins de cent personnes sont occupées à cette tâche. Rien que pour le Brexit, nous avons inscrit cette année dans le projet de budget le recrutement de trois cents contrôleurs sanitaires supplémentaires afin d’éviter que n’entrent en France des produits que nous ne voulons pas. Que l’on ne me dise pas que nous n’effectuons pas de contrôles !
Mais il faudra encore du temps pour que la compétitivité soit la plus équitable possible à l’échelle de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la France était le second exportateur mondial de produits agricoles dans les années 1990, elle se place aujourd’hui à la sixième place. Les parts de marché détenues dans le monde sont passées de 7,7 % en 2000 à 4,8 % en 2015. Ainsi, la France affiche en dix ans le plus fort recul mondial ! Or certains concurrents européens directs de la France maintiennent leur position, tels que l’Allemagne et les Pays-Bas.
Je n’évoquerai pas le CETA ou le Mercosur. Je ne rappellerai pas les surtranspositions des normes en France ni les surcroîts de charges et de contraintes administratives subies uniquement par les Français. Je veux rappeler avec force le rôle primordial des consommateurs pour soutenir les agriculteurs, les éleveurs et les viticulteurs français. Même si la désinformation va grandissant entre l’agri-bashing et les approximations scientifiques des journalistes en herbe, les consommateurs doivent savoir que la France a la meilleure agriculture du monde !
L’indice de durabilité alimentaire a donné en 2018 à la France la note de 76,1 sur 100, ce qui place notre pays à la première place mondiale pour la troisième année consécutive !
La « ferme France » produit les meilleurs produits agricoles : informons les clients pour qu’ils les achètent ! J’ai par exemple signé la pétition européenne « Eat original » afin de rendre obligatoire la mention d’origine sur les produits alimentaires.
Enfin, j’estime que laisser à des produits étrangers, qui ne respectent pas les normes environnementales ou sociales imposées à nos agriculteurs, le libre accès à nos étals est une concurrence déloyale.
M. Michel Vaspart. Exactement !
Mme Françoise Férat. Si on joue au même jeu, mais pas avec les mêmes cartes, la partie est perdue. Seulement, il ne s’agit pas de jeu, car tous les deux jours un paysan français se suicide !
Monsieur le ministre, vous avez parlé d’informer et d’éduquer. Au-delà de l’enseignement agricole, quelle stratégie allez-vous adopter pour faire connaître aux consommateurs la performance et la haute qualité de l’agriculture française, et lui donner enfin la place qu’elle mérite ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.