M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, sur l’article.
M. Jacques Genest. Je voterai contre les amendements de suppression de l’article 6, qui ne changera pas grand-chose, car il y a très longtemps que l’État emploie du personnel non titulaire.
Quoi qu’il en soit, il convient d’introduire plus de souplesse au niveau des collectivités. Aujourd’hui, les maires sont confrontés à de nombreuses contraintes financières. Il leur est donc parfois difficile d’embaucher du personnel titulaire. Je n’ai d’ailleurs pas trop apprécié les propos de notre collègue Pascal Savoldelli, qui a parlé de clientélisme et de corruption…
En tout état de cause, aucun maire n’abusera du recours à la contractualisation. Il s’agit uniquement d’introduire un peu plus de souplesse. Je suis personnellement très attaché aux concours, car c’est à mes yeux le mode de recrutement le plus juste. Pour autant, dans bien des situations, l’emploi d’un contractuel peut s’avérer utile. La petite commune de 800 habitants que j’ai gérée pendant trente ans comptait trois classes d’école, donc trois assistantes maternelles titulaires. L’État m’a supprimé un poste. Comment trouver un autre emploi pour cette personne qui avait toutes les qualités requises ? Elle a fait preuve de bonne volonté, acceptant d’accomplir d’autres tâches, mais la loi devrait permettre, quand l’État supprime un service, une certaine compensation. En effet, si je n’avais pas trouvé d’emploi de substitution, j’aurais dû continuer à verser un salaire pendant des années.
Il me semble donc que la contractualisation peut constituer une solution dans certains cas, à condition de ne pas vouloir exploiter son personnel !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 296 rectifié est présenté par MM. Canevet, Moga et Médevielle, Mme Goy-Chavent et MM. Longeot et Laugier.
L’amendement n° 500 est présenté par M. Lafon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié.
M. Jean-François Longeot. Il s’agit d’un amendement déposé par mon collègue Michel Canevet. L’article 6 du projet de loi prévoit d’encadrer le recrutement de contractuels sur emploi permanent pour favoriser la transparence. Les recrutements seront prononcés à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics dont les modalités, qui peuvent être adaptées au regard du niveau hiérarchique, de la nature des fonctions ou de la taille de la collectivité ou de l’établissement dont relève l’emploi à pourvoir et de la durée du contrat, seront fixées par décret en Conseil d’État. Il n’est donc nul besoin d’imposer de nouvelles procédures, les employeurs devant garder toute latitude en la matière. Il apparaît pour le moins paradoxal de vouloir durcir l’encadrement des conditions de recrutement des agents contractuels au moment où le Gouvernement entend justement leur ouvrir largement l’accès à la fonction publique.
Pour tous ces motifs, il convient de supprimer la mesure envisagée.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour présenter l’amendement n° 500.
M. Laurent Lafon. Il vient d’être brillamment défendu par M. Longeot ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Dans sa rédaction adoptée par la commission, l’article 6 du projet de loi a pour seul objet d’imposer la règle suivant laquelle, dans la fonction publique d’État, nul ne peut être recruté sur un emploi contractuel dont la création ou la vacance n’a pas été préalablement publiée.
Cette règle est déjà satisfaite, dans les deux autres versants, par la publication systématique de toutes les créations et vacances d’emplois. Je ne puis donc qu’être défavorable à l’amendement n° 22.
Quant aux amendements nos 296 rectifié et 500, l’intention de nos collègues est satisfaite, puisque la commission des lois a entièrement réécrit l’article 6 pour supprimer le renvoi à un décret en Conseil d’État censé définir la procédure de recrutement d’agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique et ne maintenir que l’obligation, pour l’État, de publier préalablement la création ou la vacance des emplois qu’il entend pourvoir par voie de contrat. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements qui, je le rappelle, sont identiques ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Effectivement, monsieur le président, ces trois amendements sont identiques, mais les raisons qui motivent leur dépôt ne le sont pas.
Mme Assassi et son groupe veulent supprimer l’article 6, qui organise le recrutement d’agents contractuels et a pour objectif d’en professionnaliser les conditions, parce qu’ils sont opposés à l’extension des possibilités de recours aux contrats.
À l’inverse, l’intention de MM. Lafon et Longeot, en présentant les deux autres amendements de suppression, est d’alléger les conditions et l’organisation des recrutements de contractuels pour accompagner l’élargissement des conditions d’ouverture au contrat. Ils visent donc un objectif diamétralement opposé à celui de Mme Assassi.
L’article 6 vise à encadrer les procédures de recrutement de contractuels. Le Gouvernement souhaite faciliter le recours à des contractuels. Par conséquent, il ne peut qu’être défavorable à tout amendement de suppression de l’article.
De la même manière, pour des raisons assez différentes de celles évoquées par Mme la rapporteur, je demande le retrait des amendements nos 296 rectifié et 500, considérant qu’il y a un intérêt, notamment pour garantir le principe d’égal accès à l’emploi public, à ce que des dispositions soient prévues pour encadrer le recrutement des contractuels. Mme la rapporteur l’a souligné, la commission des lois du Sénat a fait le choix de réécrire l’article et de supprimer le renvoi à un décret pour les trois versants de la fonction publique. Or c’est une disposition à laquelle nous sommes attachés, car nous considérons que l’élargissement des conditions de recours aux agents contractuels dans les trois fonctions publiques doit être accompagné de cette garantie de l’égal accès à l’emploi public pour tous les agents, et donc d’une procédure qui, à défaut d’encadrer et de corseter les procédures de recrutement, pose un certain nombre de fondamentaux. J’y reviendrai dans un instant.
Dans l’attente, je suis défavorable à ces trois amendements, mais je ne demande le retrait que des amendements nos 296 rectifié et 500, car j’ai cru comprendre que Mme Assassi souhaitait maintenir l’amendement n° 22.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. Bruno Sido. Justement, madame Assassi, c’est tout particulièrement à vous que je souhaitais m’adresser ! (Sourires.) Je suis tout à fait pour le droit d’amendement, qui est un droit imprescriptible. Néanmoins, je note que tous vos amendements visent à faire des procès d’intention, en l’occurrence au Gouvernement.
Mme Éliane Assassi. Oh !
M. Bruno Sido. Mais si ! J’ai lu l’objet de votre amendement dans lequel vous affirmez que vous êtes opposés à la contractualisation de la fonction publique. Mais il ne s’agit pas du tout de cela ! Avez-vous lu l’article 6 issu des travaux de la commission ? Rien de surprenant donc que les séances durent un temps infini et qu’au Gouvernement et au plus haut de l’État on s’en agace ! Cet amendement n° 22 – pas les deux autres, car je suis d’accord avec ce que vient de dire M. le secrétaire d’État – ne relève peut-être pas de l’obstruction, mais au minimum du procès d’intention !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. J’ai bien entendu les arguments de la commission et je vais retirer mon amendement. Cependant, j’ai noté que nous examinerons juste après ces trois amendements identiques un amendement du Gouvernement, qui vise à réintroduire dans l’article tout ce qui y a été supprimé par la commission. J’imagine que nous en débattrons en commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, madame la rapporteur, j’espère que vous tiendrez bon sur la ligne que vous avez défendue il y a quelques secondes.
M. le président. L’amendement n° 500 est retiré.
Monsieur Longeot, l’amendement n° 296 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié est retiré.
La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Malgré toute la sympathie que j’ai pour Mme Assassi, son amendement ne présentait d’intérêt que si la commission n’avait pas réécrit l’article.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Didier Marie. Or la nouvelle rédaction présentée par la commission réduit fortement le périmètre initial de la contractualisation, puisqu’elle vise à prévoir que le recrutement de contractuels sera « subordonné à la publication préalable de la création ou de la vacance de ces emplois ».
Nous l’avons souligné dans la discussion générale, nous sommes très opposés à la généralisation des contrats, mais nous sommes aussi conscients que le recours au contrat correspond à une réalité dans les différentes fonctions publiques, qui emploient environ 20 % de contractuels. Cette pratique peut d’ailleurs se justifier sous un certain nombre de conditions dont nous débattrons par la suite.
En tout état de cause, l’actuelle rédaction de l’article 6 ne nous pose pas de problème majeur. Nous ne soutiendrons donc malheureusement pas l’amendement n° 22.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je souhaite apporter une clarification avant d’en revenir à notre discussion. Notre collègue Sido nous a interpellés…
M. Bruno Sido. Gentiment !
M. Pascal Savoldelli. Oui, et ma réponse sera également très apaisée. Je vous donne lecture du rapport : « L’article 6 du projet loi a pour objet de subordonner le recrutement d’agents contractuels pour pourvoir des emplois permanents de l’État et de ses établissements publics à la publication préalable de la création ou de la vacance de ces emplois. » Nous ne sommes peut-être pas d’accord, mais nous ne sommes pas non plus hors sujet !
Je poursuis ma lecture : « Dans sa rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, l’article prévoyait la définition par décret en Conseil d’État d’une procédure de recrutement d’agents contractuels sur des emplois permanents propre à garantir l’égal accès aux emplois publics, dans les trois versants de la fonction publique. »
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Pascal Savoldelli. Pour en revenir à mon intervention précédente, ce que je voulais dire c’est que la généralisation de la contractualisation de la fonction publique pouvait entraîner du clientélisme. Mais comme je ne veux pas verser de l’huile sur le feu, je retire mon propos sur la corruption. En revanche, je maintiens ce que j’ai dit sur le clientélisme en matière d’emplois contractuels, car nous y avons tous été confrontés. Ayons l’honnêteté de le reconnaître devant le peuple français !
M. Bruno Sido. Dont acte !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Comme je l’ai précisé hier dans la discussion générale sous le contrôle du président Bas, je ne suis pas du tout d’accord avec notre collègue Sido qui semble laisser entendre que ces amendements sont en dehors des clous. Il me semble au contraire qu’ils sont dans le sujet.
Je ne suis pas non plus d’accord avec lui quand il dit que le Gouvernement a raison de trouver que nous n’allons pas assez vite. Comme plusieurs orateurs, j’ai indiqué hier dans la discussion générale que les conditions de travail sur ce texte avaient été particulièrement mauvaises. Je précise, puisque visiblement l’expression de mon agacement a manqué sa cible, que je ne mettais pas en cause le président Bas ou les rapporteurs, dont j’admire le travail dans ces conditions particulièrement difficiles. Je voulais simplement dire que, au vu du calendrier serré qui nous est imposé, il n’est pas possible de produire un travail parlementaire de qualité. Nous avons besoin d’une procédure parlementaire qui nous donne le temps de respirer et qui nous permette de mener des auditions pour enrichir le débat. Tel n’a pas été le cas sur ce texte. Je le répète, cet état de fait n’est imputable ni au président de la commission ni aux rapporteurs. Bref, le Gouvernement a tort : nous allons largement assez vite, car nous essayons de faire du bon travail parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. le président. À toutes fins utiles, je précise que nous avançons cet après-midi à plus de dix-huit amendements à l’heure, ce qui est un bon rythme…
La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. J’évoquerai un ministère que je connais bien, et qui est celui qui emploie le plus de contractuels. Je veux dire à nos collègues du groupe CRCE que nous sommes tous attachés au principe du concours, qui est le fondement du recrutement de la fonction publique, car il est un symbole d’équité et de transparence. C’est même un des fondements de notre République, comme l’a rappelé Jacques Genest avec force.
Mais il faut regarder les réalités en face : si le ministère de l’éducation nationale ne recrutait pas de contractuels dans certaines disciplines ou dans certaines académies, le système ne fonctionnerait plus. Les concours existent, mais les postes ne sont pas pourvus faute d’un nombre suffisant de candidats !
Par ailleurs, le Gouvernement a raison de vouloir encadrer le recrutement des contractuels. Je constate en effet que, dans certaines académies, on utilise ce recrutement pour contourner le système des concours, ce qui est détestable. Sur ce point, mon cher collègue, vous avez raison. On ne peut pas dire, en revanche, que le Gouvernement encourage le recours aux contrats au sein de l’éducation nationale. Simplement, si ces recrutements n’avaient pas lieu, il n’y aurait tout simplement pas d’enseignants devant les élèves.
M. Laurent Lafon. Très juste !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je veux bien entendre qu’il y a des réalités qui s’imposent. Mais, justement, pourquoi ne pas se demander pour quelles raisons le système ne fonctionne pas ?
Vous nous dites, mon cher collègue, que c’est notamment parce qu’il n’y a pas assez de candidats aux concours. Or il est une question qu’on n’aborde pas ici et qui me paraît pourtant centrale,…
M. Jérôme Durain. C’est celle de l’attractivité !
Mme Éliane Assassi. … c’est celle de l’attractivité sans doute, mais en particulier par les salaires.
On ne peut pas dire que les salaires proposés dans les catégories les plus basses des trois fonctions publiques, particulièrement dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, soient attrayants et de nature à attirer les candidats à ces postes.
M. Bruno Sido. C’est exact !
Mme Éliane Assassi. Cette question de fond, personne ne veut l’aborder, que ce soit à l’occasion du présent projet de loi ou d’autres textes. C’est un sujet tabou !
M. le président. L’amendement n° 398, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article.
Le I de l’article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’exception des emplois supérieurs relevant du décret mentionné à l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, leur recrutement pour pourvoir des emplois permanents est prononcé à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics. Un décret en Conseil d’État prévoit les modalités de cette procédure, qui peuvent être adaptées au regard du niveau hiérarchique, de la nature des fonctions ou de la taille de la collectivité territoriale ou de l’établissement public ainsi que de la durée du contrat. L’autorité compétente assure la publicité de la vacance et de la création de ces emplois. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme je l’ai indiqué précédemment en réponse aux amendements de suppression, le Gouvernement avait prévu dans le texte initial qu’un décret puisse définir les procédures de recrutement des agents contractuels. Cette disposition peut apparaître comme une mesure d’encadrement, et votre commission l’a considérée comme superfétatoire et trop rigide. Je tiens pourtant à souligner l’objectif que nous poursuivons et les raisons qui nous ont conduits à intégrer une telle disposition au texte.
Plus nous ouvrons – et c’est ce que nous faisons – les possibilités de recourir à des agents contractuels, plus nous devons prévoir les voies et moyens permettant de garantir l’égalité devant l’emploi public prévue à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Ainsi, nous avons pris un certain nombre de dispositions réglementaires, parmi lesquelles le décret du 28 décembre 2018, qui met en place un espace numérique commun aux trois versants de la fonction publique, avec une obligation de publicité des offres d’emplois vacants, qu’il s’agisse de postes de titulaires ou de contrats de plus d’un an. Par ce même décret, nous avons établi que la publicité devait être d’une durée minimale d’un mois. Ce délai nous permettra aussi de constater l’absence de candidature de titulaires et d’autoriser, si cela est possible, le recours à des agents contractuels lorsqu’il n’y a pas d’indifférenciation au recrutement de tels agents.
J’ai entendu un certain nombre d’interrogations et j’ai pris connaissance des travaux de votre commission sur le sujet. Les employeurs territoriaux, notamment, peuvent craindre que ces procédures ne soient trop rigides. Cela me donne l’occasion de préciser ce que nous envisageons d’intégrer dans le décret en matière d’encadrement de ces procédures de sélection.
Nous souhaitons poser des principes extrêmement simples, à savoir que les postes rendus publics doivent faire l’objet d’une fiche de poste, qu’il faut un délai minimum de publicité – cela est déjà inscrit dans le décret du 28 décembre 2018 – ou qu’un même jury doit auditionner l’ensemble des candidats, ce qui est une garantie de l’égalité devant l’emploi public. Ce dernier principe n’obère en rien la possibilité d’avoir des jurys organisés de manière parfois un peu déconcentrée – Mme la rapporteur connaît parfaitement ce système – : il peut y avoir un jury unique, mais avec des sections différentes lorsque les candidats sont extrêmement nombreux.
Nous souhaitons également préciser quelles sont les pièces nécessaires à l’établissement d’un dossier de candidature ou comment formaliser les exigences en matière de formation.
Nous préciserons aussi dans le décret – cet élément peut être de nature à rassurer les membres de votre commission et, à travers eux, les employeurs territoriaux – que les procédures de recrutement de contractuels doivent être adaptées à la taille de la collectivité ou de l’établissement qui recrute. Il serait évidemment impensable de prévoir les mêmes procédures de recrutement pour une collectivité accueillant 500 équivalents temps plein et pour celle en comptant moins de 10 ou de 20.
Je m’y engage, le décret n’a pas vocation à formaliser une procédure unique et notre objectif n’est pas de corseter. Nous voulons simplement au travers de quelques points – l’égalité devant le jury, la publicité des emplois vacants, la formalisation d’une fiche de poste… – faire en sorte que cette ouverture du recours aux contrats se fasse dans le respect du principe d’égalité devant l’emploi public, tel qu’il est défini à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous avons besoin de la loi pour prendre le décret précisant ces modalités et d’un décret pour prévoir les procédures les plus adaptées aux conditions dans lesquelles les employeurs recrutent.
Ce décret est par ailleurs nécessaire si nous voulons que le Conseil constitutionnel, à l’occasion soit d’un examen du projet de loi, soit d’une question prioritaire de constitutionnalité, puisse être convaincu que ce principe constitutionnel d’égalité devant l’emploi public est respecté, quand bien même nous ouvrons largement les possibilités de recours aux contrats. C’est la raison pour laquelle je sollicite le rétablissement de ces dispositions et, donc, la possibilité de prendre un décret pour encadrer, ou tout au moins mieux définir, les procédures de recrutement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La rédaction que vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, aurait pour seul effet juridique d’habiliter le Premier ministre à réglementer cette procédure de recrutement dans la fonction publique territoriale. En effet, le Premier ministre n’a besoin d’aucune habilitation législative pour réglementer la procédure de recrutement visant à pourvoir les emplois permanents de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière. Par conséquent, seule serait concernée la fonction publique territoriale.
Si le principe d’égal accès aux emplois publics s’applique au recrutement d’agents contractuels tout autant que de fonctionnaires, il appartient selon nous aux autorités locales de définir la procédure appropriée de recrutement de leurs agents contractuels pour garantir l’effectivité de ce principe, en tenant compte des moyens dont elles disposent, du niveau hiérarchique des emplois concernés, de la nature des fonctions et de la durée du contrat.
Nous pensons que l’élargissement du recours aux contrats prévus dans le projet de loi, qui est beaucoup plus modéré dans la fonction publique territoriale que dans la fonction publique de l’État, ne justifie pas que les procédures soient alourdies. Jusqu’à présent, les employeurs territoriaux ont bien su recruter leurs contractuels.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je confirme l’analyse de Mme la rapporteur : pour ce qui concerne les fonctions publiques de l’État et hospitalière, il n’y a pas lieu de prendre une telle habilitation. Je la rejoins aussi lorsqu’elle dit que jusqu’à présent les employeurs territoriaux ont, dans leur immense majorité – écartons quelques cas litigieux, c’est la nature humaine… –, respecté ces procédures.
L’ouverture des conditions de recours aux contrats, notamment pour les emplois de direction, m’amène à considérer que cet encadrement est nécessaire. J’ajoute que sur votre initiative, madame la rapporteur, la commission a exprimé la volonté d’ouvrir encore plus largement le recrutement de contractuels sur emplois permanents dans la fonction publique territoriale. Vous avez en effet adopté une disposition visant à l’élargir à la catégorie C, qui représente 70 % des effectifs de cette fonction publique. Si la disposition que vous avez adoptée devait être maintenue, la fonction publique territoriale ira encore plus loin en termes de volume que dans les deux autres versants de la fonction publique – je dis bien en termes de volume, et non de responsabilités occupées.
Par ailleurs, l’augmentation du recrutement de contractuels rend nécessaire, selon nous, une procédure formalisant celui-ci. Il ne s’agit pas de dire que les employeurs ne sont pas capables d’arrêter des procédures, mais de garantir, par une procédure dont certains points seraient partagés a minima, que le principe d’égalité devant l’emploi public s’applique à la fois pour l’emploi offert par un employeur à un instant T et, de manière plus générale, pour l’accès à l’emploi contractuel dans la fonction publique territoriale, puisque tel est le champ du décret que nous envisageons.
Je le redis, nous avons la volonté que cet encadrement soit adapté à la taille des collectivités territoriales et qu’il soit minimal, bien que nécessaire, pour ce qui concerne la formalisation d’une fiche de poste, la durée de la publicité ou encore l’unité du jury qui recevra les candidats.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Au travers de votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, vous réservez expressément la catégorie des emplois supérieurs de l’État, ce qu’on appelle les « emplois supérieurs laissés à la discrétion du Gouvernement ». Par analogie, on pourrait considérer que les emplois de direction des collectivités locales sont également à la discrétion de l’autorité politique, car ces emplois supposent qu’existe une confiance,…
M. Bruno Sido. Exact !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … par exemple pour la mise en œuvre de la politique municipale ou départementale.
Actuellement, les recrutements contractuels sont possibles dans les communes de plus de 80 000 habitants. Votre texte abaisse ce seuil à 40 000 habitants, ce qui ne change pas la face du monde. S’agissant de la question de principe soulevée par votre amendement, elle doit à mon avis être traitée via le raisonnement analogique que je viens de faire. Bien entendu, la préoccupation de l’égal accès aux emplois publics existe pour l’autorité de nomination, mais on n’est pas obligé de mettre en concurrence des candidats et de constituer un jury lorsqu’il s’agit de recruter de hauts fonctionnaires territoriaux. Même si le seuil est abaissé, ce qui, je le redis, ne change pas la face du monde, il n’y a pas de raison de changer la règle actuelle.
Puisque le renvoi à un décret n’est pas nécessaire pour les fonctions publiques de l’État et hospitalière, nous pourrions tout simplement adopter un parti de confiance – celui-là même qui est actuellement respecté dans les communes de plus de 80 000 habitants – pour les communes dont le nombre d’habitants est compris entre 40 000 et 80 000. Nous ne sommes pas dans un autre univers que celui que nous avions jusqu’à présent !
Si l’on nous présentait une réforme considérable visant à généraliser les recrutements de contractuels, je comprendrais qu’il faille trouver par décret quelques garanties pour s’assurer que le principe d’égal accès aux emplois publics soit mis en œuvre. Mais nous ne sommes pas dans ce cas ! Nous examinons une ouverture limitée des recrutements contractuels, qui ne justifie pas de mon point de vue, en contrepartie, qu’un décret vienne limiter dans un nouveau domaine la liberté d’action des élus locaux.