M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Avant toute chose, j’aimerais de nouveau vous dire combien je suis heureuse, parce que j’estime qu’il y a des combats qui valent d’être menés, et qui méritent que l’on prenne du temps pour convaincre. C’est le cas de la consigne. Quand j’ai installé le sujet dans le débat au début de l’année 2018, nous n’étions que quelques-uns à y croire, aux côtés d’associations et de certaines entreprises engagées. Aujourd’hui, je vois que l’idée a fait son chemin, notamment au travers d’amendements sur lesquels je reviendrai. Je salue votre conviction en faveur des dispositifs de consigne pour réemploi et réutilisation. Je crois que c’est véritablement là que se situe l’avenir, mais il faut organiser la transition.
Je note que vous n’avez pas, à ce stade, une telle conviction pour les dispositifs de consigne pour recyclage. Pour autant, et c’est salutaire, certains d’entre vous ont accepté de reprendre à votre compte des garde-fous que le Gouvernement avait proposés contre des consignes pour recyclage « sauvages » qui seraient mises en place unilatéralement par des metteurs sur le marché. Ces garde-fous me paraissent très importants pour les collectivités et pour le service public de gestion des déchets.
Je compte continuer avec vous le travail après cette première étape, parce que je crois au bénéfice d’une consigne pour recyclage, comme une grande majorité de Français. Je sais que, malgré les sondages qui se succèdent, vous n’y croyez pas. Pourtant, j’ai la faiblesse de croire que c’est une réalité.
Mme Sophie Primas. Montrez-les-nous !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je le répète, ces garde-fous me paraissent très importants pour les collectivités et pour le service public de gestion des déchets.
Certains des sondages, madame la sénatrice, sont à la disposition du public ; ce n’est pas le Gouvernement qui les a commandés.
Mme Sophie Primas. Vous m’avez dit le contraire !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous en avons commandé, mais Ipsos en a réalisé aussi très récemment.
Je crois que, au regard des expériences à l’étranger, ce dispositif est le plus efficace pour atteindre les hauts niveaux de performance écologique que nos concitoyens exigent.
À terme, si nous ne changeons rien, année après année, de façon marginale, effectivement, je crois que le système public de gestion des déchets pourrait arriver à des niveaux satisfaisants, mais le niveau d’exigence de nos concitoyens a radicalement changé au cours de ces quelques derniers mois. Si on ne touchait rien, on pourrait sans doute y arriver par paliers successifs, mais je pense que nos concitoyens nous demandent plus, et s’ils nous demandent plus, d’autres répondront à leurs attentes.
Faisons en sorte que les collectivités soient au cœur du jeu. C’est pourquoi, je le répète, je compte continuer avec vous le travail après cette première étape.
On constate à l’étranger de hauts niveaux de performance écologique. Là où le réemploi n’est pas possible, car il n’est pas possible pour tous les types d’emballage, tant que les usages n’ont pas changé et que certains substituts n’ont pas été inventés, nous devons agir, parce que nous ne pouvons pas tolérer que, a minima – en prenant les chiffres les plus conservateurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est-à-dire les vôtres ! – 200 millions de bouteilles en plastique se retrouvent chaque année dans la nature, sans parler des canettes en plastique, des briques. Elles peuvent se retrouver dans la nature non seulement en France, mais aussi en Indonésie, en Malaisie ou ailleurs. Nos compatriotes ne veulent plus de cela. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Il y a d’autres choses dont ils ne veulent plus !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je crois qu’ils veulent trouver les moyens d’éviter cela. Si c’est nécessaire, ils le feront sans les collectivités locales, et c’est profondément regrettable. (Mêmes mouvements.) Tel n’est pas le souhait du Gouvernement.
Néanmoins, je salue avec force la volonté qui nous anime tous dans cette assemblée de trouver des solutions pour améliorer la collecte des emballages.
Je regrette que le Sénat passe à côté de cette occasion majeure de défendre les collectivités face à un changement qui va s’opérer sans elles, et de répondre aux aspirations des Français. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Non, mesdames, messieurs les sénateurs,…
M. Pierre Ouzoulias. Arrêtez ! Les aspirations des Français, c’est la fin du plastique !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … je ne veux pas mettre en péril le service public de gestion des déchets pour les bouteilles en plastique, qui ne représentent que très peu de déchets au total.
Vous accusez le Gouvernement de vouloir mettre en péril le service public de gestion des déchets… (Exclamations sur différentes travées.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Comme tous les autres !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je vous l’ai déjà dit, et je le répète, ce service public de gestion des déchets n’est pas mis en péril par la consigne. Ses règles de financement restent inchangées. C’est écrit dans la loi, depuis la loi Grenelle I de 2009. C’est repris dans la directive Déchets de 2018. Je propose de réaffirmer dans ce projet de loi anti-gaspillage, au moyen d’un amendement à l’article 9, que, bouteille en plastique ou non dans le bac jaune, l’éco-organisme doit contribuer à hauteur de 80 % des coûts nets optimisés de la collecte et du traitement des emballages.
Ce sont les soutiens de la filière REP qui constituent l’essentiel des recettes des collectivités sur les emballages en plastique. Ces soutiens subsistent, pour la raison que j’ai mentionnée à l’instant. Consigne ou pas consigne, l’éco-organisme doit participer, parce que la loi française et une directive européenne l’y obligent, et parce que nous voulons – si ce n’est pas au Sénat, ce sera dans un autre cénacle (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – l’inscrire dans la loi de nouveau.
L’article 8, que nous aurions dû examiner avant celui-ci, constitue un renforcement des soutiens.
Moi, je suis comme vous, j’ai en horreur cette société caractérisée par la prolifération de la pollution plastique. Oui, je pense utile de dire que nous souhaitons la disparition progressive du plastique, mais, en attendant, il faut quand même collecter ces déchets.
Je le répète, d’après vos chiffres, qui sont bien moins élevés que les miens, 200 millions de bouteilles se retrouvent chaque année dans la nature en France. Et on ne devrait rien faire contre cela, en se disant : « Ce n’est pas grave, on attend et on finira bien par y arriver un jour ». Certes, mais moi, je ne peux pas aller voir les Français et leur dire : « Mesdames, messieurs, un jour, on y arrivera ! » Non ! Il faut leur donner des gages pour qu’ils sachent que l’on va accélérer, d’autant que les collectivités ne perdront pas un euro, puisque c’est déjà dans la loi ; c’est déjà la réalité.
D’autre part, dans ce texte, et nous allons en discuter, il y a énormément pour lutter contre la pollution par le plastique, et je suis sûr que vous allez apporter de meilleures idées pour lutter contre sa prolifération. Nous allons en discuter. Nous allons assigner ces objectifs à toutes les filières REP, en commençant par réformer leur gouvernance. Collectivement, nous allons être bien plus exigeants à leur égard, pour qu’elles fassent exactement ce pour quoi elles se sont engagées. Nous avons toute une série de mesures à ce sujet dans le texte, et vous allez les enrichir, je n’en doute pas.
Par exemple, la modulation de l’éco-contribution en fonction de la prise en compte ou non de l’impact environnemental des emballages. Entre parenthèses, cette expression peut être galvaudée et il faut faire très attention à la façon dont on l’utilise. Pour faire simple, plus un emballage pollue, plus l’éco-contribution versée par le producteur devra être élevée. Cela fait partie des mécanismes que nous mettons en place. Nous l’avons voté hier, comme l’accélération du développement du vrac, la lutte contre le suremballage, l’interdiction des plastiques superflus. Tout cela, nous l’avons construit ensemble, et nous allons continuer.
En attendant, on ne peut pas se satisfaire qu’il y ait 200 millions de bouteilles en plastique dans la nature, se dire que cela ne fait rien, attendre en pensant qu’un jour on y arrivera bien… (Exclamations.)
Mme Sophie Primas. Ça suffit !
Mme Jocelyne Guidez et M. Pierre Cuypers. On n’est pas au théâtre !
M. Claude Kern. Arrêtez !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Pour conclure, je suis défavorable à tous les amendements, sauf…
M. Pierre Ouzoulias. C’est la même chose depuis deux jours !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous m’avez dit vous-même que c’était une loi communiste, alors écoutez…
M. Pierre Ouzoulias. Moi, je vous ai dit ça ?
M. Pierre Ouzoulias. Nous ne sommes pas dans le même camp et nous ne le serons jamais. Moi, j’ai des convictions politiques !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je suis défavorable à tous les amendements, sauf à l’amendement n° 596 rectifié, qui reprend une mesure de l’amendement gouvernemental, et aux amendements nos 15 rectifié ter de Mme Loisier, 55 rectifié bis, 266 rectifié, qui est absolument similaire à l’amendement proposé par le Gouvernement, concernant ce que nous appelons la déconsignation du bac jaune. (Mme Cécile Cukierman s’esclaffe.)
J’ai du mal à comprendre comment on peut être contre la consigne pour recyclage, et déposer en parallèle un amendement tendant à réguler la consigne pour recyclage. En tout cas, je suis très satisfaite d’une chose : malgré les contradictions apparentes, nous atterrissons sur le même résultat.
Par ailleurs, je serais tentée de soutenir les amendements nos 432 rectifié, 503 rectifié et 131, mais leur adoption risque de rendre tous les autres sans objet, donc je propose leur retrait.
M. Jean-François Husson. On n’a rien compris !
M. le président. Comme vient de le dire Mme la secrétaire d’État, l’adoption de certains de ces amendements en rendrait d’autres sans objet. Je propose donc que les explications de vote interviennent amendement par amendement, sinon nous risquons de débattre pendant deux heures sans savoir au bout du compte qui vote pour quoi !
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la secrétaire d’État, comme nous sommes appelés à passer encore quelques heures ensemble, il faudrait que vous abandonniez assez vite le registre de la caricature ou de l’invective. Sans cela, nous ne pourrons pas travailler sereinement. Il s’agit d’un sujet sérieux qui mérite que nous fassions preuve de respect mutuel.
Alors que votre projet a notamment pour conséquence de faire perdre, chaque année, 150 millions d’euros aux collectivités locales et 200 millions d’euros aux consommateurs, vous dites vouloir protéger les collectivités locales. Et vous le dites devant le Sénat, qui est la chambre des collectivités locales ! C’est de la provocation. Et je ne parle même pas des 400 millions d’euros qui sont remis en cause pour ce qui concerne la mise aux normes ou la construction de centres de traitement… Je trouve que tenir de tels propos n’est ni raisonnable ni honnête.
De même, vous déclarez avoir horreur des déchets et que l’on ne peut pas ne rien faire – je vous cite –, sous-entendant que nous, nous ne voudrions rien faire contre les déchets en plastique.
M. Jean-François Husson. Mais c’est ce que nous avons compris !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Or c’est tout le contraire !
Le travail réalisé en commission et dans l’hémicycle depuis le début de l’examen du projet de loi vise justement à donner beaucoup plus d’ambition à un texte focalisé sur la consigne pour recyclage.
Je rappelle que, dans cet hémicycle, nous avons adopté, en début de semaine, des mesures aux objectifs très clairs. Je rappelle que, en commission, nous avons pris des mesures fortes pour lutter contre le suremballage. Nous avons également pris des mesures fortes pour lutter contre les plastiques hors foyer.
Quant à vous, vous vous focalisez sur le recyclage de la bouteille en plastique, qui représente 1 % des déchets ménagers et à peine 10 % des déchets plastiques, et vous venez nous donner des leçons ! Je veux vous dire que cette attitude est proprement insupportable.
Si nous ne sommes pas favorables à la consigne pour recyclage, ce n’est pas pour vous embêter ! C’est parce que nous pensons qu’un tel dispositif est contre-productif sur le plan écologique, tout simplement parce qu’il légitime l’usage du plastique. On a bien vu que l’institution d’une telle consigne en Allemagne avait entraîné une augmentation de 60 % du recours au plastique à usage unique. Cela montre bien les effets pervers de la mesure que vous proposez ! De grâce, cessez de caricaturer et d’invectiver.
À propos de cette consigne pour recyclage, j’aimerais savoir si vous la subissez ou si vous la désirez. La question vous a été posée à plusieurs reprises – par M. Bigot, par Mme la rapporteure –, mais nous ne parvenons pas à connaître votre position à ce sujet. Vous avez, sur ce point, un langage qui varie selon les jours et les interlocuteurs.
Le projet de loi initial n’apportait aucune précision sur cette consigne. Il prévoyait seulement que le Gouvernement pourrait prévoir, par décret, une consigne, sans que l’on sache sur quoi ni comment. Nous avons ensuite découvert que vous vouliez cette consigne pour le seul recyclage des bouteilles en plastique. Puis vous avez déclaré ne pas tenir tant que cela à cette consigne, avant de déposer un amendement qui revenait en arrière, d’affirmer que vous pourriez retirer cet amendement, puis que vous pourriez le sous-amender… Finalement, vous venez le défendre devant nous et vous essayez de faire passer à certains sénateurs des sous-amendements visant à amender votre dispositif…
Cette attitude est tout sauf honnête ; elle est tout sauf transparente. Vraiment, je ne crois pas qu’on puisse travailler dans ces conditions. J’aimerais que cessent la caricature et les invectives et que vous nous disiez si, oui ou non, vous pensez que la consigne pour recyclage est quelque chose de positif. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bruno Retailleau. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je note avec satisfaction que les membres du groupe Les Républicains ont évolué sur la question du plastique. Auparavant, ils nous reprochaient régulièrement de verser dans le plastique bashing. Je me félicite de leur mobilisation à ce sujet.
La consigne nous pose une difficulté. Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, que nous ne traitons pas le problème des 200 millions de tonnes de bouteilles en plastique qui, chaque année, ne sont pas collectées. Mais votre système de consigne ne garantit en aucun cas que ces bouteilles soient précisément celles qui seront prises en charge !
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous risquez de déstabiliser le service public pour modifier un flux qui est déjà pris en charge, sans vous occuper vraiment de flux qui, eux, ne sont pas traités.
« Pourquoi voudrais-je d’un système qui ne va pas dans le bon sens ? », nous demandez-vous. Sauf que la fragilisation du service public et des collectivités locales est tout de même une constante de l’action de votre gouvernement ! Au reste, j’ai le souvenir d’un ministre de l’écologie qui a quitté le Gouvernement voilà plus d’un an parce qu’il trouvait que le rôle des lobbies était trop important. On peut se demander si ce n’est pas au même problème que nous nous trouvons aujourd’hui confrontés dans cet hémicycle.
Votre système permet finalement aux industriels dont le modèle économique repose sur la bouteille jetable de répondre aux questions qui leur sont posées par une pirouette qui ne résoudra pas le problème principal que constituent les emballages en plastique et qui leur permettra de retomber sur leurs pieds.
Nous ne pouvons y souscrire. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Sur la forme, je dois dire que je suis atterré. Le débat est surréaliste : on ne répond pas aux questions que nous posons ou l’on y répond indirectement en suggérant que le savoir et la vérité se trouvent du côté de Mme la secrétaire d’État.
Nous sommes des élus locaux. Nous avons tout de même une certaine expérience de terrain ! La plupart d’entre nous ont été maires ou présidents d’intercommunalité. À ce titre, nous savons ce que c’est que gérer des déchets, c’est-à-dire mettre en place une collecte, un tri sélectif auquel nos concitoyens ont accès, des déchetteries, équilibrer un budget… Or on nous dit de manière indirecte que nous ne savons rien faire. C’est purement insupportable.
Par ailleurs, comme l’a dit le président de la commission, vous fragilisez vous-même les collectivités territoriales avec une mesure qui ne règle que 1 % du problème, mais qui a un impact terrible sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou même sur les redevances qui ont été mises en place, avec un coût encore plus élevé pour les consommateurs. Avec votre système, c’est le consommateur final qui va payer et c’est malheureusement le distributeur qui réalisera un double bénéfice !
Nous ne pouvons donc évidemment pas voter l’amendement que vous nous proposez.
En revanche, nous sommes tout à fait solidaires de ce que nous a proposé Mme la rapporteure en commission.
Notre collègue Joël Bigot reprendra la parole tout à l’heure pour insister sur le fait qu’il est véritablement inadmissible de conduire un débat dans ces conditions.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’ai dit dans mon intervention sur l’article 8 bis que, finalement, cette mesure était certainement guidée par une affaire de gros sous. À vous écouter, tant sur le fond que sur la forme, à en juger par un certain nombre de termes et d’expressions que vous avez utilisés, j’en suis de plus en plus convaincue.
Vous semblez vouloir incarner le combat contre la pollution plastique. Mais, ici, personne n’est pour la prolifération du plastique ! Il n’y a que des sénateurs qui, dans leur diversité, attirent votre attention sur d’autres propositions que la vôtre. Permettez-moi de penser qu’en démocratie on peut faire des propositions alternatives à celles du Gouvernement ! En l’occurrence, il s’agit de lutter contre la pollution plastique sans remettre en cause les revenus des collectivités ni leur capacité de fait à agir réellement et directement, conformément à leurs missions.
Je suis assez surprise. Depuis le début des débats ce mardi, nous n’avons pas toujours voté dans le même sens. Il y a parfois eu des surprises dans les votes, comme pour tout grand texte de cette nature. Cela dit, je trouvais que le débat était plutôt respectueux, y compris entre le Sénat et le Gouvernement.
Or vous venez de faire la démonstration que la question de la consigne pour recyclage était un point de clivage. D’ailleurs, votre discours et votre posture ont complètement changé.
Le Gouvernement n’a pas d’injonction à donner au Sénat. Toutefois, vous vous permettez de dire que si nous n’acceptons pas votre dispositif, celui-ci sera voté « dans d’autres cénacles »… Je crois que cela en dit long sur votre vision du travail parlementaire et du bicamérisme dans notre pays ! (Applaudissements sur toutes les travées, sauf sur celles du groupe La République En Marche.)
Depuis un peu plus de deux ans, on voit se multiplier les faits du prince. Dans Le Prince, justement, Machiavel écrivait que la fin justifiait les moyens. Or, même dans la lutte contre la pollution, qui est devenue un grand enjeu de société, avec ce que certains appellent « le septième continent », emblème de la pollution à l’échelle mondiale, la fin ne justifie jamais les moyens ! Le débat démocratique doit être respecté et les représentants des territoires que nous sommes doivent être écoutés.
Monsieur le président, nous voterons l’amendement n° 432 rectifié. Nous avions d’ailleurs déposé un amendement identique à un article suivant.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour explication de vote.
M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, nous en sommes arrivés à ce que vous avez vous-même désigné, lors de votre audition devant la commission, comme étant le symbole de ce projet de loi, à savoir la consigne.
Comme vous le savez, le groupe socialiste et républicain s’oppose à la consigne pour recyclage – il n’est pas le seul à le faire –, qui est un non-sens écologique. Je ne reviendrai pas sur les nombreux arguments qui ont été avancés pour vous en convaincre.
Je tiens cependant à évoquer avec vous les multiples interrogations que suscite votre amendement, tel qu’il est rédigé.
Tout d’abord, avouez qu’on peut être quelque peu surpris et désarçonné par les nombreux changements de pied qui sont intervenus. Depuis des mois, vous défendez la consigne pour recyclage. Lundi, devant la fronde légitime que suscite cette mesure, vous sortez de votre chapeau un amendement contenant un nouveau dispositif, aux concours très flous. Puis on a vu quelques tentatives en vue de faire adopter des sous-amendements censés répondre à nos craintes, mais dans lesquels vous précisez qu’ils « laissent la possibilité de mettre en place un dispositif de consigne volontaire pour recyclage ».
Madame la secrétaire d’État, je le répète, la consigne pour recyclage du plastique n’aura d’autre effet que de perpétuer le modèle du tout-plastique ! Voyez les résultats que donne cette consigne dans les pays où elle a été mise en œuvre. Comme M. Maurey l’a dit tout à l’heure, son introduction en Allemagne, par exemple, a conduit à une augmentation de 60 % de la production de plastique.
Madame la secrétaire d’État, pour des raisons environnementales, nous ne voulons pas de la consigne !
Vous maintenez dans votre amendement le système de compensation financière des collectivités, censé répondre à nos inquiétudes. Nous parlons toujours de cet aspect du sujet, mais la dimension environnementale, elle, est absente !
Enfin, les deux derniers alinéas visent la responsabilité des seuls industriels dans la définition de l’implantation des dispositifs de déconsignation, sans concertation avec les collectivités gestionnaires des déchets et sans possibilité pour ces dernières de s’y opposer.
Vous évoquez un simple avis des régions, qui n’ont pas la charge de la collecte séparée des déchets.
Vous donnez les clés de la maison de l’aménagement du territoire aux industriels. Je suis curieux de savoir où ces derniers installeront leurs automates ! Je fais le pari qu’on les trouvera dans les zones denses, mais certainement pas en zone rurale.
Bref, vous le comprendrez, votre dispositif improvisé pose beaucoup trop de questions pour que nous puissions le soutenir. N’oublions pas les objectifs que nous devrions tous partager lorsque nous parlons d’économie circulaire : la réduction de nos déchets et une consommation sobre de nos ressources.
Accorder une telle place à la consigne pour recyclage, dispositif anti-écologique promu par Coca-Cola et d’autres, dans un projet de loi censé promouvoir un nouveau paradigme environnemental envoie un très mauvais signal aux Français. (Mmes Martine Filleul et Michèle Vullien applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Nous assistons effectivement à un débat quelque peu surréaliste, à la fois sur la forme et sur le fond. En réalité, ce débat traduit un certain degré d’impréparation ou plutôt une concertation non aboutie avec les différents acteurs en amont sur cette question emblématique de la consigne.
Je voudrais simplement rectifier quelques éléments.
Bien sûr, nous sommes tous sensibles au problème de la pollution plastique dans les océans. Je rappelle simplement que 90 % de cette pollution provient de deux continents – les continents africain et asiatique – et de dix fleuves bien identifiés et que la France n’y contribue heureusement que très peu.
En outre, vous parlez de 200 millions de bouteilles qui seraient dans la nature. C’est une contre-vérité : si ces 200 millions de bouteilles ne sont effectivement pas dans les filières de collecte ou de traitement, elles se retrouvent dans les poubelles grises avec les autres déchets destinés à être enfouis ou incinérés. (Mme la secrétaire d’État le conteste.) On peut le regretter, mais ces bouteilles sont bel et bien traitées ailleurs.
Comme je l’ai dit lors la discussion générale, plutôt que la consigne, j’aurais souhaité que l’on mette en place une politique plus vertueuse, encourageant très fortement les collectivités à mettre en œuvre la redevance incitative. Les performances qui résulteraient d’une telle politique seraient suffisamment importantes pour que l’on n’ait pas à mettre en œuvre la consigne.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Madame la secrétaire d’État, vos tentatives d’explication et de justification de cette fausse consigne me laissent pantois.
Je veux proposer un autre récit que l’histoire que vous nous contez en prétendant défendre nos concitoyens et de nos collectivités. Ce récit est simple : Coca-Cola, Danone et consorts sont assis sur un modèle économique exceptionnel, puisqu’ils vendent 1 euro des bouteilles qui leur reviennent à 3 centimes pour ce qui concerne le plastique et à 2 centimes pour la boisson en tant que telle.
Il y a moins d’une dizaine d’années, ces acteurs ont été extrêmement inquiets des conséquences du plastique bashing pour leur modèle économique. Ils ont alors eu un coup de génie : rendre la bouteille en plastique écologique, afin de maintenir le modèle économique et peut-être même de le développer, d’où cette fausse consigne. C’est exceptionnel… sauf que la bouteille vaudra alors 1,20 euro au lieu de 1 euro et que le consommateur devra retourner au supermarché dans son véhicule diesel pour y apporter sa bouteille en plastique, quand il pouvait jusque-là la déposer dans le génial et citoyen sac jaune. Bref, il paiera une seconde fois, puisque le coût lié à la collecte de ses ordures ménagères augmentera.
Pour ma part, j’appelle cela une arnaque et un hold-up de nos concitoyens !
M. Olivier Jacquin. Madame la secrétaire d’État, je trouve votre tentative d’explication maladroite. Il y a une véritable collusion de votre gouvernement avec de grands intérêts privés, comme on l’a vu dans d’autres dossiers – je pense à Aéroports de Paris, à l’ubérisation et, aujourd’hui, à Danone.
Vous vous trouvez jeune ? Pour ma part, je trouve que votre politique est tout à fait digne de l’ancien monde, du XXe siècle néolibéral.
Si vous croyez véritablement en votre fausse consigne, dites-nous que, pour développer ces automates de ramassage, les supermarchés devront avoir l’autorisation des collectivités territoriales compétentes en matière de collecte d’ordures ménagères.